Parmi le grand nombre de châteaux qui embellissent les bords enchanteurs de la Meuse, il en est peu qui aient plus de droits à l'admiration des curieux que le château de Choquier; il en est peu qui fassent sur l'imagination des impressions plus rapides et plus variées. La route de Namur à Liége égayée par les plus beaux paysages, est sans contredit une des plus pittoresques et des plus intéressantes qui existent, mais au milieu des sites romantiques qui de toute part commandent l'attention du voyageur déjà disposé à admirer les beautés de la nature, il n'y a rien qui surpasse le site de ce château. Qu'on se figure, sur les bords tortueux d'un fleuve large et magnifique, un rocher creusé jusqu'au centre, semblable à une pyramide renversée, orné de mille rocailles ondoyantes et soutenant avec peine les bâtiments auxquels il sert de base; qu'on se figure le sommet de ce rocher entouré de précipices, de ravins et de cavernes à travers lesquelles se jouent avec une entière liberté les indociles enfants d'Éole, et qu'au milieu de ces objets effrayants on place en idée un château bien bâti, orné de jardins superbes dont la riche végétation et le frais ombrage condamnent la rudesse des alentours, et l'on aura réalisé en partie ce qu'offre de plus curieux le chateau de Choquier, situé sur la rive gauche de la Meuse à deux lieues de Liége.
D'après l'idée que je viens d'en donner on concevra sans peine effet que doit produire sur l'imagination des voyageurs la vue de ce rocher peu solidement établi sur sa base étroite, et qui semble devoir entraîner un jour dans sa chute les téméraires dont l'imposante habitation couronne son front orgueilleux, et les modestes villageois assez simples pour chercher à l'ombre de sa protection une garantie contre les ouragans et les tempêtes. La Meuse elle-même, sensible à la beauté de ce paysage, semble ne le quitter qu'à regret, et multiplie par les détours que suivent ses eaux, les agrémens de la vue.
J'ignore vers quel temps le château de Choquier à commencé a exister; mais il porte une empreinte antique, qui permet d'en reculer l'origine au-delà du XIIe siècle. L'histoire en dit fort peude chose, parce qu'au milieu des guerres civiles et étrangères qui si longtemps ont désolé la province de Liége, il a su rester étranger aux horreurs qui accablèrent les autres forteresses de ce malheureux état. Il est vrai que son assiette extraordinaire, ses bastions et ses fossés taillés dans le roc, et plus que tout cela les difficultés d'en approcher ont concouru autant que la sagesse de ses seigneurs, à en éloigner le fléau de la guerre.
Majestueusement assis sur le rocher qui lui sert de base, le château de Choquier jouit d'une perspective aussi étendue que variée. De deux côtés il domine le cours de la Meuse qui lui offre à perte de vue un amphithéâtre de collines et de montagnes tapissées de verdure, et ornées de rochers dont les teintes mêlées de gris, de blanc et de noir présentent à l'oeil des tableaux ravissans. Sur un autre point, on aperçoit des plaines fertiles, des coteaux garnis de vignobles, des maisons de campagne, des châteaux, et des usines dont l'intéressante activité vivifie tous les environs. En un mot, de quelque côté qu'on tourne ses regards, on decouvre des objets propres à flatter la vue et faits pour échauffer l'imagination la plus froide. Ces objets ne s'entre-éclipsent point. Ils se montrent sans obstacle et s'ils se perdent dans le lointain, l'oeil les y suit pour se confondre avec eux dans l'horison.