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SOURCES NARRATIVES

« ANNALES RODENSES »

Le manuscrit original des Annales Rodenses se trouve à la Bibliothèque Royale de Berlin. Bethmann et Wattenbach l'ont édité dans les M. G. H. SS., t. 16, p. 688 et suiv.

Balau donne de cette oeuvre une appréciation enthousiaste:

Rédigée par un moine de l'abbaye de Rolduc de 1148 à 1152 et reprise de cette date à 1157, elle retrace avec soin et minutie, au moyen des documents authentiques conservés dans le chartrier, les actes des différents abbés du monastère et les donations dont celui-ci a été gratifié. On ne peut donc douter de la bonne foi et de l'exactitude de son auteur.

Oppermann, en 1920, devait jeter le froid sur cet optimisme. Établissant une corrélation entre les chartes de Rolduc qu'il considère fausses et les Annales, il place la rédaction de celles-ci en 1175-1177. Elles n'auraient donc de valeur, comme source historique, que pour l'histoire du domaine de Rolduc pour ces années-là et seraient inutilisables pour retracer l'histoire des acquisitions de l'abbaye de Rolduc entre 1152-1157.

M. P.-C. Boeren a consacré un chapitre d'un récent ouvrage à accentuer la thèse d'Oppermann, en se servant comme argument d'un domaine appartenant à l'abbaye de Saint-Jacques et dont Rolduc percevait la dîme.

Les Annales Rodenses mentionnent et décrivent un autre domaine que Saint-Jacques vendit à Rolduc. C'est à ce titre que les Annales Rodenses constituent une source pour l'histoire du ; domaine de Saint-Jacques.

Pour démontrer la fausseté d'une charte qui place cette vente en 1147, Oppermann lui oppose le témoignage des Annales Rodenses qui la recule à l'année 1151.

S'il y a vraiment corrélation entre les Annales Rodenses et les chartes de Rolduc, comment expliquer cette divergence que le moins habile des faussaires se garderait bien de commettre? Oppermann a senti le point faible de son argumentation. Pour y remédier, il ajoute que, pour fabriquer la charte de 1147, on s'est servi, comme sources, d'actes de donations qui sont utilisés aussi dans les Annales Rodenses, mais que le faussaire des chartes a souvent remanié le contenu de ses sources pour le mettre en accord avec les circonstances.

L'opinion d'Oppermann est défendable si l'on songe que, en cas de contestation, le témoignage d'une charte primait celui d'une relation écrite. Mais quand le diplomatiste hollandais affirme que les Annales Rodenses sont désormais inutilisables pour la période qu'elles prétendent envisager, nous ne voudrons invoquer, pour apporter une modération à cette thèse outrancière, que son propre témoignage. Il écrit en effet: '

1° Que la charte de 1147 relate des accroissements qui eurent lieu en 1151;

20 Que les Annales Rodenses ont utilisé pour les fragments faux, des actes authentiques de donations.

Oppermann juge donc le témoignage des Annales Rodenses au moins une fois véridique. Par bonheur, il s'agit précisément de la description d'un ancien domaine de l'abbaye de Saint-Jacques, et il est à présumer que le rédacteur a trouvé mention de ce domaine dans un acte authentique de donation.

Cela suffit donc pour qu'on puisse invoquer ce passage des Annales Rodenses comme source pour l'histoire du domaine de Saint-Jacques.


ANSELME DE LIEGE

Les Gesta episcoporum Leodiensium d'Anselme forment la suite des Gesta d'Heriger de Lobbes et débutent à partir de la mort de saint Remacle (vers 667). Koepke les a édités dans les M. G.H.SS., t. 7.

La biographie d'Anselme reconstituée par Balau a été rectifiée par Sproemberg.

Il est né vers 1015-1017 de parents nobles, vraisemblablement à Cologne, et non à Liège, comme le veut Balau. Il eut comme marraine Ida, abbesse de Sainte-Cécile de Cologne.

Il vint à Liège en 1041, comme doyen de Saint-Lambert. Ses souvenirs personnels commencent à cette date: il assistait, à la fin d'août 1042, à l'intronisation de Wazon, sur l'épiscopat duquel il s'est particulièrement étendu. On peut placer sa mort au début de 1056, pendant le voyage de Robert, moine de Saint-Jacques, en Espagne.

C'est entre 1052-1056 qu'il rédigea son oeuvre (mention d'hérétiques condamnés en décembre 1051).

Sproomberg attribue une grande valeur à Anselme comme source historique, bien qu'il lui fasse le reproche d'avoir traité trop hâtivement les prédécesseurs immédiats de Wazon.

Anselme, dit-il, se signale par sa clarté, il sait éviter la sécheresse des Annales. De même qu'il combat fables et légendes par une critique exercée, il évite aussi les fautes de goût dans le style. Son oeuvre n'est pas pour lui matière à de beaux discours, mais elle est faite de chair et de sang.

En quoi l'oeuvre d'Anselme constitue-t-elle une source pour l'histoire du domaine de Saint-Jacques?

Aussi longtemps que l'on a placé la rédaction de la Vita Baldrici vers 1053-1054, les Gesta d'Anselme, contemporains de la Vita Baldrici, furent considérés, pour l'épiscopat de Baldéric II et les débuts et les premières dotations de l'abbaye de Saint-Jacques, comme un résumé très condensé de la Vita Baldrici.

Les rectifications de M. Niermeyer tendent plutôt à faire des Gesta d'Anselme une source indépendante de la Vita.

Quant à M. Lays, s'il avoue ne pouvoir démontrer d'une manière irréfutable l'antériorité de la Vita sur Anselme, il estime cependant qu'il serait imprudent de sous-estimer la valeur des présomptions qui favoriseraient ce jugement.

Aussi avons-nous cru pouvoir maintenir la dépendance traditionnelle de la chronique d'Anselme par rapport à la Vita. Cependant, nous assignons une grande importance au fait qu'Anselme a entretenu des relations très intimes avec l'abbaye de Saint-Jacques. C'est lui, par exemple, qui, en 1055, décida l'abbé à choisir le moine Robert pour aller en Espagne chercher des reliques de Saint-Jacques. Anselme est donc très bien placé pour prendre connaissance des origines de l'abbaye. Aussi avons-nous préféré son témoignage lorsqu'il donne, des motifs de la fondation de Saint- Jacques, une explication plus satisfaisante que le récit dramatique et grandiloquent de la Vita Baldrici.

Anselme est enfin une source de l'histoire du domaine de Saint-Jacques pour les premières dotations de Baldéric. Il ne détaille pas ces dernières, mais le jugement d'ensemble qu'il porte sur l'importance de la dotation de Saint-Jacques par l'évêque constitue un utile contrôle de la Vita Baldrici et de la charte épiscopale de 1016 pour Saint-Jacques.


BOUXHON

Né à Marchienne-au-Pont, le 22 juin 1637, élève des Jésuites de Liège et de l'Université de Cologne, Nicolas-François Bouxhon entra en 1651 à l'abbaye de Saint-Jacques dont il fut élu abbé le 1er février 1695.

Balau a consacré sa réputation de bibliothécaire-bibliographe en recourant constamment à la Summa omnium quae in inferiori bibliothecae sancti Jacobi continentur, que Bouxhon écrivit vers 1667, pour rédiger son étude sur la bibliothèque du monastère.

Ce travail est le catalogue des manuscrits et des imprimés conservés à Saint-Jacques. Chaque volume est soigneusement décrit, opuscule par opuscule, quelquefois page par page, et Bouxhon pousse même le scrupule jusqu'à reproduire les annotations, marginales ou terminales, de caractère historique contenues dans certains manuscrits. Grâce à lui on sait, par exemple, que le n° I.27 renfermait, au verso du feuillet 136, une indication relative à un domaine mosellan de Saint-Jacques, dont il recopie le début. Ce renseignement est d'autant plus intéressant qu'il nous livre sur le bien des détails inédits, qui complètent la description générale du diplôme de 1136.


FISEN

Barthélemy Fisen, né à Liège en 1591, entra dans la Compagnie de Jésus en 1610 et se consacra à l'étude de l'histoire de sa ville natale. C'est ainsi qu'il écrivit une histoire du Pays de Liège de l'an 600 avant Jésus-Christ à la mort du prince-évêque Ernest de Bavière en 1612. Quelle est la valeur de cette oeuvre?

S'il reproduit souvent, pour les temps héroïques, la plupart des fables traditionnelles que l'on rencontre dans toutes les chroniques liégeoises depuis Jean d'Outremeuse, il est certain, d'autre part, qu'il n'a pas négligé de recourir, à l'occasion, aux archives des établissements religieux dont il était amené à relater la fondation ou un événement important de leur histoire. C'est le cas, par exemple, pour le prieuré de Saint-Léonard dont il parle dans le récit des événements de la principauté à la fin du XIe et au début du XIIe siècle. A cette époque, Saint-Léonard fut cédé par son fondateur à Saint-Jacques. Fisen ajoute en marge de sa narration qu'il en a puisé les éléments dans les archives du prieuré.

Encore faudrait-il vérifier la sincérité de cette assertion.

Or, nous disposons d'un excellent point de comparaison puisque le chartrier de Saint-Jacques renferme la charte par laquelle l'évêque Otbert confirme en 1112 à l'abbaye la possession du prieuré. On s'aperçoit aussitôt que Fisen a lu ce document, car il lui emprunte textuellement certaines expressions caractéristiques. Dès lors, on peut également avoir toute confiance dans l'exactitude des autres faits qu'il est seul à rapporter concernant les débuts du prieuré de Saint-Léonard.

Non seulement le passage de Fisen constitue une source excellente pour cette partie du domaine de Saint-Jacques, mais son témoignage est unique pour les origines du culte de saint Léonard dans la principauté de Liège.


« FUNDATIO ECCLESIE SANCTI ALBANI NAMUCENSIS »

Le récit de la fondation de la collégiale de Saint-Aubain de Namur a été rédigé par un chanoine de la collégiale en 1067, trois ans après la mort de son fondateur, Albert II, comte de Namur.

Il a fait l'objet d'une édition critique d'Holder-Egger, M. G~ H. SS., t. 15, p. 962 et suiv.

La valeur du témoignage de ce récit est précieuse pour l'histoire de la collégiale namuroise, puisque son auteur fait partie du chapitre de la collégiale et qu'il écrit une vingtaine d'années seulement après la fondation de celle-ci en 1047.

Il constitue une source de l'histoire du domaine de Saint-Jacques en relatant un échange de biens effectué entre l'abbaye liégeoise et le chapitre. Il n'en mentionne pas la date, mais comme la teneur de la même transaction figure dans la charte de Saint-Jacques de 1067, ce détail a permis à M. F. Rousseau de placer après 1067 la rédaction du récit de la Fundatio, détermination plus précise que le repère chronologique de Balau.

La comparaison des données de la charte et du récit est pleine d'intérêt, puisque les deux documents sont indépendants et contemporains l'un de l'autre. Leur accord sur les lignes générales de l'échange et même une légère discordance de détail en garantissent la réalité.


LAMBERT LE PETIT

Moine de l'abbaye de Saint-Jacques, annotateur des Annales Sancti Jacobi, Lambert le Petit a composé à leur suite une chronique, depuis 1173 jusqu'à sa mort en 1194. Pour les événements du monastère, il donne des renseignements très secs, mais précis. Il est une source pour notre sujet en décrivant, dans un court paragraphe, l'oeuvre domaniale de l'abbé Dreux (1155-1173).


MARTENE ET DURAND

Quels titres possèdent les deux éditeurs du XVIIIe siècle pour constituer une source de l'histoire du domaine de Saint-Jacques ?

L'abbé Balau nous en fournira l'explication. Parlant de la Chronique de Saint-Laurent rédigée peu avant 1106 par Rupert, moine de Saint-Laurent et futur abbé de Deutz, il nous apprend que cette oeuvre est perdue et qu'il n'en reste que des fragments:

Au témoignage de Renier, Rupert y racontait la fondation, les progrès et les malheurs de Saint-Laurent, depuis le règne d'Éracle jusqu'à celui d'Otbert. La chronique fut d'abord reproduite en abrégé, dans un ouvrage en cinq livres, composé au XIIe siècle, sur les évoques de Liège. De cette histoire des évêques de Liège, il n'existait plus, au XVe siècle, que les deux derniers livres, où se retrouvait en abrégé la chronique de Rupert. Adrien d'Oudenbosch écrivit une nouvelle chronique du monastère, dans laquelle il reproduisit les deux livres de l'histoire de Liège. Il possédait encore l'ouvrage original de Rupert, car il note que la chronique des évêques rend mot pour mot, quoique avec abréviation de certains détails, le récit fait par Rupert sur la fondation de Saint-Laurent. Adrien d'Oudenbosch complète ses prédécesseurs d'après d'autres sources, telles que Renier, Sigebert et Gilles d'Orval. Or, non seulement nous avons perdu le texte de Rupert, mais nous ne possédons plus ni son abrégé dans la chronique de Liège, ni même aucun manuscrit d'Adrien d'Oudenbosch, Il ne nous reste que l'édition de ce dernier, publiée par Martène et Durand, d'après un manuscrit existant encore de leur temps. Le travail de Rupert nous arrive, par cette voie, notablement transfiguré, à travers loi abréviations du chroniqueur de Liège, les interpolations d'Adrien d'Oudenbosch et peut-être d'autres altérations.

C'est dans l'édition de Martène et Durand que figure la mention d'un échange de biens conclu entre les abbayes de Saint-Jacques et de Saint-Laurent. Comme Wattenbach ne le reproduit pas dans son édition de l'oeuvre de Rupert, expurgée des interpolations, comme il est impossible de déterminer à qui on doit le passage et qu'il se peut même qu'on le doive à un autre qu'Adrien d'Oudenbosch, il est plus logique, pour la facilité du classement, de procéder comme si Martène et Durand en étaient les auteurs puisqu'ils sont, en tant que premiers éditeurs d'une oeuvre composite, les premiers à le faire connaître.

La mention de l'échange entre les deux abbayes liégeoises n'est pas seulement intéressante pour l'histoire du domaine, elle permet de dater le texte d'une charte épiscopale inédite qui nous est conservé par une copie non datée du XVIe siècle et qui relate la même transaction. La teneur du passage dans l'édition des deux savants bénédictins prouve que son rédacteur a utilisé la charte originale perdue.


NECROLOGE DE L'ABBAYE DE SAINT-JACQUES A LIEGE (Fragment)

Ce fragment de nécrologe couvre les folios 52 et 53 de l'obituaire du chapitre de Saint-Materne conservé aux Archives de l'État à Liège.

Il fut signalé d'abord en 1868 par Stanislas Bormans qui ne chercha pas à déterminer son origine. En 1899, U. Berlière le citait dans son Inventaire des obituaires belges. Il ne se prononçait pas non plus sur sa provenance, mais avançait le nom de l'abbaye de Saint-Laurent. Un examen plus approfondi lui permit, dans la suite, de reconnaître que le document provenait de l'abbaye de Saint-Jacques. En effet, il contenait mention de biens et de revenus appartenant au domaine de ce monastère.

Le savant bénédictin le publia en 1931 sous le titre: Fragment d'un nécrologe de l'abbaye de Saint-Jacques à Liège.

Le fragment concerne les obits du 10 au 13 mars, du 30 mars et du 2 avril. Il est distinct de l'obituaire mentionné dans le catalogue de la vente de la bibliothèque de l'abbaye en 1788.

Constatant deux couches d'écriture et la mention de personnages dont on connaissait la date de décès, Berlière place la transcription de la première couche dans le dernier quart du XIIe siècle.

Comment l'obituaire peut-il être utilisé comme source de l'histoire du domaine de Saint-Jacques?

Des ecclésiastiques ou des laïcs ne figurent dans le nécrologe que parce que leur monastère ou leur collégiale, pour les premiers, est uni à Saint- Jacques par les liens de confraternité et, pour les seconds, parce qu'ils ont obtenu une participation dans les prières des moines. Cette catégorie ne bénéficie que d'une brève mention. On ne peut rien ou presque rien en retirer pour l'histoire du domaine.

Une catégorie plus intéressante est constituée par des bienfaiteurs dont on signale des dons en espèces. Mais l'on ne peut connaître avec certitude si cet argent constitue le revenu d'un domaine ou un prêt conditionnel qui a servi à acheter un domaine.

La troisième et dernière catégorie de bienfaiteurs peut seule nous fournir des renseignements utiles, par exemple: l'évaluation du revenu d'un bien dont on situe l'emplacement, donné par un bienfaiteur dont on cite le nom. Il y en a une dizaine, et ce sont justement des donateurs qui ne figurent pas dans les chartes de Saint-Jacques que nous avons conservées.

Nous avons renoncé à essayer de replacer, en raison de la trop grande brièveté des notices, ces donations dans l'évolution du domaine. Mais leur nombre élevé, pour six jours seulement, nous permet de supposer que les donations qui nous sont connues par les chartes actuellement conservées de l'abbaye, sont loin de représenter toutes les manifestations de l'activité temporelle et de l'influence sociale du monastère. C'est un fait qu'il ne faudra pas perdre de vue au cours de notre exposé.


RENIER DE SAINT-JACQUES

Trois oeuvres composent les Annales de Saint-Jacques de Liège:

1° Les Petites Annales de Saint-Jacques, de l'an I à 1174;
2° Les Annales de Lambert le Petit, de 988 à 1193;
3° Les Annales de Renier de Saint-Jacques, de 1066 à 1230.

Publiées d'abord par L. C. Bethmann dans les M. G. H. SS., t. 16, pp. 362-680, leur édition fut revue en 1874 par J. Alexandre (publication n° 12 de la Société des Bibliophiles liégeois). Les Petites Annales ne peuvent être utilisées pour l'histoire du domaine de l'abbaye dont elles ne parlent pas, mais seulement pour fixer la chronologie des abbés de Saint-Jacques.

Les Annales de Lambert le Petit, moine de l'abbaye, constituent une source pour l'histoire du domaine sous l'abbé Dreux (11551 1 73)

Le prieur Renier, qui a continué l'oeuvre de Lambert le Petit, est une personnalité marquante de l'abbaye. Son ouvrage est un document historique de toute première valeur dont l'intérêt déborde largement le cadre des événements de l'abbaye. On saisira tout de suite l'importance de son témoignage pour l'histoire du domaine de Saint-Jacques, quand on saura qu'il constitue la source unique pour toute la période de déclin du domaine. C'est lui qui, pendant la crise finale, défend les intérêts du monastère contre l'incapacité ou les agissements scandaleux de ses derniers chefs: tout le soin et tous les soucis du recours à l'autorité pontificale reposèrent sur lui. Bref, le tableau qu'il nous trace, année par année, de la vie temporelle de l'abbaye de Saint-Jacques, c'est toute sa vie qu'il nous livre, avec modestie et effacement, débordante de dynamisme et de bon sens clairvoyant. En conclusion, on ne pouvait mieux connaître que par lui les origines, l'évolution et la solution de la crise économique dont fut victime l'abbaye, à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle.


RENIER DE SAINT-LAURENT

Renier, moine de Saint-Laurent, a écrit la vie de Wolbodon vers 1180, cent-cinquante ans après la mort du successeur de Baldéric II. Pour rédiger son oeuvre, il a mis à contribution, selon Balau, Anselme et la Vita Baldrici. Le récit qu'il donne de l'intervention de l'empereur Henri II dans la réforme de Saint-Jacques aux débuts de sa fondation, est le résumé condensé de la narration de la Vita Baldrici. Comme l'utilisation de cette dernière est sujette à controverse, nous avons accueilli dans les sources le témoignage de Renier de Saint-Laurent sans toutefois le rendre indépendant de la Vita Baldrici.


SIGEBERT DE GEMBLOUX

Disciple, dès sa plus tendre enfance, de l'abbé Olbert de Gembloux « auquel il élève par ses éloges un immortel monument », Sigebert était particulièrement bien placé pour connaître les circonstances dans lesquelles Olbert avait pris la direction de l'abbaye de Saint-Jacques. Il est une des sources pour la dotation de Baldéric, la réforme de Wolbodon et les travaux d'aménagement d'Olbert à Saint-Jacques, bien qu'il ne souffle mot de l'oeuvre proprement domaniale de son chef à Saint-Jacques.


TRANSLATION A LIEGE DE LA RELIQUE DE SAINT JACQUES DE COMPOSTELLE

Dans les années 1055 et 1056, un moine de Saint-Jacques entreprit un voyage à Compostelle pour en rapporter une relique du saint patron de son abbaye.

La relation de ce voyage figurait dans un manuscrit, aujourd'hui disparu, conservé au monastère. Gilles d'Orval en a inséré le texte dans ses Gesta episcoporum Leodiensium , également utilisé par Lambert le Petit dans ses Annales .

Lorsque Chapeauville eut édité l'oeuvre de Gilles d'Orval, l'abbé de Saint-Jacques, Gilles Lambrecht, lui communiqua vraisemblablement le codex mentionné par Gilles d'Orval . Chapeauville en attribua erronément la rédaction à Lambert le Petit .

Il contenait:

1° le récit de la translation de la relique;
2° le récit d'un miracle dont fut favorisé un marchand, possesseur du pallium qui avait servi à couvrir la relique;
3° une attestation émanant du second abbé de Saint-Jacques, Albert.

Disparu aujourd'hui, le codex figure sous le n° 286 du catalogue de Paquot .

Celui-ci en donne la description suivante:

« 286 Volume in-4to sur velin, d'un pouce d'épaisseur, contenant:

1° en 148 feuil. Pharetra, sive Scintillarium Sti Bonaventurae.
2° Apologus beati Bernardi de Anima Amante.
3° Un sermon sur l'arrivée des Reliques de St Jacques le Majeur, de St Barthelemi, de St Sébastien, et de St Pancrace, qui furent apportées à St Jacques de Liège » .

Il correspond au n° E. 101 de Bouxhon (fol. 66 v°), bien que celui-ci ne mentionne pas le récit de la translation:

Pharetra sive scintillarum Bonaventurae, et explicit fol. 148. Item sermo apologicus B. Bernardi de anima amante. Item fol. 152. In natali sti Vincenti, martiris sermo B. Augustini episcopi.

Cette substitution est due à une distraction de Bouxhon, puisqu'on retrouve E. 101 sous la cote I.20 dans le catalogue de Streax qui, sous ce numéro, décrit le récit de la translation . Signalons enfin que Bouxhon E. 101-Streax I.20 est le n° 309 du catalogue de Basile Ernotte .

L'expression pervetustum codicem de Chapeauville ne peut, à coup sûr, s'appliquer qu'à un manuscrit âgé de quelques siècles.

Si l'on admettait que les oeuvres contenues dans le n° 286 sont dues au même scribe, comme saint Bonaventure a été canonisé en 1482 et que le titre recopié par Bouxhon ne donne aucune qualification au docteur franciscain, on pourrait retenir cette date comme terminus ad quem.

S'il s'agit d'un recueil factice, le manuscrit du récit de la translation des reliques peut être, à notre avis, considéré comme l'original. Paquot a cru y voir un sermon, probablement parce qu'il n'a pas remarqué que le sermon de saint Augustin était distinct du récit de la translation. L'annotateur du catalogue de 1788 est seul à signaler, qu'à la suite de ce dernier, figurait la narration de la bataille de Roncevaux.

Il est en tout cas certain, grâce au contexte, que le récit de la translation a été rédigé par un moine de Saint-Jacques, non seulement après la mort de l'abbé Robert (1076-1095), et d'après des témoins oculaires comme l'établit Balau, mais plus précisément dans les premières années de l'abbatiat d'Étienne II, son successeur. En effet, le moine qui entreprit le voyage de Compostelle n'était autre que le futur abbé Robert.

Relater la translation des reliques de saint Jacques, c'est en quelque sorte écrire le panégyrique de l'abbé défunt, c'est proposer aux jeunes moines un exemple de courage et de piété. La leçon ne pouvait porter tous ses fruits que si le souvenir de la personnalité de l'abbé Robert restait encore vivace au monastère. C'est la raison pour laquelle nous proposons de placer la date de rédaction du récit entre les années 1095 et 1100.

Le texte n'est qu'une source accidentelle pour l'histoire du domaine de Saint-Jacques.

Sur le chemin du retour, les pèlerins, quittant Huy, passèrent la nuit dans la maison de l'intendant d'un domaine de l'abbaye. Les renseignements que ce passage nous fournit complètent et confirment les données de la charte de 1086 de l'évêque de Liège Henri Ier

A ce titre, la translation à Liège de la relique de saint Jacques de Compostelle constitue pour nous, malgré sa brièveté, un témoignage précieux.


« VITA BALDRICI »

La source littéraire la plus importante pour l'histoire des débuts du domaine de Saint-Jacques est la Vita Baldrici, la vie de l'évêque Baldéric, successeur de Notger, qui gouverna dix ans la principauté, de 1008 à 1018.

En réalité, le titre est trompeur: la Vita Baldrici nous apprend peu de choses de la biographie de l'évêque, et le sous-titre Incipit liber qualiter Deo donante locus hic fundatus sit semble convenir mieux au contenu du manuscrit.

Le problème se résume donc à savoir si la Vita Baldrici trace un récit fidèle et véridique des motifs et des circonstances qui déterminèrent la fondation et les premières dotations de Saint-Jacques. Le seul manuscrit conservé repose à la Bibliothèque de l'Université de Liège, sous la cote 162.

On avait accordé confiance à Pertz qui, le premier, en 1826, avait édité la Vita Baldrici. Celui-ci considérait le manuscrit comme le manuscrit autographe et en fixait la rédaction en 1053.

Balau, Hirsch, Sproemberg avaient fait l'examen critique du texte en se basant sur cette édition sans se préoccuper beaucoup, semble-t-il, de recourir au manuscrit.

M. Niermeyer fut le premier, en 1935, à soumettre la Vita Baldrici à un examen paléographique. Il en conclut que le manuscrit datait de la fin du XIIe siècle. On devine les conséquences de cette rectification sur les appréciations de la valeur de l'oeuvre comme source historique.

A ce point de vue, même avant M. Niermeyer, l'accord était d'ailleurs loin d'être unanime. En effet, si Pertz, Balau, Hirsch et Sproemberg assignaient l'année 1053 ou 1054 comme date de rédaction, et comme rédacteur un moine de Saint-Jacques, les deux derniers étaient loin de partager l'enthousiasme des deux autres sur le témoignage de premier ordre qu'aurait constitué la Vita Baldrici.

Hirsch attirait l'attention sur deux points:

1° L'incertitude de l'auteur dans la chronologie des événements: la bataille de Hoegaarden, fait capital de l'épiscopat de Baldéric, était placée en 1010 au lieu de 1013;

2° Le pédantisme et la préciosité de la langue, qui sentaient l'exercice scolaire.

Il concluait que la Vita Baldrici n'était qu'un exercice de style d'une de ces écoles liégeoises qui se croyaient quelquefois les continuatrices de l'Académie de Platon.

Sproemberg reprit, en les nuançant, les conclusions de Hirsch.

Il lui semblait étrange que le rédacteur eût négligé les sources littéraires contemporaines et notamment les Gesta Pontificum Cameracensium, si riches en renseignements pour cette période.

Il n'apparaissait pas non plus qu'il se fût servi d'annales ou de notices d'abbayes, sinon il n'aurait pas commis ces grossières erreurs dans la chronologie.

Selon Sproemberg, le rédacteur aurait accordé la préférence aux témoignages des témoins oculaires: ce qui ne l'empêche pas d'être très mal informé de la vie de son héros, du lieu de sa mort et des circonstances qui l'accompagnèrent. En résumé, Sproomberg portait ce jugement d'ensemble: la Vita Baldrici n'est pas un chef-d'oeuvre, mais un modeste travail de déblaiement. On retire l'impression que son auteur donne tout ce qu'il sait, selon ses possibilités et les ressources dont il dispose. Les lacunes de son récit sont la preuve des lacunes de la tradition à cette époque. Hirsch et Sproemberg, remarquons-le, tout en réduisant la valeur historique de la Vita Baldrici, continuaient à considérer le manuscrit 162 comme le manuscrit autographe de 1053-1054.

M. Niermeyer, en 1935, porta sur la Vita Baldrici un jugement qui tendait à réduire à néant la valeur de son témoignage.

Lui aussi considère le manuscrit 162 comme le manuscrit autographe. La Vita Baldrici a donc été conçue et rédigée à la fin du XIIe siècle.

Cette position comporte de graves conséquences:

1° Il faut considérer les ouvrages que l'on croyait dépendants de la Vita Baldrici comme des sources de celle-ci, notamment la célèbre chronique d'Anselme;

2° La Vita Baldrici n'est qu'une compilation de sources qui nous sont toutes connues.

M. Niermeyer va plus loin; il rejette également les passages originaux de la Vita Baldrici qui, selon, lui, ne sont que des remplissages romanesques ou des survivances de traditions légendaires.

Bref, pour lui, la Vita Baldrici, comme source historique, est désormais dénuée de valeur.

L'opinion trop flatteuse de Balau n'est plus soutenable et nous adoptons les jugements restrictifs de Hirsch et de Sproemberg.

De la thèse de M. Niermeyer, nous considérons comme définitivement établi que le seul manuscrit conservé de la Vita Baldrici a été transcrit à la fin du XIIe siècle. Mais il ne paraît pas que M. Niermeyer ait envisagé l'hypothèse que ce manuscrit fût une copie, remaniée ou fidèle, d'une oeuvre antérieure perdue. Cette supposition l'eut naturellement conduit à modérer l'outrance de sa thèse.

Or, l'existence d'un autre manuscrit de la Vita Baldrici est attestée par deux références que l'on n'avait jamais signalées jusqu'ici.

Lorsque l'abbaye de Saint-Jacques fut sécularisée, les ex moines dispersèrent la magnifique bibliothèque du monastère, le 3 mars 1788. D'après les catalogues de Bouxhon (vers 1667) et de Paquot (1788), l'abbé Sylvain Balau a reconstitué, avec une pittoresque érudition, l'histoire des accroissements de la bibliothèque de Saint-Jacques depuis l'abbatiat d'Olbert de Gembloux jusqu'à sa fin lamentable.

On conserve quatre catalogues de la bibliothèque:

1° Le premier, achevé le 19 mai 1589, par le moine Eustache de Streax;
2° Le deuxième, dû au futur abbé Bouxhon, après 1667;
3° Le troisième, rédigé par le moine Basile Ernotte en 1751;
4° Le quatrième, imprimé, dressé pour la vente du 3 mars 1788 par Paquot.

L'exemplaire de ce dernier, qui a servi à l'abbé Balau, était conservé à la Bibliothèque de l'Université de Liège. Il présentait le précieux avantage d'être annoté par un contemporain qui a inscrit le prix de chaque volume et des remarques assurément fort plaisantes, mais qui dénotent chez leur auteur une grande naïveté et une profonde horreur du « gothique ».

En réalité, à l'heure actuelle, la Bibliothèque de l'Université possède deux exemplaires du catalogue: l'un, vierge d'annotations, l'autre couvert à chaque page de notes marginales, mais différent de celui de Balau dont nous n'avons pu retrouver la trace.

Le nouvel exemplaire fait partie du legs Wittert de 1903; l'annotateur anonyme écrit certainement après le 6 février 1855. Il a connu vraisemblablement l'exemplaire utilisé par Balau puisqu'il lui emprunte le relevé des prix et certaines considérations sur la bibliothèque de l'abbaye. Mais ses annotations trahissent une culture bien supérieure à celle de son devancier. On s'aperçoit immédiatement qu'il a l'habitude des livres; il se tient au courant des ventes importantes de la région, des travaux publiés par l'École des Chartes, des éditions anciennes d'ouvrages rares et d'oeuvres d'écrivains du moyen âge peu connus du public lettré.

Une comparaison d'écritures à laquelle nous nous sommes livrés nous porte à proposer comme très probable l'identification de cet érudit avec le baron Wittert (1823-1903).

Il n'est pas interdit de croire qu'il ait vu les manuscrits de Saint-Jacques dont il annote la description. Parmi ceux-ci figure le n° 115 que Balau ne cite pas dans son étude et dont Paquot donne la description suivante:

115 Volume de plus de doux pouces d'épaisseur, sur velin, en deux colonnes, d'un caractère très lisible, et de fort grand format in-folio, contenant: 1° Les Lettres de St Jérôme, au nombre de 141, après quoi vient — 2° Feuillet 241. Sermo de tribus Virtutibus, puis sur la fin du feuillet 242 — 3° Incipit Descriptio Vitae, actuum, et Transitus Dni nostri Baldrici Episcopi, et qualiter Coenobium istud Domino favente, fundaverit in quo et tumulari meruit. Cette vie contient 5 pages d'un caractère fort serré.

L'annotateur ajoute: « Écrit vers 1108 ».

Le n° 115 de Paquot est-il le ms. 162 conservé à la Bibliothèque de l'Université de Liège? C'est évidemment la première question qui vient à l'esprit. A l'heure actuelle, le manuscrit 162 contient: 1° Les Annales de Lambert le Petit;

2° Les Annales de Renier de Saint-Jacques; 3° La Vita Baldrici.

Cette description correspond en tout point au signalement que Bouxhon donne, en 1667, du ms. I 85 (fol. 148 v°):

Cronica composita a quodam monacho sancti Jacobi cui nomen erat Lambertus Parvus. Et hic notatur scripsisse usque ad annum 1194 ab anno scilicet 988. Defuncto autem Lamberto successit Regnerus religiosus huius monasterii qui historiam prosecutus fuit. Et fol. 49 incipit libellus qualiter hic locus Domino donante fundatus sit.

Il est donc certain que le n° 115 de Paquot désigne un exemplaire de la Vita Baldrici différent du ms. 162. Avant d'en préciser les caractéristiques, il n'est pas inutile de donner une description sommaire de ce dernier.

Le texte, couvrant 16 feuillets (32 pages), est fort mal centré. Il n'y a pas ou peu de marge. L'écriture est serrée. On remarque au bas de chaque feuillet une ligne horizontale de petits trous sans qu'il soit possible de déterminer la cause exacte de leur présence (puncturation, ou brochage). Au feuillet 14 le scribe a été forcé de disposer son texte suivant une coupure transversale de la partie inférieure du feuillet. La qualité du parchemin est, en effet, très médiocre: il contient des défauts, notamment des noeuds au folio 10, comme si l'on avait employé du parchemin de rebut, et la présentation du texte—aussi bien la mise en page que l'écriture est fort peu soignée.

Il est pourtant dans les habitudes d'une abbaye d'attacher un soin particulier à la transcription du récit de sa fondation. Malgré la description sommaire contenue dans le catalogue de 1788, le n° 115 satisfait mieux à ces légitimes exigences; le fait que la mention du ms. 162 a été reléguée par Eustache de Streax en fin de volume, dans les Addimenta, prouve qu'on en faisait peu de cas et justifie les prétentions du codex in-folio à représenter, pour les moines de Saint-Jacques, la seule version de la vie de leur fondateur et des débuts de leur abbaye.

La manière dont le prieur de 1589 le signale dans son catalogue, en tête de la lettre B, nous engage à le considérer comme l'exemplaire de luxe:

Baldricus 2° filius comitis Lossensis ex filia ducis Lymborgensis, episcopus Leodiensis a° 1007 succedens Nothgero magne pietatis et modestie viro, laudabiliter annis undeoim sibi subicotum populum omni disoiplina gubernavit. Non in pecuniis congregandis ad usus particulares vel acquirendis municipiis, ut plerique solent, operam dabat, sed totum quod supra necessitatem quotidianam succrescebat ad ecclesiastica commoda conferebat hereditate quoque sua quam testamento paterne dispositionis possidebat, non fratrum, non cognatum aut propinquorum cumulavit opes, sed ecclesiasiarum (sic) sublevavit necessitates. Unde factum est ut locus iste situ quondam horridus, incultus, nullis aptus humanis usibus, sed tantum ferarum gregi oognitus, ab eo mutatus sit in candorem, dignitatem et summam reverentiam, dum de deserto loco coenobium fecit et orationis domum. Quod oum inchoasset idem Antistes eius criptam magno cum honore consecravit ac in laude beati Andree apostoli dedicavit, preciosas eiusdem apostoli reliquias in ea reverenter collocando. Huius Baldrici preclara gesta scripta sunt in antiquis membranis post Epistolas divi Hieronymi in litera B (B. 44). Mortuus est 1018° anno, quarto calendas augusti, sepultus in ecclesia nostra divi Jacobi in insula. (Incipit): Quorum studia.

Certes le terme antiquis membranis est vague. Il signifie au moins, par rapport à la date où le prieur rédigeait son catalogue, un écart de plus d'un siècle. D'autre part, le format in-folio a été beaucoup moins employé durant le bas moyen âge qu'aux XIe et XIIe siècles. Personnellement, nous fixerions volontiers la transcription de ce codex à une date peu éloignée de celle du ms. 162.

Quant à la date de 1108 que l'annotateur du catalogue Paquot attribue au n° 115, il n'est pas impossible qu'elle concorde plus ou moins avec la réalité. Mais si le baron Wittert avait des connaissances très étendues dans tout ce qui touchait à l'histoire du livre, ses oeuvres sont émaillées d'affirmations hasardeuses ou extraordinaires, basées sur une interprétation qui doit plus à l'imagination qu'à l'observation critique et soigneuse des documents.

En tout cas, on se trouve en présence de deux stemmata codicum éventuels, soit que l'on considère le ms. 115 comme une copie, soit comme l'original.

1. 2.
A. Original perdu.
A. Original, milieu du XIe siècle
(Paquot 115).

B. Copie de la fin du XIIe siècle
(B. U. L., ms. 162) B. Copie de la fin du XIIe siècle
(B. U. L., ms. 162).

C. Copie de date indéterminée
(Paquot 115).


Un fait cependant semble définitivement acquis: le ms. 162 de la Bibliothèque de l'Université de Liège n'est pas le seul exemplaire qui ait existé de la Vita Baldrici.

Copie remaniée ou non d'une version antérieure, l'incertitude de la véritable nature de la Vita Baldrici, telle qu'elle nous est connue par le ms. 162, a nécessairement sa répercussion sur la valeur qu'il faut lui attribuer comme source historique. Le travail récent de M. Ch. Lays a réhabilité son témoignage, dans une mesure appréciable, mais non intégrale 1. Nous avons eu l'occasion de souscrire aux conclusions générales énoncées par cet auteur 2, en émettant une simple réserve au sujet du passage de la Vita Baldrici relatant l'intervention des frères de l'évêque auprès de l'empereur Henri II. Pour nous, ce texte est une addition à la version originale et doit être mis en rapport avec la lutte que menaient, au début du XIIe siècle, les abbés de Saint- Jacques contre les avoués du monastère.

Depuis lors, M. Ch. Dereine, corrigeant l'interprétation que M. Ch. Lays avait donnée de certains repères chronologiques, a déplacé la date de rédaction de la Vita vers 1100-1110 3.

Cette position, habilement défendue, n'a rien qui doive nous surprendre après les restrictions que nous venons d'émettre et l'existence du ms. 115 remontant peut-être à 1108. Loin de gêner notre démonstration, elle enrichirait au contraire le faisceau des éléments qui permettent de placer sous l'abbatiat d'Étienne le Grand (1095-1112) l'apogée du monastère. La divergence des thèses de M. Ch. Lays et de M. Ch. Dereine ne peut donc avoir aucune répercussion sur notre exposé des faits.

Pour le premier domaine que le monastère a reçu, la version de la Vita Baldrici est nettement suspecte. L'autre source est la charte fausse de 1015 qui semble s'inspirer de la Vita 4.

Ce cercle vicieux nous a obligé à munir d'un point d'interrogation l'identification du donateur du domaine de Hanret.

ETUDE
SUR LE CHARTRIER ET LE DOMAINE
DE L'ABBAYE
DE SAINT-JACQUES DE LIEGE
( 1015 - 1209 )

Jacques STIENNON

Société d'édition
LES BELLES LETTRES
PARIS - 1951

500 Pages

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