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THEATRE DE LIEGE

Histoire du théâtre de Liège (suite)

par Jules MARTIGNY


THEATRE DE BERNIMOULIN &

THEATRE DERRIERE SAINT JACQUES


Les représentations se trouvant forcément interrompues, les comédiens se mirent en quête d'un local propre à leur faciliter la continuation de leurs talents. Ils choisirent deux salles, l'une située près de l'ancienne Place aux Chevaux et appelée Théâtre Bernimoulin, du nom de son propriétaire, l'autre située derrière St-Jacques, dans une propriété particulière appartenant à Mme de Calwaert, où se trouvait aussi un petit théâtre avec un rang de loges. Ils comptaient jouer alternativement dans l'une et l'autre de ces deux salles. Ils commencèrent leurs représentations le dimanche 6 janvier 1805, en jouant dans les deux salles le même jour. Dans la première on donnait: Frosine, ou la dernière venue, op.-v. 1 a., et Le Tartufe de mœurs, c. 5 &., et dans la seconde, L'Opéra-comique, o.-c. 1 a., et Les Prétendus, op. 1 a.

A la suite de ces deux représentations, le même Observateur nous communique ses impressions:

" D'après l'explosion d'enthousiasme et de gratitude, consignée dans votre feuille du 16 nivôse par les Artistes incendiés, je m'étais persuadé, monsieur, que tous les bras et tous les cœurs s'étaient ouverts à ces infortunés; cependant, à en juger par ce que j'ai recueilli de diverses conversations, il me paraît que ces messieurs ont plus compté sur les apparences que sur la réalité; et ce qui me confirme dans cette triste idée, c'est la manière indifférente, j'ai presque dit injurieuse, dont ils ont été hier accueillis à l'un et à l'autre théâtre. Pas un battement de mains, pas une de ces exclamations d'intérêt que la sensibilité nous arrache en présence du malheur, et qui toujours apportent avec elles sinon un remède curatif, du moins des adoucissements aux maladies de l'âme.

A cette privation que faisait éprouver le public à des malheureux encore tout froissés de leur chute récente, s'en joignait une autre plus sérieuse encore. On avait craint que le local ne fût pas assez vaste, et à peine les deux salles réunies contenaient deux cents personnes: la recette balançait la dépense. Avec de l'ordre dans la distribution des places, la salle de St-Jacques seule pourrait contenir 300 personnes.

Voici l'idée que je proposerais dans cet objet. On formerait un parquet provisoire de deux banquettes placées derrière l'orchestre, ce parquet serait exclusivement destiné aux dames; car les convenances exigent que les deux sexes ne se trouvent point entassés pêle-mêle, surtout lorsqu'ils ne sont pas de la même société. Je ferais la même distribution pour la grande loge des premières. Alors, avec un peu d'indulgence de la part des dames, et la civilité ordinaire des messieurs si naturelle à des français, on aurait encore un spectacle agréable; car dans une grande ville il faut un théâtre.

Panem et Circenses disaient les grecs (?), du pain et des spectacles, dit-on encore en France. Au lieu d'un théâtre, les Liégeois en ont deux; on pourrait jouer de deux jours l'un, à la salle St-Jacques et les jours de fête seulement, Place aux Chevaux, et tout le monde alors en aurait pour son argent. Je proposerais aussi de jouer à St-Jacques, l'opéra et la bonne comédie, et de ne donner que du bas-comique à la Place aux Chevaux, et cela pour cause.

J'entends partout parler du rétablissement de la salle de spectacle; on s'agite, on se tourmente, vingt projets se croisent, les spéculations se poussent, se pressent, se combattent et tout cela pour avoir une salle dans 4 ou 5 années. On sent donc la nécessité d'avoir un théâtre dans une ville d'une grande population: dans cela, on n'a d'autre but que le plaisir.

Mais ce qui semble échapper à ces froids calculateurs, c'est que de ce plaisir de quelques individus,- deux mille familles tirent leur subsistance. Les arts mécaniques, les bras de 4000 âmes concourent tous à nos jouissances théâtrales; le salaire du talent des acteurs ne s'arrête un moment dans leurs mains, que pour circuler aussitôt dans celles du boucher, du boulanger, de l'ouvrier de tout genre; il faut un peu de toilette, surtout aux „ dames qui fréquentent le spectacle; de là, les progrès du commerce et des manufactures; il faut d'ailleurs un point de réunion aux hommes, le premier besoin de leur cœur les entraîne vers un sexe qui fait les délices de la vie. On le contemple, ce sexe enchanteur, on l'admire au spectacle; là seulement, on le voit orné de tous ses prestiges; là, on respire les parfums suaves de la rose dégagée de ses épines. Après le pain, la chose la plus nécessaire à une grande société, ce sont donc les spectacles.

Si nous n'encourageons pas les artistes par notre présence à leur théâtre, si nous ne continuons pas nos abonnements, si nous les abandonnons dans leur infortune, ils iront porter ailleurs leur talent et leurs débris; l'infortune alors pèsera sur tous les gens qu'ils faisaient vivre. Que de familles plongées dans la misère par leur absence, et dans quelle saison encore! "

Ce fut malheureusement ce qui arriva; après deux autres essais qu'ils tentèrent, le 8 et le 12 janvier, dans la salle St-Jacques, et qui demeurèrent infructueux, les artistes résolurent de s'en tenir là. Toutefois, avant de se disperser, ils écrivirent au propriétaire de la Gazette de Liége, la lettre suivante:

" Monsieur,

Le lendemain de notre désastre, il fut ouvert chez vous une souscription volontaire en notre faveur; nous ignorons, monsieur, et vous le savez, quelle est la quotité des sommes déposées, nous apprenons par votre feuille d'hier, qu'un nommé Watrin, menuisier, était dangereusement blessé et dans la misère; veuillez bien disposer de cet argent en faveur de cet infortuné ouvrier; nous osons croire, monsieur, que les personnes qui sont si généreusement venues à notre secours, ne nous en voudront point d'employer cet argent pour soulager Watrin plus malheureux que nous encore. "

Ainsi qu'ils le désiraient, la souscription se montant à 30 livres, fut remise au malheureux qui avait été atteint par la chute de la poutre, lors de l'incendie.

Une grande redoute parée fut donnée le 20 janvier, dans les salles de Féronstrée au bénéfice des artistes et des musiciens.

M. Duprat, ancien artiste du théâtre, et à cette époque directeur à Bordeaux, organisa le 1er février, au profit de ses anciens camarades, une représentation qui produisit une fructueuse recette. Liège se retrouva donc encore sans théâtre et cet état de choses se continua jusqu'à la fin de l'été de 1806.

Pendant ce temps, une quantité de concerts eurent lieu dans plusieurs locaux de la ville; mais je n'ai rencontré nulle part de représentations dramatiques.

Une délibération du Conseil en date du 29 avril 1805, relative à des indemnités à accorder aux artistes incendiés, arrêtait ce qui suit:

Le receveur de la ville de Liège, paiera aux citoyens ci-après nommés, la somme de neuf cent huit fr. nonante et un centimes à titre d'indemnité, savoir:

Au sieur Teaumarin, directeur de la troupe. 500 fr.
Au sieur Hubert Devillers, musicien, pour perte d'un instrument. 75
Au sieur Demarteau, fils, pour perte de semblable. 75
Au sieur Bailly, tenant le buffet de la salle. 75
Au sieur Bertrand, fils, pour perte d'instrument. 108, 91
Au sieur Osmonde, musicien, id. 75

Vers le mois de juin, plusieurs particuliers s'étaient réunis dans le but de procurer au public l'agrément d'un spectacle; ils proposaient de faire quelques changements aux salles de Féronstrée, pour les rendre propres à jouer la comédie; ils invitaient en conséquence les amateurs à concourir à ce projet, en souscrivant 150 actions de 120 fr. chacune. Il ne fut pas donné suite à cette proposition. Un autre projet émanant du Maire, proposait d'affecter l'église Saint-André à l'établissement d'une salle de spectacle, mais il fut rejeté, par suite d'une pétition de 31 habitants de la Place du Marché qui craignaient avec raison les dangers d'incendie, ce local se trouvant compris dans une agglomération d'habitations.

L'hiver de 1805-06 se passa donc sans représentations théâtrales. Le 17 mai 1806, M. Micoud d'Umons, ayant été nommé Préfet en remplacement de M. Desmousseaux, fut fort surpris en arrivant à Liège, d'apprendre qu'il n'existait pas de salle de spectacle. Il se mit en quête d'un local, reprit l'idée émise l'année précédente, réunit de nombreux amateurs qui devinrent actionnaires, et chargea M. Dewandre, inspecteur des bâtiments civils, de dresser les plans. La société constituée se composait de 65 personnes ayant souscrit 141 actions de 120 francs. Le local choisi était celui des greniers de Saint-Jacques adossé à l'église de ce nom. Il fut loué au prix annuel de 300 francs, pour y être établi une salle de spectacle.

Dans la circulaire lancée le 16 juillet 1806, pour faire appel aux souscripteurs, l'article 8 chargeait le Maire de s'assurer avant l'hiver prochain, aux conditions les plus avantageuses, d'un nombre suffisant de sujets pour jouer l'opéra-comique et le vaudeville. Celui-ci ne perdit pas de temps et s'entendit sans doute par l'entremise de Mme Gaspard, veuve de l'amateur dont nous avons parlé en 1789, avec le sieur Dubocage pour la formation d'une troupe. C'est toutefois ce que nous donnent à supposer les deux lettres suivantes écrites par Dubocage à Mme Gaspard.

" Paris, le 22 juillet 1806.

D'après ta lettre, ma chère Gaspard, je vais partir pour mon pays afin de me procurer les fonds pour faire ma troupe; mais il est nécessaire que tu me fasses passer au reçu de la présente, la certitude de la salle et surtout l'approbation des autorités, sans quoi j'ai les bras liés et ne puis contracter avec les sujets que j'ai en vue et qui ont du talent; il est même à craindre que si je tarde trop, ils ne s'engagent ailleurs; j'ai l'espoir de faire une bonne troupe (tu sais que je suis difficile et que je m'yconnais), mais elle me coûtera cher: quand même elle ne passerait pas 4000 francs par mois, il faut compter sur 8000 francs, vu les frais de voyage et les frais journaliers; il faut que la troupe puisse débuter le premier octobre au plus tard, je m'arrangerai de manière qu'elle soit réunie à Liège 8 jours avant afin de faire faire quelques répétitions; j'engagerai la petite Emilie, et comme je suis seul, tu me seras nécessaire pour surveiller ma recette.

Communique, si tu veux, ma lettre aux autorités, que je n'ai pas l'honneur de connaître; mon magasin de musique ainsi que mes effets sont chez moi, je te les adresserai dès que tu m'auras fait passer ce que je te demande. Adieu, je t'embrasse ainsi que la petite et suis tout à toi.

J.-H. DUBOCAGE.

Réponse le plus tôt possible, mon adresse est à M. Dubocage, poste restante à Tulle, dépt de la Corrèze.

P.S. Je viens de recevoir ta lettre, et je n'ai que le temps de te faire le tableau de la troupe, que tu me feras le plaisir de communiquer de ma part aux autorités; je vais, avant de partir, charger mon correspondant de terminer avec les sujets que je lui indiquerai, mais il serait nécessaire d'avancer l'ouverture du spectacle, parce que les artistes ne peuvent pas attendre jusqu'au 15. "

Le tableau de la troupe qu'il joignait à sa lettre n'était que la liste des emplois qui comprenait 15 sujets, plus le maître de musique. Mme Gaspard faisait partie de la troupe, la petite Emilie était sa fille. Ayant reçu les pièces officielles, Dubocage écrivit cette seconde lettre:

" Paris, le 26 juillet 1806.

D'après vos deux dernières lettres, ma chère Gaspard, j'ai donné mes pouvoirs à M. Pic Duruissel, correspondant des spectacles, pour qu'il forme de suite ma troupe, et qu'il contracte en mon nom tous les engagements nécessaires; plusieurs sujets sont déjà engagés, entr'autres un nommé Abel, jouant l'emploi de Martin et forts trials: c'est un très agréable chanteur, qui sort d'Amsterdam où il est resté trois ans, je réponds de son succès; on voulait l'avoir à Lille, il m'a donné la préférence. A mon retour de Paris qui aura lieu dans un mois, la troupe sera complète et les avances envoyées, mais, ma chère Gaspard, il est impossible d'avoir des sujets, si leur engagement ne commence du 1er octobre prochain; d'après cela, tâchez de presser les travaux de la salle, ou bien indiquez-moi un endroit près de Liège où je pourrais faire débuter la troupe.

Elle sera chère, parce que les talents sont rares et que je mets tous mes soins à satisfaire le public et ses autorités; je pars pour Tulle lundi 28 du courant; vous m'y adresserez vos lettres, je joins ici l'adresse du correspondant au cas que vous vouliez lui écrire. J'espère trouver à Tulle une lettre de vous en réponse à ma dernière. Adieu, je vous embrasse ainsi qu'Emilie et suis tout à vous.

J.-H. Dubocage.

L'adresse du correspondant est à M. Pic Duruissel, correspondant des théâtres, rue Mazarine, n° 28, faubourg St-Germain à Paris.

P. S. Je serai à Liège ainsi que mon magasin, dans la première quinzaine de septembre. "

Le 16 août, Dubocage écrivait une nouvelle lettre à Mme Gaspard dans laquelle il lui annonçait qu'il avait sa troupe à peu près complète, et qu'elle ne ressemblait en rien aux troupaillons qui vont dans les foires ou dans les villes où l'on veut bien les souffrir.

Les souscripteurs ayant répondu avec empressement, l'on fit choix de trois commissaires qui mirent de suite les travaux en adjudication, et le 23 août on put faire l'annonce suivante:

Messieurs les commissaires, nommés par les actionnaires pour l'établissement d'une salle provisoire de spectacle, se sont réunis hier chez M. le Préfet, au moment de l'ouverture des soumissions faites par divers particuliers pour la construction de cette salle, et M. Dukers fils, architecte, ayant obtenu la préférence entre les autres soumissionnaires, M. le Préfet lui a confié l'entreprise de la construction de cette nouvelle salle, sur le plan et d'après les devis faits par M. Dewandre, inspecteur des bâtiments civils de ce département; nous pouvons donc annoncer au public qu'avant soixante-dix jours, il y aura à Liège une salle de spectacle.

Effectivement, soixante-dix jours plus tard, c'est-à-dire le 3 novembre, la salle était prête à être livrée au public.

Il paraît qu'on eût pu la terminer en moins de temps encore, si l'on n'eût pas ajouté différents ouvrages qu'on avait jugés nécessaires pendant le cours de la construction. Les frais d'appropriation de la salle Saint-Jacques n'excédèrent pas la somme de 18,000 francs.

Donnons ici un aperçu de cette salle dont on faisait beaucoup d'éloges, et qu'on allait même jusqu'à citer comme devant servir de modèle :

La forme était elliptique; des colonnes partant du sol, s'élevaient nues jusqu'au plafond, formé d'une toile blanchie à la chaux, tendue et clouée sur des perches transversales. Il y avait deux rangs de loges; les côtés des secondes loges étaient divisés en ogives. Afin de masquer la trop grande distance des premières aux secondes, on avait cloué dans le pourtour une large bande de toile peinte en bleu, formant draperie. Le cintre de l'avant-scène formait une espèce d'arcade trilobé. Le lustre, sans cristaux, n'était qu'un cercle de fer entouré de quinquets; on l'éclairait par le bas puis on le remontait à sa place. La scène n'était pas machinée, on poussait à la main les coulisses engagées dans des rainures, ce qui nécessitait une personne pour chacune d'elles dans les changements à vue. Le rideau, peint par Thonet, se relevait en store; les frises et les fonds se roulaient.

Telle était cette cinquième salle dont les abords se trouvaient assez étroits et difficiles, ce qui nécessita un arrêté du Maire pour prévenir les embarras et les accidents, qui pourraient résulter par la rencontre des voitures dans les rues avoisinant la salle.

Le décret impérial du 8 juin 1806, fixant le privilège des exploitations théâtrales, classait Liège dans le 22e arrondissement, qui comprenait: le département de la Meuse-inférieure, de l'Ourthe et de la Roër.

Le 16 octobre, le Préfet prit un arrêté concernant différentes mesures à faire observer au directeur:

" 1° La salle provisoire du spectacle de Liège est mise à la disposition de M. J.-H. Dubocage, pour y faire jouer la comédie, l'opéra et le vaudeville, et y donner des bals, concerts et divertissements, sous la surveillance spéciale du Maire de cette ville, et sauf les arrangements à prendre par le sieur Dubocage avec la commission des actionnaires.

2° Ce théâtre jouira seul du droit de donner des bals masqués.

3° Le directeur n'y fera jouer que des pièces dont la représentation aura été autorisée. Le répertoire de ces pièces sera soumis tous les mois au Préfet.

4° Aucune pièce nouvelle, composée dans le département ou ailleurs, ne pourra être jouée qu'après avoir obtenu l'autorisation de S. Exe. le ministre de la police générale.

5° Les conventions à faire entre les auteurs et le directeur seront libres. L'autorité locale veillera à la stricte exécution de ces conventions, en se conformant aux décrets du 1er germinal an XIII et 8 juin 1806.

6° Le directeur aura soin de faire verser exactement dans la caisse du bureau central de bienfaisance à Liège, le montant des droits établis par les lois des 7 frimaire et 8 thermidor an V. Ces droits, prorogés par le décret du 21 août 1806, pour les 100 derniers jours de 1806 et l'an 1807, sont fixés: 1° à un décime par franc à prélever en sus du prix de chaque billet d'entrée ou d'abonnement; 2° au quart de la recette brute pour les bals ou concerts, et où l'on est admis en payant soit par cachets, billets ou abonnements.

7° Les contestations auxquelles les recettes et les droits à percevoir pourraient donner lieu, seront décidées conformément aux dispositions de l'arrêté du gouvernement du 10 thermidor an XI, et aux articles 2 et 3 du 8 fructidor an XIII, qui sont maintenus par celui du 21 août précité.

8° Il y aura au spectacle une garde extérieure, composée du nombre d'hommes nécessaires à la sûreté publique; elle sera prise dans la compagnie de réserve du département.

9° L'indemnité à payer au sous-officier est fixée à 75 centimes, et celle de chaque soldat à 50 centimes par représentation. Cette indemnité respective sera doublée pour les bals.

10° La garde ne pourra pénétrer dans l'intérieur de la salle que dans le cas où la sûreté publique serait menacée ou compromise, et sur la réquisition expresse de l'officier de police administrative.

11° Un commissaire et un ou plusieurs agents de police seront toujours de service dans l'intérieur de la salle.

12° Le directeur, à peine de voir fermer son théâtre, sera tenu de se conformer à l'arrêté du 1er germinal an VII, qui prescrit des mesures pour prévenir les incendies.

13° Expédition du présent sera adressée: 1° au Maire de Liège, qui est spécialement chargé d'en surveiller l'exécution; 2° à M. Dubocage, pour qu'il ait à s'y conformer.

Fait à Liège, le 16 octobre 1806. "

La clause relative aux mesures d'incendie, nous donne l'occasion de citer un article de ce règlement qui ne devait guère produire d'efficacité :

" Il sera placé des tonnes pleines d'eau tant sur le théâtre que dans les angles de chaque corridor; à côté de chaque tonne, il y aura un seau ou baquet, pour puiser l'eau et la transporter avec facilité et promptitude sur le théâtre; il y aura des éponges attachées à l'extrémité d'un bâton et des pompes en fer blanc ou cuivre. "

Le 21 octobre, le sieur Desvignes, qui avait passé à Liège 14 ans comme artiste et administrateur, sollicitait la direction pour inaugurer la nouvelle salle; mais Dubocage étant définitivement choisi, ce fut donc celui-ci qui fit avec les artistes suivants, l'ouverture de la saison


1806-07

J.-H. DUBOCAGE, directeur.

MM. Duchateau, 1re haute-contre. - Abel, baryton. - Martin. - Sellier, basse. - St-Preux. - Gabriel. - Dubocage. - Duclos.

Mmes Kimtz. 1re chanteuse à roulades. - Martin. - Sellier. - Debussac, duègne. - Olivier. - Gaspard. - Mlle Gaspard.

M. Kuntz, maître de musique.

Le prix des places était fixé à un taux raisonnable, savoir:

Premières loges, baignoires et parquet: fr. 2,40; parterre fr. 1,20; galerie ou secondes loges, 75 centimes.

L'abonnement était de 21 fr. pour les loges, 18 fr. au parquet pour les hommes et 15 fr. pour les dames. Il était personnel.

L'ouverture eut lieu le mardi 4 novembre, par: L'Epreuve villageoise, o.-c. 2 a., et Les Prétendus, op. 1 a.

Ce théâtre prit le nom de Salle Saint-Jacques. Le 10 novembre, le Maire fit publier un règlement en 13 articles, concernant la police des théâtres.

L'article 1er indiquait que le spectacle devait commencer à 5 1/2, heures précises, du 1er novembre au 1er mars, et à 6 heures du 1er mars au 1er novembre. A défaut de se conformer à cet article, le directeur devait verser une somme de vingt-cinq francs dans la caisse du Bureau de bienfaisance.

D'après l'article 3, chaque mois d'abonnement se composait de 14 représentations.

Mme Kuntz était une artiste très appréciée du public, si nous en jugeons par la soirée du 7 décembre dans laquelle on lui adressa ces vers:

A la finesse à l'enjouement,
Désormais consacrant ma lyre,
De KUNTZ, je chante le talent
Et l'enthousiasme qui l'inspire.
Son jeu naïf plein de gaieté
Prête un nouveau charme au poète,
Dans cet aveu la vérité
M'a choisi pour son interprète.

Tu débutas: Les Prétendus,
De tes succès furent la preuve,
Bientôt encore plus étendus
Leur éclat s'accrut par L'Epreuve;
Ta victoire sur Coradin
Fut due à ta touchante grâce,
Pour prix auprès de St-Aubin
L'Opéra-comique te place.

D'Adolphe avec toi prisonnier,
Le bonheur excita l'envie,
Félix te valut un laurier,
Tu triomphas par la Folie.
Sous mille formes à la fois
Tu charmes notre âme enchantée,
Pour plaire, le ciel je le crois
Te fit l'émule de Prothée.

H. Delloye, dans son Troubadour du 4 février, parlait en ces termes de la nouvelle salle:

" La salle est mieux qu'on ne se le figurait, le décor est susceptible d'épuration l'orchestre est toujours liégeois, quelques années d'absence m'en ont fait sentir le mérite présent. Il y a beaucoup à critiquer sur le désavantage des loges pour le beau sexe; elles semblent tenir des fumées de Liège. Le clair-obscur de l'intérieur nuit à l'éclat de la beauté et de la parure.

Je n'ai entendu nulle part accompagner aussi bien le bel opéra d'Euphrosine. "

Du 14 février au 14 mars, M. Moreau, surnommé le petit Arlequin du théâtre d'Audinot, donna 3 représentations. Cet artiste était remarquable par sa souplesse, et surtout par sa taille exiguë qui ne mesurait que 44 pouces. Dans les deux dernières soirées, il produisit sa fille âgée de 7 ans.

Aucune autre représentation extraordinaire n'eut lieu, et la clôture se fit le samedi 21 mars, par: Ma Tante Aurore,o.-c.2a., et Les Maris garçons, o.-c. 1 a.

La privation de spectacle pendant tout un hiver, avait contribué pour une certaine part au succès de cette saison qui fut très fructueuse. L'abonnement s'élevait cette année à près de 4000 fr. par mois, et les bals masqués donnaient un bénéfice net de 3000 fr.

La saison s'était composée de 79 représentations, comprenant 68 opéras et 16 comédies, drames ou vaudevilles.

Quelques représentations intéressantes furent données pendant l'été par des artistes de passage.

La première le 17 mai, par une société d'artistes dramatiques et lyriques sous la direction de Bourson. Ils donnèrent: Les Prétendus et Adolphe et Clara.

Le 31 mai, M. Comte donna une soirée de ventriloquie dans laquelle il faisait entendre une scène intitulée: Le Malade imaginaire ou des calembourgs comme s'il en pleuvait.

Vint ensuite du 20 au 23 septembre, une troupe d'artistes dramatiques qui, passant par la ville, donna 3 représentations en jouant: Santeuil et Dominique, op.-v. 3 a.; Le Conseil de guerre, dr. 5a.; Le Menuisier de Livonie, c.3a.; Le Jugement de Salomon, c.3a.; La Partie de chasse d'HenriIV, c.3a.; Le Remouleur et la Meunière, v. 1 a. La première de ces représentations fut donnée au bénéfice des victimes du terrible incendie qui avait éclaté à Spa, le 21 août 1807, et qui ruina presqu'entièrement la ville. La somme versée pour cette œuvre était de 72 fr.

Au mois d'octobre, la troupe des jeunes élèves de la rue de Thionville, sous la direction de M. Housset, danseur du théâtre de la Porte St-Martin, donna, du 8 au 19, 4 représentations composées de comédies et vaudevilles. La première fut également donnée au bénéfice des incendiés de Spa, mais ne rapporta que la somme de fr. 36,06. Puis, pour finir la saison, une troisième troupe d'artistes dramatiques du théâtre de la Porte St-Martin, qui se rendait à Gand, donna 2 représentations les 25 et 29 octobre. Dans cette troupe se trouvait M. Fitz-James neveu, qui, réuni aux artistes, exécutait plusieurs scènes de ventriloquie.

La salle Saint-Jacques n'ayant été construite que provisoirement, il avait déjà été question depuis l'année précédente, d'ériger un monument digne de la Ville et de la destination qu'on lui assignait. Cinq plans avaient été soumis à l'approbation de la Régence.

Le n° 1, dont l'auteur n'était pas connu, s'était borné à proposer l'établissement de différentes rues sur l'emplacement de la Cathédrale Saint-Lambert, détruite en 1792 et dont plusieurs ruines existaient encore.

Le n° 2, de M. Defrance, proposait de construire une salle Place Verte, et de faire du terrain où se trouvaient les ruines de la Cathédrale une place publique.

Le n° 3, de M. Donville, était le même que le n° 2, mais légèrement modifié.

Le n°4, de M. Dewandre, proposait de construire la salle sur l'emplacement de la Cathédrale.

Le n° 5 n'atteignait pas le but proposé.

M. Dechamps, ingénieur en chef des ponts et chaussées, soumit aussi un projet consistant à établir une salle Place Verte, maison de l'Official, et à faire une grande place impériale sur l'emplacement de la Cathédrale. Ce projet reçut un commencement d'exécution, car, par une lettre datée du 20 août 1807, le Maire informait M. Collardin libraire, Place Verte, que la maison qu'il occupait étant destinée à faire partie de la nouvelle salle de spectacle, il l'invitait à nommer de suite un architecte, pour procéder contradictoirement avec celui de la commune à l'expertise de la dite maison; l'estimation concernant celle des deux voisins étant terminée, il convenait que la sienne eût lieu sans délai, car on devait soumettre de suite les moyens de construction à l'approbation du gouvernement.

Ce projet n'eut toutefois pas d'autre suite; ce ne fut qu'en 1817, ainsi que nous le verrons plus loin, que des plans définitifs furent adoptés pour la construction de la salle sur l'emplacement qu'elle occupe encore aujourd'hui.

Peu de temps après, un M. J.-N. Chevron, en envoyant un nouveau projet, proposait de préserver la salle ou le théâtre, par le moyen d'un rideau en fer qui serait ajusté à l'avant-scène et qu'on laisserait descendre au moment où l'incendie se manifesterait; de cette façon, le feu ne pourrait se communiquer ni du théâtre à la salle, ni de la salle au théâtre, ces deux parties étant d'ailleurs séparées par un gros mur en briques.


1807-08.

Pour commencer sa seconde année, Dubocage avait pris pour associé un certain Chateauneuf, qui exploitait aussi le 22e arrondissement, mais s'occupait plus particulièrement du département de la Meuse-Inférieure, tandis que Dubocage conservait le département de l'Ourthe et de la Roër. Celui-ci présenta donc la troupe suivante pour la saison

J.-H. Dubocage et Cie, directeurs.

MM. Duverney, 1re hautre-contre. - Lacoste, 1re hautre-contre. - Cuvilier, 2e hautre-contre. - Bussy, 1re basse. - Lauriol. Abel, baryton Martin. - Duclos. - Dubocage. Lacoste, cadet. - Gaspard, 1er rôle. - Reboul.

Mmes Kuntz, 1re chanteuse à roulades. - Hauregard, 2e chanteuse à roulades. - Debussac, duègne. - Hyppolite. - Gaspard, mère. - Gaspard, fille. - Alexandrine. - Pauquet.

M. Kuntz, maître de musique.

L'ouverture eut lieu le mercredi 4 novembre, par: La Maison isolée, o.-c. 2 a., et Alexis, ou l'erreur d'un bon père, o.-c. 1 a.

Ainsi que cela se faisait précédemment, des redoutes avaient lieu tous les mercredis pendant un certain temps; il y en eut 10 à dater du 23 décembre.

Cette année n'offrit rien de remarquable; aucun artiste étranger ne se produisit. La troupe qu'avait présentée le directeur suffisait à satisfaire les plus exigeants. Le 31 décembre, on représentait les deux opéras annoncés par l'affiche ci-contre, dont l'original fait partie de ma collection.

Deux nouveautés sont à signaler pendant cette saison: Les Rendez-vous bourgeois, o.-c. 1 a., musique de Nicolo, dont la première représentation eut lieu le samedi 9 janvier, et Le Concert interrompu, o.-c. 1 a., musique de Berton, donné le 7 avril.

La clôture se fit le samedi 9 avril, par: Le Concert interrompu, o.-c. 1 a., et Les Marionnettes, c. 5 a.

La saison s'était composée de 91 représentations, comprenant 86 opéras et 8 comédies ou vaudevilles.

Aucune représentation ne fut organisée pendant la saison d'été. Dubocage recommença alors la campagne d'hiver.


1808-09.

J.-H. DOBOCAGE, directeur.

MM. Lacoste, 1re haute-contre. - Lacroix, 2e haute-contre. - de Garron. - Chapizeau. - Legros. - Abel, baryton. - Raymond.

Mmes Kuntz, lre chanteuse à roulades. - Hauregard, 2e chanteuse. - Debussac, 1re duègne. Huard, 2e chanteuse. - Raymond. - Hyppolite.

M. Kuntz, maître de musique.

L'ouverture eut lieu le dimanche 29 octobre, par: La Jeune prude, o.-c. 1 a., et Les Deux frères, c. 4 a.

Cette saison se passa de même que la précédente, sans le secours d'artistes étrangers. La seule nouveauté à signaler fut l'apparition de: Joseph, o.-c. 3 a., musique de Méhul, dont la première représentation eut lieu le 12 novembre.

Un arrêté du Préfet, en date du 31 janvier, accordait le privilège des bals publics masqués, au directeur de la salle provisoire de spectacle de Liège.

Au bénéfice de Kuntz, le chef d'orchestre, on représenta le 11 mars: Le Château de Linsfeld, mélodrame en 3 actes, auquel il avait adapté une musique de sa composition.

La clôture se fit le samedi 25 mars, par: L'Auberge de Bagnères, o.-c. 3 a., et Mme de Sévigné, c. 3 a., terminant une série de 87 représentations, composées de 67 opéras et 35 comédies, drames ou vaudevilles.

Toujours même abstention de représentations durant l'été, les artistes se rendant ordinairement à Spa et Aix-la-Chapelle.


1809-10.

Pour sa quatrième année, Dubocage renouvela presque complètement sa troupe et présenta les artistes suivants pour la saison

J.-H. Dubocage, directeur.

MM. Cardinal, 1re haute-contre. - Deschazelle, Philippe, Gavaudan. - Clozel, jeune Colin. - Abel, baryton Martin. - Pavier, 1re basse-taille. - Auguste, 2e basse-taille. - Lacroix, trial, laruette. - Edouard, 1er amoureux. - Laval, 2" amoureux. Ternaux, accessoires.

Mmes Cardinal, 1re chanteuse Philis. - Huard, 2e chanteuse. - Savary, 1re dugazon. - Ternaux, aînée, 3e chanteuse. - Ternaux, cadette, ingénuité. - Clozel, mère dugazon. - Pavier, 2e duègne. Deschazelle, âgée de 10 ans.

M. Valentino, maître de musique.

L'ouverture eut lieu le dimanche 29 octobre, par: Montano et Stéphanie, o.-c. 3 a., et Le Grand-deuil, o.-c. 1 a.

La petite Deschazelle, qui jouait les rôles d'enfants, s'acquittait fort bien de son emploi. Elle était la fille de Mme Deschazelle qui avait brillé sur les principales scènes d'Europe, et qui mourut malheureusement trop jeune.

A la représentation du 25 novembre, on lui adressa les vers suivants:

Près d'expirer dans un affreux séjour
Sous les habits d'Adolphe, aux genoux de sa mère,
Du tyran de Camille espérant le retour,
Puis sous le froc d'un amant solitaire
Et sous le bavolet d'une jeune laitière,
Par ton jeu varié tu nous plais tour à tour.
Aimable enfant, déjà, tu marches sur les traces
De celle à qui tu dois le jour;
Mais bientôt à nos yeux cessant d'être l'amour,
Tu deviendras l'une des grâces
Que les dieux de la scène admettront à leur cour.

Elle réalisa en partie ces prédictions, et nous revint en 1830 et en 1839, sous le nom de Mme Biacabe.

Le 3 décembre, spectacle de circonstance, offert aux époux dotés par l'empereur. Ils y assistèrent dans une loge décorée à leur intention. A la fin de la première pièce, Mme Cardinal chanta quelques couplets dédiés à la jeune épouse.

Le 19 du même mois, 1re représentation de: La Vestale, op.3a., musique de Spontini. Quelques artistes de Maestricht se réunirent à ceux de Liège pour interpréter cet opéra.

Cette année fut assez longue, car elle ne se termina que le 12 avril, par: LeGrand-deuil, o.-c.1a., et Le Tyran domestique, c.1a. Elle comprenait 94 représentations, composées de 83 opéras et 37 comédies, drames ou vaudevilles. Toujours absence de représentations durant la saison d'été.

Le 28 juin, notre ancienne basse et directeur Teaumarin, conjointement avec un nommé Dejoye, directeur du 14e arrondissement, sollicitait la direction pour la saison prochaine, mais elle fut continuée à Dubocage.

Celui-ci, qui avait aussi obtenu la direction du théâtre de Namur, avait mis ici à sa place un nommé Reynal, son fondé de pouvoirs. Ce dernier administra la troupe suivante pour la saison


1810-11.

J.-H. DUBOCAGE, directeur.

REYNAL, administrateur.

MM. Cardinal, 1re haute-contre. - Bridault, 1re basse-taille. - St-Paul, laruette. Germain, 1er rôle. - Fiévez, 1er comique. - Petigny. - Reynal, 1er amoureux. - Baptiste, Martin, Solié. - Baudry, financiers. - Lacoste, cadet. - Ris. - Durieux.

Mmes Caroline Dorsan, 1re chanteuse. *- Cardinal, chanteuse à roulades.- St-Paul. - Fiévez, dugazon. - Pouchain. - Ris. - Baptiste, 1re duègne. - Clara St-Paul, 1re amoureuse. - Baudry, aînée, 1re soubrette. - Baudry, cadette, 3e amoureuse.

M. Fiévez, maître de musique.

L'ouverture eut lieu le jeudi 15 novembre, par: Le Traité nul, Cs-c-1a., et Le Vieux célibataire, c.5a.

Le 1er décembre, première représentation de: Cendrillon, o.-c. 3 a., musique de Nicolo Isouard.

Le 10 février, le sieur Mathieu Coulon, le même que nous avons vu en 1795, devenu depuis professeur d'escrime, donna un assaut d'armes à son bénéfice.

Cette année ne dut pas être aussi fructueuse que les précédentes, car, par un avis inséré dans le journal du 27 février, le directeur déclare qu'il perd beaucoup d'abonnés, que pour le dernier mois, il sera obligé de jouer moins souvent que par le passé, et qu'il basera le nombre des représentations qu'il pourra donner sur celui des abonnés qui lui restera.

Du 3 au 21 mars, 5 représentations furent données par M. Forioso, danseur de corde, et sa sœur cadette; il faisait l'exercice du drapeau et jouait du violon sur la corde oblique.

Le 23 mars 1811, la commission procéda par voie de tirage au sort au premier remboursement des actions émises. L'avis prévenait que c'était indépendamment du solde payé pour la construction de la salle; de sorte que, n'ayant plus cette dépense à faire pour les années suivantes, chaque action était susceptible d'une prime ou dividende de 20 pour cent d'intérêt.

Le tirage se fit régulièrement chaque année; les dernières actions furent remboursées en 1820, lors de l'abandon de la salle.

A la représentation du 30 mars, on donna: Le Berceau, divertissement composé à l'occasion de la naissance du premier enfant impérial.

La clôture eut lieu le 6 avril, au bénéfice de Mme Cardinal, par: Pierre le Grand, op. 3a., et La Comtesse de Walberg, ou la peine du talion, c. 3 a., plus un divertissement de M. Seigne, dansé par de jeunes amateurs ses élèves.

La dernière pièce était donnée pour la première fois et devait être d'un amateur; elle valut une réprimande au directeur pour l'avoir produite sans autorisation.

Par le décret impérial du 8 juin 1806, le répertoire des pièces à représenter devait être soumis à l'approbation de S.Ex. le ministre de la police générale, qui le renvoyait muni de son autorisation. Or, lapièce La Comtesse de Walberg n'ayant pas figuré dans le répertoire, sa représentation constituait une infraction au décret. Le Préfet en témoigna son mécontentement au Maire, lequel réprimanda le directeur et lui demanda le manuscrit de la pièce pour statuer sur la question.

Cette année comprenait 77 représentations, se composant de 60 opéras et 39 comédies, drames ou vaudevilles.

Le 9 juin, il y eut spectacle gratis à l'occasion du baptême du roi de Rome.

Une troupe d'enfants, dont la plupart étaient de la ville, et sous la direction d'un sieur Aubert, vint donner une représentation le 14 juillet, composée de: Les Folies amoureuses, c. 3a., et La Bonne mère, c. 2 a.; ils rendirent une seconde, le 3 août suivant.

Entre ces deux soirées, du 18 au 28 juillet, M. Bienvenu vint exécuter, dans 7 représentations, des expériences de physique et de fantasmagorie. Les feux d'artifice qu'il annonçait, n'étaient qu'un avant-coureur de l'éclairage au gaz: Il disait, d'après son programme :

" Ces feux prouveront l'utilité et la beauté des nouveaux Thermo-lampes, dernièrement inventés à Paris pour éclairer toute une salle. "


1811-12.

Dubocage, ayant encore obtenu la direction, s'associa de nouveau avec Chateauneuf et présenta les artistes suivants pour la saison.

J.-H. DOBOCAGE et Cie, directeurs.

MM. Germain, 1er rôle. - Pingat, 1re haute-contre. - Philippe. Hyppolite, 2e et 3e basse. - Fiévez, 1er comique. - Ramond, jeune comique. - St-Paul, laruette. - Baudry, financiers. - Armand, 1er amoureux. - Pouchain, régisseur.

Mmes Fay, 1re chanteuse. - Baillet, 2e chanteuse. - Fiévez, dugazon St-Aubin. - Baudry, aînée, 1re soubrette. - Baudry, cadette, 3e amoureuse. - St-Hilaire, duègne. - Armand, 1re amoureuse. ClaraSt-Paul (9ans), rôles d'enfants.- Ramond.

M. Fiévez, maître de musique.

L'ouverture eut lieu le mardi 5 novembre, par: Phèdre, tr. 5 a., et La Fausse Agnès, c. 3a.

Mme Fay, la 1re chanteuse, était la fille de Madame Rousselois qui faisait partie du théâtre de Bruxelles en 1802-03, et la mère de la petite Léontine Fay que nous retrouverons plus tard en 1816 et en 1822.

Dubocage, qui avait encore cette année conservé l'administration du théâtre de Namur, avait en quelque sorte formé deux troupes distinctes, l'une de comédie, qui commença la saison à Liège jusqu'au mardi 3 décembre. Cette troupe se rendit alors à Namur, et fut remplacée par les artistes d'opéra, qui allèrent retrouver les premiers vers la fin de février.

Ainsi que les années précédentes, le spectacle du 1er décembre, fut donné en l'honneur des époux dotés par la municipalité.

Suivant l'habitude contractée à Namur, chaque artiste, le jour de son bénéfice, adressait au public une invitation en vers; voici celle que produisit Mme Baillet, le 25 janvier 1812.

INVITATION AUX DAMES.

0 vous à qui sans cesse on offre son hommage
Sexe aimable et charmant vous domptez tous les cœurs,
De vous voir en ce jour si j'obtiens l'avantage
On verra mon spectacle orné de mille fleurs.
Je pourrai me flatter que les Liégeois galants
Brigueront le bonheur de voler sur vos traces;
S'ils n'y viennent au moins pour nos faibles talents,
Pourraient-ils refuser d'accompagner les grâces.

Cet impromptu! avait été composé deux ans auparavant, par le sieur Egée qui l'avait lancé à Namur lors de son bénéfice.

Le 27 février 1812, un accident arrivé à la houillère Beaujonc, ensevelit 91 mineurs, dont 69 ne furent retirés vivants que le 4 mars à midi. Parmi ceux-ci se trouvaient le nommé Hubert Goffin, contre-maître, et son fils. Le premier était parvenu par son courage, à soutenir le moral de ces malheureux qui se voyaient déjà si près du tombeau, et il avait juré de ne sortir de la fosse que lorsque ses compagnons seraient hors de péril. L'Empereur, pour récompenser ce trait d'héroïsme resté célèbre dans les fastes liégeoises, décora Goffin de l'ordre de la Légion d'honneur, le 22 mars.

Ce jour-là et pour la clôture de la saison, on donna une représentation au bénéfice des victimes de la Fosse Beaujonc, composée de: Les Deux frères, c. 4a.; La Leçon conjugale, op.-v. 1a., et suivie d'un bal. Hubert Goffin, portant sur sa poitrine la décoration qu'il avait si noblement méritée, assista à la représentation, entouré de sa femme et de son fils dans une loge qui avait été décorée pour les recevoir. Des vers furent lus à cette occasion. Le bénéfice net de cette soirée produisit la somme de fr. 403,03.

M. le préfet Micoud d'Umons reçut le 14 avril, de l'Administration du théâtre des Variétés de Paris, la somme de fr. 2297,28, produit d'une représentation donnée le 4 avril, à ce théâtre, au profit des victimes de Beaujonc.

Cette année s'était composée de 80 représentations, comprenant 53 opéras et 68 comédies, drames ou vaudevilles.

Sur sa demande, le sieur Dubocage fut autorisé, à dater du 5 mars, à diriger seul une troupe pour le département de l'Ourthe et de la Roër.

Aucune représentation n'eut lieu jusqu'au mois de septembre. Du 24 de ce mois au 1er novembre, une troupe italienne, connue sous le titre de: L'Agréable Jeunesse, vint donner 17 représentations. Cette troupe se composait de M. Casorti et sa famille, Mlle Fierzi dansant sur le fil d'archal, et M. Petoletti dansant la danse tartare. Leurs représentations comprenaient des exercices acrobatiques et se terminaient par des pantomimes variées.


1812-13.

Dubocage entreprit donc seul sa septième année et produisit la troupe suivante pour la saison.

J.-H. Dubocage, directeur.

Artistes de la comédie.

MM.Mircourt, 1er rôle tragique. - Rousselle, 1er comique. - Bellerive, père noble. - Baudry, financiers. - Decattey, jeune premier. - Cloup, 2e et 3e amoureux. - Dumenil, et Pouchain 2e comique, 1er au besoin. - Hyppolite, 3e rôle. - Lassoye, régisseur.

Mmes Mircourt, 1er rôle, forte jeune première - Rose Beaupré, jeune amoureuse, ingénuité. - Baudry, aînée, 1re soubrette. - Baudry, cad., 3e amoureuse. - Rousselle, 2esoubrette, 1reaubesoin. Debussac, et Beaupré, caractères, et mères nobles.

Artistes de l'opéra.

MM. Pigeard, 1re haute-contre. - Lartic, Martin, Solié. - Lavilette, 1re basse-taille. Hyppolite, 2e et 3e basse-taille. - Duménil, laruette. - Cloup, trial. - Decattey, 2de haute-contre.

Mmes Cervetta, 1re chanteuse à roulades. - Jost, 2de chanteuse forte dugazon. - Lartic, et Beaupré, Jeunes dugazons, St-Aubin, 2de chanteuse. - Leclerc, 2de et 3e chanteuse. Debussac, lre duègne. - Beaupré, 2de duègne.

M. Prevost, maître de musique.

Ouverture le dimanche 15 novembre, par la 1re représentation de: Jean de Paris, o.-c. 2 a., musique de Boiëldieu, et Guerre ouverte, c. 3 a.

Le 31 du même mois, on donna une représentation de: LaHouillère de Beaujonc, fait historique en 2 actes, de MM. Rougemont, Brazier et Merle, et ayant trait à la catastrophe arrivée au mois de février précédent.

A cette époque, les directeurs obtenant le privilège de l'entreprise théâtrale, aucune concurrence ne pouvait s'établir dans l'endroit qu'ils exploitaient. Aussi le Ministre de l'intérieur, ayant appris qu'une société de soixante jeunes gens de la ville avait reçu l'autorisation de jouer la comédie, écrivit au Préfet, le 7 janvier 1813, une lettre dont nous extrayons les deux paragraphes suivants:

" Qu'une fois par hasard chez un particulier riche, on joue la comédie, que l'on n'y admette que la famille, les intimes seuls et enfin un très petit nombre de personnes, il n'y a rien là qui ne puisse être toléré.

Mais que dans une ville de moyen ordre, soixante jeunes gens qui entraînent au moins autant de maisons, se réunissent pour former une troupe en quelque sorte régulière, cela n'est plus convenable; il finirait par en résulter une foule d'inconvénients qu'une administration sage, éclairée et bienveillante, doit prévenir. Séparez les sociétaires, les chefs de familles sentiront que vous agissez dans leurs vrais intérêts et applaudiront à vos ordres. D'un autre côté, vous détruirez pour le théâtre public, une concurrence qui paralysait ses ressources. "

Ensuite d'une autre lettre émanant également du Ministre de l'intérieur, et demandant au Préfet du département de l'Ourthe, des renseignements sur les troupes qui desservent les principales villes de son ressort, nous trouvons en réponse, une lettre du Maire au Préfet datée du 12 janvier 1813, et qui nous donne quelques détails très intéressants. Le Maire dit que le sieur Dubocage est un bon administrateur, qui fournit chaque année le texte de son répertoire, approuvé par S. Ex. le ministre de la police générale, conformément au décret impérial du 8 juin 1806. Il donne ensuite la réponse du directeur, relative aux questions posées dans cette lettre.

"1re question. — Le nombre des acteurs qui composent la troupe de Liège est ordinairement de 17 à 18; cette année, il a été porté à 30, par les raisons suivantes: Les directeurs brevetés (Dubocage et Chateauneuf) s'étaient chargés, le premier du département de la Roèr et de l'Ourthe, le second du département de Jemmapes et de la Meuse-Inférieure; le département de Jemmapes ayant été distrait de l'arrondissement, il n'a plus été possible de faire deux entreprises.

2e question. — Comprend la liste de tous les artistes.

3e question. — La troupe après avoir passé un mois à Maestricht et tout l'été à Aix-la-Chapelle, se rend ordinairement à Verviers où elle passe tout le mois d'octobre; elle se rend ensuite à Liège au commencement de novembre, et y reste jusqu'au samedi veille des Rameaux, jour de clôture; cette marche ne pourra avoir lieu par la suite, si, comme cette année, l'abonnement ne commence qu'au 1er janvier, relativement au séjour prolongé à la campagne de Messieurs les abonnés des loges.

4e question. — La salle provisoire (théâtreSaint-Jacques) faitle plus grand tort au directeur; elle appartient à des actionnaires, tandis que celles de Maestricht et d'Aix-la-Chapelle appartiennent à la mairie.

5e question. — Le directeur, pour la salle de spectacle de Maestricht, paie 12 fr. par représentation l'été; en hiver, 18 fr.; celle d'Aix-la-Chapelle était payée 12 fr. par représentation, M. le Maire l'a réduite à 6 fr. — - A Verviers, la salle a été louée pour tout l'hiver, à 600fr.; elle ne mérite pas le nom de spectacle.

La salle de Liège est payée par le directeur à raison de 300 fr. par mois; Messieurs les commissaires des actionnaires se réservent en outre le produit des redoutes ou bals parés, ainsi que du café établi dans l'intérieur de la salle.

Le goût du public est prononcé pour l'opéra, c'est-à-dire pour le répertoire du théâtre Feydeau; la haute comédie est vue avec plaisir, c'est pourquoi le répertoire est basé sur le genre de la Comédie française et de Feydeau principalement. „

L'ouverture des bals masqués eut lieu le dimanche 21 février. Les directeurs qui avaient le privilège de ces bals, et qui n'avaient pris aucun arrangement pour la cession de leurs droits, informaient qu'ils poursuivraient ceux qui se permettraient d'en donner.

La clôture de la saison se fit le lundi 8 mars, par: Une Folie, o.-c. 2 a., et Les Ruines de Babylone, m. 3 a., au bénéfice de M. et Mme Rousselle.

Ainsi que cela se faisait chaque année, une note insérée dans les journaux priait les personnes qui auraient des réclamations à faire ou des comptes à régler, de s'adresser à M. Dubocage.

La saison théâtrale comprenait 65 représentations, composées de 43 opéras et 63 comédies, drames ou vaudevilles.

Comme on a pu le voir, le directeur Dubocage terminait une série de sept années consécutives des mieux remplies. Ce fut peut-être de tous les directeurs qui se succédèrent sur le théâtre de Liège, celui qui traversa la période la plus calme, en tout cas la plus fructueuse, car il paraît qu'il se retira de Liège, emportant près de cent mille francs d'économie.

Du 9 au 16 mai, M. Comte, de Genève, nous fit entendre des scènes de ventriloquie, accompagnées d'expériences de physique, qui produisaient beaucoup d'effets et attiraient le public à chacune des représentations. C'était le même artiste qui avait paru en 1807.

Après cela, vint la famille Kobler, danseurs de corde, qui donna deux représentations le 3 et le 6 juin. Le jeune Kobler dansait avec force et aplomb, ses deux jeunes sœurs mettaient beaucoup de grâce et de légèreté dans leurs évolutions sur la corde tendue; en un mot, il était difficile de réunir plus d'ensemble et detalents dans une aussi petite troupe.

M. Olivier père, passant par Liège pour se rendre dans la capitale, donna, du 13 au 20 juin, 5 représentations, composées aussi d'expériences de physique et de prestidigitation.

Puis, pour finir, une troupe de passage, venant d'Aix-la-Chapelle et dirigée par M.Dupont et Mlle Dobvillers, fit entendre dans deux représentations, les 30 et 31 octobre: La Servante-Maîtresse, o.-c. 2 a.; L'Actrice à l'épreuve, op.-v. 1 a.; L'Embarras comique, c. 1 a.; La Fontaine de Jouvence , c. 1 a.; Le Nouveau débarqué , c. 1 a. ; Le Remouleur et la meunière, c. 1 a.

Un arrêté du Maire, en date du 21 octobre 1813, avait interdit à M.Dupont de jouer La Vestale, pot-pourri de M. Desaugiers, comme renfermant des couplets graveleux n'étant point destinés à figurer sur la scène.

Depuis le 22 avril 1813, une réorganisation générale s'était opérée dans l'exploitation théâtrale. Liège passa du 22e arrondissement au 10e, qui comprenait toujours le département de la Meuse-Inférieure, de l'Ourthe et de la Roër. M. Fiévez, le chef d'orchestre, fut nommé le 2 mai, pour succéder à Dubocage et prit la direction de ce 10e arrondissement théâtral qui desservait les villes suivantes:

Verviers, les dix premiers jours d'octobre; Maestricht, le restant du mois d'octobre; Liège, du 1er novembre au 1er février; Maestricht, du 15 février au 15 mars; Wezel, du 15 mars à la fin de l'année théâtrale: Aix-la-Chapelle, pendant la saison d'été.

Cet itinéraire, fixé par un arrêté du Ministre de l'intérieur, subit, comme on le verra par la suite, de légères modifications.


1813-14.

Le nouveau directeur présenta la troupe suivante pour la saison.

F.-J. FlÉVEZ, directeur.

MM. Charles, 1re haute-contre. - Sainville, 2e haute-contre. - Nunès,2e haute-contre. Colin. - Thierry, Martin, Solié. - Tiphaine. 1re basse-taille. - Fiévez, 1er comique. - St-Paul, laruette. - Leroy.

Mmes Derond, 1re chanteuse. - Fiévez, dugazon.- Picard, 1er rôle. - Duprato, 1re duègne. - St-Paul, soubrette. - Picard jeune, amoureuse.

M. Fiévez, maître de musique.

M. Fiévez avait conservé son emploi de chef d'orchestre, de mêm e que celui de 1er comique dans la comédie.

L'ouverture eut lieu le 27 novembre, par: Françoise de Foix, o.-c. 3a., et L'Apothéose de Grétry, action théâtrale en 1 a.

Cette dernière production avait été faite pour célébrer la mémoire de Grétry, mort le 24 septembre précédent. à Montmorency.

Cette mort avait causé de vifs regrets dans le monde théâtral, aussi dans plusieurs villes du pays avait-on organisé des représentations à ce propos. Liège, qui à cette époque de l'année ne possédait pas de troupe, n'avait pu rien faire, on fut donc forcé d'attendre l'ouverture de l'année théâtrale.

Nous n'avons pas à nous étendre ici sur le mérite et les éloges que l'on pouvait décerner à Grétry, nous nous contenterons de renvoyer le lecteur aux nombreux ouvrages qui ont été écrits à ce sujet. Nous constaterons simplement qu'il fut universellement regretté comme homme et comme compositeur. On lui fit à Paris de superbes funérailles, et de nombreuses pièces de vers parurent à cette occasion. Nous ne citerons qu'un quatrain que nous croyons de nature à prendre place ici:

Pour charmer l'ennui de la route,

GRÉTRY, sa lyre en main traversait l'Achéron.
Ramez donc, dit-il à Caron;
Que faites-vous?— Ma foi, j'écoute.

P. Villiers, ancien capitaine de dragons.

Le samedi 11 décembre, premièrere présentation de: Le Nouveau seigneur du village, o.-c. 1 a., musique de Boiëldieu.

Cette année fut excessivement calme sous tous les rapports; elle se clôtura le mardi 5 mars, par: Sylvain, o.-c. 1 a., La Femme à deux maris, dr. 3 a.

La saison comptait 74 représentations, comprenant 47 opéras et 45 comédies, drames ou vaudevilles.

Par une décision en date du 16 mai 1814, Son Exe. M.le gouverneur général autorisait M. Fiévez à continuer ses représentations sur les théâtres de Liège, Spa et Verviers, à charge de payer le produit de deux représentations pour les droits de concession et de patente, et de payer en outre partout où iljouerait, le droit qui avait été perçu jusqu'à ce jour pour les pauvres et qui était d'un décime par franc en sus de chaque billet d'entrée et d'abonnement, mais il ne pouvait lui être accordé de privilège exclusif.

A partir de cette année, le début de la troupe formée pour la saison d'hiver, se faisait ordinairement vers le mois de mai; le directeur se rendait ensuite à Aix-la-Chapelle, Spa et Verviers.

Une note, insérée dans le Journal de Liége du 11 juin, nous apprenait ceci:

" M. Fiévez, directeur du spectacle à Liège, jaloux de continuer à mériter la bienveillance du public, s'est empressé de se rendre à Paris pour l'organisation d'une nouvelle troupe d'artistes; il supplie le public d'être persuadé qu'il a mis tout le zèle et toute l'activité possibles, pour que la réunion de sa troupe soit agréable. Il ose espérer sur l'intérêt que l'on a bien voulu lui témoigner. "

Les débuts eurent lieu le 16 juin, par: Blaise et Babet, o.-c. 2 a., et Le Secret, o.-c. 1 a.; ils continuèrent jusqu'au 16 juillet; Fiévez se rendit ensuite à Spa pendant l'été, et ne revint que fin novembre avec les mêmes artistes pour ouvrir la saison


1814-15.

F.-J. Fiévez, directeur.

Artistes de la comédie.

MM. Germain, 1er rôle, père noble. - Alexandre, 1er rôle jeune. - Sainville, fort jeune premier. - Macret, financiers. - Valdosky, premier amoureux. - Fiévez, premier comique. - Lecerf, deuxième comique. - Lacôme, 1er et 2e rôle. - Bursay, régisseur.

Mmes Picard, 1er rôle marqué,mère noble. - Alexandre, jeune première. - Lacôme, ingénuité, jeune première. - St-Romain, première soubrette. - Picard, jeune amoureuse. - Livron, 2e soubrette. - Seguenot, caractères, duègne.

Artistes de l'opéra.

MM. Alexandre, 1re haute-contre Philippe. - Sainville, 1re haute-contre Elleviou. - Valdosky, 2e haute-contre Colin. - Bonvalet, Martin, Solié. - Macret, 1re basse-taille, - Lecerf, laruette et trial. - Bursay, 2e basse-taille.

Mmes Alexandre, 1re chanteuse. - St-Romain, 2e chanteuse. - Lacôme.jeune dugazon. - Picard jeune, rôles à roulades. - Picard, mère dugazon. - Séguenot, duègne grime.

M. Fiévez, maître de musique.

L'ouverture ne se fit cette année que le 1er décembre, par: Gulistan, o.c. 3a., et Les Deux jaloux, o.-c. 1a.

Joconde, le charmant opéra-comique de Nicolo, fut donné pour la première fois le mardi 13 décembre et obtint un grand succès. La troupe d'ailleurs était formée de manière à aborder sans crainte tous les opéras du répertoire.

A dater du 10 février 1815 jusqu'au 19 du même mois, Madame Saqui, qui s'intitulait: " 1er artiste funambule de S. M. le roi Louis XVIII, directrice des fêtes et ascensions du gouvernement, " vint donner 5 représentations de ses exercices sur la corde raide avec beaucoup de succès, car il y eut foule à chacune de ses représentations. Elle faisait une ascension sur une corde tendue obliquement, et partant du fond de la scène pour aboutir au dernier rang des loges.

Marguerite-Antoinette Lalanne, dite Madame Saqui, naquit à Agde, le 26 février 1786; sa famille par courait les foires; le nom de Lalanne est du reste fort connu en Belgique, par les souvenirs qu'y ont laissés les écuyers, directeurs de cirques ou autres forains. Elle épousa Jean-Julien-PIERRE SAQUI et ce fut sous son nom de femme qu'elle se produisit à Paris; elle y brilla pendant une dizaine d'années, mais des entreprises rivales la forcèrent à quitter la capitale pour parcourir la province. Elle exerça son métier jusque vers 1850, et mourut à Neuilly le 21 janvier 1866, âgée de quatre-vingts ans moins un mois.

La saison n'eut rien d'autre de remarquable et se clôtura le dimanche 19 mars, par: Joconde, o.-c. 3 a., et Le Nouveau Seigneur du village, o.-c. 1 a.

L'année théâtrale, composée de 59 représentations, comprenait 57 opéras et 24 comédies, drames ou vaudevilles.

Fiévez, qui avait toujours conservé la direction pour la saison prochaine, prit cette fois le titre de directeur privilégié de S. Ex. le ministre de l'intérieur, et de S. M. le roi des Pays-Bas. Etant sous la domination hollandaise, les arrondissements avaient dis paru avec le régime français. De même que l'année précédente, il fit débuter la nouvelle troupe qu'il avait formée, du 7 au 28 mai, dans 8 représentations et partit ensuite pour Spa et Aix-la- Chapelle, pour revenir avec les mêmes artistes commencer la saison d'hiver.


1815-16.

F.-J. FIÉVEZ, directeur.

MM. Alexandre, 1re haute-contre Elleviou. - St-Ernest, 2e hautre-contre Philippe. - Cobourg, 2e haute-contre Colin. - Chaudoir, 1re basse-taille. Valbonte (Bonvalet), Martin. - Germain, 1er role. - Fiévez, 1er comique. - Lecerf, laruette et trial.

Mmes Demarthe,1re chanteuse à rou lades. - Durand, 1re chanteuse forte dugazon. - Alexandre, 2e chanteuse. - Fiévez, dugazon. - Demarthe, 1re amoureuse. - Céleste Daudignac, rôle d'enfants.

M. Fiévez, maître de musique.

L'ouverture eut lieu le dimanche 19 novembre, par: Jean de Paris, o.-c. 2 a., et Stratonice, dr. lyr. 1 a.

Rien de remarquable n'est à signaler pendant les trois premiers mois.

Au bénéfice de Lecerf, le 2 février, on donna une pièce indigène: Artabaze, ou le triomphe de l'amour conjugal, drame historique en 3 actes, composé par deux amateurs liégeois restés anonymes.

Les artistes de l'orchestre, réunis en un corps indivisible au nombre de 32, donnèrent par abonnement pendant le carême, 5 concerts à leur bénéfice.

M. Seigne, qui faisait toujours partie de la troupe, donna lors de son bénéfice, le 4 avril: Le Duel impromptu, grand ballet pantomime de sa composition, dansé par ses élèves. Puis la clôture se fit le samedi 6 avril, par: Le Diable à quatre, o.-c. 3a., et Jocrisse, chef de brigands, m. 1 a., terminant une saison composée de 67 représentations, comprenant 68 opéras et 30 comédies, drames ou vaudevilles.

Le 8 avril, le célèbre Arabe incombustible, qui avait paru précé demment à Namur, vint aussi à Liège. Il annonçait ses exercices de la manière suivante:

" 1° Il dansera un fandango espagnol à pieds nus sur une pièce de fer rougie par un maréchal.

2° Il la léchera avec la langue à 50 reprises différentes.

3° Il la passera sur la plante des pieds, au point que la fumée en partira comme si l'onportait le fer sur le pied d'un cheval.

4° Il trempera les pieds et les mains nus dans plus de 25 livres de plomb fondu, s'en fera couler dans la bouche, et le crachera froid à la vue des spectateurs.

5° Il prendra dans les mains une barre de fer rougie, la maniera en tous sens, la jettera en l'air, la rattrappera mains nues, puis la portera à sa bouche et la tiendra dans ses dents sans le secours des mains. "

Le 26 avril, grand concert donné au profit des pauvres prisonniers de la ville, dont la confrérie remontait à l'année 1602; le programme était rempli par des chanteurs amateurs et des musiciens de l'orchestre.

Comme nous l'avons,vu précédemment, cette salle, qui n'était que provisoire, avait déjà donné lieu à plus d'un projet pour l'établissement définitif d'un monument digne de la ville de Liège. Cette année, on étudia la question d'une façon plus sérieuse et l'on entra dans la voie de l'exécution.

Plusieurs discussions s'engagèrent au sujet de l'emplacement à choisir; on proposait au moins six endroits différents, situés sur le parcours de l'hôtel de ville au couvent des Dominicains; finalement, ce dernier projet fut préféré, S. M. le roi des Pays-Bas ayant cédé gratuitement ce couvent à la condition de construire la salle sur l'emplacement des Jardins.

Les mêmes commissaires de la salle Saint-Jacques firent alors un appel aux architectes de la ville, afin de soumettre les plans reçus à une Commission chargée d'examiner celui qui réunirait les meilleures conditions.

Le 3 juillet, la Commission municipale de la ville de Liège, ensuite d'un entretien qu'elle avait eu avec M. le Comte de Liedekerke, gouverneur de la province, fut chargée d'informer ses concitoyens qu'elle avait ouvert au secrétariat de la ville, un registre destiné à recevoir des déclarations de quotités de souscriptions pécuniaires, pour la construction d'une salle de spectacle à élever sur l'ex-couvent des Dominicains.

En conséquence, les personnes qui désiraient concourir à l'érection d'une nouvelle salle si généralement demandée, étaient invitées à venir faire part de leurs intentions, on leur faisait observer que les inscriptions sur le registre ne lieraient nullement la volonté des souscripteurs, et que, lorsqu'ils connaîtraient le plan et les conditions de l'association, ils pourraient, si la chose ne leur convenait pas, retirer et annuler leur signature.

La présente invitation avait pour but de connaître à l'avance les souscripteurs, afin de les faire participer aux délibérations sur le choix du plan, les moyens d'exécution et le mode à établir tant pour le payement des intérêts des actions, que pour le remboursement successif par forme d'amortissement.

Cette souscription resta ouverte jusqu'au 4 décembre 1816.

Du 1er au 24 août, M. et Mme Fay, artistes du théâtre Feydeau, donnèrent 4 représentations composées de: Gulnare; Camille, ou le souterrain; Les Prétendus; La Jeune femme colère; Adolphe et Clara; La Fée Urgèle; La Belle Arsène, et Alexis, ou l'erreur d'un bon père. On louait beaucoup l'étendue et la beauté de la voix de Mme Fay, le charme de son chant et surtout le talent de sa fille, la jeune Lèontine, âgée de 6 ans, dont l'intelligence et la sensibilité étaient vraiment étonnants, mais qu'on ne produisait toutefois pas encore comme prodige; nous la retrouverons plus tard en 1822. M. Fay chanta dans la soirée du 4, Le Pouvoir de l'amour et La Volière, couplets de sa composition, accompagnés par son épouse sur le piano. Mme Fay était la même artiste qui avait fait partie de la troupe de 1811-12.

Fiévez, toujours porteur du même titre, revint ensuite de Spa pour faire avec la troupe suivante, l'ouverture de la saison


1816-17.

F.-J. Fiévez, directeur.

MM. Hurteaux, 1re haute-contre Elleviou. - Sainville, 1re haute-contre Philippe. - Clozet, 2e haute-contre Colin. - Valbonte, Martin, jeune basse-taille. - Teaumarin, 1re basse-taille. - Leroux, 2e basse-taille. - Lecerf, trial, 2e comique. - Celicourt, laruette, 2e comique. - Germain, 1er rôle, père noble. - Fiévez, 1er comique.

Mmfes Demarthe, 1re chanteuse à roulades. - Durand, 2e chanteuse, forte dugazon. - Berdoulet, jeune dugazon. - Esther, 2e chanteuse. - Teaumarin, duègne, mère noble. - Seguenot, duègne, caricature. - Brabant, soubrette. - L. Teaumarin, 2e amoureuse. - Vauclin, jeune chanteuse. - Céleste, rôles d'enfants.

M. Fiévez, maître de musique.

M. Teaumarin, la basse-taille, était l'ancien directeur de la Société des artistes dramatiques et lyriques de 1800 à 1805.

Ouverture le dimanche 17 novembre, par la première représentation de: La Fête du village voisin, o.-c. 3a., musique de Boiëldieu, et La Fausse magie, o.-c. 2a.

Une autre nouveauté fut donnée aussi le 3 décembre: La Lettre de change, o.-c. 1 a., musique de Bochsa. Troisième nouveauté: Le Rossignol, g.-o. 1 a., musique de Lebrun, représenté le 25 janvier.

Au bénéfice de Lecerf, le 15 février, M. Bianchi, chanteur italien de L'opéra-buffa, se fit entendre dans un intermède; il avait composé une ouverture qu'il adapta au vaudeville de Madame Angot au Sérail de Constant'mople, qui se jouait ce soir-là, et dont il fit cadeau à l'orchestre de Liège. Gaillard, qui lui avait écrit une lettre de remerciement, reçut cette réponse :

" A M. Gaillard et ses collègues,

D'après votre demande, j'ai l'honneur de vous prévenir que j'ai retardé mon voyage, je dois tout faire pour les artistes de Liège, le célèbre Grétry, votre compatriote, a tout fait pour moi. "

Bianchi resta par la suite comme second chef d'orchestre.

La clôture eut lieu le 29 mars, par: Le Déserteur, o.-c. 3 a.,et Une pour l'autre, o.-c. 3 a.

La saison comprenait 74 représentations, composées de 64opéras et 43 comédies, drames ou vaudevilles.

Après la fermeture, les élèves du théâtre de Liège donnèrent, le 7 avril, une représentation au bénéfice de Mlle Céleste Daudignac, et composée de: Le Devin du village, o.-c.1 a.; Les Deux chasseurs et la laitière, o.-c. 1a.;Un moment d'humeur de Fanchon, v.1a., et Colombine toute seule, v. 1a. Le spectacle était dirigé par M. Bianchi.

M.Lecerf, le trial de la troupe qui avait des velléités de devenir directeur, avait réuni quelques artistes pour donner une série de représentations à la Halle des Drapiers, située rue Féronstrée, ce qui a donné lieu de supposer qu'à partir de ce moment la salle Saint-Jacques fut abandonnée. Il n'en fut rien; ces représentations commencèrent le 10 avril 1817, pour se terminer le 20 du même mois.

Contrairement à ce qui avait été fait depuis deux ans, Fiévez ne fit pas débuter sa troupe au commencement de l'été; c'est ce qui décida M. Alexandre, notre ancienne 1re haute-contre, à faire entendre celle qu'il avait formée pour desservir le théâtre de Maestricht, dont ilvenait d'être nommé directeur.

Il donna 12 représentations du 10 août au 2 septembre, composées des opéras et comédies du répertoire courant. Le prix pour ces 12 représentations était de 12 fr. au parquet et de 15 fr. aux loges.

Parmi les artistes on remarquait : MM. Laurent, Elleviou; Huchet, Martin; Philippe, 1re basse-taille; Ross fils.

Mmes Huby, 1re chanteuse; Lesage, mère dugazon; Alexandre, 2de chanteuse.

Dans la pièce d'ouverture: Le Concert interrompu, o.-c. 1 a., M. Huchet exécuta un concerto de violon, M. Laurent un concerto d'alto, M. Ross fils un de forte-piano, et Mme Huby chanta un air italien.

Le Journal de Liège, en rendant compte des représentations, ajoutait: " Le petit nombre d'amateurs de bonne comédie qui se trouvent à Liège en cette saison, ne manquent pas d'aller chaque soir porter leur tribut de satisfaction et d'éloges, dus aux talents distingués des artistes qui composent la troupe; on doit féliciter M. Alexandre, dans sa direction naissante, d'avoir pu réunir en si peu de temps de semblables sujets.

Désirons que la troupe d'hiver ne donne point lieu à nos regrets, en n'y voyant pas cette réunion de talents, et l'ensemble parfait que nous remarquons chez ces artistes. "


1817-18.

La troupe qu'avait formée Fiévez, pour commencer sa cinquième année de direction, sans être supérieure ne faisait toutefois pas regretter celle d'Alexandre. Voici le tableau qu'il publia pour la saison

F.-J. Fiévez, directeur.

MM. Germain, fort premier rôle,père noble. - Colon, 1re haute-contre Elleviou. - Sainville, 1re haute-contre Philippe, jeune premier. - Nourtier, 2e haute-contre Colin, 1er et 2e amoureux. - Gadbled, 1re basse-taille, financiers. - Thierry, Martin, jeune basse-taille, 3e rôle raisonneur. - Lecerf, trial, laruette, 1er et 2e comique. Celicourt, jeune trial, laruette, 2e comique. - Fiévez, 1er comique. - Duprato, rôles de convenance. - Marsy, régisseur.

Mmes Demarthe, 1re chanteuse à roulades. - Dorvilliers. 2e chanteuse, 1re amoureuse. - Duprato, cadette, dugazon, Saint-Aubin, ingénuité. - Berdoulet, jeune dugazon, soubrette. - Redon, mère dugazon, 1er rôle. - Gadbled, duègne et caractères. - Braban, soubrette et rôles de convenance. - Duprato, aînée, 3e amoureuse. - Thierry, rôles de convenance.- Céleste Daudignac, rôlesd'enfants.

M. Fiévez, maitre de musique.

M. Bianchi, répétiteur.

L'ouverture eut lieu le 26 octobre, par: Une Heure de mariage, o.-c. 1 a., et Les Rosières, o.-c. 3 a., musique d'Hérold, donné ce jour pour la première fois.

Dans les premiers moments, les soirées étaient assez régulières, ainsi que nous le fait supposer le compte rendu de la Gazette de Liége du 22 novembre 1817:

" Nous ne possédons pas une troupe brillante, mais ce qui vaut mieux elle est assez complète, elle a du zèle, et une comique harmonie semble avoir présidé à sa réunion. Quant à l'orchestre, il mérite beaucoup d'éloges, l'artiste qui le conduit, paraît posséder un goût délicat qu'il inspire à tous les exécutants, lesquels se montrent dignes du chef. On désirerait seulement que M. Fiévez, qui entend si bien son art, favorisât davantage les moyens un peu faibles de la plupart de ses chanteurs; on remarque généralement que l'orchestre couvre trop les voix. "

Le 25 novembre, apparut encore un opéra indigène: Le Retour d'un proscrit, o.-c. 1 a., dont les paroles étaient dues à un amateur de marque, et la musique à M. Bianchi, le second chef.

Les bonnes dispositions dont Fiévez semblait animé ne se maintinrent pas longtemps, et la critique s'empara vite de la situation. Les deux comptes rendus suivants nous donneront une idée de ce qui se passait au théâtre à cette époque.

" 14 décembre 1817. — Nos soirées théâtrales m'offrent peu de choses à dire, à moins que je ne veuille répéter avec tout le monde, les plaintes que ne cesse d'exciter la négligence de notre direction, ou plutôt de notre spéculation comique. C'est toujours la même indigence, les rois, les princes, sont toujours reçus sur notre scène avec une familiarité qui blesse jusqu'aux bons bourgeois. Nos palais sont des ruines qui n'ont rien d'imposant, et nos salons des chambres enfumées, dont les lambris onctueux témoignent par des marques non équivoques, que nos lampes elles-mêmes n'ont rien de merveilleux. Espérons que ces plaintes parviendront aux oreilles du maître, dont les intérêts pourraient enfin se trouver compromis. Qu'il n'attende pas l'événement, les murmures du public doivent être pour lui des ordres; quant à nos premiers sujets, je leur dois cette justice de dire qu'ils soignent assez leurs costumes. "

Ce mécontentement du public se manifesta dans la soirée du 21 décembre, ainsi que nous l'apprend la Gazette du 25 :

" La soirée de dimanche fut ouverte par: Jean qui pleure et Jean qui rit, rapsodie bien faite pour provoquer l'ennui et l'impatience; aussi de nombreux sifflets en prévinrent-ils le dénouement. La toile tombe, moment de calme; l'orchestre annonce " Les Maris garçons. — Bruit; — on veut avoir raison d'un outrage fait au bon goût; on mande le directeur; sans égards pour une assemblée souveraine, il dépêche près d'elle une espèce de caricature qualifiée, je crois, du titre d'utilité. Ce comique courrier étant sorti de ses attributions, on refuse de l'entendre; murmures, nouvel appel. M. le directeur paraît enfin. A sa noble assurance, on reconnaît l'audacieux Figaro; cependant le public, toujours juste, applaudit en lui l'acteur et le chef d'orchestre, puis il siffle le directeur. — Oui, c'est le directeur, s'écrie-t-on de toutes parts, que nous sifflons pour le mauvais choix des pièces. — Messieurs, réplique le coupable sans se déconcerter, tous les jours une pièce tombe, vous avez fait justice d'une mauvaise pièce... — Une voix faible mais juste. - " Monsieur le directeur a sans doute oublié que justice fut faite de cette mauvaise pièce, à la première représentation qui en fut donnée à bénéfice il y a une quinzaine de jours; or, en la reproduisant, M. le directeur, vous appelez des jugements du public, vous n'en avez pas le droit. " — Après cette courte réplique, dont la justesse se fit sentir malgré le trouble des esprits, on punit la transgression de M. le directeur par de nouveaux sifflets, et le patient se retira sans oublier le salut d'obligation.

Tandis que cet intermède se passait entre le parquet ébranlé et le directeur confondu, des incidents douloureux ajoutaient au tableau général: des dames, et même des hommes, peu accoutumés sans doute à des dispositions aussi martiales, s'évanouissaient dans la salle; en même temps coulaient les pleurs et les spécifiques, mais l'efficacité des derniers parvint heureusement à suspendre le cours des autres.

Tékéli restait à jouer, mais tout ce qu'il est possible d'imaginer de ridicule et de pitoyable dans la pompe théâtrale, et dans l'exécution des combats, serait encore au-dessous de ce qui fut alors offert au public. On rit d'abord, ensuite on siffla et l'on finit, je crois, par quelque chose de mieux. Enfin, la toile tomba à 10 heures passées, laissant le public fort mécontent et les acteurs découragés.

Que M. Fiévez ne s'en prenne qu'à lui, il est généralement estimé comme acteur, il est presqu'admiré comme chef d'orchestre, mais on est las des fautes et de l'insouciance du directeur. Il a reçu une leçon, qu'il en profite. — A tout péché! miséricorde. "

A la suite des différentes scènes dont nous venons de donner un aperçu, le directeur avait sollicité et obtenu sa résiliation le 25 janvier 1818.

Il continua toutefois à diriger le théâtre jusqu'à la fin de la saison théâtrale.

Le 5 mars, pour son bénéfice, M. Bianchi produisit encore un ouvrage de sa composition: Le Parc aux intrigues, o.-c. 3 a.

Puis, le 9 et le 10 mars, M. Dabboville, artiste du théâtre de la Monnaie de Bruxelles, vint chanter, la première soirée: Joconde et Le Nouveau Seigneur du village, et dans la deuxième, Gulistan et Lully et Quinault. Cette dernière soirée servait de clôture à l'année théâtrale. Celle-ci s'était composée de 74 représentations, comprenant 74 opéras et 34 comédies, drames ou vaudevilles.

Le 23 mars, M. Lecerf, avec le concours de quelques artistes qui avaient bien voulu retarder leur départ, donna une représentation composée de: Le Bouffe et le tailleur, Une Folie, Le Tableau parlant. M. Darboville joua dans les 3 pièces.

Jules-Etienne-Jean Clerget dit Dabboville naquit à Montpellier le 7 décembre 1781. Il débuta en 1811 à l'Opéra-comique de Paris. Il brilla sur le théâtre de Bruxelles en qualité de baryton de 1816 à 1823, retourna ensuite à l'Opéra-comique et mourut à Marseille le 22 septembre 1842.

Le successeur de Fiévez fut un nommé J.-N. Masson.


1818-19.

Le 20 avril, il fit connaître la nouvelle troupe qu'il avait formée; plusieurs des artistes anciens ayant refusé de rester, il avait dû puiser dans les principales villes de France les éléments nouveaux. Il fit donc débuter au commencement de mai les artistes suivants qu'il avait réunis pour la saison

J.-N. MASSON, directeur.

MM. Colon, 1re haute-contre Elleviou, 1er amoureux. - Quinche, 2e haute-contre Colin, jeune premier. - Masson, 1re haute-contre Philippe, Gavaudan, 1er rôle. - Cheret, Martin, Laïs, Solié. - Gadbled, 1re basse-taille, financiers. - Lemoule, 2e et 3e basse-taille, père noble. - Hubert, jeune basse-taille, 3e rôle. - Floricourt, laruette, trial, 2e comique. - Celicourt, jeune trial, rôles comiques. - Bourdais, 1er comique, rôles de convenance. - Trevaux, utilité. - Delorme, accessoires.

Mmes Louise Laval, 1re chanteuse, 1re amoureuse.- Dorvilliers, 2e chanteuse,2e amoureuse. - Bayer, 1re forte dugazon. - Masson, dugazon, Corsets, soubrette, travestis. - Redon, mère dugazon, jeune duègne, 1er rôle. - Bourdais, jeune première, ingénuité. - Colon, 1re duègne, caractères. - Hubert, 2e et 3e amoureuse. - Victorine Masson, rôles d'enfants.

MM . Fiévez, 1er maître de musique.

Bianchi, 2e maître de musique.

Le prix des places et de l'abonnement restait le même.

L'ouverture eut lieu le dimanche 3 mai, par: La Belle Arsène, o.-c.4a., et La Fausse magie, o.-c. 2a.

M. Fiévez, quoiqu'ayant donné sa démission de directeur, était toujours resté chef d'orchestre.

La première chanteuse, Mlle Louise Laval provoqua de vrais orages lors de ses débuts; elle causa tant de troubles, que l'autorité lui signifia l'ordre d'avoir à quitter le théâtre.

Le 21 mai 1818,paraissait dans la Gazette de Liége, une épitaphe faite sur son compte:

ÉPITAPHE POUR Mlle LOUISE LAVAL.

Ci-gît une petite femme,
Qui de chute en chute roula
De Nimes à Liège, où la voilà
Morte enterrée et cœtera.
O vous qui claquâtes la dame,
En dépit des nombreux sifflets
Brayez. pour consoler son âme,
Elle est digne de vos regrets.

Un des défenseurs de la dame crut devoir riposter sur le même ton et envoya le quatrain suivant :

RÉPONSE A L'AUTEUR DE L'ÉPITAPHE.

O toi qui ris de son trépas,
Qui veux qu'à braire on nous condamne,
Pauvre Midas ne vois-tu pas
Qu'on rit de tes oreilles d'âne.

Avant de quitter Liège, Mlle Laval donna un concert le 20 juin, à la salle de la Société d'Emulation.

Le 28 mai, on donnait la première représentation de: Le Château de Paluzzi, dr. 3 a., qui faisait allusion à la célèbre affaire Fualdès; il fut sifflé à son apparition; le directeur ayant jugé à propos d'en donner une seconde édition, on siffla de plus belle et on ne laissa pas achever la soirée.

Le public eût pu faire un mauvais parti au directeur,d'après la tournure que prenaient les choses; heureusement on annonçait l'arrivée de Mlle Mars, la célèbre comédienne, la Perle de la Comédie française comme on l'avait surnommée. Sa présence vint rompre la monotonie habituelle du répertoire, et amena la foule à chacune des représentations.

Sa première soirée commença le 24 juin, par: Les Fausses confidences, c.5a., et La Jeune femme colère,c. 1a.

Voici comment le chroniqueur de l'époque nous rend compte de ses impressions:

" Mlle Mars a paru hier pour la première fois sur notre théâtre; je ne dirai rien de l'impatience avec laquelle elle était attendue; quoique séparés de la France, nous ne sommes pas étrangers a tout ce qui fait sa gloire. Au premier bruit répandu de son arrivée en cette ville, toutes les loges avaient été retenues. On peut s'étonner cependant, que d'après l'ardeur qu'on avait mise à les rechercher longtemps d'avance, la salle n'ait pas été mieux remplie; il est facile de s'en rendre raison. Chacun jugeant de l'empressement de son voisin sur le sien propre, a cru qu'on ne pourrait trouver place, au milieu du concours de monde qui s'y porterait. Heureux, disait-on, ceux qui ont obtenu des loges! oui, heureux sans doute, puisqu'ils ont vu ce qu'on peut concevoir de plus parfait. Par quels applaudissements unanimes et prolongés le public a-t-il fait éclater sa juste admiration! qu'on imagine, en effet, tout ce qu'on peut rassembler à la fois de beauté, de grâce, d'esprit et de finesse: que les traits les plus réguliers soient animés par des yeux étincelants de génie, qu'on joigne à tant d'avantages, le son de voix le plus doux et le plus mélodieux, le maintien le plus noble et le plus modeste, on n'aura qu'une idée bien imparfaite de tout ce que réunit Mlle Mars; son silence même est expressif; elle sait donner du prix aux choses les plus insignifiantes. Paraît-elle? tous les regards s'attachent sur elle et ne la quittent plus; s'éloigne-t-elle? on croit encore l'entendre et l'on aime à prolonger cette heureuse illusion. Voilà ce qui justifie l'enthousiasme que sa présence inspire et les regrets que son départ doit exciter. "

La représentation du 25 se composa de: Tartufe, c. 5a., et Les Jeux de l'amour et du hasard, c.3 a.

A la fin de Tartufe, une couronne descendit sur le théâtre accompagnée de ces deux pièces de vers:

Au Diamant de la Comédie française.
Grâce au talent divin que tout Paris admire,
Nous jouissons ici d'un spectacle charmant
Thalie en suivant MARS tour-à-tour lui inspire,
Le ton de la gaieté, celui du sentiment.
Cet objet enchanteur a le double avantage
De plaire à notre esprit, de toucher notre cœur.
Il sait en paraissant captiver le suffrage,
Voir Mars est le plaisir, l'entendre est le bonheur.

Par Mme ...

MARS, l'honneur des beaux-arts, l'idole des Français,
Ajoute à tes lauriers ainsi qu'à tes succès
L'hommage que présente à l'enfant de Thalie,
Du chantre de Sylvain (Grètry) la modeste patrie.

Le 26 juin, on donna: Le Mariage de Figaro, c. 5 a., L'Épreuve nouvelle, c.1a.; le dimanche 28, on jouait Les Trois sultanes, c. 3a., et La Jeunesse de Henri V, c. 3a. Nouvelles ovations se traduisant encore par des couronnes et des pièces de vers dont nous citerons la suivante:

MARS que ton front soit ceint de lauriers et de rieurs,
Par toi la folâtreThalie
De nouveaux charmes embellie,
A vu fleurir la scène et croître ses honneurs;
La taille de Vénus, son regard, son sourire,
Un organe touchant, flexible, harmonieux,
Cet art si peu connu de cacher l'art aux yeux,
Voilà ce qu'en toi l'on admire.
Seule tu réunis tous ces dons précieux.
Du sein d'une heureuse imposture,
Tu fais naître l'illusion.
On te voit Araminthe, ou Sylvie ou Suzon,
On ne distingue plus l'art d'avec la nature,
C'est le cachet de la perfection.

La représentation du 29 juin se composa de: Le Secret du ménage, c. 1 a., et Catherine, ou la belle fermière, c.3 a. A la fin de cette dernière pièce, ce fut Mlle Mars qui s'avança vers le public pour lui adresser le couplet suivant, qu'elle chanta avec autant de grâce que d'expression:

Je suis depuis peu de temps
Sur cette rive hospitalière,
L'accueil de ses habitants
M'a rendu ma ferme bien chère;
Que mon cœur est satisfait,
Messieurs, d'un si doux bienfait!
Ah! vous seriez, s'il suffisait
Du désir de vous plaire,
Bien payés par votre fermière.

Inutile de dire par quelles acclamations enthousiates ces vers furent reçus. Le prix des places pendant le séjour de Mlle Mars avait été fixé ainsi: Loges, fr. 3,50; Parquet, fr. 3,00; Parterre, fr. 1,50; Galerie,fr.1,00. La soirée d'adieu eut lieu le 1er juillet, par: La Fausse Agnès, c. 3a., et Les Jeux de l'amour et du hasard, c. 3a.

Par suite de l'empressement du public à assister à ces représentations, le directeur avait prévenu les personnes qui n'avaient pu se placer dans les loges, qu'elles trouveraient des places dans l'orchestre.

Un banquet par souscription avaitété offert à Mlle Mars le samedi 27 juin. La salle du banquet, décorée avec goût, était ornée du portrait de l'artiste inimitable; une musique placée dans une salle voisine se fit entendre pendant tout le repas. Plusieurs couplets qui avaient le mérite de l'à-propos furent chantés au dessert. Mlle Mars, femme non moins aimable dans la société qu'actrice parfaite sur le théâtre, anima cette fête de tout le charme de son esprit et de son entretien.

Mlle Mars (Hyppolite) naquit à Paris le 5 février 1779; c'était la fille du célèbre Monvel dont le père fut directeur du théâtre de Liège en 1761-62. Elle débuta encore enfant au théâtre Montansier. Elle parut ensuite à l'Odéon et au théâtre Feydeau, et avait un peu plus de quinze ans lorsqu'elle entra au Théâtre Français comme sociétaire avec l'emploi d'ingénue et jeune amoureuse. En 1812, elle aborda les grandes coquettes, depuis elle se risqua quel quefois dans le drame mais sans grand succès; nous la retrouverons encore sur notre scène en 1821 et 1824. Depuis la mort de Talma, elle ne joua plus en Belgique; elle mourut le 20 mars 1847.

A Mlle Mars succéda M. Armand, 1er comique du théâtre des Variétés de Paris, qui donna 5 représentations du 4 au 23 août, dans lesquelles il fit entendre: Le Désespoir de Jocrisse, c. 2 a.; L'Enrôlement supposé, c. 1 a.; Les Trois Fauchons, v. 1 a.; Les Anglaises pour rire, v. 1a.; Cadet-Roussel barbier, v. 1a.; Pomadin, v. 1 a.; Fagotin, v. 1 a.; Les Acteurs à l'épreuve, c. 1 a.; M. Croque- mitaine, v. 1 a.; La Grange-Chancel, v. 1 a., et Les Adieux de M. Armand aux Liégeois, à-propos en 1 acte.

Celui-ci obtint beaucoup de succès.

Nous avons laissé les affaires de la nouvelle salle au moment où la souscription s'ouvrait chez Me Richard, notaire.

Le 27 décembre 1816, les souscripteurs inscrits s'assemblèrent à l'hôtel du gouvernement pour choisir dans leur sein une commission provisoire, activer la souscription et présenter un rapport sur le plan à adopter, tant pour la nouvelle salle de spectacle que pour le pont à construire en face de la place aux chevaux.

La commission se composa des neuf membres suivants:

MM. de Spirlet d'Obeicht.
de Lonhienne.
Nagelmackers.
Desoer, Ch.-J.
Orban, fils.
MM. Dukers, fils, architecte.
Richard, conseiller provincial.
Dumoulin, négociant.
Lesoinne, Max.

Voici quels étaient les avantages promis aux souscripteurs. Chaque action était de 2000 fr. payables par huitième au fur et à mesure de l'avancement des travaux; il y avait un intérêt fixé à 5 % annuellement, cet intérêt serait progressif par suite du remboursement annuel d'un certain nombre d'actions par voie de tirage au sort; la ville donnait à cet effet 6000 fr. annuellement pour former une caisse d'amortissement; à cette somme viendraient s'ajouter les bénéfices de la salle de spectacle s'ils excédaient le paiement des intérêts; les actions seraient négociables de manière que l'actionnaire puisse, quand ille voudrait, rentrer dans ses fonds, et enfin pour toute sécurité, la salle serait assurée contre l'incendie.

L'acte d'association fut définitivement signé le 9 Février 1817, par devant Me Anciaux, notaire, patenté de la 3e classe.

Il comportait 11 articles approuvés par 91 souscripteurs ayant souscrit 101 actions de 2000 francs.

" Art. 5. La Commission ne pourra employer chaque année plus de six cents francs pour les réparations et entretien de la dite salle sans une délibération générale des intéressés convoqués à cet effet

Art. 6. Dans le cas où la ville voulût, avant l'amortissement de toutes les actions, faire l'acquisition de la dite salle et de tous les bâtiments en dépendants, les actionnaires s'obligent de lui abandonner tous leurs droits, noms, raisons ou actions, moyennant qu'elle leur rembourse en espèces d'or ou d'argent, au cours et pas autrement, le nombre d'actions encore existantes à cette époque, avec l'intérêt échu comme il est ci-devant établi; et il est bien expressément stipulé que le droit n'est accordé qu'à la ville seule et qu'elle ne pourra le céder à qui que ce soit

Art. 8. Les actionnaires ont procédé comme suit à la pluralité relative des voix, à la nomination de sept actionnaires qui, conjointement avec M. de Mélotte d'Envoz en qualité de membre de la commission municipale, et M. Beanin, l'un des présidents de la Cour supérieure de justice de cette ville, à titre de conseiller municipal, formeront la commission définitive à laquelle ils donnent pouvoir de, pour eux et en leur nom, adjuger la bâtisse de la dite salle, de tous bâtiments en dépendant, etc. . . .

Art. 10. Les sept membres de cette commission, après l'achèvement de toute l'entreprise, resteront commissaires de la salle de spectacle.

Tous les actionnaires ayant agréé et approuvé les articles qui précèdent, ont déposé dans l'urne préparée à cet effet, un nombre de bulletins égal à celui de leurs actions respectives, sur lesquels sont inscrits les noms des sept membres qu'ils dénomment pour composer la commission définitive. "

Les sept membres élus étaient les mêmes que ceux formant la commission provisoire, sauf MM . de Spirlet et Dukers.

Le 4 mars 1817, la Commission faisait un nouvel appel aux architectes pour présenter des plans pour la construction de la salle dans le délai de trois semaines. L'artiste dont le plan serait préféré recevrait une indemnité de 800 francs s'il ne devenait pas adjudicataire de la construction. Les conditions étaient que la salle pourrait contenir mille personnes et que la dépense n'excéderait pas la somme de 180,000 francs.

Huit projets furent présentés sous les devises suivantes: N° 1. Des bons Liégeois, j'attends leur jugement; N° 2. Temple d'Apollon séjour de l'immortel Grétry; N° 3. Structo ex destructis; N° 4. Sans devise, signé Chevron; N° 5. Sans devise; N°6. Signé Coune; N° 7. C. D.; N° 8. Signé Clément.

Le plan qui obtint la préférence, fut celui de M. Dukers fils, architecte de la ville, coté n° 5 et admis à l'unanimité moins une voix, dans la séance du 4 mai 1817. Ce plan fut exposé pendant 8 jours dans la salle de la Société d'Emulation.

Il fallut à peu près un an avant de pouvoir mettre les travaux en adjudication: Le 2 mars 1818, la Commission prévint les gens de l'art que les plans, devis et cahier des charges se trouvaient déposés chez le notaire Richard, et que les soumissions cachetées devaient être remises avant le 20 du mois; puis le 24, à la suite de l'ouverture des différentes soumissions reçues, elle invitait les personnes possédant les qualités requises et qui voudraient faire l'entreprise au-dessous du prix de deux cent cinquante-six mille francs que portait l'offre la moins élevée, à remettre leurs soumissions cachetées chez le même notaire, avant l'après-midi du 27 mars.

L'entrepreneur qui l'emporta fut le sieur Léonard-Martin Vivroux, qui devint adjudicataire pour la somme de 248,000 fr. Cette somme dépassant quelque peu les prévisions qu'on avait faites sur l'évaluation de la construction, on fit appel à une seconde série d'actionnaires qui, le 12 avril, réunit 55 souscriptions toujours au prix de 2000 fr.

Le couvent des Dominicains (que représente la vue ci-contre) et sur les jardins duquel devait s'élever la nouvelle salle, avait été cédé par estimation à l'entrepreneur pour la somme de 30,000 fr. comprise dans son adjudication. La ville en avait fait remise à la société des actionnaires, ainsi que des matériaux du couvent des Croisiers, le 26 février 1817. La démolition du magnifique dôme avait dû être faite au mois d'août de la même année, attendu que toute conservation en était impossible, les murs faute d'entretien s'étaient lézardés de toutes parts et l'immense coupole s'affaissait chaque jour. Un effondrement survenu pendant la démolition coûta la vie à deux ouvriers.

Tout étant bien établi, il ne restait plus qu'à poser la première pierre de l'édifice; cette cérémonie prit la tournure d'une grande solennité, et je crois assez intéressant de reproduire le procès- verbal copié du registre officiel des délibérations de la Société.

Soixante-et-unième délibération.

Présents: M M . Desoer, Lesoinne, Orban, Nagelmackers, de Lonhienne, Dumoulin, de Mélotte, Beanin et Richard.

Le premier juillet mil huit cent dix-huit, la pose de la première pierre a eu lieu conformément au procès-verbal qui suit:

L'an mil huit cent dix-huit, du mois de juillet le premier jour, à dix heures du matin, sous le règne de S. M. Guillaume 1er, roi des Pays-Bas, prince d'Orange Nassau, grand duc de Luxembourg, son Excellence Monseigneur de Coninck étant pour lors ministre de l'intérieur; son Excellence Monseigneur leduc d'Ursel, ministre du Waterstaat; noble et puissant Seigneur messire de Liedekerke Beaufort, gouverneur de la province de Liège, chevalier de l'ordre du Lion Belgique, assisté des nobles et très honorables Seigneurs Adrien comte de Lannoy et Pierre-François Dochen, membre du Collège des Etats députés, et de Monsieur Joseph Brandès, greffier des Etats de cette province, s'est rendu à la Société littéraire de la place aux chevaux, où étaient réunis pour la cérémonie de la pose de la première pierre de la salle de spectacle, qui se construit par souscription: Monsieur Simon de Harlez, sous-intendant du premier arrondissement de Liège; les nobles et honorables Seigneurs Denis-Marie, chevalier de Mélotte d'Envoz, bourgmestre-président; Pierre-Jean-Abraham Lesoinne et Jean-Pierre- Joseph-Ernest chevalier de Bex, bourgmestres; François-Joseph baron de Stockhem et Nicolas-Théodore Romer, membres du Conseil de régence délé gués; et Monsieur Pierre-François-Baudouin Soleure, secrétaire de cette régence, ainsi que les chefs des autorités civiles et militaires spécialement invités, savoir: Monsieur Toussaint Dandrimont, premier président de la Cour supérieure de justice, chevalier de l'ordre du Lion Belgique; Monsieur 0. Leclercq, procureur général de cette Cour, chevalier du même ordre; Son Excellence Monsieur le baron Vanderduyn, lieutenant-général commandant la province de Liège et chevalier de l'ordre militaire de Guillaume et de l'ordre Teutonique; Monsieur le baron Ernest Wott de Tinlot, commandant de la place; Monsieur de Ziègler, commandant le régiment suisse n° 30 en garnison en cette ville; Monsieur Camerling, lieutenant-colonel du génie; Monsieur Faider, directeur de l'administration des domaines, de l'enregistrement, du timbre et des hypothèques; Monsieur del Marmol, conservateur des eaux et forêts de cette province; Monsieur de Ketelbuter, ingénieur en chef du seizième district; Monsieur Wilmar, ingénieur ordinaire; Monsieur le chevalier de Lance, régisseur du Waterstaat, membre du Conseil de régence et des Etats provinciaux; Monsieur Collinet, ancien ingénieur du cadastre du ci-devant département de l'Ourthe; Monsieur Auguste Dukers, architecte auteur du plan de la salle, et Monsieur Léonard-Martin-Joseph Vivroux, entrepreneur par adjudication de la construction de cette salle. Tous se sont ensuite transportés sur son emplacement, par le canal couvert que les mêmes actionnaires font aussi construire, où étant, Monsieur Desoer, ancien maire de cette ville et président de la commission des actionnaires, a prononcé un discours analogue à la circonstance, S. Exc. Monsieur le comte de Liedekerke, gouverneur, et le noble et honorable Seigneur le chevalier de Mélotte y ont répondu; ces discours seront joints au présent procès-verbal. Après leur prononciation, Monsieur le gouverneur est descendu avec Monsieur le bourgmestre président, dans la tranchée du pérystile où se trouvaient le sieur Dukers, architecte, et le sieur Vivroux, entrepreneur, et là le sieur Dukers a présenté à S.Exc. Monsieur le gouverneur, la truelle, et ayant pris du mortier dans l'auge que tenait le sieur Vivroux, il l'a étendu sur la place destinée à recevoir la première pierre qu'il a ensuite posée, puis il a placé dans la cavité y pratiquée, une boîte de plomb, renfermant: 1° La plaque de cuivre sur laquelle était gravée l'inscription suivante, portant en tête le perron de la ville avec les lettres initiales L. G.

Guillaume 1er

Roi des Pays-Bas, prince d'Orange-Nassau, grand duc de Luxembourg, etc., etc., et le duc d'Ursel, ministre des travaux publics.

Comte Alexandre de Liedekerke Beaufort, gouverneur de la province de Liège, chevalier de l'ordre du Lion Belgique a posé la première pierre de cette salle de spectacle, le 1er jour du mois de juillet 1818.

Présents: les trois bourgmestres de Liège, chevalier de Mélotte d'Envoz; L.-J.-A. Lesoinne; chevalier de Bex.

Auguste Dukers de Liège, architecte, auteur des plans; L.-M.-J. Vivroux, entrepreneur.

2° Deux médailles, l'une en or, l'autre en argent ayant d'un côté la tête de notre auguste monarque, et sur le revers les mots et an suivants: Patr: Sal: Reg: et ord: Solen: Sacram:asserta: MDCCCXV.

Une seconde pierre a été de suite posée sur la première et scellée par quatre agraphes bien plombées. Le sieur Dukers a ensuite mis en mains de Monsieur le gouverneur le maillet préparé à cet effet, et après avoir frappé quelques coups. il l'a passé à Monsieur le bourgmestre président qui a achevé de frapper les coups nécessaires pour affermir et consolider cette pose, et a ensuite remis ce maillet à M. Vivroux; pendant cette cérémonie, des salves d'artillerie ont été tirées, et l'orchestre du théâtre a exécuté des morceaux de la composition du célèbre Grétry dont le génie a illustré laville de Liège qui l'a vu naître.

C'est à la munificence de Sa Majesté, que l'on doit les premiers élans de ces zélés et généreux citoyens, qui ouvrirent une souscription pour l'entreprise de cet édifice, dès qu'Elle eut concédé pour son établissement le couvent et dôme des Dominicains, ainsi que l'église des Croisiers, et c'est à la bienveillante sollicitude de S. Exc. monsieur le gouverneur que l'on doit cette concession;l a régence a fait aussi de son côté, malgré la pénurie extrême de sa caisse et les circonstances pénibles où elle se trouve, de grands sacrifices pour assurer l'exécution de l'entreprise; on ne peut de même se dispenser

de faire la mention la plus honorable de la générosité de M. le comte de Lecouteulx de Canteleu, grand Croix de la Légion d'honneur, pair de France, acquéreur du couvent et église des Chartreux, pour les huit belles colonnes de marbre qu'il donne pour décorer cet édifice, et qu'il avait destinées, ainsi que les deux autres restantes, à l'ornement de quelque monument à ériger en cette ville.

La cérémonie terminée, les commissaires et actionnaires souscripteurs ont réuni toutes les personnes invitées, à un déjeuner qu'ils ont fait préparer à l'hôtel du Waux-hall, près la Chapelle du paradis, et dans lequel on portera les toasts suivants savoir: à Sa Majesté notre gracieux souverain et à la famille royale.

Fait et passé à Liège sur l'emplacement de la salle, île des ci-devant Dominicains, les heure, jour, mois et an que dessus; après lecture, le président et le secrétaire de la commission ont signé le présent procès-verbal visé par Monsieur le gouverneur et Monsieur le bourgmestre président, ainsi que celui consigné au registre de ses délibérations et copie en sera expédiée à Son Excellence le Ministre de l'Intérieur, à Son Excellence le Ministre du Waterstaat et à la régence de cette ville.

(signés) Ch.-J. Desoer, président; Hyac. Richard, secrétaire; comte de Liedekerke, chevalier de Mélotte d'Envoz.

(Suivent les trois discours.)

Le Journal de Liége du 2 juillet nous donne quelques détails complémentaires sur cette cérémonie:

" Le temps le plus serein, la beauté du local, invitaient à prendre part à cette fête qu'on peut dire de famille: un public fatigué d'avoir été si longtemps réduit à fréquenter une salle provisoire mal située, impatient de la voir remplacée par une autre, plus vaste et plus convenable à ses goûts, s'est transporté avec le plus grand empressement sur ce terrain, que la munificence du souverain a si généreusement consacré à ses plaisirs. Il contemplait avec une espèce de fierté ces sites pittoresques, ces édifices élevés en amphithéâtre, dont l'ensemble paraît avoir été destiné à servir de cadre à ce monument placé d'ailleurs au milieu des plus jolies habitations.

Il a entendu avec beaucoup d'intérêt un discours prononcé par M. Desoer, auquel ont successivement répondu M. le gouverneur et M. le bourgmestre président.

Rien n'eût pu distraire des impressions qu'un tel spectacle devait produire sur un public si disposé à les recevoir toutes, si un heureux hasard ne lui eût fait éprouver des émotions d'un autre genre: c'était la présence de Mlle Mars.

Cette actrice aimée autant qu'elle est aimable, et qui a fait naître tout ce que l'admiration peut inspirer d'idées ingénieuses, de propos délicats, d'illusions et d'applications flatteuses, unissant sa voix, ses pensées et ses vœux aux cris cent fois répétés de Vive Guillaume, honneur à Grétry, et qui semblait vouloir se naturaliser dans la patrie du plus aimable des compositeurs, a porté l'enthousiasme à un point qu'il est impossible de décrire. Chacun en la voyant formait d'heureux présages; il est à croire qu'ils se réaliseront tous, puisque l'ascendant de la bienfaisance et de la philosophie des princes, l'ascendant du génie, du talent et de la beauté n'a jamais produit que la tranquillité et le bonheur des peuples.

A l'issue de cette cérémonie, MM. les actionnaires se sont réunis au Waux-Hall, où était préparé un banquet auquel les principales autorités civiles et militaires ont été invitées. Cette fête a encore été embellie par la présence de Mlle Mars. Des couplets analogues à la circonstance ont été chantés et la gaieté la plus confiante et la plus aimable a animé cette réunion. "

Laissons maintenant se continuer les travaux de construction et voyons ce qui se passa dans la salle provisoire de Saint-Jacques, jusqu'à l'ouverture de la nouvelle salle. Le directeur Masson qui, ainsi que ses prédécesseurs, exploitait Spa pendant l'été, revint de cette dernière ville pour ouvrir la saison d'hiver, toujours avec la même troupe qui avait débuté au mois de mai précédent, sauf Mlle Goria, 1re chanteuse, qui remplaçait Mlle Louise Laval.

Ouverture le mardi 3 novembre, par: Le Prisonnier, o.-c. 1a., et Les Deux Figaros, c. 5a.

M. Mahier, qui s'intitulait grotesque aérien, donna 5 représentations du 15 au 26 décembre.

Il obtint un véritable succès car on n'avait jamais vu, paraît-il, dans son genre un homme aussi habile faisant les sauts les plus extraordinaires avec un aplomb qui étonnait. La représentation du 26 était annoncée comme suit:

" Plusieurs familles, n'ayant pu se procurer le plaisir de voir M. Mahier, l'ont prié de différer son départ; pour témoigner aux liégeois sa reconnaissance et prouver que la cupidité ne le guide pas, il donnera aujourd'hui sa dernière représentation au bénéfice des pauvres de la ville.

Dans cette représentation, M. Mahier se propose de franchir 24 grenadiers avec armes et bagages, et de saisir un drapeau au milieu du peloton; franchir 6 chevaux rangés en ordre de bataille, montés de leurs cavaliers; exécuter le tonneau à métamorphoses et le tonneau physique. "

On entendit encore M. Alexandre, le célèbre ventriloque qui, le 5 février, joua Les Aventures de Nicaise et la scène du dentiste.

Le 22 février, on donnait la 1re représentation de: Le Petit chaperon rouge, o.-c. 3 a., musique de Boiëldieu.

M. Dabboville, qui s'était fait entendre l'année précédente, donna 7 représentations du 9 au 19 mars, puis, pour finir la saison, Mlle Lemesle, 1re chanteuse du théâtre royal de Bruxelles, chanta le 25 mars La Vestale, et le 28 mars Cendrillon et Les Prétendus. Cette 2e soirée servait de clôture à la saison théâtrale. Les vers suivants lui furent adressés à la fin de la représentation.

Toi qu'on voudrait toujours entendre,
Quand tu peins de l'amour les tragiques douleurs,
Par quel charme secret ta voix flexible et tendre
Dans l'âme va chercher la source de nos pleurs.
Puis, changeant d'air et de langage,
Avec quelle facilité
Tu prends le ton du badinage,
Et de la folâtre gaîté.
Reviens souvent sur ce rivage,
Reviens, du public enchanté
Recueillir le brillant hommage,
Qu'attachent les talents, l'esprit et la beauté.

La saison s'était composée de 82 représentations, comprenant 56 opéras et 39 comédies, drames ou vaudevilles.

Le 10 avril, la Régence, concurremment avec la Commission des actionnaires, accorda définitivement le privilège de la nouvelle salle de spectacle, pour un terme de 6 ans, à dater d'octobre 1820, à MM. Alexandre Seytz, directeur de Maestricht, Wyngaard père, 58 ans, et Salomon Lecebf, espérant qu'ils engageraient une troupe digne de la ville de Liège et du beau monument qu'elle devait occuper.

Les travaux de la salle, qui avaient été suspendus pendant tout l'hiver, furent repris le 15 mars et poursuivis avec la plus grande activité; le 17 avril, la Commission mettait en adjudication la fourniture de 8255 aunes de toile grise devant servir à la confection des décors du théâtre.

Ce trio de directeurs fut également celui choisi par les actionnaires pour l'exploitation de la saison 1819-20. Ils firent précéder leur tableau de troupe des quelques lignes suivantes :

" Messieurs,

Le désir de reconnaître dignement l'intérêt dont les autorités et le public ont bien voulu nous honorer, en nous accordant un privilège seul but de nos plus chères affections, puisqu'il nous procure le bonheur de concourir à vos plaisirs pour plusieurs années; ces motifs réunis nous ont fait entreprendre la partie la plus essentielle de vos délassements. Le retard des débuts à Liège a été occasionné par des artistes qui, ayant contracté des engagements avec l'entreprise, ne les ont pas rejoints et qu'il a fallu remplacer avantageusement, surtout ne voulant offrir au public qu'une troupe complète et digne de mériter les suffrages des amateurs de bon goût.

Nous pouvons vous assurer que nous ne négligerons rien pour remplir autant qu'il sera en notre pouvoir la tâche importante que nous contractons envers vous, sous le rapport du spectacle qui ne sera composé que d'ouvrages choisis des meilleurs auteurs, tant dans l'opéra-comique et sérieux que dans la bonne comédie (vu qu'aucune pièce d'amateur ou de circonstance ne sera acceptée par l'entreprise, qu'après le plus strict examen et l'approbation de l'autorité locale). "

La troupe débuta le dimanche 6 juin 1819, par: Jean de Paris, g.-o. 2 a.; Le Bouffe et le tailleur, o.-c. 1a., et Annette et Lubin, ballet-pantomime 1 a.

Le même jour, la Gazette de Liége publiait un article indiquant en quelque sorte aux directeurs la marche à suivre. Nous n'hésitons pas à le reproduire, car il donne des détails très intéressants sur l'exploitation de la salle Saint-Jacques.

" Le début de la nouvelle troupe qui nous avait été promis pour les premiers jours de mai, aura lieu définitivement aujourd'hui dimanche 6 juin.

Nous ne saurons pas mauvais gré aux directeurs du spectacle d'avoir passé un mois à Maestricht; ils ont voulu sans doute prendre le temps d'étudier les divers degrés de talent de leurs pensionnaires et leur laisser acquérir de l'ensemble avant de nous les présenter; ainsi nous devons penser que ce retard offrira des résultats satisfaisants pour le public, les directeurs et lesacteurs.

Nous donnerons notre avis sur les acteurs après les débuts; aujourd'hui, nous allons tracer aux directeurs un aperçu de leurs devoirs envers le public, devoirs dont leurs prédécesseurs se sont très imprudemment écartés. En remontant à l'époque où le directeur D... a fait sa fortune, nous trouvons que fatigué de payer le tribut de sa reconnaissance au public qui l'avait comblé de ses bontés, il négligea de remplir ses obligations envers lui; il encourut sa disgrâce et fut remplacé par le directeur F... Le premier avait préparé la décadence de notre théâtre, le second l'acheva. Parlerons-nous du directeur M... qui n'a fait que paraître et s'est retiré avec une perte considérable, non, si ce n'est pour dire qu'on ne peut établir un parallèle entre M. F ... et lui. Le directeur M... ne connaissait point les localités; il nous a donné une fort mauvaise troupe parce que probablement on lui aura dit: Cest assez bon pour eux.

En conséquence, nous ne lui reprochons pas un tort qu'il a payé cher. Mais M. F..., qui depuis si longtemps habitait nos contrées, était-il excusable? Ne pouvait-il pas mettre à profit les fautes de son devancier? Ne connaissait-il pas la volonté du public? N'avait-il pas prélevé sur nous une somme assez ronde? Au résumé, la tâche que nous nous sommes imposée n'est pas de faire la guerre aux fautes passées, mais de les indiquer et d'empêcher, si nous le pouvons, qu'elles se reproduisent à l'avenir. D'ailleurs, ces deux messieurs, après avoir prouvé que de fort honnêtes gens peuvent être de pauvres administrateurs, ont fait un aveu tacite de leur incapacité en donnant leur désistement. Ce procédé est louable, aussi tout bien compensé, nous leur devons peut-être un peu de reconnaissance.

Aujourd'hui, par une faveur inespérée, nous avons trois directeurs pour un; j'aime à croire que ce sera pour le bien. En effet, si ces Messieurs vivent en bonne intelligence, ils pourront s'éclairer mutuellement et marcher au même but, celui de nous satisfaire. Qu'ils songent qu'il y va de leur intérêt. Nous ne verrions pas sans indignation notre nouvelle salle, ce beau monument que Liège fait élever dans son sein, en proie au rebut des théâtres de France! Mais n'anticipons pas sur l'avenir, occupons-nous du présent et citons quelques-uns des abus dont nous désirons la réforme. Messieurs, vous nous présenterez des comédiens qui parlent et des chanteuses qui chantent. Vous ne nous donnerez plus des jeunes duègnes et des vieux amoureux.

Ne faites point parler vos acteurs au hasard.

Un vieillard en jeune homme, un jeune homme en vieillard.

Vous ne suivrez pas votre caprice dans la distribution des rôles, au mépris de l'engagement des acteurs et du vœu du public. Vous veillerez à ce que le souffleur ne soit pas le grand ressort qui fait mouvoir des machines; vous bannirez de la scène les mauvaises charges, les contorsions, les grimaces qui sont le patrimoine exclusif des trétaux.

Il faut que les acteurs badinent noblement.

Vous aurez soin que les chœurs soient appris et chantés; vous aviserez même au moyen de nous faire entendre les paroles si cela est praticable; que vos figurants ne paraissent plus couverts de ces habits dégoûtants dont ils étaient revêtus depuis quelques années. Puisqu'il est d'usage que toutes les actrices paraissent, dites-leur de ne point affecter de se dérober à nos regards en se plaçant derrière vos tristes comparses; qu'elles se mettent en avant sans crainte de blesser leur amour-propre, nous saurons bien tenir compte de leur complaisance. Nous ne vous disons pas de ne pas semer la division parmi vos pensionnaires; de ne point bannir de notre théâtre par des injustices, par des outrages même, des artistes recommandables que nous voudrions conserver; nous ne vous disons pas de ne point être ingrats et insolents envers un public indulgent, à qui vous devez beaucoup d'égards et de respect; non, mais nous serions là pour vous le dire, si jamais vous sortiez des bornes que votre devoir et vos obligations vous prescrivent. D'ailleurs, nous ne pouvons pas tout dire en un jour et notre intention n'est pas de vous harceler, mais de vous éclairer. Il faut donc vous entretenir des réformes qui pressent. Passons à l'orchestre. Nous avons remarqué que les jours de comédie, nous étions impitoyablement condamnés à entendre une éternelle symphonie exécutée par trois ou quatre musiciens.

Pourquoi l'orchestre n'est-il pas toujours au complet? Est-ce lésinerie de la part de l'entreprise? Est-ce négligence de la part des artistes? Nous l'ignorons; mais de quelque part que soit le tort, nous désirons qu'il ne passe point en usage.Nouspossédons un excellent orchestre et nous ne devons dans aucun cas, être privé du plaisir de l'entendre. Que de leur côté ces messieurs rivalisent de zèle comme ils rivalisent de talent et tout le monde sera satisfait.

Nous avons remarqué que beaucoup de nos bons opéras sont morcelés et défigurés par des coupures. Que cela ne soit plus. Il est vraiment étrange qu'on se permette à ce point l'oubli du respect dû à la mémoire des grands maîtres; les vaudevilles sont toujours mal chantés et malconduits; la plupart des accords sont faux et ne partent point à temps; pourquoi? C'est que les pièces sont répétées avec négligence; c'est que le maître de musique ne s'en occupe point; cependant a-t-il le droit de se donner une doublure? Nous croyons franchement ou bonnement, que toutes les fois que les acteurs chantent sur la scène, votre place est à l'orchestre et non pas au parquet. Que ceci soit dit en passant pour le compte de certaines personnes du théâtre qui, les jours mêmes de grande recette, viennent fort incivilement déplacer d'honnêtes gens munis d'un billet d'entrée de fr. 2-40, lequel billet semble un peu cher, lorsqu'on ne peut éviter l'inconvénient de rester debout pendant trois ou quatre heures. Puisque nous nous adressons au chef d'orchestre, nous l'invitons cordialement à ne plus „ faire les répétitions au moment de la représentation, nous vouIons dire par là qu'il n'est pas agréable pour les spectateurs d'entendre à tous moments, chut... allez... fort..., etc., etc.; et si cela est nécessaire à Liège, faites écrire ces différents commandements sur les parties d'orchestre. Il serait encore nécessaire de ne pas nous faire entendre chaque jour le bruit discordant de votre bâton de mesure. Compère, l'on sait bien qu'il faut conduire les artistes au bâton, mais il ne faut pas frapper trop fort.

Voilà messieurs à peu près tout ce que nous avions à dire avant l'ouverture de votre spectacle. "

Le roi se trouvant à Liège, assista à la soirée du 22 juin donnée par ordre, et composée de: Le Nouveau Seigneur du village et Le Rossignol.

Du 25 juin au 11 juillet, M. Victor et Mlle Charton, artistes du second théâtre français, donnèrent 6 représentations dans lesquelles ils interprétèrent: Tancrède, tr. 5a.; Andromaque, tr. 5a.; Gabrielle de Vergy, tr. 5a.; Zaïre, tr. 5a.

Ces deux artistes obtinrent beaucoup de succès et jouissaient d'une réputation méritée. A leur dernière soirée, on leur jeta des couronnes et des pièces de vers, au milieu des applaudissements les plus vifs qui partaient de toutes les parties de la salle. Parmi les vers, nous citerons les suivants, qui montrent jusqu'à quel point leur talent était apprécié.

Vous de qui les talents, heureux fruits des travaux,
Répandent tant d'éclat dès leur première aurore,
Vous qui si jeunes encore
Comptez tant de succès et si peu de rivaux
Poursuivez, et bientôt ornements de la scène,
L'on placera les noms de VICTOR et CHARTON
Parmi les noms fameux, si chers à Melpomène,
De Lekain, de Talma, de Raucour, de Clairon.

M. Martin, le célèbre baryton du théâtre Feydeau, qui était annoncé comme devant se faire entendre prochainement, ne parut pas. Ce fut M. Potier, 1er comique du théâtre des Variétés, qui le remplaça; il donna 4 représentations du 3 au 8 août et joua les principaux rôles dans les pièces suivantes: Le Ci-devant jeune homme, v. 1a.; Le Petit enfant prodigue, c. 1a.; Le Savetier et le financier, v. 1 a.; Le Solliciteur, c.-v. 1 a.; Les Anglaises pour rire, c.-v. 1 a.; Le Beverlei d'Angoulème, c. 1 a.; Les Deux précepteurs, op.-v. 1 a.; Werther, v. 1 a.; L'Intrigue de carrefour, v. 1 a.; Le Niais de Sologne, c.1a.; La Carte à payer, v. 1a.; Les Deux boxeurs, v. 1a.

M. Potier était un des premiers comiques de Paris. Ses représentations obtinrent ici un très grand succès. Talma disait que le nom de Potier sur l'affiche représentait une recette de 1,000 écus.


1819-20.

La saison d'été avait été exploitée irrégulièrement, les directeurs jouant alternativement sur les scènes de Spa et de Liège. Ils firent la clôture ici le 8 août, et publièrent le 15 octobre le tableau de troupe composé des mêmes artistes qui avaient débuté au mois de juin, pour entreprendre la saison d'hiver.

ISAAC WYNGAARD, père, directeur-caissier.

ALEXANDRE SEYTZ ET S. LECERF, directeurs-administrateurs.

MM. Valembert, 1re haute-contre Elleviou.
Alexandre, 1re haute-contre Philippe, 1er rôle.
St-Felix, 2e haute-contre Colin, jeune premier.
Foignet, Martin, Laïs, Solié, 1er comique.
Philippe, 1re basse-taille, père noble.
Léon, 2e basse-taille, financiers.
Lemoule, 2e basse-taille. rôles de convenance.
Lecerf, trial, baillis, laruette, 1er et 2e comique.
Celicourt, jeune trial, laruette, 2e comique.
Narcisse. 3e basse-taille, utilité.
St-Albin, 2e nmoureux.
Troy, 2e comique.
Mmes Alexandre, 1re chanteuse sans roulade.
Bouché, 1re chanteuse en tous genres.
Troy, 2e chanteuse, 1re au besoin, jeune première.
Lechesne, dugazon St-Aubin, soubrette, rôles travestis.
Adam, jeune dugazon, ingénuité.
Monroy, mère dugazon, jeune duègne.
Seguenot, duègne, caricatures.
Lemoule, 2e et 3e amoureuse.
Ballet.
MM. Adam, 1er danseur, maître de ballet.
Oudard, 1er danseur.
Begrand, 2e danseur
Troy, 1er danseur grotesque.
4 figurants.
Mmes Adam, 1re danseuse.
Oudard, 1re danseuse.
Favetti, 2e danseuse.
4 figurantes.

MM. Fiévez, 1er maître de musique.

Bianchi, 2e maître de musique.

Le prix des places était resté le même, mais les directeurs créèrent un abonnement militaire au parquet aux prix suivants:

MM. les capitaines, fr. 14,00
les premiers lieutenants, fr. 12,00
les sous-lieutenants, fr. 10,00
les cadets, fr. 8,00

L'ouverture eut lieu le dimanche 31 octobre, par la 1re représentation de: La Clochette, ou le diable page, o.-c. 3a., musique d'Hérold, et L'Epreuve villageoise, o.-c. 2 a.

Le 24 décembre, on fut forcé de faire relâche, les inondations survenues en ville, rendaient les abords du théâtre inabordables.

M. Bourdais, 1er comique que nous avions possédé dans la troupe de 1818-19, et qui depuis était attaché au théâtre royal de Bruxelles, vint se faire entendre dans la représentation du 27 décembre, donnée au bénéfice de Lecerf, l'un des directeurs. Celui-ci malheureusement ne put profiter longtemps du produit de cette soirée, car il mourait 4 jours après, le 31 décembre 1819.

On vit encore cette année, du 21 au 27 janvier, dans 3 représentations, M. Gontard, danseur de corde, qui exécutait des exercices de corde raide, équilibre, sauts périlleux, saut des tonneaux, etc., sans avoir le succès de ses devanciers, il réussit toutefois à se faire applaudir.

La clôture se fit ensuite le dimanche 19 mars, par: Roméo et Juliette, op. 3 a., et La Somnambule, v. 2 a.

La saison s'était composée de 69 représentations, comprenant 62 opéras et 29 comédies, drames ou vaudevilles.

Cette année avait été assez agitée et n'était pas exempte de reproches à l'adresse de la direction; la plupart des ouvrages représentés avaient été montés de manière à lasser plutôt la patience du public, qu'à mériter son accueil bienveillant et qu'à répondre aux emphatiques promesses qui avaient été prodiguées dans le principe de la nouvelle entreprise. On accusait surtout Alexandre et sa femme, leur reprochant de vouloir accaparer les premiers emplois dans l'opéra et dans la comédie. Ces reproches faisaient l'objet d'une lettre parue dans les journaux et signée de plusieurs abonnés et habitués.

Elle eut sa réponse par la même voie. M. Alexandre y réfutait les griefs mis à sa charge, en déclarant que la nouvelle troupe étant complètement remaniée, il avait engagé pour tenir les premiers emplois des artistes d'un talent reconnu, ne s'étant réservé ainsi que sa femme, que les emplois de second ordre.

A la suite de ces articles une polémique s'engagea de part et d'autre, et nous relevons les deux paragraphes suivants insérés dans le Journal de Liége.

" Dans les journaux, une plume étrangère, insultant à la fois à la vérité et aux convenances, trace avec complaisance l'éloge de l'habile acteur, du musicien aimable à la voix pure, juste et flexible; et un éloge aussi modeste que vrai n'offre rien de suspect, car il estsigné par M. Alexandre.

Au théâtre, des partisans d'une cabale obscure sont affreusement appostés, tantôt pour interrompre un silence improbateur par des applaudissements mercenaires, d'autres fois pour essayer de couvrir de leurs battoirs, les signes accoutumés du mécontentement général; dans d'autres cas enfin pour chercher à intimider par des moyens plus familiers à la classe dont ils sortent, les gens paisibles qui s'aviseraient de se croire libres dans leurs jugements et qui malheureusement doués d'un goût trop exquis, au lieu de s'extasier incontinent aux pathétiques accents de Licinius et de Lodoïska, se laisseraient aller impudemment à quelques boutades chagrines. Le blâme du public répondra désormais aux explications franches et respectueuses, que M. Alexandre serait encore tenté de faire insérer dans les feuilles. "

Malgré toute cette polémique, Alexandre, toujours assisté de Wyngaard, conserva la direction, remania en partie la troupe précédente, comptant bien faire l'ouverture de la nouvelle salle et présenta les artistes suivants pour la saison d'été:

Alexandre Seytz, directeur-administrateur.

Isaac Wyngaabd, directeur-caissier.

MM. Galland, 1re haute-contre Elleviou, rôles de convenance.
Alexandre, 1re haute-contre Philippe, 1er rôle jeune.
Villeneuve, 2me haute-contre Colin, 2e amoureux.
Monrose, Martin, Laïs, Solié, rôles de convenance.
St-Alme, 1re basse-taille, financiers, paysans.
Sanson, 2e basse-taille, 2e père noble.
Narcisse, 3e basse-taille, utilité,régisseur.
César, trial, 2e et 3e comique.
Ramond, laruette, 1er et 2e comique.
Germain, 1er rôle, père noble.
Rousselle, 1er comique en tous genres.
Mmes Bouche, forte 1re chanteuse en tous genres.
Clara, 2e chanteuse, jeune 1re, 2e amoureuse.
Laurent, 3e chanteuse, 3e amoureuse.
Lechesne, dugazon St-Aubin. jeune 1re ingénuité,
Berdoulet, jeune dugazon, jeune soubrette.
Alexandre, jeune mère dugazon, 1er rôle jeune.
Martin, 1re duègne, mère noble.
Duret, 1er rôle marqué.
Rousselle. 1re soubrette.
Ballet.
MM. Oudart, 1er danseur, maître de ballet.
Begrand 2e danseur, comique
Mmes Oudart, 1re danseuse.
*** 2e danseuse.

M. Fiévez, maître de musique.

Le début de la troupe eut lieu le 6 mai, par: La Fausse magie, o.-c. 2 a.; Blaise et Babet, o.-c. 1 a., et L' Opéra-comique, o.-c. 1 a.

Les mêmes dispositions hostiles s'étant renouvelées à l'égard d'Alexandre, celui-ci donna sa démission et nous l'apprend par la lettre suivante, qu'il adressa aux journaux à la date du 25 mai:

" L'ex-directeur Alexandre au public de Liège.

Messieurs, accueilli par vous pendant plusieurs années avec une bienveillance peu commune, je m'étais fait une douce habitude de regarder cette ville comme une seconde patrie! Je m'y croyais au milieu de ma famille, et j'avais la flatteuse espérance d'y terminer ma carrière. Une incompréhensible fatalité a dissipé cette illusion et détruit mes plus chers projets. Les plus petites causes ont produit les plus grands effets! — Dans ma disgrâce, il me reste du moins une consolation, c'est de n'avoir rien à me reprocher et de pouvoir défier qui que ce soit de me faire un seul reproche fondé. Je pars, pénétré de sentiments de respect et de reconnaissance pour les magistrats et les honnêtes habitants de cette cité, en leur procurant une troupe agréable et telle que la localité le permet; j'ai fait mon devoir; inspirer quelque intérêt, emporter quelques regrets, sera m a récompense. "

Lecerf étant mort, Alexandre s'étant retiré, Wyngaard resta seul directeur; comme il n'était guère administrateur, il s'adjoignit le sieur Fiévez, le chef d'orchestre et ancien directeur, ainsi que celui-ci nous l'apprend par le journal du 12 juin 1820:

" Le sr Fiévez,chef d'orchestre du spectacle, au public de Liège.

Messieurs. Le voeu de l'entrepreneur actuel du spectacle, M. Wynhaard père, l'assentiment de l'autorité et surtout la reconnaissance que je vous dois, et le désir de vous préparer des plaisirs dignes de vous, m'ont déterminé à accepter la place de nouveau directeur-gérant. "

Dans la séance du 9 juillet, ils arrêtèrent, d'accord avec la Commission des actionnaires, les conditions de l'abonnement.

Du 5 juin au 6 juillet, M. Lewin et sa troupe, artistes mimes du grand théâtre de Londres, donnèrent 4 représentations.

La clôture eut lieu le dimanche 16 juillet, par: Les Deux journées, o.-c. 3 a., et Une journée à Versailles, c. 3 a.

Pendant l'été parut encore une troupe d'acrobates: M. Casorti et sa famille composée de 11 enfants, danseurs de cordes, pantomimistes; ils donnèrent 8 représentations du 6 au 27 août. Cinq des enfants dansaient sur la corde avec autant d'assurance qu'ils en auraient eu sur un parquet. L'un des fils se promenait sur la corde en exécutant une polonaise sur le violon; les sons étaient moelleux, le coup d'archet assuré. M.Casorti était le même qui avait paru en 1813. Ce furent les derniers artistes qui se produisirent à la salle Saint-Jacques. La prochaine saison devant s'ouvrir au nouveau théâtre, il était donc question d'abandonner celle-ci.

Pendant les 14 années qu'elle fut exploitée, elle ne vit en quelque sorte que des succès; le répertoire fut très varié et comprenait tous les genres; rarement un ouvrage était joué plus de 3 ou 4 fois; les artistes aussi furent presque tous admis dès leur début. Les actionnaires n'eurent donc qu'à se louer de leur entreprise. Depuis 1811, un certain nombre d'actions étaient amorties chaque année. Les 17 actions restantes furent remboursées sans tirage au sort à dater du 18 septembre 1820. La nouvelle commission avait racheté de l'ancienne tout ce qui se trouvait dans la salle Saint-Jacques, en décors, meubles et costumes, pour le prix de fr.1066,95 qui, avec la somme de fr.973,05 que l'on ajouta, servit à l'extinction de ces dix-sept actions.

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