Un peu au delà d'Aigremont on aperçoit, à une hauteur de près de trois cents pieds au-dessus du rivage, le château de Chokier, majestueusement assis sur une roche escarpée dont la forme ressemble à une pyramide renversée. Le principal corps de logis, reconstruit dans le goût moderne, repose sur une terrasse d'une grande étendue. Les bastions qui la précèdent et la tourelle en brique qui se dresse, gracieuse et fière, sur les vastes assises du mur d'enceinte, semblent un reste de l'ancien castel dont l'origine remonte aux premiers temps de la féodalité.

Si difficile qu'en ait été toujours l'accès, et quoique les troupes les plus braves l'aient généralement jugé plus digne de leur hommage que de leur insultes, le château de Chokier a néanmoins été dévasté plusieurs fois durant les guerres du moyen age. Les Hutois révoltés contre l'évêque Englebert s'en emparèrent et le saccagèrent en 1346; les routiers du Sanglier des Ardennes, l'ayant attaqué en 1490, y pénétrèrent en dépit de tous les obstacles et ne l'abandonnèrent qu'après y avoir commis les plus horribles excès. -Le gigantesque bloc qui le supporte, creusé presque jusqu'au centre, surplombe le chemin de fer et le village de Chokier dont les maisons et l'Eglise bordent l'ancienne chaussée. La Meuse, qui passe devant le château en se repliant autour du promontoire dont il couronne si fièrement le front, déroule des deux cotés sa pittoresque vallée ou se succèdent les sites le plus divers, bornés au loin par des rochers et les collines qui se profilent à l'horizon. En face de Chokier, sur la rive opposée et au bord même du fleuve, se montre l'ancienne et belle maison de campagne, connue sous le nom de Torête.