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Château de Chokier
Iconographie

VUE DU CHATEAU DE CHOQUIER ET SES ENVIRONS DU COTE DE LA MEUSE

Eau forte et au burin d'un anonyme,
1738, 134 x 211 mm,

Collection particulière.


Si le changement est le malheureux apanage de l'esprit humain, la nature n'est pas moins capricieuse dans ses productions: et toujours admirable dans ses caprices , elle semble autoriser l'homme dans son inconstance. Le bizarre terrain qu'occupe le Château de Chokier, qui flatte les yeux et charme l'esprit, prouve qu'ils se plaisent tous deux dans leurs variations. Elle travaille à les produire, tandis qu'il s'occupe à les contempler. On dirait même qu'elle en a toute la peine, et qu'il en retire tout le plaisir
Peut&eacuon en effet considérer sans un merveilleux étonnement le rivage où la Meuse se repliant en quelque manière sur elle&ecirmême, semble affecter de s'approcher de ce château pour l'embrasser, comme si elle craignait de s'en éloigner, et de perdre de vue un des plus beaux coups d'oeil, qu'elle ait rencontré dans son cours.
Sur cette rive tortueuse bordée d'un Village assez bien bâti, s'élève un rocher sourcilleux, orné de mile rocailles ondoyantes; comme si l'artisan y eut usé ses marteaux, pour en faire en même temps une pyramide renversée, qui fût le piédestal de l'orgueilleux château qui y est bâti. Son sommet émoussé formant un terrain uni, entouré de précipices, de ravins et de creux caverneux, asiles tranquilles des vents, lui fournit une large assiette, élevée de plus de trois cent pieds au du rivage.
Il n'est pas surprenant que cette ancienne forteresse, dans une si avantageuse situation, ait résisté plusieurs siècles aux rigueurs du temps et des saisons: et qu'il ait échappé à la fureur des guerres civiles et étrangères, qui ont si souvent désolé le Païs de Liège. Les troupes les plus braves et les plus féroces ne l'ayant regardé qu'avec respect, l'ont toujours jugé plus digne de leurs hommages que de leurs insultes. Les tourelles et les guérites dont il est flanqué, le donjon qui le défend, ses fossés taillés dans le Roc, tous ces ouvrages le rendent d'autant plus sort, que sa situation n'en permet point les approches.
On passe un pont&acirlevis pour entrer dans une basse-cour parfaitement bien bâtie, et terminée par un beau parterre qu'on ne peut voir qu'avec admiration, lorsqu'on fait attention au terrain ingrat et aride où il est placé. Les allées de charmilles qu'on y entretient avec beaucoup de soin, sont charmantes dans la belle saison. On y trouve un vaste belvédère percé aux quatre faces. De ce lieu enchanté on découvre les sinuosités de la rivière; des amphithéâtres de montagnes et de collines tapissées de bois, qui sont une agréable nuance; des chaînes de rochers où l'imagination trouve mile figures régulières, et des pièces dans le goût de tous les ordres d'architecture; on y voit des plaines fertiles, des coteaux garnis de vignobles et de vergers. En un mot que la vue se fixe ou s'égare, elle est toujours agréablement flattée. Ces objets ne s'entre-éclipsent point. Ils se montrent sans obstacle: et si ils se perdent dans les lointains, l'oeil les y suit pour se confondre avec eux dans l'horizon.
Une terrasse située sous les fenêtres du château, de la longueur de quatre vingt dix pieds, sur trente de largeur, forme une espèce de bastion, où l'art a moins de part que la nature. Elle borde le rocher escarpé, qui creusé presque jusqu'au centre, semble ne la soutenir que faiblement. On dirait même qu'il est sur le point de crouler.
Parmi les roches pelées, il en est où il y a assez de terre, qui plantée de vignes produit d'assez bon vin. D'autres fournissent des pierres propres à calciner. Ce qui donne lieu à plusieurs fours a chaux, dont on y fait un grand commerce, ainsi que de l'alun et du vitriol qu'on retire des terres qu'on trouve sur le sommet de plusieurs collines.
On admire dans cet antique forteresse de beaux appartements, très. proprement meublés; et surtout une salle de trente&eacusix pieds de largeur sur soixante de longueur. Des jardins en terrasse, un grand nombre d'allées de charmilles, de beaux boulingrins et plusieurs autres embellissements, ne sont pas moins dignes d'attention
Cet admirable reste de l'antiquité appartient à Mr. le Comte de Berlo dont l'illustre famille n'est pas moins ancienne.

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