WWWCHOKIER


Château de Chokier
Iconographie

VUE DU CHATEAU DE CHOQUIER ET SES ENVIRONS DU COTE DE LA MEUSE

Dessin au crayon et à lencre de Chine sur papier vergé de Remacle LE LOUP,
peu avant 1738, 209 x 325 mm

Archives de l'état, Huy.


Introduction au catalogue d'exposition: Saumery et son temps 8-23 mai 1953


Il y avait 200 ans, en 1944, que paraissaient les deux derniers volumes des Délices du Pays de Liège. Les circonstances n'ont pas permis, à ce moment, de fêter un anniversaire cher aux Liégeois. Commémoré avec quelque retard, il permettra ainsi de soumettre à l'admiration des amateurs certaines pièces très précieuses, aimablement prêtées par des collectionneurs privés.

L'Union Liégeoise du Livre et de l'Estampe est heureuse d'exprimer à ces bibliophiles toute sa reconnaissance pour l'empressement qu'ils ont mis à répondre à son appel et la générosité qui a guidé leurs envois.

Peu d'aventuriers du XVIIIe siècle - et ce siècle fut fertile en individus de cette espèce - ont eu l'honneur de passer à la postérité avec autant d'honneur que Pierre-Lambert de Saumery. Il est vrai que s'il n'avait publié que les libelles et les romans qu'on lui connaît, ou qu'on lui attribue, l'oubli se serait fait depuis longtemps sur son nom.

C'est grâce aux Délices du Pays de Liège qu'il est, de nos jours encore, lu et cité par nos historiens locaux, estimé des amateurs de beaux livres liégeois, connu des collectionneurs de vues de nos monuments anciens.

Le grand bibliophile et bibliographe liégeois, le chevalier Xavier de Theux, avait eu la bonne fortune de réunir la presque totalité de la production de Saumery. Il a donné une biographie circonstanciée du personnage accompagnée de sa bibliographie commentée.

S'aidant des Mémoires que Saumery publia en I732, X. de Theux a pu établir que notre homme naquit en France, de parents calvinistes qui émigrèrent bientôt en Angleterre. C'est de ce pays qu'à l'âge de 29 ans, Saumery, devenu ministre calviniste, va partir pour sa vie aventureuse à travers la France, la Turquie où il reste de 1720 à 1723, l'Italie, l'Allemagne qui le voit prédicateur ambulant de 1726 à 1729, la Suisse, la Hollande, la principauté de Liège. Arrivé dans nos régions à la fin de 1729, il devait y résider pendant une dizaine d'années. Son humeur vagabonde et ses méfaits l'obligèrent à passer en Hollande. Il mourut à Utrecht peu après 1767.

Saumery était adroit et s'embarrassait rarement de scrupules. Arrivé à Liège comme ministre calviniste, il abjure sa religion et se fait catholique, manifestement dans le but de profiter des bonnes dispositions du prince-évêque et de certains dignitaires du haut clergé à l'égard du converti qu'il se prétend. Ceci ne l'empêchera pas de publier, en 1740, un roman, le Diable hermite, dans lequel il ridiculise méchamment la cour du prince-évêque. D'ailleurs, arrivé en Hollande, sans espoir de retour dans nos régions, il ne tardera pas à s'y faire à nouveau admettre parmi les calvinistes.

Sans nous attarder aux divers opuscules sortis de la plume de Saumery, dont l'appréciation est notée dans le catalogue, il est plus intéressant de voir quelle a été la participation de Saumery à l'élaboration des Délices.

Il faut bien avouer que dans aucun des documents officiels connus actuellement, notre auteur ne paraît comme responsable de cette publication.

Les auteurs sont d'accord pour attribuer à Saumery le rôle de secrétaire de rédaction. Etranger au pays, il était bien incapable d'établir une description du Pays de Liège avec aperçus historiques et archéologiques, même en utilisant les documents qu'on pouvait lui fournir.

Avec raison, X. de Theux estime que les parties les plus intéressantes de l'ouvrage ont été rédigées par les deux Liégeois le mieux à même de le faire à cette époque, Guillaume de Crassier et Mathias de Louvrex.

Evidemment, Saumery a aussi écrit certains chapitres. Les inexactitudes qu'il a insérées, malgré les documents dont il disposait, lui ont parfois attiré de vertes semonces dont il esquive adroitement les conséquences. Les rétractations ne lui coûtent guère - sa vie le prouve - et il n'hésitera pas à publier, sous forme d'avertissement, des excuses assez admissibles bien que teintées d'impertinence: « La réussite de cet ouvrage dépend d'un détail épineux et de recherches très difficiles, dont la négligence ne manqueroit pas d'irriter la délicatesse de ceux qui pourroient s'y trouver lézés, soit par quelques faits qu'ils se croiraient en droit de contester. En cas que cela soit arrivé, l'Auteur proteste à ces personnes que s'il a manqué, ce n'a été le plus souvent que par la faute des memoires qu'on lui a fournis: quelque soin qu'il ait pris pour se rendre exact, il ne peut se flater d'avoir vu tout ce qui pouvoit éclaircir sa matière et mettre la vérité dans son plus beau jour. Mais comme l'impartialité est la qualité dont il se pique le plus; lorsque ses mémoires 1'auront trompé, ou qu'on daignera lui indiquer quelque autre défectuosité, sa rétractation est toute prête; on la lui verra faire avec plaisir».

On aimerait savoir comment Saumery a pu monnayer la part qu'il a prise à la rédaction des Délices. Aucune trace n'est restée des bénéfices que lui a procuré le travail exécuté pour l'éditeur Kints, chez qui il faisait imprimer, de 1731 à 1735, ses Mémoires et avantures secrètes. Peut-on supposer que ce récit assez bien conduit a influencé le choix de Kints qui aurait vu dans son auteur un homme capable de réussir l'entreprise des Délices ?

Tant dans les textes exposés que dans ceux auxquels Gobert se réfère, il n'est question que d'un seul personnage: l'éditeur Everard Kints.

Celui-ci devait être un habile homme quand on voit avec quelle unanimité le Conseil de la Cité (l'Administration communale) vote à plusieurs reprises, de 1736 à 1749, des subsides au profit de Kints, à charge de celui-ci de livrer un certain nombre d'exemplaires des volumes des Délices « reliés proprement en veau, lesquels seront distribués à MM. les bourguemaîtres et conseillers régents ».

Plus de cent exemplaires ont été ainsi « donnés » aux bourgmestres et aux membres du Conseil, aux frais de la Cité, naturellement, mais au plus grand profit de l'éditeur.

Cette exploitation éhontée avait éveillé l'attention du prince-évêque qui intervint en 1739 pour faire remarquer «que les bourguemaîtres et Conseil» n'étaient « point en pouvoir de s'attribuer tous les ans 5.000 florins pour distribuer entre eux des livres ».

Pourtant la manne ne devait tarir, pour Kints, qu'en 1751.

Un autre exemple du savoir-faire de l'imprimeur se rencontre dans les conditions de souscription telles qu'elles figurent dans le prospectus .

Non content de solliciter le concours de tous pour constituer une documentation aussi complète que possible, Kints vend le droit de faire représenter les monuments dans son ouvrage. Le dessin de chaque vue coûte 4 pistoles au propriétaire du château ou du monument représenté. Ceux qui désirent y faire figurer leurs armoiries payent 2 écus de plus. C'était là exploiter sans vergogne les petites satisfactions d'amour-propre.

A voir l'album de fac-similé de dessins inédits publié en 1903 un certain nombre de propriétaires ont payé des dessins qui n'ont pas été gravés, a moins que la gravure n'ait pas été exécutée parce que les intéressés omirent de solder leur dû.

Pour l'exécution de toute l'illustration de son ouvrage, Everard Kints fit appel au talent d'un peintre paysagiste spadois, Remacle Leloup. Membre d'une famille d'artistes estimés, tous paysagistes, Remacle Leloup est connu par un nombre impressionnant de dessins qu'il a tracés des sites de nos régions, de Spa et des environs, et de la Haute et Basse Allemagne. De sa vie on connaît peu de détails; il a vécu dans la première moitié du XVIIIe siècle.

Dessins rehaussés de lavis à l'encre de chine ou simples croquis à la plume, montrent que l'artiste a su donner en quelques traits les caractéristiques essentielles des monuments qu'il voyait.

Toutes les précautions furent prises tant par Leloup que par Kints pour que les propriétaires soient satisfaits. Les dessins, beaucoup d'entre eux du moins, étaient remis aux châtelains qui ajoutèrent au verso certaines remarques relatives à un détail historique ou héraldique. Ce n'est qu'après ce contrôle que les vues étaient gravées.

Si elles l'ont été par Leloup lui-même, le burin a trahi les qualités qu'annonçaient les dessins. Les vues sont froides, assez plates et de présentation monotone. Les auteurs qui ont étudié la production de Remacle Leloup s'accordent à lui attribuer la gravure des 205 planches contenues dans les Délices, abstraction faite de la grande vue de Liège gravée et signée par Johann August Corvinus d'Augsbourg, et des 26 portraits dessinés par un inconnu, Louis Fines.

Ces auteurs ont-ils songé qu'on ne connaît comme gravures de Remacle Leloup que les seules vues publiées dans les Délices, alors qu'il existe tant d'autres dessins de lui ?

Pour ma part, je serais fort tentée de croire que la signature « Remacle Leloup fecit » est celle du dessinateur. Quant au graveur, il devrait être cherché parmi les nombreux techniciens du burin qui ont travaillé à Augsbourg au XVIIIe siècle, tel J. A. Corvinus, et ont collaboré à l'illustration de nombreux recueils dans le genre des Délices, sans toujours y apposer leur signature.

Corvinus est mort trop tôt, en 1738, pour qu'il soit possible de lui attribuer la gravure des planches des 5 volumes. Notons qu'elles ont été exécutées suivant un procédé stéréotypé, qui se retrouve dans la façon de traiter le ciel nuageux, la maçonnerie des constructions et la végétation des paysages.

C'est là aussi que doit se trouver l'origine de la tradition qui veut que la fumée sortant des cheminées marque les châteaux où Saumery fut bien reçu.

Les dessins de Leloup sont vierges de tous ces détails; fumée et ciel ont été ajouté par le graveur pour « meubler » la planche.

Un autre artiste spadois, Joseph Xhrouet a dessiné la vue de la place du Marché, à Liège.

Pour lui comme pour Leloup, les dessins qui agrémentent l'exposition sont un témoignage de la probité et des qualités de leur production. Ils s'y montrent sous un aspect bien plus favorable que ne le feraient penser les Délices du Païs de Liège.

Madeleine LAVOYE.

wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide wide

PLAN DU SITE