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Collégiale Saint Pierre à Liège

Documents concernant la collégiale Saint-Pierre à Liège

par Richard FORGEUR

Quoique des historiens aient quelque peu éclairé l'histoire du chapitre de Saint-Pierre à Liège (1), que des archéologues se soient intéressés aux pièces du mobilier qui proviennent de l'ancienne collégiale (2), l'église elle­même n'a pas retenu l'attention des érudits.

C'est pourquoi je crois utile de souligner l'intérêt de trois documents susceptibles d'apporter de nombreuses précisions aux historiens de l'architecture, deux iconographiques, et un descriptif; nous les étudierons selon l'ordre chronologique de leur création.

Rappelons que la collégiale, orientée, se dressait sur une colline située à l'emplacement actuel de la place Notger qui fut créé en enlevant les terres qui constituaient l'extrémité orientale du Mont-Saint-Martin ou Publémont. L'axe de l'église prolongeait ainsi celui des rues Saint-Martin, Saint­Hubert, Sainte-Croix et Saint-Pierre. Cette dernière s'arrêtait à la tour, dépourvue de portes; il fallait laisser l'église à gauche pour descendre les degrés de Saint-Pierre et atteindre l'actuelle place Saint-Lambert.

La collégiale était donc entourée par l'extrémité de la rue Saint-Pierre à l'ouest, par le cloître au nord, le flanc de la colline, au sud et à l'est. Son abside se trouvait à quelques mètres de la façade de l'actuel palais provincial mais elle le dominait d'une dizaine de mètres (3).

L'origine de l'église est relativement bien connue. Une vie de saint Hubert, écrite vers 750, soit vingt-cinq ans environ après son décès, nous apprend que l'évêque édifia, près de la cathédrale, une église dédiée à saint Pierre et aux apôtres et qu'il y fut inhumé à sa mort survenue le 30 mai 727. Seize ans plus tard, son corps fut exhumé par l'évêque, le 3 novembre 743, et placé sur le maître-autel de l'église. Enfin, le 30 septembre 825 ses reliques furent transférées à la collégiale d'Andage, dans les Ardennes qui fut dès lors un monastère bénédictin qui prit le nom de son saint patron, la célèbre abbaye de St-Hubert.

Quel était le statut juridique de l'église Saint-Pierre? Il faut, hélas, se résigner à l'ignorer. Selon Gilles d'Orval, qui écrivait quatre siècles après les événements, des bénédictins auraient desservi l'église et auraient été massacrés par les Normands tandis que leurs têtes auraient été percées d'un long clou. Leurs reliques furent exaltées en 1615 par l'historien Jean Chapeaville, vicaire général et prévôt du chapitre!

Cette macabre anecdote n'a plus aucun crédit auprès des historiens actuels (4) car il est prouvé que l'église Saint-Pierre fut édifiée sur un cimetière mérovingien; les archéologues citent une dizaine de cas de sépultures mérovingiennes situées en Allemagne, en Espagne et en France, contenant des squelettes encloués (5). La confusion s'est faite à une époque où cette pratique était oubliée.

Selon le chroniqueur Anselme () qui écrivait un siècle seulement après les faits, l'évêque Richaire agrandit l'église, lui céda de nombreux biens fonciers et y fonda un chapitre de trente chanoines séculiers.

Cette affirmation est-elle digne de créance ?

Assurément car sa chronique a presque toujours résisté aux menaces de la critique historique. Il est par ailleurs bien connu que l'évêque fut inhumé à Saint-Pierre dans un sarcophage romain dont subsistent des fragments et que le chapitre de Saint-Pierre a toujours eu la priorité sur les autres de la ville même sur ceux de Saint-Martin et de Saint-Paul, fondés par Eracle, successeur de Richaire. Il est donc plus ancien que ceux-ci, donc antérieur à 950.

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Le plus ancien dessin représentant Saint-Pierre (fig. 1), si l'on excepte les vues cavalières de Liège assez peu précises d'ailleurs (fig. 5) est celui qui fut collé, au 16e siècle, semble-t-il dans le manuscrit dit de Langius conservé de nos jours à l'abbaye de Rochefort (7), dont une copie du 17e siècle, repose à Warfusée.

Cette vue de la face nord de l'église a dû être prise du couvent des minimes ou des environs immédiats de celui-ci, à savoir du nord-est de la collégiale: la tour de Saint-Servais n'a donc pu servir d'observatoire.

On distingue, de gauche à droite les différentes parties de l'église: l'abside gothique dont quatre pans sont visibles, le choeur quadrangulaire percé de deux fenêtres et, devant eux, la crypte, déformée par une perspective maladroite.

Plus à droite encore, le croisillon nord du transept avec une petite chapelle accolée à son flanc oriental et couverte d'un toit à deux versants; ensuite, la nef percée de cinq grandes fenêtres, une par travée, et d'une petite dominant la toiture du croisillon nord; devant la nef, le bas-côté nord et la chapelle Bârdoy; à l'extrémité se dresse la tour gothique tandis qu'à l'avant-plan se voient les trois ailes du cloître et des bâtiments annexes tels que la salle du chapitre où, en certaines occasions, se réunissaient les délégués de toutes les collégiales du diocèse pour délibérer sur les intérêts du clergé secondaire.

Tous les bâtiments sont coloriés à l'aquarelle d'une teinte brune, sauf l'aile sud du cloître et le mur situé sous le bras du transept qui sont gris­brun, les toitures gris clair et violet, l'entourage des fenêtres, sauf celles de l'abside, en blanc de même que les trois pilastres des chapelles du bas-côté nord.

La couleur générale, brunâtre, fait penser à du grès houiller ce qui correspond à l'usage liégeois. Mais la tour et l'abside gothiques devaient être construits en calcaire et par conséquent, être coloriés en blanc comme l'église Saint-Martin et Sainte-Croix. Est-ce la seule fantaisie du dessinateur ?

Saint-Gilles, quoique bâtie en grès houiller est peinte en gris! et les parties décorées de Beaurepart et de Sainte-Croix en brun! Les chapelles nord de cette dernière collégiale, subsistant de nos jours, bâties en calcaire sont coloriées en brun et non en blanc comme elles auraient du l'être.

Dès lors on peut conclure en constatant que la couleur du dessin n'indique pas le matériau dans tous les cas. Il y règne trop de fantaisies.

Le second dessin (fig. 2) est conservé au « musée de l'Art wallon » (n° 270 du catalogue, p. 239). Attribué à Englebert Fisen il mesure 17 cm sur 32 (8).

On y distingue aisément, de gauche à droite, la tour de Saint-Servais, Saint-Pierre et Saint-Lambert. Devant Saint-Pierre on reconnaît les maisons qui faisaient l'angle de la place Verte et de la rue des Mauvais chevaux. Devant la cathédrale, c'est Notre-Dame aux fonts, au-dessus, ce sont les Minimes et, à droite, le cloître oriental de Saint-Lambert.

Le dessinateur était placé très haut car il domine les toitures et il voit par-dessus celles de la cathédrale.

En reportant sur plan les angles de vues, il me paraît que seule, la tour de Saint-Denis ait pu servir d'observatoire pour prendre ce panorama. Je ne vois pas de raison de mettre eu doute l'attribution à Fisen, probablement due à Hamal. La technique, le papier et l'encre, paraissent bien remonter au 18e siècle.

De la collégiale Saint-Pierre nous voyons la face sud cette fois: la tour, la nef au cinq fenêtres, le croisillon sud dont la toiture est dominée par deux petites fenêtres selon la coutume mosane bien connue, le choeur, percé d'une fenêtre devant lequel on aperçoit la chapelle greffée sur le croisillon sud; enfin une partie de l'abside polygonale.

C'est une vue antérieure à celle de Remacle Le Loup (fig. 3) publiée dans les Délices du pays de Liège (9). Elle date donc de la jeunesse du peintre Fisen (1655-1733), très probablement des environs de 1680 comme nous allons le voir.

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L'estampe publiée par Saumery en 1738 (fig. 3) fut gravée à l'eau forte d'après un dessin de Remacle le Loup probablement, aujourd'hui perdu. On sait que le graveur a souvent altéré les proportions des monuments afin d'occuper tout l'espace qui lui était dévolu. De toute évidence, il était difficile de représenter Saint-Pierre dans un rectangle horizontal: la nef était trop courte et la tour, trop élevée. C'est pourquoi il se vit contraint d'allonger le vaissau et de réduire la hauteur de la flèche; le clocher dut finalement être aminci pour rester en harmonie avec celle-ci quitte à paraître bien réduit pour une si longue nef! Le vaisseau une fois étiré et allongé ne peut plus se contenter de cinq fenêtres... il faudra bien lui en ajouter trois!

Le transept est représenté comme sur le dessin de Fisen; seules les deux petites fenêtres mosanes ont été omises par le graveur. Je crois qu'en réalité on ne les voyait plus car elles furent probablement sacrifiées quand on voûta la nef au début du 18e siècle.

Le sanctuaire apparaît assez différent selon que l'on consulte le dessin ou la gravure. Sur le dessin (fig. 2) de Fisen comme sur celui de Langius (fig. 1), il est plus bas que la croisée du transept tandis que pour Le Loup, il atteint la même hauteur. Est-ce une erreur? Je ne le pense pas.

Vers 1690 le chapitre avait décidé de remplacer le maître autel par un nouveau, à la mode, semblable à ceux de Saint-Lambert et de Saint-Paul (10). Ce grand autel à portique fut orné en 1691 d'un tableau de Jean-Gilles Del Cour (+ 1695) représentant la chute de Simon le Magicien ordonnée par saint Pierre. Pour placer cet autel qui devait décorer tout le fond de l'abside on dut, se résoudre, je le suppose, à condamner les fenêtres et à hausser le niveau de la voûte de celle-ci. La même transformation se fera dix ans plus tard, et pour la même raison, à Saint-Barthélemy. C'est ce qui justifie la gravure de Le Loup: les fenêtres y apparaissent bouchées et l'abside plus élevée.

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La voûte du choeur et de l'abside ayant été refaite à la fin du 17e siècle, il restait à couvrir le reste de l'église de voûte de pierre en lieu et place du plafond. Des donateurs offrirent l'argent nécessaire: le prévôt Mathias Clercx (1702-1715) donna la voûte de la nef, le doyen Hodeige (1709-1734) celles des bas-côtés et le prévôt, Woot de Tinlot (1741-1763) celles des croisillons du transept (Annexe II).

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Un dernier document, descriptif cette fois, nous est fourni par le dernier doyen du chapitre, François Nicolas Joseph Delvaux (1780-1797). Chanoine depuis 1745 environ, décédé en 1800, il fut donc attaché à notre collégiale pendant plus de cinquante ans. Il est l'auteur d'une monumentale histoire du diocèse de Liège, restée manuscrite, comprenant vingt volumes in folio, conservés à la bibliothèque de l'université (1015C à 1035C). Un de ces registres, le 1015, contient une description de la collégiale transcrite à l'annexe I du présent article ainsi qu'une liste des prévôts et des doyens enrichie de quelques annotations biographiques parfois utiles pour la connaissance de l'église (Annexe II).

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A la lueur de ces maigres documents, que conclure? Quelle idée se faire de la collégiale ?

C'était une basilique précédée à l'ouest d'une tour et à l'est d'un transept, d'un choeur flanqué de chapelles, d'une abside et d'une vaste crypte établie sous ces trois dernières parties.

La longueur de l'édifice devait être de 65 mètres environ (11)

La tour était dépourvue de porte vers la rue Saint-Pierre (12). De style gothique, elle était très sobrement construite. Seuls quelques larmiers, quatre contreforts et huit fenêtres rompaient la monotonie de ses murs. Je suppose qu'une grande fenêtre, percée à l'ouest, éclairait l'église. Une flèche d'ardoise, cantonnée de quatre tourelles la couvrait comme à Saint-Lambert et à Mèlreux. Elle devait en bien des points, rappeler les tours de Saint-Paul (XVe s.) et de Saint-Martin (XIVe s.).

Quand fut-elle édifiée ?

Le docteur Alexandre, auteur du catalogue 13 du musée provincial fut le premier à affirmer que l'église fut allongée et la tour réédifiée en 1263. Il basait ses dires sur le texte d'une pierre tombale d'une recluse Héluy par ailleurs inconnue.

Il ne subsiste qu'un petit fragment de cette épitaphe dont le texte est connu par la copie qu'en fit Van den Berch au 17e siècle (14). Selon lui, et, malheureusement Van Heule, Helbig, Gobert et Poncelet le suivirent sans sourciller, la tour aurait été déplacée le jour de l'Ascension pendant les vêpres! Un jour de fête? Il y a deux vêpres à l'Ascension mais ce délai est quand même fort bref! Évidemment c'est la pierre tombale et non la tour qui fut déplacée.

Peut-être le transfert de la tombe eut-il lieu à l'occasion de la reconstruction de la tour qui daterait, dans ce cas des environs de 1263 puisque la tombe fut alors déplacée du pied de la tour et qu'une nouvelle pierre fut sculptée pour la recouvrir?

Dans tous les cas, la tour fut construite, le style le prouve, pendant le 13e ou le 14e siècle.

La nef était romane, éclairée par cinq fenêtres (15) et deux petites à la croisée du transept. Le plafond primitif fit place vers 1705 à une voûte offerte par le prévôt (16) Mathias Clercx, le constructeur d'Aigremont dont le frère Michel, prévôt de Saint-Denis, offrit la voûte de la nef de cette dernière église. Ses armes s'y voient encore de nos jours.

Quatre piliers séparaient la grande nef des bas-côtés qui reçurent, eux aussi, une voûte dont le doyen Hodeige assuma les frais entre 1709 et 1734 dates de son décanat (17).

Les voûtes des trois nefs étaient décorées de stucs (18) comme celles de Saint-Denis, de Saint-Barthélemy et de Saint-Antoine.

Le pavement de briques (19) fit place à un pavement de marbre offert par le doyen Moraicken (1734-1779) en même temps que les quatre grands portails de marbre qui, des bas-côtés, donnaient accès au cloître vers le nord, à l'extérieur, vers le sud. A la même époque Saint-Paul et Saint-Denis reçurent des portails semblables. Ces derniers subsistent.

Le long des bas-côtés, on avait édifié deux chapelles, l'une appelée Bardoy, au nord, et l'autre nommée d'Ans au sud, appellations qui correspondent aux noms des fondateurs. Je n'ai pu les identifier. Plus près du transept se trouvaient au nord, une « petite chapelle intérieure », abritant trois fondations de messes dont la première est déjà citée en 1384 (20) et, au sud, une « petite chapelle » dédiée à sainte Pétronille (21).

Les hauts murs goutteraux dépourvus de tout décor comme ceux de Saint-Servais à Maastricht et de Saint-Denis font penser au XIe siècle (22).

Ne remonteraient-ils pas à la réédification de l'église par l'évêque Richaire, y inhumé, en 945 ? Ce serait téméraire de l'affirmer. La dédicace de 1117 aurait-elle suivi une reconstruction? (23). L'église semble plus ancienne mais vu sa disparition, on ne peut rien garantir. Quant à l'incendie de 1185, iL dévora les parties de bois mais épargna celles de pierre. Après 1185, on n'aurait pas reconstruit une église romane sans pilastre ni arcature pendant qu'on réédifiait la cathédrale en style gothique.

Le transept était roman, du type bas c'est-à-dire que ses toitures étaient beaucoup moins élevées que celle de la nef et surmontées de deux petites fenêtres de chaque côté; son bras sud était percé de deux fenêtres longues et étroites, son bras nord, d'une grande fenêtre gothique.

Le choeur était, lui aussi, plus bas que la nef, selon l'habitude romane mosane. De plan proche du carré, à l'origine, on lui avait ajouté à l'époque gothique une abside en demi pentagone probablement selon l'habitude liégeoise du XIVe siècle (Ste-Croix, St-Paul, Tongres) conservée au XVe (St-Denis) et au XVIe (St-Jacques).

S'il faut en croire le dessin du manuscrit dit de Langius, des fenêtres très étroites, des lancettes à une seule lumière, éclairaient l'abside.

Ce dispositif peu satisfaisant dut inciter les chanoines à hausser la voûte de l'abside, à boucher les fenêtres de celle-ci pour y adosser le grand autel à portique de 1685 environ et percer de grandes fenêtres dans le choeur. C'est ainsi qu'apparaissent l'abside et le choeur, sur la gravure de Le Loup.

Le choeur était trop petit pour contenir les stalles des 30 chanoines, des chapelains et des chantres. Elles devaient se trouver à la croisée du transept comme à St-Lambert, Ste-Croix, St-Denis, Saint-Barthélemy et ailleurs. Saumery a encore vu le jubé baroque dû à Del Cour qui séparait le choeur de la nef.

Parallèles au choeur mais ouvertes sur les croisillons se trouvaient deux chapelles, une au nord, une au sud. Ensuite une sacristie, au nord, et une salle affectée au trésor, de l'autre côté (24).

En dessous de ces quatre annexes, du choeur et du sanctuaire se déployait une vaste crypte contenant cinq chapelles (25) avec cinq fondations de messes. Elle avait dû être construite pour pallier la forte déclivité du terrain vers l'est et saint Hubert y avait été inhumé.

Saumery admira la délicatesse des colonnes qui avaient, dit-il, un pied de diamètre à l'entablement.

Cette crypte était donc très vaste. On y célébrait, même au fastueux XVIIIe siècle, la fête de saint Hubert (26).

Sa voûte d'arête reposait sur des colonnes à cannelures en spirale s'il faut en croire une gravure de piété du 17e ou 18e siècle (27) (fig. 4). Le gisant gothique posé sur le tombeau de saint Hubert, représenté sur l'estampe est conservé de nos jours dans l'église paroissiale de Hozémont tandis que deux colonnes « de granit égyptien » et « deux chapiteaux romans très frustes » furent trouvés en 1846 en détruisant la colline Saint-Pierre et déposés au musée provincial, actuel musée archéologique (28).

Quant au cloître, Saumery affirme avoir connu celui que saint Hubert édifia et que Richaire restaura. Nous retiendrons qu'il était simplement assez vieux pour que cet auteur peu averti le croit remonter à une si vénérable antiquité.

Aux termes de cette enquête sur l'aspect de la collégiale Saint-Pierre, il me paraît que de nombreux points d'interrogations, de nombreux doutes subsistent. Cependant ne fallait-il pas rappeler l'église dans laquelle vécut pendant huit siècles le vénérable chapitre collégial de Saint-Pierre, le plus ancien de Liège... oratoire où le fondateur de la cité lui-même, saint Hubert, fut inhumé ?

Photo partielle de la copie dessinée au 19e siècle reposant à la bibliothèque de l'Université de Liège, d'une gravure représentant Liège d'après le dessin de Gilles Marischal. Cette estampe fut éditée en 1618 par Gérard Alzenbach. L'unique exemplaire connu repose à l'université de Leiden.

On voit, à gauche, Sainte-Croix, dans le bas, Saint-Paul et, à droite, Saint-Lambert et les tours du palais détruites en 1850.

ANNEXE I

L'église est bâtie dans le gout gothique et n'a que des portails collatéraux: le choeur en a été ouvert depuis quelques années: ses ornements de marbre d'Italie sont à double pilastres dans l'ordre ionique; on y monte par une escalier qui a beaucoup de grâce et de majesté; il est fermé par des piliers de bronze; le choeur en boiserie renferme des peintures qui sont continuées dans les collatéraux et qui représentent la vie de saint Pierre. Le sanctuaire est aussi de marbres, débris, comme l'entrée du choeur, du superbe jubé-monument de la générosité du prévôt Rossius de Liboy (Délices du pays de Liège, T. 1, p. 119 et 3) père du bienfaiteur cité plus haut. Le sanctuaire est aussi du même ordre que l'entrée; à gauche, au milieu, est le tombeau de Richaire, premier fondateur; à droite, vis-à-vis, on a placé celui de Charles Rossius de Liboy, second fondateur. Au-dessus de leurs urnes, on voit des bas-reliefs de marbre blanc, l'un représentant Jésus-Christ donnant les clefs à saint Pierre, l'autre, saint Pierre et saint Paul qu'on conduit au martyre: ces deux pièces sont du ciseau de Delcour et l'admiration des connaisseurs.

Le même a donné le dessin de l'autel qui est couronné d'un dais, sous quoi on a mis un grand Christ accompagné des deux anges, le tout de la main de cet habile maitre; le tableau est du pinceau de Delcour digne frère du sculpteur; on le regarde comme un excellent morceau que représente la chute de Simon le magicien confondu par saint Pierre. L'aigle de bronze doré, au milieu du choeur en forme de lutrin, a servi de modèle pour ceux qu'on a jetté dans la suite.

Au bout de l'église, on a élevé une tribune revêtue de marbre qui fait face à l'entrée du choeur et qui est accompagnée de deux portes de bronze, ouvrage encore, du fameux Delcour; au dessus de ces portes de la tribune, on a enchassé deux médaillons de marbre blanc: les têtes des deux apôtres est [sic] du même ciseau; une orgue aussi complète que harmonieuse couronne la tribune et s'élève jusqu'à la voute où sont les armes du second bienfaiteur, est le premier fruit de son hérédité. La tribune est flanquée de deux grandes portes de marbre qui forment l'entrée de l'église.

Des pareilles portes servent d'un côté des dégagements aux cloîtres et, de l'autre, d'entrée à l'église curiale de St-Clément.

A coté du choeur, deux escaliers conduisent à la grotte sous le grand perron de l'entrée. Ce souterrain règne sous le sanctuaire, le choeur, les deux chapelles collatérales, le trésor, et la sacristie de l'église supérieure; il contient cinq chapelles ayant un avant corps en forme d'église, la plus grande chapelle sur la même ligne mais un peu plus enfoncée au milieu des quatre autres, sert de choeur lorsqu'on y célèbre l'office, le jour de Saint-Hubert qui l'a batie et y a choisi sa sépulture; cet édifice construit avec délicatesse et solidité court l'onzième siècle de son âge.

(Bibliothèque de l'université de Liège, manuscrit 1015 C, p. 725.)

ANNEXE II

Liste des prévôts

Louis Rossius de Liboy, père de Charles Rossius de Liboy, chanoine de Liège, second fondateur de l'église Saint-Pierre. Ce prévôt (29), qui a fondé un anniversaire, avait donné un beau jubé (30) dont, depuis, on a formé l'actuelle (31) et dont les principales parties ont servi à faire le sanctuaire.

Matthias Clerc, [1702-1715], écolâtre de Liège, élu le 2 janvier 1702. Il a donné la voûte de la nef; il renonca en 1745 [sic] pour passer à la prévôté de fosses.

Fabius de ScheIl [1715-1741] laisse les revenus de la prévôté à l'église. Arnold-Bernard de Woot de Tinlot, élu le 18 septembre 1741. Il a donné les voûtes et les fenêtres des chapelles à côté du choeur et 100 pistoles pour la décoration du choeur. Mr Rensonnet, chanoine de cette église ayant suppléé le reste de la dépense. [+ 1763].

Liste des doyens

1610 Nicolas de Muno, inhumé vis-à-vis de l'entrée de la dernière chapelle, à gauche, dans la grotte [1610-1626].

Guillaume-Hubert Hodeige, 1709-1734, a donné les voûtes des collatéraux.

Jean-François Joseph de Moraicken [1734-1779] neveu du précédent, par sa mère, a donné le jubé en marbre, les quatre portes de marbre, un superbe pavé de marbre, un superbe ornement de velours doré en or, plusieurs pièces d'argenterie de l'autel.

[Manuscrit Delvaux, n° 1015 C, après la page 725.]


1. U. BERLIÈRE, Monasticon belge, t. 2, p. 139, Maredsous, 1928. - E. PONCELET, Inventaire analytique des chartes de la collégiale Saint-Pierre à Liège, t. 1, pp. 1 et 2, Brux. 1906. - J. HALKIN, Les statuts de la collégiale Saint-Pierre à Liège, dans B.I.A.L. 24 (1895) pp. 487-531. - T. GOBERT, Liège à travers les âges, 4 (1926) 540-552. J. Hoyoux, La visite du nonce Albergati à la collégiale Saint-Pierre de Liège en 1613, dans Bulletin Institut historique belge de Rome, 60 (1969) 265-380. - L. NAVEAU et A. POULLET, Recueil d'épitaphes de Henri van den Berch, t. 1, pp. 62-72, Liège 1925. - U. BERLIÈRE, Chartes de Saint-Pierre à Liège, dans Leodium, 6, pp. 120-123, Liège, 1907.

2. J. HELBIG, L'ancienne collégiale Saint-Pierre à Liège, dans B.S.A.H.D.L. 4 (1886), 177-197. - P. L. DE SAUMERY, Les délices du pays de Liège, t. 1, 119-121, Liège, 1738. - L. HALKIN, Une description inédite de la ville de Liège en 1705, Liège, 1948, 49-51. - B. LHOIST-COLMAN, Jean Del Cour dans les archives liégeoises, dans B.S.A.H.D.L., 48 (1968) 29-36 (concerne le jubé et le maître­autel). - Les articles concernant la clé reliquaire, aujourd'hui à Sainte-Croix, les lambris et stalles (à Soumagne), le grand orgue (à St-François de Sales à Liège), le gisant de saint Hubert (à Hozémont), le sarcophage romain où fut inhumé l'évêque Ricaire (Liège, musée archéologique), la pierre Bourdon (ibidem), les peintures du 18e siècle dont certaines de Latour et Deprez (Sittard, collégiale Saint-Pierre), l'évangéliaire du 9e ou 10e siècle (Manchester), et celui du 12e-13e siècle (Bibliothèque universitaire de Liège 1953c) sont trop nombreux pour pouvoir être cités ici. Ils ne concernent pas l'architecture de l'église. Par contre, l'inventaire sommaire du mobilier dressé par Henri HAMAL et publié par R. LESUISSE dans le Bulletin de la Société des Bibliophiles liégeois 19 (1956) 220-222, aide à connaître l'église.

3. Pour mieux situer l'emplacement de la collégiale, on consultera les plans et vues de Liège, entre autres ceux qu'a publiés Adolphe DELVAUX DE FENFFE, Liège, quelques transformations, visages du passé, Liège [1930], in-4°, aux planches I, II, III, VII, VIII, X, XV, XVI, XVII et XIX.

4. A. D'HAENENS, Les invasions normandes en Belgique au IXe siècle, Louvain, 1967, pp. 283­285. - U. BERLIÈRE, op. cit., T. GOBERT, op. Cit. et E. DE MOREAU, Histoire de l'Église en Belgique, t. 1, p. 245.

5. A. NÉLISSEN, Le cimetière de tradition carolingienne de Crèvecœur à Esneux, dans Bull. Le Vieux-Liège, n° 156 (1967) 135 qui s'appuie sur E. SALIN, La civilisation mérovingienne, Paris, 1952, qui énumère une dizaine de cas semblables.

6. Monumenta Germaniae historica, Scriptores, 7, p. 201 et PONCELET, op. Cit., pp. 1 et 2 qui cite les autres références à cette collection, d'une manière exacte.

7. Je remercie le P. Albert van Iterson et M. René Bragard qui m'ont facilité la consultation de ce manuscrit.

8. Quoique cité au catalogue de l'exposition d'art mosan qui se tint à Liège en 1951, sous le numéro 851, il ne figurait pas parmi les pièces exposées. La photo ici reproduite est celle de l'Institut royal du patrimoine artistique (0 117.177A).

9. tome 1, p. 545, Liège, 1738. - Elle est aussi reproduite par T. Gobert et J. Hoyoux, op. cit. à la note 4, Fig. 3.

10. Aujourd'hui à Seraing, à l'église Notre-Dame. A Saint-Antoine, la grande fenêtre de l'abside fut bouchée en 1688 et le grand autel à portique, détruit par une bombe en 1944, vint occuper le mur oriental. Les chanoines de Saint-Barthélemy firent de même en 1702. Ces églises à chevet plat se prêtaient particulièrement bien à de pareilles métamorphoses.

11. Helbig, qui reprend Saumery, dit 230 pieds de long, soit environ 67 m. D'après le plan cadastral dressé vers 1810, en comparant au palais, je compte 64 mètres. Saint-Denis en a 52 et Ste-Croix, 55.

12. Annexe I et SAUMERY, op. Cit., p. 120.

13. Catalogue descriptif du musée provincial de Liège, 1864, n° 13, p. 15, Epitaphier van den Berch, op. cit., n° 224 et H. VAN HEULE, Supplément à la Chronique archéologique du pays de Liège, 33 (1942) non paginé, illustré.

14. Messieurs M. Hélin, J. Hoyoux et A. Bodson, éminents spécialistes du latin ont tous les trois confirmé mon interprétation du texte. Je les remercie pour leur collaboration.

15. Les deux dessins le prouvent. Le Loup en place huit; nous avons vu pourquoi. Saumery (p. 120) dit que l'église est gothique ce qui veut dire, médiévale selon la terminologie de son temps: le mot roman n'était pas en usage. Saint-Denis a aussi cinq travées.

16. Annexe 2.

17. Annexe 2.

18. SAUMERY, op. cit., p. 120. Les affirmations précises du doyen Delvaux qui vit l'église, connut les donateurs des voûtes ou tout au moins des contemporains de ceux-ci, ont évidemment beaucoup plus de poids que le notaire du nonce qui, en 1613, écrivit « ecclesia tota fornicata » (J. Hoyoux, op. cit., p. 291). Ce notaire omit de citer parmi les reliques de l'église, la fameuse clé de saint Pierre qui, cependant, s'y trouvait (idem, p. 275.).

19. J. HOYOUX, p. 291.

20. Autels Saints-Remi et Vincent, Saints-Pierre et Paul et enfin Saint-Lambert. PONCELET, passim.

21. HAMAL, op. Cit., passim.

22. Quoique le dôme de Saint-Jean, bâti par Notger, soit déjà orné d'arcatures lombardes.

23. PONCELET, op. Cit., p. IX et X.

24. SAUMERY, p. 121.

25. Ibidem.

26. Léon HALKIN, Une description inédite de Liège en 1705, P. 49, Liège, 1948; l'auteur donne la bibliographie concernant le gisant.

27. Cette gravure est reproduite dans GOBERT, op. cit., p. 542. De pareilles cannelures se voient aux cryptes de Bolduc (12e) et de St-Pierre à Utrecht (11e).

28. Catalogue descriptif du musée provincial de Liège, Liège, 1864, nos 5, 6, 13, 23, 23bis, 24, 25, 26, 36 et 77.

29. De 1672 à 1702.

30. Érigé en 1680. L. E. HALKIN, Une description inédite de Liège en 1705, Liège, 1948, p. 50 et B. LHOIST-COLMAN, op. Cit.

31. Celui qui était au rez-de-chaussée de la tour comme dans la plupart des églises depuis le 18e et peut-être le 17e siècle. C'est au 18e siècle que les jubés, placés jusqu'alors à l'entrée du choeur, furent relégués sous la tour (St-Pierre, St-Martin, St-Paul, Ste-Croix, St-jean, St-Denis, Huy) et remplacés par une clôture de marbre avec porte de bois (St-Jacques) ou de laiton (Ste-Croix, Fosses, St-Servais à Maastricht). Seul, celui de St-Lambert fut conservé parce qu'il supportait les reliques de saint Lambert.

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