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Collégiale Saint Martin à Liège

La Basilique Saint Martin à Liège

par le Charles HAAKEN


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Comme un lion défendant la cité, comme une reine au milieu de sa cour, la Basilique Saint-Martin se dresse majestueuse sur la croupe d'une colline aux deux versants accentués, presqu'au coeur de la ville de Liège.

Que vous suiviez à Fragnée, le cours du fleuve ou que vous le remontiez à Coronmeuse; que vous empruntiez les boulevards, venant d'Avroy ou du centre; que vous descendiez des hauteurs de Sainte-Walburqe, d'Ans, de Glain ou de Saint-Gilles: toujours vous apercevez l'imposant édifie, et sa tour massive annonce au voyageur, l'approche de la Cité Ardente.

L'antique église ne pourrait être supprimée ni du panorama, ni de l'histoire de la ville. Sans elle, Liège ne serait plus Liège.



PREMIERE PARTIE

RÉSUMÉ DE L'HISTOIRE DE LA BASILIQUE


SES ORIGINES.

Ses origines remontent au dixième siècle.

La cathédrale Saint-Lambert menaçait ruine quand Eracle (959-970) monta sur le trône épiscopal. Le nouveau pontife se proposa de la réédifier, non plus dans la vallée de la Légia, où elle était exposée aux inondations et aux invasions, mais sur la colline voisine, qu'il pourrait facilement fortifier et où il transférerait également sa résidence et les services généraux du diocèse.

Ce projet ayant reçu l'approbation du Concile d'Aix‑la‑Chapelle. La construction de la nouvelle cathédrale fut entreprise sur le Publémont ou Mont public, ainsi dénommé parce que les pauvres gens étaient autorisés à y faire la coupe du bois.

Le style, les matériaux employés, la hauteur et la solidité de l'édifice, en firent une forteresse des plus imposantes pour l'époque.

Mais bon nombre de Liégeois virent d'un mauvais oeil ce déplacement du centre de la cité. Les négociants notamment qui s'étaient fixés aux abords de l'ancienne cathédrale, redoutèrent un grave préjudice pour leurs affaires, aussi s'efforcèrent‑ils d'empêcher la réalisation des projets de l'évêque.

Eracle céda‑t‑il à la violence ou plutôt, ayant obtenu, au tombeau de saint Martin de Tours, la guérison d'une tumeur cancéreuse, fit‑il le voeu de dédier à son bienfaiteur, l'église nouvelle? Toujours est‑il qu'à la mort de ce prélat, il n'était plus question du transfert de la cathédrale, et l'église du Publémont, placée sous le vocable du grand apôtre des Gaules, devenait une collégiale à laquelle fut attaché un chapitre de trente chanoines.

Elle le restera jusqu'à la fin du XVIII? siècle.


INSTITUTION DE LA FETE‑DIEU.

Ce qui devait universaliser le nom de la collégiale Saint‑Martin, ce qui lui valut d'être élevée par le Pape au rang de basilique, ce qui en fait à jamais l'un des temples les plus illustres de la chrétienté, c'est l'institution, en 1246, de la Fête‑Dieu.

Le Ciel ayant manifesté à sainte Julienne de Cornillon, le désir de voir introduire dans le cycle liturgique une fête solennelle en l'honneur du Saint‑Sacrement, celle‑ci, après de longues hésitations inspirées par l'humilité, s'en ouvrit à son amie sainte Eve qui vivait retirée du monde, dans une recluserie attenant à l'église Saint‑Martin.

Après avoir beaucoup prié, les deux saintes femmes se décidèrent à confier leur secret à un chanoine du chapitre collégial, Jean de Lausanne.

Le vénérable ecclésiastique, bientôt convaincu de la sincérité de Julienne et de la réalité des révélations, fit rapport à l'évêque Robert de Torote, lequel chargea une commission de théologiens, de procéder à une enquête minutieuse.

Les conclusions ayant été favorables, l'évêque décréta l'institution de la fête dans son diocèse et ce fut à Saint‑Martin, qu'elle fut célébrée pour la première fois.

Par un concours de circonstances providentiel, un des théologiens consultés, Jacques Pantaléon, archidiacre de la cathédrale Saint­Lambert, devenait Pape, quelques années plus tard sous le nom d'Urbain IV.

Se souvenant des évènements dont il avait été le témoin à Liège, il étendit la Fête‑Dieu à l'Eglise universelle, et fit parvenir à l'humble recluse de Saint‑Martin, avec un bref annonçant cette extension, une copie de l'office du Saint‑Sacrement, composé par saint Thomas d'Aquin.

L'institution de la Fête‑Dieu eut d'énormes conséquences. Elle donna un essor nouveau à la piété eucharistique et l'amena, petit à petit, à ce merveilleux épanouissement que nous lui connaissons.

Aussi le clergé de Saint‑Martin eut‑il à coeur d'en entretenir le souvenir par des manifestations de tous genres qui se multiplièrent au cours des siècles, notamment à l'occasion des jubilés centenaires de la Fête‑Dieu.

Les maîtres de la chaire sacrée, les Lacordaire, de Ravignan, Dupanloup et tant d'autres, chantèrent à Saint‑Martin, les gloires de l'Eucharistie.

Parmi les formes diverses que prit cette dévotion, il en est une - l'Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement - répandue dans le monde entier, et qui mérite d'être signalée, non seulement parce que la basilique Saint-Martin en fut le berceau en 1766, mais encore parce qu'elle en est restée le centre universel, par un décret de Clément XIII.


MAL SAINT‑MARTIN.

Un jour, les chants de pieuse allégresse, les hommages publics au Dieu de paix, furent remplacés par des cris de haine, par d'affreux blasphèmes auxquels se mêlaient d'horribles lamentations de douleur.

Les riches et joyeuses illuminations des fêtes triomphales, avaient fait place à de sinistres lueurs, à des flammes homicides.

Tel est l'effrayant spectacle qu'offrit la journée du 4 août 1312, connue sous la désignation de Mal Saint‑Martin.

A la mort du prince‑évêque Thibaut de Bar, la noblesse choisit pour administrer la principauté, en attendant l'élection du nouvel évêque, le comte Louis de Looz, tandis que le chapitre cathédral, à qui appartenait uniquement ce choix, et qui était le protecteur des Petits ou du peuple, désigna le grand prévôt Arnold de Blankenheim.

Ce fut l'occasion d'un combat d'une violence inouïe qui mit aux prises les diverses classes sociales de la cité.

Les patriciens se rassemblèrent, au nombre d'environ cinq cents, sur la place du Marché, dans la nuit du 3 au 4 août.

Les hommes de métiers, prévoyant l'attaque, la repoussèrent de toutes parts. L'aurore commençait à éclairer le champ de la lutte, lorsque les Nobles cherchèrent à opérer leur retraite vers les hauteurs du Publémont.

Avec une vigueur nouvelle, le peuple se précipita en avant, s'empara de la barricade dressée au‑dessus de la Haute‑Sauvenière, et obligea les Grands à chercher le salut dans une fuite rapide.

La plupart d'entre eux gagnèrent la collégiale Saint‑Martin dont ils fermèrent les portes en les barricadant solidement.

Au paroxysme de la colère, la foule ayant en vain tenté d'enfoncer les portes, accumula sous le portique et en divers endroits autour de l'édifice, des bottes de paille, des planches, des fagots, et en fit autant d'ardents brasiers.

Les portes et les parois sont bientôt entamées par les flammes, les vitraux éclatent, une fumée épaisse, suffocante envahit l'intérieur du monument, le feu lui‑même y pénètre, atteint la charpente, et les malheureux qui croyaient avoir trouvé dans l'église un refuge sûr, furent ou carbonisés, ou asphyxiés, ou ensevelis sous les éboulements partiels. Quelques‑uns, dans leur affolement, s'étaient jetés du haut de la tour.

La collégiale n'avait pas été entièrement consumée par l'incendie sacrilège. Les murs demeuraient en grande partie debout.

Il est probable toutefois que l'ancienne église romane ne se releva jamais complètement de son désastre, et qu'une partie seulement de l'édifice fut rendue au culte en attendant la reconstruction totale qui ne se fera que deux siècles plus tard.

Un nouveau malheur vint la frapper en 1468. L'église échappa aux flammes allumées par les soldats de Charles‑le‑Téméraire, mais non à un pillage effréné.


RECONSTRUCTION DE LA COLLEGIALE.

L'an 1505, Erard de la Marck prenait en main le timon des affaires de la principauté, et annonçait, par la grandeur de son caractère, la dignité de sa vie, par sa mansuétude et aussi par sa fermeté, une longue période de paix et de prospérité.

Dès l'année suivante, on commença à se préoccuper des préparatifs de reconstruction de l'église Saint‑Martin.

Le chapitre confia l'élaboration des plans du nouveau temple à l'architecte Paul de Ryckel.

Tout en conservant l'orientation et les dispositions générales de l'église primitive, de Ryckel allait doter Liège d'un des plus remarquables spécimens du style ogival national.

L'auteur a su tirer profit de la situation exceptionnelle de l'édifice. Qu'on l'observe des profondeurs de la ville ou des hauteurs avoisinantes, la basilique ne cesse de charmer les yeux. Elle couronne superbement l'ancien Publémont devenu le Mont‑Saint‑Martin.

Sa structure sévère semble ajouter à son harmonieuse et grandiose simplicité.

L'aspect majestueux de l'ensemble est rehaussé par une puissante tour carrée, en pierre de granit comme le reste, au sommet de laquelle conduit un escalier de 275 marches, en partie aménagé dans une tourelle ronde, accolée à la face méridionale. On y domine la cité toute entière.

L'architecte de Ryckel mourut avant l'achèvement de son oeuvre. Il fut remplacé par Arnold van Mulcken qui était chargé déjà de bâtir l'église Saint‑Jacques et le palais des princes‑évêques.

Van Mulcken eut le rare mérite de maintenir et de poursuivre le plan tracé par son prédécesseur, mais n'en modifia‑t‑il pas quelques détails pour y introduire une note personnelle? Ainsi la voûte du choeur, moins élancée que celle de la nef, et qui ressemble singulièrement à celle de Saint­Jacques, par l'entrelacement de ses multiples nervures, ne doit pas être celle qu'avait conçue de Ryckel.


VANDALISME.

A l'occasion du Jubilé de la Fête‑Dieu de 1746, les chanoines de Saint‑Martin, ne sachant réagir contre les erreurs de l'art à cette époque, apportèrent à leur temple des innovations qui défigurèrent, on ne peut plus disgracieusement, la beauté du style primitif.

Ne laissèrent‑ils pas recouvrir d'un affreux plâtras, ces voûtes en briques rouges, à belles nervures, et les faisceaux des colonnes qui les soutiennent. Les bases mêmes de ces colonnes furent mutilées afin de les arrondir. Il s'agissait de les affubler également d'une couche de plâtre et de les marbrer.

Les murailles jusque là, étalaient en des tons bien tranchants, les couleurs diverses des matériaux dont elles se composent: calcaire au soubassement, pierres de sable à la partie supérieure. Tout cela disparut sous un uniforme badigeon.

Partout cette teinte blanchâtre masquant la délicatesse des nervures et des sculptures, substitua à la vigoureuse harmonie primitive, une fade monotonie, lourde et déplaisante.


LA REVOLUTION FRANÇAISE.

La décadence de l'art, manifestée de façons diverses à Saint­Martin, indiquait une profonde modification des idées, et pouvait faire prévoir d'autres changements, fondamentaux ceux‑là, dans la situation sociale.

La Révolution de 1789 se produisit, bouleversant presque complètement la face des choses.

L'église Saint‑Martin fut choisie comme lieu de réunion des électeurs, pour traiter des affaires publiques.

A partir de 1797, elle fut fermée au culte, puis convertie en Temple de la Victoire. On y célébrait par des parodies sacrilèges la fête anniversaire de la fondation de la République.

Quant au mobilier comprenant tous les autels, les stalles, le jubé de nombreux tableaux de maîtres, les quatorze bas‑reliefs en marbre de Del Cour, les bancs, quatre grosses cloches, etc., il fut évalué dans l'inventaire des commissaires du peuple, exactement à la somme de 1.191 francs 50 centimes. Fort heureusement, on ne le vendit point.

Pendant ces années de deuil, quelques chanoines de Saint­Martin, bravant des dangers sérieux, veillèrent à ce que la dévotion eucharistique se maintînt vivace.

Ils transférèrent à cet effet, dans la petite église paroissiale de Saint‑Remacle en‑Mont qui était toute proche, le siège de l'Archiconfrérie du Saint‑Sacrement et de l'Adoration perpétuelle.

Cette Archiconfrérie du Saint‑Sacrement, dont les origines se confondent avec celles de la Fête‑Dieu et qui vraisemblablement est la plus ancienne des associations de ce genre, connut, au cours des siècles une très grande prospérité. Elle comptait des membres dans la plupart des pays de l'Europe, notamment des princes de sang, voire des souverains.

L'effervescence antireligieuse des autorités civiles finit cependant par perdre peu à peu de son acuité.

L'antique cathédrale Saint‑Lambert ayant été incendiée, Napoléon reprit après un intervalle de huit siècles, le projet d'Eracle, et voulu, faire de l'ex‑collégiale Saint‑Martin, la Cathédrale du diocèce. Tandis que l'abbaye de Saint‑Laurent (aujourd'hui caverne et hôpital militaire) aurait été transformée en hôtel épiscopal et en local du grand séminaire

Ce projet n'eut point de suite. L'église Saint‑Paul, plus centrale et d'un accès plus facile, fut choisie pour cathédrale.

Saint‑Martin devint église paroissiale primaire.


RESTAURATION DE L'EDIFICE.

Pendant la période française du début du dix‑neuvième siècle, l'église demeura complètement livrée à elle‑même, sans entretien. Dans la suite, le manque de ressources ne permit point de s'en occuper d'une façon sérieuse.

Vers l'an 1840, l'édifice menaçait ruine dans plusieurs de ses parties: les contreforts étaient lézardés, les voûtes ébranlées.

On se résolut enfin à commencer l'oeuvre de restauration, grâce aux subsides qu'Etat, Province et Commune accordèrent généreusement.

Bientôt les travaux se firent sous la direction de l'architecte Delsaux, en employant les pierres granitiques des bancs les plus durs et les plus résistants des bords de l'Ourthe.

Quand, en 1846, l'on célébra le six centième anniversaire de l'institution de la Fête‑Dieu, le temple vénéré apparaissait en maintes de ses parties, sous une face nouvelle.

Ce n'était pas assez, aux yeux du conseil de fabrique, d'avoir rendu extérieurement au temple sa beauté première. Avec une compréhension saine de l'architecture ancienne, un respect sincère pour l'art de nos pères, et prenant à ses charges tous les frais, il confia, en 1880, à M. van Assche, architecte gantois très réputé et particulièrement expert dans ce genre de travaux, la mission de restituer à l'intérieur de la basilique, son aspect grandiose et son noble caractère d'autrefois.

M. van Assche dépouilla le vieux monument des surcharges de plâtras qui, depuis un siècle et demi environ masquaient la voûte en briques, l'ancien appareil des murs et ses jolies arcatures, l'imposante masse de calcaire des piliers aux fines sculptures.

Alors aussi, on supprima le jubé qui encombrait la tour et un nouveau jubé fut adossé à l'extrémité nord du transept.

En février 1882, le temple réapparaissait plein de vie et d'une heureuse coloration, tel que l'avait conçu, au XVI siècle l'architecte Paul de Ryckel.

Dix ans plus tard, les anarchistes tentaient de le faire sauter...


UN ATTENTAT.

Le dimanche 1er mai 1892, à 9 heures 24 minutes du soir, alors que l'attention de la foule était attirée au centre de la ville, une détonation formidable se produisit derrière le choeur.

La charge qui comprenait quatre à cinq kilos de dynamite, avait été posée sur le sol, contre le mur, entre deux contreforts.

Tout Liège et la banlieue entendirent la déflagration dont le mont Saint‑Martin ressentit les déplorables effets. Sur plus de cent mètres du lieu de l'explosion, les bâtiments eurent leurs vitres réduites en miettes. Des croisées en fer furent complètement tordues.

En éclatant, l'engin destructeur fouilla profondément le soi.

Au haut du sanctuaire, les verrières furent sérieusement endommagées, mais la bâtisse résista admirablement. Malgré l'énorme secousse, il ne s'y produisit pas une lézarde, ni dans les parois, ni dans les voûtes.

Dès le lendemain, M. Osterrath, maître‑verrier, faisait prendre une photographie des parties restantes des vitraux, assurait la conservation de ces panneaux si fragiles, puis les descendait avec d'infinies précautions.

Il s'est efforcé de restaurer l'ensemble, et, grâce à son habileté on peut dire qu'il ne reste aucune trace des ravages de l'explosion.


UNE VISITE ILLUSTRE.

Le nonce du Pape auprès de S. M. Léopold I, ayant été rappelé à Rome pour s'y voir confier d'autres fonctions, ne voulut pas quitter la Belgique sans faire une visite d'adieux à Monseigneur Van Bommel, évêque de Liège, dont il appréciait hautement le zèle et les vertus.

Son Excellence était donc à Liège le 18 février 1846. Elle en profita pour se rendre à l'église Saint‑Martin où l'on était fort occupé des préparatifs du jubilé séculaire de l'institution de la Fête‑Dieu.

L'éminent prélat y fut reçu par le clergé paroissial et le conseil de fabrique. Il se plût à admirer la majesté et la richesse de l'édifice, mais son attention fut surtout attirée par la chapelle du Saint‑Sacrement où il fit une adoration prolongée, voulant, dit‑il, se recueillir au lieu même où fut célébrée pour la première fois la grande solennité de la Fête‑Dieu.

Son Excellence exprima au doyen de Saint‑Martin combien son départ de la Belgique lui faisait regretter de ne pouvoir assister au jubilé du mois de juin suivant pour lequel cependant il promit son concours actif.

En se retirant, le nonce engagea fortement le conseil de fabrique à poursuivre le cours des restaurations entreprises pour la conservation de ce bel édifice religieux et ne trouva que des éloges à donner sur la manière intelligente et le bon goût avec lesquels ce travail était exécuté.

Ce nonce était Monseigneur Joachim Pecci, le futur grand Pape Léon XIII qui devait élever l'ancienne collégiale Saint‑Martin au rang de basilique et lui faire don d'un superbe ostensoir en vermeil.



DEUXIEME PARTIE

DESCRIPTION ARCHITECTONIQUE

 
EXTERIEUR.

Nous ne nous arrêterons pas à l'étude détaillée de l'extérieur de la basilique. Celle‑ci a un aspect monumental qui justifie pleinement son classement officiel parmi les monuments de première classe.

Sa tour carrée, haute de 40 mètres, large de 13 mètres 40, est en granit comme du reste toutes les parties restaurées de l'édifice. Seules les parties anciennes sont en calcaire, ce qui permet d'apprécier l'importance des travaux exécutés au siècle dernier.

La tour, ornée à sa partie supérieure d'une jolie balustrade, est couverte d'une toiture surbaissée, de forme pyramidale, surmontée d'une grande croix en fer forgé.

Une tourelle d'escalier est accrochée au côté sud de la tour.

Tous les murs de l'édifice sont renforcés par des contreforts surmontés d'un pinacle. Les arcs‑boutants sont supprimés, disposition hardie, qui annonce la fin prochaine du style ogival. Les contreforts du transept et du choeur, présentent deux amortissements en pinacle.

De légères arcatures contournent l'édifice.

La porte latérale est accompagnée de deux contreforts non restaurés, composés de colonnettes dont les bases moulurées n'occupent pas le même niveau.

Parmi ces colonnettes, les unes s'élèvent aussi haut que le contrefort, tandis que les autres atteignent seulement le tiers environ de cette hauteur et se terminent par des supports destinés à recevoir des statues.

Le couronnement de ces contreforts est très mouluré.

Au‑dessus du pignon en pierres jaunes du transept, dans lequel se dessinent plusieurs gracieuses fenêtres aveugles, a été hissée, en 1865, une énorme statue en granit de saint Martin bénissant la ville.

Combien délicate l'ornementation du mur de retour du transept vers le choeur. Sa partie haute est agrémentée d'une balustrade aveugle accompagnée d'une double rangée d'arcatures redentées.

La corniche du choeur et de l'abside est surmontée d'une balustrade se composant de meneaux à pans coupés que relient des arcs en plein cintre. Elle ressemble au triforium intérieur.

L'abside polygonale dont les hautes et belles fenêtres sont accostées des puissants contreforts, est d'une élégance remarquable.

Toutefois, si imposant que soit l'extérieur de la basilique, il ne révèle pas la splendeur qui ravit le visiteur quand il pénètre dans ce temple grandiose.


INTERIEUR.

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Pour jouir d'une vue complète de la basilique, admirer ses heureuses proportions, saisir sa majestueuse beauté, il faut se placer tout au fond, sous les cloches,

Aussitôt on éprouve une impression de grandeur, et on ne se lasse d'admirer une régularité de style qui ne donne aucune prise à la monotonie, grâce à la sage harmonie des proportions, à une intelligente distribution des lignes architectoniques, à l'heureuse variété des matériaux apparents.

Ce n'est pas encore l'ornementation exubérante et tapageuse du flamboyant de la dernière période, c'est la sévérité, la gravité mais à laquelle est mêlée une variété de détails stupéfiante.

Bâtie entre 1506 et 1542, l'église, par son allure générale, rappelle le style ogival secondaire, toutefois les éléments des deux périodes du style flamboyant y sont unis en un heureux mariage. L'impression qui se dégage d'un examen approfondi est celle‑ci: un souffle d'évolution a passé sur tout l'édifice, et le plan qui accuse les caractères du XIVe siècle, a été habillé à la manière des XVe et XVIe siècles,

Ce plan se compose d'une tour en hors d'oeuvre, d'un narthex, d'une nef accostée de deux bas‑côtés et de huit chapelles, d'un vaste transept et d'un choeur terminé par une abside polygonale.

L'édifice mesure en longueur 75 mètres, en largeur 31 mètres 30; la hauteur de la voûte centrale atteint 23 mètres 80 centimètres.

En examinant attentivement les différentes parties, on constate que le constructeur y a semé la variété. On la rencontre partout, de sorte que l'observateur va de surprise en surprise. C'est le triomphe de l'imprévu, et à cet effet, on s'est servi de toutes les ressources que présente l'architecture.

La variété apparait dans les travées qui sont inégales, dans l'ornementation des archivoltes et des chapitaux, dans l'alternance des fenêtres de la nef, dans les fenêtres du choeur et des chapelles, dans l'emploi des matériaux de diverses nuances.

Dans l'un des bas‑côtés, les colonnes adossées aux murs de retour des chapelles, sont en pierres bleues jusqu'à mi‑hauteur, et en pierres jaunes à la partie supérieure; dans la nef opposée, ces colonnes sont complêtement en calcaire.

Les murs sont ornés d'arcatures et ces arcatures sont de largeur variable. Il n'est pas rare de constater une différence de 25 et 30 centi­mètres, entre deux arcatures voisines. Cette singularité qui étonne tout d'abord l'observateur, se justifie par l'impression que dégage l'ensemble, L'absence de monotonie charme l'oeil et le repose.


LE NARTHEX OU PORCHE.

Le narthex est situé au nord de la tour.

Il ne date que du siècle dernier et occupe l'emplacement d'une section des cloîtres. C'est à cet endroit également que se trouvait, au XIIIe siècle, la recluserie de sainte Eve, modeste construction qui était vraisemblablement adossée aux cloîtres.

Le narthex a la largeur d'un bas‑côté et d'une chapelle latérale; il est éclairé par trois larges baies au fenestrage flamboyant.

Ses murs sont ornés d'arcatures garnies de redents, mais ceux‑ci sont moins finement sculptés que ceux de l'église. Manifestement on travaillait mieux au XVIe siècle qu'au XIXe.


LA TOUR.

La tour est certainement plus ancienne que le corps de l'édifice, son architecture offre les caractères propres au XVe siècle. Il est probable qu'ayant été complètement détruite en 1312, lors des évènements du Mal Saint‑Martin, elle a été reconstruite tout d'abord.

Elle s'ouvre sur la nef par une arcade dont les retombées se font sur des demi‑colonnes aux chapiteaux ornés de feuilles d'eau très larges.

Les trois murs sont ornés d'arcatures dont les arcs brisés et garnis de redents, retombent sur des colonnettes entièrement dégagées qui s'appuient sur un soubassement.

L'appareil des murs, très bien dressé, est construit en pierres calcaires.

Dans le mur occidental, s'ouvre une fenêtre dont la partie vitrée mesure 14 mètres 50 environ, en hauteur. Elle est divisée en cinq lumières par quatre meneaux reliés par des arcs brisés redentés. Le tympan comprend une grande rosace reposant sur les arcs brisés.

La tour est fermée par une voûte sur croisée d'ogives composée de deux travées, séparées par un arc doubleau. Celui‑ci repose sur des culs‑de‑lampe sculptés.


LA NEF.

La nef comprend quatre travées dont la largeur varie entre 4 mètres 07 et 4 mètres 40 centimètres. Il est probable que ces dispositions sont intentionnelles. En s'affranchissant des exigences de la symétrie, l'architecte a voulu rendre le temple vivant, animé.

Les arcades et les supports ainsi que leur ornementation constituent une partie des plus intéressantes, mais nous y rencontrons aussi des anomalies, des irrégularités, des dispositions que nous oserons appeler fantaisistes; on dirait que le constructeur donnant libre cours à son imagination féconde, les a inventées pour dérouter l'observateur.

Remarquez la multiplicité des moulures et l'ornementation des voussures: têtes d'hommes et rosaces.

Les piliers, construits par assises de pierres bleues, consistent dans des fûts cylindriques, cantonnés de huit colonnettes, alternativement fortes et faibles, selon la fonction qu'elles remplissent (fig. 4)

Chaque colonnette a sa base moulurée reposant sur un socle polygonal, et les bases ne sont pas au même niveau.

Les bases et les socles, fortement endommagé: pour recevoir les ornementations propres à la Renaissance, ont subi une restauration très judicieuse qui nous montre leur état primitif.

Quant aux chapiteaux, nous remarquons que la corbeille est remplacée par une frise faisant saillie sur le fût, et c'est sur cette frise que circulent des guirlandes de feuillages.

Il faut observer que les chapiteaux manquent du côté de la nef, parce que les colonnettes partant des socles, s'élancent d'un seul jet jusqu'à la retombée des arcs de la voûte.

Le fût des piliers a un diamètre de 1 mètre 65.

Comme dans la plupart des églises de premier ordre, Saint-Martin a un triforium ainsi qu'un chemin de ronde, mais ici le triforium est double et l'on n'y voit aucune figure flamboyante. C'est croyons‑nous, une forme exceptionnelle.

Au‑dessus du triforium s'ouvrent de larges fenêtres dont le tympan renferme des figures à formes indécises qui sont la résultante obligée de la structure générale du fenestrage.

Les voûtes sont remarquables par leur légèreté et leur hardiesse. Une maçonnerie exécutée en petites briques rouges remplit les voûtains, tandis que les différents arcs sont faits en pierre blanche.

Le pavement de tout l'édifice est composé de pierres bleues, blanches et grises disposées de façon à former des parallélogrammes.


LE TRANSEPT.

Le transept est de la même hauteur que la nef.

Il mesure en longueur 33 mètres 20, et en largeur 10 mètres 65 centimètres.

Les quatre grandes arcades de la croisée retombent sur deux gros piliers cruciformes, du diamètre de 2 mètres 80 centimètres.

Sa décoration tout à fait remarquable et du plus bel effet, comprend en simple, double et triple rangée, des arcatures aux redents ornés de têtes grotesques, de feuilles et de fruits.

Sur les murs occidentaux, deux fenêtres aveugles dominent le triforium qui fait retour dans les croisillons; retour complet d'un côté, de la largeur d'une travée, de l'autre.

Les deux grandes fenêtres qui occupent presque complètement les murs du fond, constituent l'un des éléments les plus intéressants de l'édifice.

Leurs fenestrages revêtent un caractère original qu'on ne rencontre nulle part ailleurs. Ils forment un ensemble décoratif où les lignes, habilement disposées, se croisent à la manière du flamboyant et suivent leur direction sans jamais provoquer la moindre confusion; où la vie, le mouvement circule, où sont réunies l'élégance, l'harmonie et la variété. Telle une composition musicale dont les différentes parties sont unies par des accords savamment combinés pour produire une oeuvre pleine d'harmonie (fig. 6).

Un vaste jubé occupe l'extrémité nord du transept. Il est soutenu par trois arcades moulurées qui s'appuient sur de gracieuses colonnes formant péristyle, et dont le fût est taillé à pointes de diamant.

La voûte est la même que dans la nef; à la croisée, elle forme une étoile.


LE CHOEUR.

Le choeur se présente plein de majesté avec sa triple série de marches qui mènent à l'autel majeur, ses colonnettes sveltes qui vont se perdre à la voûte en des ramifications très étudiées, ses hautes fenêtres.

En y comprenant l'abside, il mesure en profondeur 24 mètres 40 et en largeur 10 mètres 90 centimètres.

Sept marches élèvent son niveau au‑dessus de celui de la nef, mais, à son tour, l'abside est surélevée de trois marches.

Le choeur est composé de trois travées séparées par des colonnettes. Dans chaque travée est ouverte une fenêtre subdivisée en trois lumières.

L'abside est formée de sept pans coupés polygonaux. Les parties basses des murs sont décorées d'arcatures groupées par trois et dont les redents retombent sur des culs‑de‑lampe ornés de têtes d'hommes.

Dans chaque pan coupé s'ouvre une haute fenêtre à trois lumières, avec tympan où se dessinent des figures variées.

Le constructeur a employé la voûte abaissée et composée d'un réseau dont les matériaux ont été peints par Jules Helbig et recouverts de rinceaux d'arabesques.

Chaque travée est ornée par une étoile que traversent des arcs diagonaux. Dans la clé de voûte de l'abside, a été sculpté en haut‑relief, un ostensoir qui domine le maître‑autel.

Remarquons la curieuse déviation, vers le haut, de l'arc triomphal du choeur. Cette déviation qui doit être la conséquence d'une erreur de construction, est surtout apparente du bas de l'église.


SYMBOLISME.

Une autre déviation, certainement voulue celle‑ci, est celle du choeur lui‑même, vers le sud. Elle atteint ici 23 centimètres et se remarque généralement dans les églises du style ogival qui ont presque toutes la forme d'une croix.

D'après les symbolistes, cette déviation représenterait le fléchissement de la tête du Sauveur, lorsqu'il expira.

A Saint‑Martin, on a voulu voir des symboles partout.

Les huit piliers de la nef symboliseraient, d'une part les quatre grands prophètes; d'autre part, les quatre évangélistes. Les sept marches du choeur figureraient les sacrements, et les trois marches de l'abside, les vertus théologales; enfin la sainte Trinité serait représentée par l'autel majeur avec ses trois marches.

Et voici l'explication symbolique qu'on a donnée de l'ordonnance générale de l'édifice: Les saintes Ecritures (prophètes et évangélistes) amènent l'âme à la réception des sacrements, lesquels la rendent capable de pratiquer les vertus théologales qui assurent son union avec Dieu.



TROISIÈME PARTIE

DÉCORATION ET MOBILIER


Il serait logique de classer les pièces du magnifique mobilier de la basilique, d'après leur rang d'importance, en commençant par l'autel majeur. Pour la facilité du lecteur, nous avons cru devoir suivre un autre ordre, celui dans lequel on rencontre les objets quand on fait la visite de l'église.

Après nous être arrêté dans le narthex et avoir jeté un coup d'oeil dans la nef centrale, nous parcourrons l'édifice. Nous monterons par le bas‑côté nord pour gagner le croisillon du transept puis le choeur, et nous redescendrons par le côté opposé.


LE NARTHEX.

Arrêtons‑nous donc tout d'abord dans le parvis et admirons comme il convient, le tambour formé de quatre grands vantaux Louis XVI, d'une rare élégance, exécutés d'après les dessins de l'architecte Jacques Barthélemy Renoz. Des emblèmes de l'Ancien et du Nouveau Testament, traités à la manière des grands maîtres, ornent les panneaux supérieurs (fig. 7).

Ces vantaux appartenaient, avant la restauration de l'édifice, aux portes des sacristies; leurs frontons non moins remarquables, décorent actuellement le vestibule du presbytère.

Un crucifix en bois de grandes dimensions (fin du XVIIe siècle) domine le mémorial des enfants de la paroisse, morts pour la Patrie.

Ce crucifix doit provenir de l'ancienne église Saint‑Séverin. Saumery l'attribue à Del Cour lui‑même,

Appliquée à la muraille, une lame en cuivre porte cette très belle inscription qui débute par un chronogramme au millésime de 1775.


PaX Vobis ECCLesIaM IngreDlentlbVs
Hunc reveremini locum
Qui merito appellari quit
Sancta Sanctorum:
Hunc etenim
Prae coeteris totius mundi
Elegit Christus
Ad augustissimam
Sacro‑Sancti Corporis sui
Festivitatem instituendam:
Quam
Revelante Deo
Sanctae Julianae primo
Dein beatae Evac hic olim reclusae et Isabellae Huensi,
Ac iisdem,
Sub ope et consiliis Ven: Joannis de Lauzanne
Hujus Ecclesiae Canonici
Unanimiter instantibus,
Insignis haec Ecclesía Collegiata
Sancto Martino Turonensi
Dicata
Populo mirabiliter exultante,
Prima omnium solemniter celebravit
Anno 1246,
Annis utique septemdecim
Priusquam praecepto Urb. IV. P. M.
Sanctissimum iliud Festum
Gratulantibus Superis,
Jubilantibus ubique terrarum fidelibus
Frementibus haereticis
Ac trementibus inferis
Fuerit per orbem celebratum.

Paix à vous qui pénétrez dans ce temple! Vénérez ce lieu qui peut être appelé en vérité le saint des saints. C'est lui en effet, de préférence à tout autre au monde, que le Christ choisit pour l'institution de la Fête de son très saint Corps, Dieu en ayant fait la révélation d'abord à sainte Julienne, puis à la bienheureuse Eve, autrefois recluse ici et à Isabelle de Huy: Sur les instances desquelles - dirigées et conseillées par le vénérable Jean de Lausanne chanoine de cette église - cette insigne église collégiale, dédiée à saint Martin de Tours, célébra la première cette solennité, au milieu de l'allégresse populaire, l'an 1246, soit dix sept ans avant que, par le décret du Souverain Pontife Urbain IV, cette très sainte fête ne fût célébrée dans tout l'univers, à la joie des cieux, à la jubilation des fidèles de toute la terre, à l'épouvante des hérétiques et à la terreur de l'enfer.

Une autre plaque commémore l'érection de l'église au rang basilique, par S. S. Léon XIII, le 9 mai 1886.

Près de la porte intérieure, une inscription gravée dans la pierre, rappelle les dates principales de l'histoire de l'édifice.

Dans le pavé, quatre belles pierres tombales dont les personnages sont de grandeur naturelle.

Deux de ces pierres remontent à l'époque gothique, celle du chapelain Godefroid de Florus décédé le 2 mars 1366, est gravée, tandis que l'autre placée au pied du grand crucifix, est sculptée, son inscription n'est plus lisible. Toutes deux nous montrent le défunt revêtu de la chasuble et portant le calice; de Florus repose sous un dais élégant. Les deux autres, du XVIe siècle, sont traitées dans le style de la renaissance, la décoration est très riche; les défunts, deux chanoines diacres, sont revêtus de la dalmatique et portent l'évangéliaire.

Dès l'entrée dans le temple, l'attention est attirée par deux petites pierres tumulaires, encastrées dans les arcatures, au‑dessus des bénitiers. L'une à l'effigie de saint Martin est de 1468, l'autre à l'effigie de la Mère de Dieu, de 1470. La conception est la même: de part et d'autre, le défunt est agenouillé au pied du personnage principal et tient un phylactère sur lequel se lit l'imploration: Miserere mei, Deus.


NEF CENTRALE.

La nef principale est sobre d'ornements, ceux‑ci ne feraient, au reste, que rompre l'harmonie de ses belles lignes architectoniques.

La chaire de vérité doit provenir d'une ancienne église de Liège, où elle se trouvait complètement dégagée, car pour la fixer au pilier, on a dû cacher et même endommager un panneau sculpté. C'est une jolie cuve du style Louis XIV, formée de panneaux ornés de bas reliefs et séparés par de grosses consoles sur lesquelles sont sculptés des bouquets, des fleurs et des feuilles.

Elle est dépourvue de l'inutile et encombrant abat‑voix.

Lui fait face, un grand crucifix sculpté en plein chêne et polychromé, d'une ravissante expression. Le voile, aux larges plis, révèle la manière de Del Cour, sur le socle en marbre sont gravés les noms et les armoiries des donateurs, Henri de Bounam, échevin de Liège, et son épouse, Hélène de Rovers, 1703.

Sous la tour sont conservées quatre immenses toiles, peintes au début du XVIIIe siècle, par J.‑B. Juppin, avec la collaboration d'Edmond Plumier, pour les figures.

Des scènes bibliques s'y trouvent perdues dans des paysages luxuriants qui ne sont nullement dénués de mérite. Ce sont: le baptême du Sauveur - la Samaritaine au puits de Jacob - la transfiguration - la seconde pêche miraculeuse.


CHAPELLE DES FONTS BAPTISMAUX.

Les fonts baptismaux ont été construits en 1901. Cuve en granit, couvercle en cuivre ouvragé, portant au sommet une gracieuse statuette de saint Jean‑Baptiste. C'est une belle pièce de l'art moderne, conçue dans le style de l'édifice.

Un grand tableau nous montre la jeune Liégeoise Eve présentée en 1243 au chanoine Jean de Lausanne par sainte Julienne, Isabelle et d'autres pieuses femmes et sollicitant la faveur d'être admise comme recluse à Saint‑Martin.

Il porte la signature du peintre liégeois Latour, la date 1775, et un double chronogramme latin et français:

HIC habltaVlt DeVotlsslMa EVa reCLVsa

C'est ICY qVe DeMeVrolt La pleVse EVe

Il est probable en effet que la recluserie adossée au côté nord de la tour, s'étendait sur l'emplacement de cette chapelle et qu'ici était pratiquée l'ouverture qui permettait à Eve d'avoir une vue directe sur l'autel du Saint‑Sacrement.

Sous le tableau, une dalle en marbre blanc, fut encastrée dans la muraille, à l'occasion des solennités qui marquèrent le cinquième centenaire de la Fête‑Dieu, en 1746.

« Ce que les anciens chanoines de Saint‑Martin ont établi, dit l'inscription, les chanoines actuels l'ont dignement commémoré. »


CHAPELLE DE SAINT ANTOINE.

Nous trouvons ici plusieurs pièces de valeur.

Deux jolies petites statues en bois de saint Roch et de saint Remacle, sont l'oeuvre du célèbre sculpteur liégeois Del Cour. Elles ont l'allure mouvementée caractéristique de cet artiste (fig. 10 et 11)

Elles reposent sur des piédestaux sculptés qui proviennent, dit‑on, de l'ancien jubé.

Non moins belle, mais toute différente est la statue de saint Antoine, en bois également. Elle fut sculptée par Jean Hans (fig. 12).

Elle n'a pas le mouvement des précédentes, elle est calme, austère, mais combien fine et expressive! Voyez le visage du saint, de profil ou de face quelle piété, quelle candeur, quelle émotion!

Cette statue est supportée par un cul‑de‑lampe sculpté du XVIe siècle.

Sur l'autel, un Christ en cuivre Louis XIII et deux chandeliers de la même époque, sont tout à fait remarquables.

Arrêtons‑nous devant le beau confessionnal du style Louis XIV. Sa porte de forme bombée, est ornée de sculptures remarquables par la pureté du dessin et la finesse de l'exécution (fig. 13).

Au‑dessus de l'autel, un tableau du XVIIe siècle représente le martyre de saint Siméon, âgé de 120 ans. Il est signé J.‑G. De La Cour, frère du sculpteur Del Cour.

Sur le mur de retour de cette chapelle et de la suivante, sont sculptées les armoiries d'un bienfaiteur de l'église, le chanoine Visbrocus (Wibroux); dans la troisième chapelle, le blason est accompagné des insignes des protonotaires apostoliques.


CHAPELLE DE SAINTE JULIENNE.

Une belle statue en chêne, polychromée, de la sainte portant l'ostensoir, oeuvre du sculpteur Rixgens père, est logée dans le retable d'un autel néo‑gothique.

Au mur de retour sont fixés deux tableaux du peintre liégeois Englebert Fisen (premier quart du XVIIIe siècle). Ils représentent l'un, le roi David recevant du grand prêtre Achimelech, des pains de proposition; l'autre, le prophète Elie nourri miraculeusement au désert, par un ange qui lui apporte de l'eau et une portion de pain.

Ces scènes, comme d'autres traitées par le même artiste, et que nous rencontrerons plus loin, sont des figures de l'Eucharistie.


CHAPELLE DE SAINT JOSEPH.

La statue en marbre de saint Joseph tenant l'Enfant à la main, de grandeur naturelle, est l'oeuvre du sculpteur van Uytvanck de Louvain et fut placée en 1908. Elle remplace une statue en chêne, de mêmes dimensions, qui se trouve actuellement à l'église de Grâce‑Berleur.

Dominant l'autel, un beau tableau de Latour, représente saint Jean Népomucène, le martyr du secret de la confession. Au sortir du confessionnal, le saint très digne, revêtu du surplis et de l'étole, indique du doigt posé sur la bouche, qu'il ne peut rien révéler, tandis que le roi Wenceslas le menace de mort. Tout au fond, la reine qui vient de se confesser, reçoit la sainte communion.

Lui fait face, une grande toile du même peintre, datée de 1776 et consacrée à la vision d'Isabelle.

Cette Isabelle dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises, était une religieuse hospitalière de la léproserie de Cornillon, originaire de Huy.

Elle accompagnait souvent sa supérieure, sainte Julienne, dans ses déplacements. Un jour, la sainte se trouvant en visite auprès de la recluse de Saint‑Martin, Isabelle l'attendait à l'intérieur de la collégiale où elle s'était plongée en oraison.

Tout à coup, elle vit le ciel s'entre-ouvrir, et la cour céleste lui apparut, suppliant l’auguste Trinité de hâter l'institution dans l'Eglise d'une fête en l'honneur du Saint‑Sacrement.

Il est probable qu'en ce moment les deux saintes s'entretenaient, dans la cellule voisine, du même sujet dont, jusque là, elles n'avaient rien révélé à Isabelle.

Une surprise attend ici le visiteur. Dans l'épaisseur du mur qui sépare cette chapelle de la précédente, est pratiqué un escalier en pierre conduisant à une lucarne.

Rien ne trahit la présence de cet escalier, sinon peut‑être l'absence d'arcatures aux deux faces de ce mur, ce qui en augmente d'autant l'épaisseur. Il faut se trouver au delà du confessionnal pour apercevoir les premières marches.

Quelle fut l'utilité de cet escalier? On suppose qu'autrefois il donnait accès soit à un petit jubé, soit à une tribune d'où se faisait l'ostension des reliques.

Signalons encore le prie‑Dieu et son siège, en chêne sculpté, offerts en 1907, par les paroissiens de Saint‑Martin, à leur doyen, Monseigneur Joseff, à l'occasion de ses noces d'argent de pastorat.


TRANSEPT NORD.

C'est d'ici que se répandent dans la basilique les flots d'harmonie lancés par les puissantes orgues, d'une belle sonorité, construites en 1904, par la maison Kerkhofs de Bruxelles, et logées dans un buffet sculpté, en parfait accord avec le style de l'édifice, sorti des ateliers de M. Alphonse Jongen de Liège (fig. 6).

Au‑dessus, de la porte des cloîtres, un tableau de Fisen, la Manne au désert.

Sous le jubé repose un Christ au tombeau, en bois sculpté et polychromé, de l'époque Louis XIV.

Plusieurs petits monuments funéraires de composition, de taille et de forme variées, sont dispersés dans le transept.

Admirons le gracieux bas-relief en albâtre - l'Assomption qui décore le monument fixé au pilier; au pied de la Vierge est représenté le chanoine Jean Visbrocus de Rusletanus qui après avoir grandement contribué à l'achèvement de l'église, fit poser ce souvenir en 1576 et mourut en 1590.

Dans le pavé, sous le jubé, une très grande pierre sépulcrale gravée, rappelle la mémoire de Jean le Grand dit de Saint‑Martin décédé en 1302; elle est dominée par le petit monument de Simon Patenier, protonotaire apostolique, et des membres de sa famille morts au XVIe siècle.

L'autel du Sacre‑Coeur (fig. 14), le plus récent de la basilique a été érigé en souvenir des victimes de la grande guerre. Construit en pierre de granit, il est simple, conforme aux prescriptions liturgiques, et ne manque pas de grandeur.

Deux tableaux de Fisen: l'offrande des pains de proposition et la pâques des juifs, le complètent heureusement en formant retable.

La statue gothique, richement polychromée et rehaussée d'une gloire, a été sculptée en 1878 par L. Blanckaert de Westrem. Elle repose sur un cul‑de‑lampe finement mouluré et orné de roses.

Sur l'autel, un crucifix‑reliquaire Louis XIV, en cuivre doré sur écaille, de grande valeur, est accompagné de six chandeliers torsinés de la même époque.

Remarquons les deux vitraux qui ornent les fenêtres très surélevées au‑dessus de l'autel. Ils sont de 1575 et ont été restaurés en 1929.

Les sujets représentés: la sainte Vierge et saint Martin, paraissent sous un portique du style de la Renaissance.


LE CHOEUR.

Le petit tableau en bois sculpté, fixé à une hampe et muni d'une clochette, que nous apercevons au haut des marches du choeur, est le tintinabulum, l'un des insignes des basiliques. On le porte en tête des processions.

L'autre insigne des églises basilicales, l'ombrelle aux couleurs jaune et rouge, n'est exposé à Saint‑Martin, qu'aux jours de grandes solennités.

Dès l'entrée dans le choeur, l'attention est attirée par les magnifiques vitraux. C'est une fête pour les yeux.

Combien sont intéressantes à tous les points de vue, les trois verrières du fond de l'abside, dues à la générosité du cardinal, prince‑évêque de la Marck dont ils portent les armoiries, de même que la date 1526.

Elles se composent de superpositions architecturales, style Renaissance, enrichies d'une profusion d'ornements qui envahissent jusqu'aux moindres espaces, démontrant sur chaque point l'excellence du dessinateur et le mérite du coloriste qui les produisirent.

Dans ces belles verrières, le chatoiement, l'harmonie des teintes, unis au fini velouté des figures, en font l'un des plus beaux spécimens que possède le pays en ce genre de travail.

Une originalité de ces vitraux, c'est que plusieurs scènes y sont parfois combinées dans un même panneau. En s'entremêlant, les personnages rendent l'ensemble très mouvementé.

La verrière centrale représente des scènes de la vie de la sainte Vierge: sa naissance - son mariage - l'adoration des mages - son triomphe.

Sur ce vitrail, Erard de la Marck apparaît revêtu de la pourpre romaine. Protégé par la Vierge, il adore le Christ eucharistique.

Fenêtre voisine, du côté de l'Evangile. Elle représente les scènes de la vie de saint Martin: saint Martin partageant son manteau - son baptême - prédication et miracles - son sacre - sa mort.

Fenêtre opposée à la précédente. Elle représente les scènes de la vie de saint Lambert, patron du diocèse: saint Lambert s'instruisant - le miracle des charbons ardents - son sacre - ses prédications - l'exil à Stavelot - meurtre de saint Lambert ses restes sont transportés à Maestricht, puis ramenés à Liège - châtiment des meurtriers.

Les deux fenêtres suivantes sont ornées de vitraux modernes, confectionnés en 1892 par M. Osterrath; celui de droite remémore la vie de saint Joseph, patron de l'Eglise universelle et de la Belgique; celui de gauche, la vie de saint Hubert, patron de la ville de Liège et d'une ancienne paroisse en partie englobée dans celle de Saint‑Martin.

Ces oeuvres d'art ont été parfaitement traitées; elles ne détonnent nullement dans le voisinage immédiat des oeuvres du XVIe siècle.

Les fenêtres extrêmes de l'abside sont remplies par des vitraux datés de 1527. On dirait que leur but unique est de transmettre à la postérité l'origine illustre des donateurs.

L'une de ces verrières laisse sans doute contempler la Vierge avec l'Enfant Jésus. Ce qui domine, c'est le bienfaiteur Philippe de Clèves et de la Marck qui y est représenté avec son patron. Ses titres héraldiques s'y développent et forment une espèce d'arbre généalogique où s'étalent seize quartiers.

La verrière qui fait face correspond complètement à la précédente. C'est un présent du comte Florent d'Egmont qui y figure accompagné de saint Christophe. Dans la partie supérieure l'image de saint André voisine avec les seize quartiers nobiliaires.

Les verrières modernes dont nous avons parlé ci‑dessus, occupent la place de deux anciens vitraux qui, ayant été gravement avariés, notamment par l'ouragan mémorable du 12 mars 1876, furent enlevés et confiés à M. Osterrath pour qu'il en tirât le meilleur parti possible.

Sans doute ces vitraux qui datent de 1656, auraient pu, après restauration, être remis à leur ancienne place. Mais ils offraient un sérieux inconvénient: les personnages n'y figurent pas à la même échelle que dans les vitraux donnés par Erard de la Marck, si bien que leur juxtaposition était déplaisante pour l'oeil.

Le maître‑verrier sut habilement les partager en six vitraux distincts, et ce sont eux, délicatement restaurés, qui ornent aujourd'hui chacune des fenêtres situées au‑dessus des stalles.

L'un de ces vitraux avait été donné par Bartholomé Brassines comme l'indique le chronogramme: BarthoLoMeVs Brasslnes Dono sa Crabat. L'autre portait l'inscription: Pierre Binon, Marchand bourgeois de Liège et Philipine Iranne, son épeus.

Ces vitraux représentent des personnages: le Rédempteur, la Vierge‑Mère, S. François d'Assise, S. Bonaventure, S. Jean‑Baptiste, S. Martin; des scènes tirées de la vie de la sainte Vierge et les donateurs

La splendeur des verrières n'atténue en rien l'effet grandiose des peintures à fresque qui décorent les longs et hauts murs latéraux du choeur.

Ces fresques ont été dessinées et exécutées de 1905 1907 par M. Alexandre Tassin.

L'ordre des scènes commence près de l'abside, du côté de l'Epître et se poursuit du côté opposé, à partir de l'entrée du choeur.

Elles rappellent, dans la partie inférieure les différents épisodes de l'institution de la Fête‑Dieu; dans la partie supérieure, la vie de saint Martin.

En voici le détail:


Institution de la Fête‑Dieu.

1 a) Sainte Julienne, dès l'an 1208, a des visions dont elle ne peut pénétrer le mystère.
b) Ses entretiens spirituels avec Eve, recluse de Saint‑Martin,
c) Vision d'Isabelle de Huy, en extase dans la collégiale.
2 a) Sainte Julienne consulte le chanoine Jean de Lausanne, au sujet de l'institution de la Fête‑Dieu.
b) Le pieux chanoine parle des visions de Julienne et expose ses désirs devant une assemblée de théologiens.
3 a) Julienne prie le clerc Jean de composer l'office de la Fête‑Dieu. Elle l'assiste de ses conseils et de ses prières.
b) Au mois d'octobre 1246, l'évêque Robert de Torote gravement malade, approuve la fête et se fait lire le nouvel office.
4 Hugues de Saint‑Cher, cardinal et légat du Pape, célèbre en 1251 la Fête‑Dieu à Saint‑Martin. Il parle avec éloquence de la nouvelle fête, en fait ressortir l'importance pour la gloire de Dieu, le bien de l'Eglise et le renom de la cité liégeoise.
5 a) Sainte Julienne, âgée de 66 ans, meurt à Fosses, le 5 avril 1258.
b) L'an 1264, Urbain IV étend la Fête‑Dieu à l'Eglise universelle. Il charge saint Thomas d'Aquin et saint Bonaventure de composer l'office définitif du Saint‑Sacrement. A la lecture de l'admirable travail de Thomas, Bonaventure déchire ses manuscrits.
c) Un légat pontifical remet à sainte Eve le décret et le nouvel office (fig. 15).
6 Le triomphe de la Fête‑Dieu célébrée à Saint‑Martin et dans l'univers catholique.

Dans ces tableaux, de nombreux personnages empruntent les traits de contemporains de marque. On y reconnait notamment Mgr Doutreloux et Mgr Rutten, évêques de Liège; Mgr Monchamps et Mgr Schoolmeesters, vicaires généraux; Mgr Lucas, secrétaire de l'évêché; M. Cruls et Mgr Joseff, doyens de Saint‑Martin; MM. Grandchamps, Galand, Sacré, Populaire, anciens vicaires; les membres du conseil de fabrique et du personnel de l'église; l'artiste Tassin lui‑même.


Vie de Saint Martin.

1 a) Saint Martin encore catéchumène, coupe son vêtement pour couvrir un indigent.
b) Âgé de 22 ans, il est baptisé par saint Hilaire,
c) Il quitte l'armée et se retire auprès du saint évêque qui l'ordonne diacre.
2 a) Catéchumène ressuscité par les prières de saint Martin qui lui administre le baptême.
b) L'an 371, saint Martin cédant aux instances du peuple et du clergé, est sacré évêque de Tours.
3 a) La tête du saint est entourée d'une vive lumière pendant qu'il célèbre la messe.
b) Il ressuscite un enfant et le rend à sa mère,
4 a) Avicien, gouverneur des Gaules, réveillé au cours de la nuit, cède aux instances de saint Martin et rend la liberté aux captifs qu'on devait mettre à mort le lendemain.
b) Invité à la table de l'empereur Maxime, saint Martin présente tout d'abord la coupe à son clerc, pour marquer la dignité du prêtre.
5 a) Le saint évêque se trouvant à Cande, au milieu de ses disciples, rend son âme à Dieu.
b) Les Tourangeaux enlèvent secrètement le corps du saint et le ramènent à Tours.
6 a) Vers l'an 970, Brade, évêque de Liège, atteint d'un lupus à la face, obtient sa guérison au tombeau de saint Martin.
b) Revenu à Liège, l'évêque fait élever une église en l'honneur de saint Martin.

Les personnages peints dans les pans de l'abside, représentent les docteurs de l'Eglise qui ont le mieux chanté les gloires de l'Eucharistie.

Le meuble principal d'une église est incontestablement le maître‑autel. Celui de Saint‑Martin, style Louis XV, a été consacré le 25 mai 1746 par Louis Jacquet, évêque suffragant de Liège, en vue des solennités du cinquième centenaire de l'institution de la Fête‑Dieu. Il remplace un autel gothique dont on retrouve des vestiges dans la base, et a été dessiné par un Liégeois, M. Fayn.

En marbre à sa partie inférieure, il est surmonté d'un thabor élégant, en bois doré, haut de cinq mètres, sculpté par Radino.

Le bas‑relief de la porte représente le repas du Christ avec les disciples d'Emmaüs. Au faîte, domine le pélican.

Très ingénieux est le mécanisme du tambour, il se meut par le verso; le cylindre est divisé en deux compartiments, se prêtant à volonté, à la grande ou à la petite exposition. De part et d'autre apparaissent de belles têtes d'anges.

Deux petits adorateurs voisinent avec ce thabor, tandis qu'aux côtés de l'autel, deux autres de grandeur naturelle, très gracieux de pose et d'expression, se tiennent agenouillés sur de fortes consoles. Ils sont l'oeuvre de Guillaume Evrard, sculpteur liégeois (1709‑1793).

Le cliché ci‑dessous, montre l'autel orné d'un antependium du XVIIe siècle, en velours rouge à rosaces d'or, encadré d'une inscription en grandes lettres d'or; au centre, une broderie sur fond or représente la Cène.

Bien que conçu dans le style de la Renaissance, cet autel a été très heureusement conservé dans l'église restaurée. Il a grande allure et se prête merveilleusement aux expositions solennelles du Saint‑Sacrement, fréquentes en cette basilique où se fait mensuellement l'adoration de nuit et de jour. Enfin sa majesté est rehaussée par les verrières qu'il laisse parfaitement à découvert.

L'autel très décoratif par lui‑même, ne porte généralement d'autres ornements que six riches chandeliers en cuivre coulé, repoussé et ciselé, de la meilleure période du style Louis XIII.

Ne manquons pas d'admirer le crucifix de la crédence. C'est une oeuvre d'une exquise délicatesse signée de Jean Del Cour. Il mesure 1 mètre 75 en hauteur. Le Christ est en buis et la croix en ébène.

La lampe de sanctuaire est suspendue près de la crédence, à une crosse dont la volute très gracieuse fut parfaitement étudiée.

Derrière l'autel (côté de l'Evangile) est généralement remisé, le chandelier du cierge pascal, pièce de dinanderie remarquable qui ne mesure pas moins de trois mètres, et qui fut exécutée d'après un modèle ancien conservé à Tongres.

Arrêtons‑nous, à l'entrée de l'abside, devant les deux prie‑Dieu Louis XIV, de toute beauté. Les guirlandes de fleurs dont ils sont ornés, constituent un chef‑d'oeuvre de la sculpture (fig. 17).

Les stalles hautes et basses, au nombre de cinquante‑deux, sont de style Renaissance. Elles ont servi à l'usage des chanoines de la collégiale.


TRANSEPT SUD.

Si Saint‑Martin est par excellence la basilique du Saint‑Sacrement, elle est aussi une église mariale car elle possède une statue miraculeuse de la Mère de Dieu, qui, depuis des siècles, est l'objet de la dévotion populaire (fig. 18).


LA VIERGE MIRACULEUSE.

Cette statue se trouvait autrefois en la petite église paroissiale de Saint‑Séverin qui a été démolie au début du siècle dernier, et dont le territoire a été cédé à la paroisse Saint‑Martin.

La Mère de Tous - c'est son vocable officiel - de grandeur naturelle est une belle oeuvre de la statuaire liégeoise du XVe siècle.

Elle porte sur le bras l'Enfant Jésus qui lui‑même tient une colombe à laquelle il présente quelques grains.

Le groupe est entièrement polychromé, mais, au cours des siècles, la fumée des cierges et des bougies, l'a fortement patiné.

C'est de la première moitié du XVIIe siècle, que date la célébrité de cette statue.

L'église Saint‑Séverin recevait chaque année, à l'occasion de la Fête‑Dieu, une décoration faite de guirlandes de verdure, et cette ornementation était laissée en place jusqu'à la fête de la Visitation de la Sainte Vierge, fête principale d'une célèbre confrérie érigée en cette église dès le XIVe siècle.

Or, le 1e Juillet 1631, veille de cette fête, des personnes qui se trouvaient à l'église, s'aperçurent avec étonnement que la guirlande entourant le pilier auquel était adossée la statue de la Mère de Tous reprenait une fraîcheur nouvelle et se couvrait de feuilles du plus beau vert, tandis que toutes les autres étaient jaunies et desséchées.

La nouvelle de ce prodige se répandit dans le populeux quartier et une foule considérable s'empressa dans l'église pour le constater. C'était à qui parviendrait à s'emparer d'un fragment de la guirlande.

Ce prodige ne fut ni examiné, ni reconnu authentique par l'autorité ecclésiastique; il avait eu lieu devant trop de témoins pour qu'on crût utile d'en dresser un acte officiel; mais cinquante ans après, le témoins survivants dont les noms nous sont conservés, se déclaraient prêts à déposer sous serment qu'ils l'avaient constaté de leurs yeux.

Ce qui rend d'ailleurs incontestable l'authenticité du prodige, c'est que les autres faits merveilleux que nous allons signaler, ne se produisirent qu'à la suite du retentissement de ce premier miracle.

Le lendemain, fête de la Visitation, la foule envahit l'église Saint­Séverin; la sainte statue fut entourée d'infirmes, et, parmi eux, plusieurs recouvrèrent la santé.

Dès ce jour, la pieuse popularité de la Mère de Tous ne cessa d'aller en grandissant.

Parmi les miracles attribués à Notre‑Dame de Saint‑Séverin, il importe de distinguer:

1° ceux qui ont été officiellement constatés et reconnus comme tels, après procès canonique, par l'autorité de l'Eglise;

2° ceux qui ont été attestés sous serment par des personnes dignes de foi, et dûment constatés;

3° ceux que le clergé paroissial a déclaré tenir des personnes qui en furent l'objet.

Les premiers sont incontestables, les seconds sont moralement certains, les derniers, sans avoir le même degré de certitude, sont cependant dignes de respect.

Il n'entre pas dans le cadre de cet ouvrage de relater toutes les faveurs extraordinaires obtenues à l'intercession de la Mère de Tous, encore moins d'entrer, pour chacune d'elles, dans des détails circonstanciés. Contentons‑nous de signaler quelques‑unes de celles qui appartiennent à la première catégorie.

L'épouse André Cornélis, née Madeleine Tourment, domiciliée rue Sur‑la‑Fontaine, ayant voulu s'interposer entre deux hommes qui se battaient, reçut dans le bras gauche, un coup de couteau qui lui sectionna les tendons, d'où paralysie complète de ce membre. Les chirurgiens déclarèrent le mal incurable.

Ceci se passait en 1628.

Apprenant le prodige de la guirlande reverdie, l'infirme se rendit en l'église Saint‑Séverin le 2 juillet 1631 et y guérit subitement au contact de la colonne qui supportait la statue de la Mère de Tous.

L'autorité ecclésiastique fit aussitôt procéder à une information canonique. Le notaire Léonard Rorive recueillit les dépositions des témoins. Une commission composée de médecins et de théologiens, jugea que le fait même de cette guérison et la manière avec laquelle elle s'était opérée, étaient miraculeux.

L'autorité diocésaine se prononça dans le même sens et autorisa la publication du miracle.

Jeanne de la Marck, religieuse du couvent de Sainte‑Claire à Liège, était atteinte d'une phtisie pulmonaire. Elle avait au poumon une plaie profonde et expectorait du pus et du sang.

Le médecin François Balen épuisa en vain, pour la guérir, toutes les ressources de la science.

Sa supérieure demanda qu'on voulût apporter au couvent la couronne de la Vierge de Saint‑Séverin, et elle la déposa sur la tête de la malade.

Celle‑ci fut saisie d'une violente douleur et tomba en défaillance. Revenue à elle, quelques instants après, elle se trouva complètement guérie, ce que constata la commission médicale.

Cette guérison eut lieu le 5 août 1631, le 8 octobre suivant, l'autorité diocésaine reconnaissait l'authenticité du fait miraculeux.

En date du 23 mars 1634, était déclarée miraculeuse, par décret épiscopal, la guérison de Hubert Lardinois, né à Liège, le 4 décembre 1624, survenue inopinément, en l'église Saint‑Séverin, le 12 octobre 1633.

Cet enfant, disent dans leur rapport les médecins enquêteurs, avait la jambe droite et le pied entièrement contrefaits, au point qu'il ne pouvait se tenir debout. Il était en outre d'une faiblesse extrême et endurait de cruelles douleurs.

Il y eut, au total, six miracles officiellement reconnus. Les procès­verbaux des commissions d'enquêtes sont conservés au presbytère de Saint‑Martin.

Le 23 novembre 1803, l'église Saint‑Séverin était désaffectée et l'autorité communale décida le transfert de la statue miraculeuse à Saint‑Denis.

La population du quartier de l'Ouest protesta hautement contre cette décision et se prépara à en empêcher, par la force, l'exécution, mais sa vigilance fut trompée, et dans la nuit du 16 au 17 décembre, la sainte statue fut portée à Saint‑Denis, sous l'escorte de la gendarmerie.

Le sénateur Monge servit d'avocat aux fidèles, il plaida si bien leur cause que la statue miraculeuse leur fut rendue.

Elle fut transportée à Saint‑Martin, le 29 août 1805 et un chronogramme des plus heureux en fixa le souvenir: eCCE reDVCeM, Me voici revenue.

Les deux scènes du miracle des guirlandes reverdies et du retour de la statue, ont été naguère admirablement traitées par le peintre liégeois, Léon Jamin, sur les volets du retable (fig. 18).

Ce retable lui-même, sculpté par M. Peeters, d'Anvers, en 1888 comprend en hauts reliefs, les scènes bibliques de l'Annonciation et de la Visitation. Les motifs de la décoration sont exécutés dans le style du XVe siècle.

L'autel de la Vierge miraculeuse, comme la plupart des autels latéraux, est un massif en pierre de granit, orné d'arcatures. Sur la table de ces autels figurent encore de très anciennes croix de consécration. Les bases ont été retaillées.

Les vitraux qui ornent les fenêtres situées au-dessus de l'autel de la Mère de Tous, représentent les donateurs, Gérard, chanoine de la collégiale, et Natalis, abbé de Saint-Laurent, offrant respectivement les verrières à la sainte Vierge et au Christ flagellé. Ils sont datés de 1575,

Lors de l'élaboration de ces vitraux, l'ère de la décadence de l'art était ouverte, et la foi n'avait plus cette vivacité, l'élan généreux, désintéressé des temps antérieurs. On voit prédominer ce qui pourrait tout au plus venir au second plan. L'inspiration religieuse, l'enseignement spirituel qui devraient jaillir, pour le peuple, de ces tableaux lumineux, n'ont nullement préoccupé les auteurs. La personne des donateurs est seule mise en évidence.

Les stations du Chemin de la Croix occupent les arcatures du mur méridional, sous la grande fenêtre.

Elles ont été sculptées avec talent, dans des blocs de pierre blanche, par M. van Uytvanck de Louvain, et placées en 1907.

Près de la première station, au-dessus de la petite porte de dégagement, dont nous admirons le panneau en bois sculpté et doré de la période Louis XIII, une toile d'un auteur inconnu, représentant l'Adoration des bergers, mérite de retenir l'attention.

Il en est de même du monument funéraire de Gilles de Voroux (+ 1576), adossé au pilier, et dont le bas-relief en albâtre, nous montre un Christ ressuscité des mieux campés.


CHAPELLE DE SAINT-MARTIN.

Le saint est représenté par une statue en marbre blanc de grandeur naturelle, elle a été substituée en 1908 à une ancienne statue en bois, beaucoup plus décorative, que nous retrouverons dans la crypte.

L'autel a reçu une décoration originale en verres églomisés.

Le procédé est ancien, il a été retrouvé par la maison Osterrath. C'est du vitrail dont les tons ont été renforcés par l'application de feuilles métalliques qui le rendent opaque.

Les sujets traités dans la partie formant retable sont le baptême et la messe miraculeuse de saint Martin.

Le très bon tableau qui domine l'autel: saint Martin partageant son vêtement, est signé par Englebert Fisen, et porte la date 1717.

Au‑dessus du confessionnal du style Louis XVI, un Couronnement d'épines non signé.


CHAPELLE DE SAINTE EVE.

Une couronne de lumières suspendue à la voûte, nous indique que cette chapelle impose un respect particulier. C'est ici en effet que sont conservées les reliques de sainte Eve, recluse de Saint-Martin et confidente de sainte Julienne.

Le rôle joué par sainte Eve dans l'institution de la Fête-Dieu, est de tout premier plan.

Julienne, par crainte d'attirer l'attention sur sa personne, avait gardé vingt ans pour elle seule son lourd secret, et lorsque ce secret lui fut arraché presque de force par son amie, Julienne se retira de la scène.

C'est Eve qui désormais agira. C'est elle qui, de sa recluserie, pressera les chanoines de Saint‑Martin, les théologiens, les princes de l'Eglise eux-mêmes, de répondre au désir du Ciel, et elle n'aura de cesse que le jour où le Pape Urbain IV qu'elle avait connu à Liège, l'honorera d'une lettre lui annonçant l'extension à l'Eglise universelle, de la fête tant désirée.

Cette lettre est si belle, si élogieuse pour l'humble recluse, que nous en donnerons le texte complet.

Urbain, Evêque, à notre chère Fille en Jésus.Christ, Eve recluse de Saint­Martin à Liège, salut et bénédiction apostolique.

Nous savons, ma Fille, que c’est l'ardent désir de votre âme de voir instituer dans l'Eglise de Dieu et célébrer à jamais par les fidèles, une fête solennelle en l'honneur du très saint Corps de Notre Seigneur Jésus Christ, aussi Nous vous annonçons pour votre plus grande joie, qu'en vue d'affermir la Foi catholique, Nous avons jugé bon de décréter que sans tenir compte de la mémoire que l'Eglise en fait chaque jour à la messe, on célébrât le souvenir de ce Sacrement si admirable, d'une manière plus spéciale et plus solennelle.

Nous avons donc désigné un jour fixe, où la foule des fidèles puisse à cette fin se rendre dévotement aux églises, jour dont la fête nouvelle fasse pour tous les chrétiens un jour d'allégresse; jour qu'à l'allégresse universelle on reconnaisse pour un jour de fête: ainsi qu'il est dit plus au long dans les lettres apostoliques que Nous avons envoyées à tout l'univers.

Sachez d'ailleurs que Nous avons voulu célébrer cette fête avec le concours de tous les Archevêques, Evêques et autres Prélats, alors présents auprès du Saint-Siège, afin de leur donner au sujet de la célébration de cette grande fête, un salutaire exemple.

Que votre âme donc magnifie le Seigneur, et que votre esprit exulte en Dieu votre Sauveur, parce que vos yeux ont vu les choses salutaires, qu'à la face de tous les peuples Nous avons préparées.

Réjouissez-vous: le Dieu tout puissant a accompli le désir de votre coeur et sa grâce a réalisé la prière de vos lèvres.

Nous vous envoyons par le porteur des présentes lettres, avec notre bulle, le cahier où se trouve l'office de la fête. Nous voulons et vous ordonnons par ce bref apostolique, de le recevoir avec respect, et d'en délivrer volontiers et libéralement copie à tous ceux qui le demanderont.

Et de vos fervente prières, suppliez Celui qui sur la terre a laissé un souvenir aussi salutaire de Lui-même, de Nous accorder sa grâce du haut du Ciel: afin que nous puissions donner à son Eglise confiée à Notre garde, des directions utiles et un gouvernement salutaire.

Donné à Orviéto, le 8 septembre, de Notre Pontificat, la quatrième année.

Eve mourut en 1266 et son corps fut inhumé à l'intérieur de la collégiale, près de la chapelle du Saint-Sacrement.

Son tombeau devint bientôt l'objet de la vénération des fidèles.

En 1622, par décision épiscopale, les restes précieux furent retirés du sol et après la reconnaissance officielle, renfermés dans une châsse.

Le 1er mai 1902, Léon XIII approuvait le culte immémorial rendu à la pieuse recluse dont la fête fut fixée au 14 mars.

Grâce aux sculpteurs expérimentés Cuypers-Stholzemberg de Ruremonde, et au talent de M. Martin, dessinateur et peintre, on a pu dédier à sainte Eve, un autel d'heureuse ordonnance.

Le retable à volets est plein de vie, d'originalité, d'austère majesté. Il a été inauguré en 1878 (fig. 20).

Nous y voyons représentés: l'entrée d'Eve dans la recluserie - ses entretiens avec Julienne - la réception du légat pontifical.

Sur la face arrière des volets: saint Thomas d'Aquin composant l'office de la Fête-Dieu, et des anges adorateurs portant un phylactère avec l'inscription: Lauda, Sion, Salvatorem,

Sur la pierre de l'autel repose un coffre en bois peint dans lequel se trouve la châsse moderne renfermant les reliques de la sainte.

Cette châsse gothique, en cuivre sculpté, a été dessinée par M. Fernand Lohest, architecte de la basilique, et exécutée par la maison Dehin.

Elle laisse apparaître le crâne et les principaux ossements du corps de la sainte. Plusieurs os ont été donnés jadis à la Cour d'Espagne.

L'autel est surmonté d'un dais sous lequel est placée une très belle statue. Sainte Eve est représentée tenant d'une main la bulle pontificale et de l'autre l'office de la Fête-Dieu.

Fait face à l'autel, un confessionnal semblable à celui que nous avons admiré dans la chapelle de Saint-Antoine.


ENTREE LATERALE.

Un porche est aménagé dans la chapelle voisine et telle fut bien l'intention du constructeur, à en juger tant par la voûte en pierres blanches et à nervures, que par les contreforts extérieurs plus ouvragés que les autres.

L'entrée se fait par un tambour en chêne sculpté portant de fines statuettes de la sainte Vierge, de saint Hubert, sainte Julienne et sainte Eve, dues au ciseau de M. Rixgens: le tambour lui-même a été construit par M. Jongen.

Cette entrée fut longtemps la seule donnant accès au temple.

Autrefois, l'enceinte de la ville contournait la collégiale. Depuis la démolition des murs protecteurs, Liège s'est considérablement étendue dans la direction de l'Ouest et la paroisse Saint-Martin a reçu une portion importante de ce territoire. C'est ce qui a rendu nécessaire, au siècle dernier, la construction d'un second porche, au nord de la tour.

Sous le dallage de cette chapelle, se trouve le caveau des quatre frères, chanoines de Hubens dont l'un, Gilles, fut doyen du chapitre de Saint-Martin et le promoteur de l'oeuvre aujourd'hui mondiale, de l'Adoration perpétuelle. Il est mort en odeur de sainteté, le 25 mai 1780.


CHAPELLE DITE DU SAINT-SACREMENT.

La chapelle qu'il nous reste à visiter, est celle qui tient la plus grande place dans l'histoire de la basilique, celle aussi qui de tout temps fut la plus richement décorée, en raison de son affectation.

Dans cette chapelle, se trouvait, jusqu'à la Révolution française, l'autel du Saint-Sacrement.

On sait que dans les églises où l'office est chanté au choeur: cathédrales, collégiales, etc., la sainte Réserve est conservée non au maître-autel, mais dans une chapelle latérale.

C'est donc ici que durant des siècles nombreux, s'est concentrée la dévotion eucharistique en si grand honneur à Saint-Martin; c'est ici que fut érigée l'Archiconfrérie du Saint-Sacrement qui compta dans ses membres tant de noms illustres; c'est ici que fut fixé le siège de l'oeuvre de l'Adoration perpétuelle.

Avant la restauration de l'édifice, on voyait dans cette chapelle un autel en marbre dont l'énorme retable à colonnes masquait complètement l'élégante fenêtre du fond.

Le tableau d'Englebert Fisen qui se trouvait au centre du retable, est maintenant suspendu au mur, il était accompagné de deux toiles de moindres dimensions que nous verrons à la sacristie. II nous montre les trois saintes femmes, Julienne, Eve, Isabelle en adoration.

Un autre tableau du même artiste, le Sacrifice d'isaac, est placé au-dessus des arcatures.

Si l'autel a disparu, si la chapelle a perdu son ancienne affectation, on y a très heureusement laissé subsister ce qui en faisait déjà le principal ornement, aux siècles précédents: les douze gracieux bas-reliefs en marbre de Carrare dûs au fin et délicat ciseau du grand sculpteur liégeois du XVIIe siècle. Ils portent sa signature, Joes. Del Cour sculpebat.

Le cène par Delcour
(photo originale à gauche - photo accentuée à droite)

Ces médaillons se rapportent tous à des sujets eucharistiques. Malgré la dimension restreinte des figures, ils sont traités avec l'audace d'un ciseau magistral; tout y est parfaitement exprimé.

Dans les arcatures qui précèdent immédiatement la chapelle, deux autres médaillons en marbre blanc, rappellent le nom et les armoiries du donateur: Constantin Warnier, baron de Gymnich, prévôt de la collégiale.

Quiconque connaît la belle Vierge de la fontaine de Vinave-d'Ile, en face de la cathédrale Saint-Paul, lui trouvera une étroite parenté avec la statue en bois, de grandeur naturelle, qui depuis la disparition de l'autel, occupe le centre de la chapelle.

Si celle-ci n'est pas, comme l'autre, une oeuvre personnelle de Del Cour, elle est certainement de l'un de ses meilleurs disciples.

On peut en dire autant des deux beaux anges placés à ses côtés.

Ces trois statues reposent sur des piédestaux en chêne sculpté, du style Empire.

Les verrières qui décorent cette chapelle, datent de 1885,

Celle du fond groupe autour du Saint-Sacrement, les personnages qui ont joué les principaux rôles dans l'institution de la Fête‑Dieu: Julienne. Eve, Isabelle, le chanoine de Lausanne, l'évêque de Torote.

Dans la grande fenêtre du mur de retour, le vitrail rappelle les visions de Julienne; enfin la fenêtre voisine commémore le pastorat de M. le doyen Cruls. Elle nous montre ce digne prêtre donnant à ses fidèles, la bénédiction du Saint-Sacrement.



QUATRIEME PARTIE

LES DÉPENDANCES

Notre visite de la basilique serait incomplète si nous ne nous rendions dans les dépendances: sacristie, salle capitulaire, crypte et cloîtres,


SACRISTIE.

La sacristie, située au côté gauche du choeur, est une salle belle et spacieuse, dont les murs apparents sont construits en petites briques rouges et en pierres de sable.

La voûte bombée, avec nervures dessinant une étoile à huit pointes, et des arcs s'appuyant sur des culs-de-lampe sculptés en forme de têtes d'anges, est un modèle de grâce et de légèreté.

Les quatre larges fenêtres à meneaux, ont les caractères du style flamboyant.

Un riche mobilier du style Louis XIV, aux très fines sculptures, occupe tout le pourtour de la salle et lui donne un aspect imposant.

Quelques objets intéressants sont exposés, suspendus aux murs ou déposés sur les meubles:

un riche fronton d’autel en chêne sculpté, dont on ne connait pas l'origine;

une gloire de la Mère de Tous, sur laquelle figure en relief le célèbre chronogramme au millésime de 1805;

une lame en cuivre ciselé provenant du tombeau de l'évêque Eracle et rappelant par une inscription latine, le souvenir du fondateur de la collégiale;

un des quatre reliquaires anciens, en bois sculpté et doré, qui ornaient autrefois le maître‑autel;

une statue de la sainte Vierge, en bois polychromé, d'un travail moins remarquable que celui du trône sous lequel elle se trouve;

les deux tableaux de Fisen qui ont appartenu à l'autel du Saint­Sacrement: anges adorant l'Eucharistie ou portant l'Arche d'Alliance;

un groupe en bois doré de sainte Julienne et sainte Eve en adoration devant l'ostensoir;

enfin plusieurs vases de valeur, du style Louis‑Philippe.


SALLE CAPITULAIRE.

Quelques marches conduisent de la sacristie à l'ancienne salle capitulaire des chanoines de Saint‑Martin.

L'architecture de cette salle est à peu près semblable à celle de la crypte située en dessous. Nous en parlerons tout à l'heure.

Le pavé est formé par des petits carreaux en terre cuite vernissés.

Quelques meubles anciens de différents styles, méritent de retenir l'attention, entre autres, une armoire gothique du commencement du XVIe siècle, à double battant de neuf panneaux parcheminés et cordonnés (fig. 22),

C'est ici que sont conservés les ornements de la basilique, notamment un magnifique ornement à cinq chapes, en damas rouge, chargé de rinceaux d'or d'une grande valeur et d'un beau modelé. Cet ornement donné par le prince‑évêque de Méan, est réservé pour les solennités de la Fête‑Dieu.

Par un privilège unique, le rouge est, à Saint‑Martin, la couleur liturgique des offices de l'octave du Saint‑Sacrement, tandis que partout ailleurs, le blanc est de rigueur. C'est un façon de commémorer la première célébration de la Fête‑Dieu, pour laquelle des ornements rouges furent employés.

D'autres ornements anciens de diverses couleurs, retiennent l'attention par la finesse de leurs broderies.

La collégiale possédait un trésor important qui a été caché ou dispersé à l'époque de la Révolution et dont quelques pièces seulement ont été recouvrées.

Parmi celles‑ci, la plus remarquable par son travail et ses proportions, est un ostensoir en argent, en forme de soleil, haut de 87 centimètres, large de 46. Il fut donné en 1722 par Henri de Grady et Catherine de Salins, son épouse. Le pied est un octogone allongé, la tige en balustre; les rayons ornés de nuages portent huit gracieuses statuettes d'adorateurs, le foyer est auréolé de part et d'autre de têtes d'anges. Ce groupe brillant est couronné par la figure de Dieu le Père tenant un globe. Des pierreries de valeur en complètent la riche ornementation.

Citons encore un ostensoir renaissance de moindres dimensions, des calices et ciboires des XVIIe et XVIIIe séides, de beaux encensoirs en argent, plusieurs crucifix en argent et en ivoire, de nombreux chandeliers dont nous avons admiré à l'église les meilleurs spécimens, etc.

Le trésor actuel est complété par des oeuvres d'art modernes parmi lesquelles se distinguent les châsses de sainte Eve, de saint Sévère et l'élégant reliquaire de sainte Julienne.


CRYPTE.

Par une exception unique à Liège, la basilique a conservé sa crypte, à travers les siècles.

Ouvrons la petite porte, au beau panneau sculpté et doré, qui se trouve dans le transept, près de l'autel du Sacre‑Coeur: un escalier à double rampe en fer forgé ouvragé, nous y fera descendre.

Cette « crypte » est en somme assez curieuse. Si elle est souterraine par rapport au pavé du choeur, elle se trouve d'autre part à hauteur de l'étage du presbytère voisin, tant est surélevé le sanctuaire et forte la déclivité du sol, car il importe de remarquer que dans le narthex le pavé est en dessous du niveau de la chaussée.

Très sobre d'ornements architecturaux, cette chapelle funéraire ne manque pas d'élégance, grâce à la pureté de ses lignes.

Elle est voûtée en croisée d'ogives dont les nervures retombent sur des colonnes à fût galbé, avec base et chapiteau qui ont le caractère de l'ordre dorique.

Les fenêtres sont partagées par deux meneaux en trois lumières amorties par un arc en plein‑cintre.

Les murs sons construits en pierres bleues, en pierres de sable et en maçonnerie de petites briques rouges, dont les tons alternent harmonieusement.

Le pavé est formé de dalles en calcaire.

Une dalle plus grande ferme l'entrée des caveaux.

Nombreux sont les chanoines de Saint‑Martin qui reposent dans le sous‑sol. Le dernier défunt qui a reçu l'inhumation en ce lieu, est M. Henrard, vicaire capitulaire, qui gouverna le diocèse de Liège pendant la vacance du siège épiscopal et qui mourut en 1814.

Cette crypte renferme deux mausolées.

Approchons‑nous avec une particulière vénération de celui de l'évêque Eracle, qui se trouve adossé au mur, à droite de l'escalier, et sur lequel a été placée la belle statue en bois de saint Martin, déjà signalée.

Ce monument très simple, est du style Renaissance. Il a été élevé en 1746, et remplace un ancien mausolée dont nous avons vu, à la sacristie, une lame en cuivre ciselé.

On a reproduit à la partie antérieure du sarcophage, l'inscription latine qui se trouve sur la lame, et dont voici la traduction: A Ecacle, fils du duc de Pologne et de la fille du duc de Saxe, Evêque de cette région et très noble fondateur de cette église où il est inhumé. Il gouverna à partir de 960 et mourut la douzième année de son pontificat, la sixième des calendes de novembre.

Aux côtés de cette épitaphe, figurent les armoiries des maisons de Pologne et de Saxe.

L'inscription laisse rêveur. Y avait‑il déjà des ducs au Xe siècle et des ducs possédant des armoiries?

Tous ces titres ronflants nous donnent l'impression d'une légende inventée quelques siècles plus tard, dans le vain espoir de rendre plus illustre le fondateur de la collégiale.

Les restes de l'évêque, enfermés dans un coffret en chêne, reposent à l'intérieur du sarcophage.

L'autre mausolée, celui de Conrard de Gavre, seigneur de Hertfelt, Els, Looz, Diepenbeck, Roede, Sainte-Agathe, Hamal, Peerle, etc., prévôt de Saint-Martin, dont le trépas remonte à l'an 1602, est autrement important et intéressant au point de vue sculptural. Il occupe le centre de la crypte.

Ce curieux spécimen de sépulture, en style renaissance, a perdu ses ornements de bronze, probablement à la Révolution, mais tel qu'il se présente, entièrement en marbre noir et en marbre de Saint‑Remy, il ne manque pas d'un vrai cachet de grandeur.

Au‑dessus de cette espèce de sarcophage, le prévôt de Gavre repose couché sur le dos, dans l'attitude du sommeil. Il porte la chasuble, le manipule, l'étole et l'aube. La main droite a deux anneaux, l'un à l'index, l'autre à l'auriculaire.

Ce monument unique à Liège, a été érigé du vivant de celui dont il devait commémorer le souvenir, il date donc de la fin du XVIe siècle, ainsi que l'atteste l'inscription gravée sous le cadre architecturé de marbres blanc et noir, attaché au fût de la colonne. Ce cadre contenait un bas relief représentant le Christ en croix et la Madeleine, le Christ a disparu.

Trois baies s'ouvrent dans la direction du choeur. Indiqueraient­elles qu'autrefois la crypte s'étendait sous le sanctuaire? C'est possible, mais des travaux récents de sondage, n'ont rien fait découvrir d'intéressant.

La baie centrale est fermée par la grande et belle pierre tombale d'une heureuse conservation, du chanoine Pierre Woot de Trixhe qui a quitté ce monde en 1654.

Un squelette en relief présente une inscription latine: Il ne me reste, dit le défunt, qu'un sépulcre, et il supplie le lecteur de lui faire l'aumône d'une prière.

Au fond de la baie orientale, est encastrée dans le mur une très ancienne pierre tombale sur laquelle se trouvent gravés les noms des cinquante neuf doyens de Saint‑Martin, qui se sont succédé de 972 1924. Peu d'églises peuvent se glorifier d'une nomenclature aussi longue et aussi complète.

Dans la baie opposée, sont groupées quelques pierres offrant un intérêt archéologique:

Une Annonciation est traitée avec humour et naïveté. Entre une Vierge qui marque très nettement son étonnement par un mouvement du corps et un ange joufflu très drôle, tenant en main une banderole sur laquelle on peut lire: Ave, gratia plena, se trouve le lys symbolique, planté, en guise de vase, dans une vieille cafetière liégeoise dont l'anse et la buse sont très visibles.

Non moins intéressante est la pierre dédicatoire d'un ancien autel latéral, sur laquelle est gravé ce chronogramme original: Dona arIs Vlsbrosce LoCas tVa; Congerlt aLter obLiViosis neC probls haereDlbVs (1578). Le donateur se parle à lui‑même: Wibroux, tu places tes biens dans les autels, tandis qu'un autre les laisserait à des héritiers ingrats et peu honnêtes...

Deux petites dalles en marbre rappellent le souvenir des quatre frères chanoines, barons de Hubens, inhumés, comme nous l'avons dit, sous le pavé d'une des chapelles de la basilique.

Enfin un fragment du monument élevé autrefois à la mémoire de Gérard Petri, vice‑doyen du chapitre et grand bienfaiteur de la chapelle du Saint‑Sacrement, mort en 1576.

Face à l'escalier, un petit monument qui est la réplique du tombeau d'Eracle dont il faisait jadis le pendant, dans le choeur de la collégiale, est décoré de trois bas‑reliefs en albâtre d'une étonnante finesse (fig. 24). Ils représentent, de gauche à droite, la messe miraculeuse de saint Martin, l'Assomption de la sainte Vierge, le couronnement de Marie par le Christ glorieux. Ils datent du XVIe siècle et proviennent des anciens autels latéraux.

Au‑dessus de la porte voisine, un quatrième panneau est d'une sculpture plus fouillée encore. Il comprend deux scènes: Saint Martin partageant son manteau, et le baptême du saint. Remarquez le relief du bras de ce personnage couché à l'avant‑plan.

Brisées sous la Révolution, ces pièces rares ont été reconstituées aussi bien que possible, malheureusement tous les débris n'en ont pas été retrouvés.

Au sol, la tombe gravée de Godefroid de Florée, chapelain de la collégiale mort en 1364 représenté en chasuble sous un dais flamboyant.


CLOITRES.

Jusqu'au siècle dernier, les cloîtres de Saint‑Martin étaient complets, c'est‑à‑dire qu'ils avaient trois côtés et formaient avec l'église le quadrilatère.

Les côtés nord et ouest ont été démolis. La partie restante offre l'aspect d'un couloir long de vingt‑cinq mètres, accosté de plusieurs salles, mais qui est dépourvu de son cachet primitif.

Afin de ménager un grenier dans les combles, la voûte en a été abattue et remplacée par un simple plafond.

Cette partie de l'édifice est toutefois la plus ancienne, elle doit dater de l'époque de Notger si l'on en juge par l'appareil extérieur des murs, en moellons de schiste houiller, dans lequel on distingue encore les arcs de décharge des fenêtres romanes aujourd'hui disparues (fig. 25).

Une vaste salle a été bâtie au XVIIe siècle, à l'extrémité de ce couloir, sur les assises d'une très ancienne tour qui appartenait, selon toute vraisemblance, au système défensif de Notger. Du jardin du presbytère qui se trouve fortement en contrebas, on y voit encore les meurtrières.


CHARPENTE DE LA TOUR

Avant de nous éloigner de la basilique, ne manquons pas d'admirer le monument commémoratif de l'institution de la Fête‑Dieu, qui s'élève au côté sud de la tour.

Le motif central de ce monument est constitué par une œuvre particulièrement remarquable du grand artiste liégeois Jean Del Cour (+ 1707) (fig. 26).

Sculpté en plein calcaire, il mesure 3 mètres 10 en hauteur et 2 mètres 34 en largeur, et représente un ostensoir formé de gerbes de froment que noue un sarment de vigne.

Cet ostensoir auréolé d'une guirlande de laurier et se détachant d'un fond constellé, est porté sur les nues par deux anges, tandis que d'autres anges le surmontent d'une couronne royale.

A l'occasion du déplacement de cette oeuvre magistrale et de l'inauguration du monument tel qu'il se présente aujourd'hui, une ancienne et très émouvante tradition a été rétablie. Le jour de la Fête‑Dieu 1930, Monseigneur l'Evêque de Liège s'est rendu au haut de la tour et y a donné la bénédiction du Saint‑Sacrement dans les quatre directions cardinales.

A quelques pas de là, dans l'appareil extérieur du transept sud, est encastrée, sous la grande fenêtre, une très intéressante pierre sculptée que l'on croit être antérieure au XVe siècle. Elle représente saint Martin partageant son manteau avec l'indigent (fig. 27).

Dans l'avant‑cour du presbytère tout proche, admirons un buste de Vierge d'une rare finesse d'exécution. C'est une terre‑cuite du XVIIIe siècle. Elle est surélevée par une gracieuse colonne dont le chapiteau ogival est orné de feuillage.

Entre ce buste et la barrière à rue, est adossé au mur un ancien crucifix en bois polychromé de grandes dimensions et de très belle allure. Il figure déjà dans une gravure du XVIIIe siècle, mais alors il s'érigeait en plein vent, devant le chevet de la collégiale et dominait ainsi le Mont Saint‑Martin

 

Remarquons, en terminant cette visite, qu'à Saint-Martin - chose rare - rien n'est inachevé, rien n'est provisoire.

Il ne s'y trouve pas un meuble qui ne soit de style, une statue qui ne soit oeuvre originale taillée dans le bois ou le marbre, une porte qui ne soit sculptée, même une poignée qui n'ait son cachet d'art.

Dans son ensemble comme dans les moindres détails de son ornementation la vieille église chante le Dieu de l'Eucharistie dont elle est le temple par excellence, et le visiteur impressionné par sa beauté comme par les splendeurs de son histoire, fait sienne la parole du Cardinal Dechamps: Ici tout est grand, tout est majestueux!

TRADUCTION DU DECRET PONTIFICAL QUI CONFERE A L'EGLISE SAINT‑MARTIN LA DIGNITE DE BASILIQUE.

Parmi les édifices sacrés que l'antique foi des habitants de Liège a dédiés au culte de Dieu et à l'honneur des saints, l'insigne église de Saint Martin Confesseur Pontife, jadis collégiale et aujourd'hui paroissiale, excelle entre toutes par son ancienneté et par la vénération dont elle est l'objet, non moins que par l'éminence de sa situation, et les beautés de son architecture.

Bâtie au dixième siècle par Brade, évêque de Liège, au sommet d'une colline d'où l'on découvre la ville entière, non seulement elle frappe les regards par la majesté de ses proportions, mais elle éveille dans les coeurs des fidèles les sentiments les plus élevés et les plus consolants par le souvenir des merveilles qui se sont accomplies dans son enceinte.

C'est dans ses murs, en effet, qu'au commencement du treizième siècle, trois vierges consacrées à Dieu, furent averties par de célestes visions, pendant qu'elles étaient en adoration devant la Sainte Eucharistie, qu'elle devaient promouvoir l'institution de la solennité du Très Saint­Sacrement.

De nombreuses difficultés et de violentes contradictions furent suscitées contre ce dessein; mais elles furent victorieusement surmontées et la solennité de la Fête‑Dieu fut célébrée pour la première fois dans l'église Saint‑Martin, et renouvelée tous les ans avec une grande magnificence, en présence même des légats apostoliques.

Enfin, le Pape Urbain IV, qui avait été archidiacre de Liège, étendit cette solennité à l'Eglise universelle, à la grande joie de tous les fidèles.

A partir de ce jour, le culte du Très Saint‑Sacrement fleurit merveilleusement dans l'église Saint‑Martin: chaque année la procession propre à cette solennité s'y fit avec une pompe vraiment royale; elle était présidée par le sérénissime Prince‑Evêque de Liège entouré des magistrats de la cité, des ordres de la noblesse et d'une foule innombrable de citoyens et de soldats.

Ce fut aussi dans cette église que fut érigée l'Archiconfrérie du Très Saint‑Sacrement dotée de très grands privilèges, dans laquelle des Rois, des Empereurs, des Souverains Pontifes se firent un honneur de s'enrôler.

Ce fut là aussi que fut instituée l'archiassociation de l'Adoration perpétuelle que le Pape Clément XIII confirma et enrichit de faveurs toutes spéciales.

Mu par ces glorieux souvenirs, et désirant répondre aux voeux du clergé et des fidèles de son diocèse, le Révérendissime Evêque de Liège, Mgr Victor‑Joseph Doutreloux, a récemment fait de vives et respectueuses instances auprès de Notre Saint Père le Pape Léon XIII, afin que Sa Sainteté daignât rehausser et consacrer ces gloires, en honorant du titre et de la dignité de Basilique l'église de Saint‑Martin si digne à tous égards de cette faveur.

Le soussigné Cardinal Préfet de la Congrégation des Rites ayant présenté cette demande au Souverain Pontife, Sa Sainteté l'a accueillie avec une affectueuse bienveillance et a daigné élever la dite église Saint­Martin à la dignité de très insigne basilique et lui attribuer tous les privilèges et droits honorifiques qui compètent aux basiliques mineures de la ville de Rome, sans expédition de Bref apostolique, le présent décret gardant sa valeur à perpétuité comme si le Bref apostolique avait été expédié, nonobstant toutes choses contraires.

Le 9me jour de mai 1886.


(s) Laurent Salvati,
Secrétaire.


(s) D. Bartoloni,
Cardinal Préfet de la S. Congrég. des Rites.

A la douce mémoire de Monseigneur JOSEFF pour qui la Basilique Saint‑Martin était incontestablement la plus belle église du monde.

La veille de la Fête-Dieu, le Chapitre, suivant un ancien usage, fait chanter par les meilleurs musiciens de la ville, quatre motets, au haut de la tour quarrée, prétendant par cette cérémonie, annoncer la solennité du jour suivant aux quatre parties du monde.

SAUMERY, Délices du Pays de Liège, 1737


A faîte rayonnant de cette tour altière, Un autel s'élève soudain.
Les prêtres recueillis, vêtus d'habit de lin,
Au son mélodieux des accords harmoniques
Alors, l'Eternel, adressent leurs cantiques.
Tout le peuple genoux s'incline vers la fin
De la pompe religieuse,
Et le pontife, de sa main,
Bénit des assistants l'affluence pieuse.

M. de SAINT-PERAVI, Le Poète voyageur, XVIIIe siècle


Sainte et vénérable basilique, les regards de l'Eglise catholique entière sont fixés sur vous avec attendrissement, avec gratitude. Rome elle‑même vous regarde de loin avec amour: Rome, la mère et la maîtresse de toutes les Eglises, vous bénit avec reconnaissance, car elle vous doit la solennité qu'elle aussi célèbre avec tant de pompe, au milieu des joies et des splendeurs du Vatican.

Mgr. DUPANLOUP, 1846

SOURCES.

Th. GOBERT, La Cité de Liège à travers les âges.

J.‑M. LECHANTEUR, Monographie de l’Eglise Saint‑Martin.

J.‑S. RENIER, Inventaire des objets d'art renfermés dans les monuments de la ville de Liège.

J. CRULs, Le Saint‑Sacrement et l'Eglise Saint‑Martin à Liège.

J. CRULS, Notre‑Dame de Saint‑Séverin.

Mgr JOSEFF, Vie de Sainte Eve.

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