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Cathédrale Saint Lambert à Liège

Les architectes de la Cathédrale Saint Lambert de Liège

par Edouard Poncelet, 1934

Depuis le milieu du XIlle siècle, à tout le moins, l'administration des recettes et des dépenses ayant pour objet la construction et l'entretien des bâtiments de la cathédrale Saint‑Lambert et de ses dépendances fut confiée à un office directeur entièrement distinct des organismes assumant la gestion des autres « compteries » de l'institution (1). Dans sa sphère, le conseil de la fabrique jouissait d'une large autonomie: on ne soumettait à l'assentiment du chapitre général que les questions d'une grande importance.

Jamais, tant que l'église fut debout, l'oeuvre de la cathédrale ne fut considérée comme définitivement achevée, mais le XVIe siècle vit la fin des grands travaux. Sans souci des plans primitifs et des vieilles traditions, chaque génération apporta sa part d'additions et d'embellissements à l'édifice. Aussi, celui‑ci présentait‑il, lors de sa destruction, en 1794, à l'extérieur, toute la variété des styles successifs, depuis le roman jusqu'à l'ogival flamboyant, à l'intérieur, une profusion inimaginable de marbres rares, de jaspes, de boiseries sculptées et de bronze doré: toute la flore de la Renaissance, du XVIIe siècle et du XVllle. On trouvait, en général, que, malgré la richesse du décor, cette diversité nuisait à la noblesse du monument.

Les anciens, lorsqu'ils décidaient la construction d'un grand ouvrage d'architecture, ne prévoyaient ni la durée du travail, ni le coût de l'entreprise; la question de temps était, pour eux, de peu d'importance: on ne rencontrait, chez eux, ni hâte fébrile, ni difficultés financières (2). Si vastes que fussent les travaux projetés, aux diverses époques, à Saint‑Lambert, leur prix ne devait pas dépasser le budget annuel de la fabrique. On n'essayait même pas d'obtenir, pour la réalisation d'ouvrages hautement désirables, des subventions des pouvoirs publics ni, sauf de très rares exceptions, des allocations prélevées sur les autres recettes du chapitre; mais, parfois, le prince‑évêque procédait à un ajustement des revenus destinés au bâtiment; d'autre part, les autorités ecclésiastiques, afin d'exciter le zèle des fidèles, accordaient des faveurs spirituelles à ceux qui collaboreraient à l'achèvement du temple national. Cette limitation normale des dépenses explique la lenteur relative de l'avancement des travaux entrepris.

Les ressources ordinaires de la fabrique de Saint‑Lambert comprenaient: 1° les revenus des immeubles appartenant à la compterie, les rentes hypothécaires, les redevances foncières, le prix de la location des étaux et des boutiques (3) dressés contre les murs de la cathédrale ou dans ses parvis; 2° les legs faits à la fabrique dans toute l'étendue du diocèse: les Liégeois disposant de leurs biens par testament laissaient une somme plus ou moins importante (4) à l'édifice de la cathédrale « operi Beati Lamberti »; 3° les oblations, le produit des troncs, des quêtes et des taxes perçues sur l'émission des lettres autorisant des collectes pour d'autres institutions, etc.; 4° les sommes provenant de la revente, en détail, de certains matériaux achetés en grande quantité pour être employés aulx édifices au fur et à mesure des nécessités. Lorsqu'un étranger priait les maîtres de la fabrique de lui rétrocéder des pierres ou d'autres produits amassés sur les chantiers de l'église, il était, ordinairement, donné une suite favorable à cette demande. De telles ventes étaient faites, notamment, à l'évêque, lorsque l'on réparait le palais et aussi à des chanoines, à des patriciens, pour leurs hôtels privés.

Assez longtemps, le chanoine‑costre de Saint‑Lambert, gardien du trésor, des reliques, des ornements et du mobilier, dut participer pécuniairement à certains travaux de restauration et d'entretien de l'église, mais, en vertu d'un accord conclu le 12 avril 1342, la fabrique assuma toute la charge moyennant un subside annuel de 35 sous de vieux gros du roi de France, imputés sur les revenus de la costrerie (5).

Jusqu'au milieu du XVIe siècle, les travaux furent exécutés non par entreprise, mais en régie.

Les déboursés consistaient: 1° en journées d'ouvriers; 2° en achat d'ustensiles et de matériaux (6): pierres, bois, chaux, sable, argile, couleurs, fer, plomb, carreaux de pavement, ardoises, etc.; 3° en rémunération des ouvriers (7) ou artisans extraordinaires; 4° en traitements annuels, gratifications et frais d'administration, ceux‑ci concernant aussi bien la recette et la gestion des biens et revenus que la direction et la surveillance des travaux. Ce dernier chapitre s'élève à un chiffre élevé lorsque la fabrique soutient de gros procès (8). Parfois, surtout au cours des troubles et des discordes du XVe siècle, on fait supporter par la fabrique des dépenses qui, normalement, ne lui incombent pas: frais de messagers envoyés de tous côtés pour convoquer les Etats, frais d'ambassades accréditées auprès des princes pour traiter de la paix, etc. On y mentionne aussi, chaque année, le prix d'une livre d'encens donnée, en vertu de la coutume, aux Verviétois, après la procession dansante (9). Depuis la fin du XVIe siècle, on a une tendance à distraire régulièrement une partie des recettes de la fabrique de leur véritable destination; au XVIIIe siècle, elles sont jointes à celles du mobile et servent, notamment, à rémunérer le carillonneur et les musiciens de la cathédrale.

Les comptes de la fabrique, ainsi que certains contrats passés par ses administrateurs, sont datés non selon le style chronologique ordinaire mais par année de compte ou de budget! (secundum datam registrorum ou secundum registra); cette année financière commençait le 1er septembre du millésime indiqué et finissait le 31 août de l'année suivante (10).

Les salaires étaient payés et les dépenses additionnées le samedi de chaque semaine; après quatre semaines, faisant un mois de compte, on totalisait les dépenses mensuelles; l'année de compte avait ainsi plus de douze mois (11).

Au XVe siècle, et il est presque certain qu'il en était déjà de même au XIVe (12), il y avait, en moyenne, vingt ouvriers travaillant à titre permanent aux édifices de la cathédrale: maçons, tailleurs de pierre, paveurs, peintres, vitriers, forgerons, plombiers, charpentiers; au XVI siècle, le nombre des salariés à la journée, engagés par contrat, était tombé à quinze en moyenne; en 1502, on y compte de quatre à six tailleurs de pierre (lathomi) ou maçons (cemenatarii), six plombiers (13) ou couvreurs, dont deux apprentis, trois peintres: Lambert, Guillaume et Gilles, et de deux à cinq charpentiers. En période de crise et, notamment, lorsque le pays était agité par la guerre civile, comme ce fut le cas de 1461 à 1469, le nombre des ouvriers était considérablement réduit, parfois même, par exemple en 1460, les travaux furent complètement interrompus pendant plusieurs mois. Les années ordinaires, beaucoup d'ouvrages étaient suspendus durant la mauvaise saison. Par suite de la célébration des fêtes et pour d'autres motifs, il était rare qu'un ouvrier travaillât six jours pleins par semaine. A côté des ouvriers ordinaires, il y avait, journellement, un grand nombre de travailleurs n'ayant pas de contrat; exceptionnellement, ils traitaient à forfait pour des entreprises nettement déterminées.

Parmi les matériaux achetés par la fabrique, pour les bâtiments de la cathédrale, aux XIVe, XVe et XVIe siècles, on remarque des blocs de Sichen, Gronsvelt et Castert, des pierres de Dun, Donchéry, Mézières, Namur et Poulseur, des carreaux céramiques ou tuleas, presque tous en terre rouge, des ardoises de Fumay, des boiseries, merrains, ferronneries, vitres, etc. (14). Jusqu'au milieu du XVIe siècle, on n'y utilisa pas une brique. Les dépenses de la fabrique, de 1450 à 1550, peuvent être évaluées, en moyenne, à 15.000 livres par an. Voici les chiffres des déboursés pour quelques années: 1454, 20.523 livres; 1455, 21.000 livres; 1464, 11.828 livres (15); 1465, 4.870 livres; 1480, 26.000 livres; 1500, 13.000 livres; 1505, 36.733 livres. Depuis l'année 1517 environ, les comptes, au lieu d'être énoncés en livres le sont en florins.

Le chapitre de Saint‑Lambert avait, à titre permanent, un « maître de l'œuvre ». Les attributions de l'agent ainsi dénommé, qu'il fût attaché au service d'un prince, d'une ville ou d'une église, ne variaient guère; il était, en même temps, architecte, réalisateur et sculpteur. Après avoir dressé les plans des édifices ou des ouvrages, il indiquait aux fournisseurs la quantité ou la mesure des matériaux, dont il faisait ensuite la réception (16); il surveillait l'exécution des travaux (17), dessinait les épures, taillait ou sculptait les pierres, participait manuellement à la bâtisse. Toutefois, les égards témoignés au titulaire de l'office et la nature de son intervention dans l'élaboration des plans, varient selon ses connaissances et son habileté. Si c'est un architecte instruit, cultivé, il est exempté en partie de la besogne d'ouvrier incombant régulièrement au maître des ouvrages; si c'est un véritable artiste, il sculpte les statues et les bas‑reliefs d'après ses propres inspirations; sinon, il suit les modèles dessinés par des peintres (18) ou déterminés par des ecclésiastiques. Lorsqu'il s'agit d'ouvrages d'une importance exceptionnelle par la hardiesse de leur conception ou par leur caractère artistique, les administrateurs de la fabrique réclament les lumières d'un architecte étranger, qui inspecte, émet son avis, refait les plans, donne à l'oeuvre l'impulsion voulue. Parfois, les difficultés sont soumises à tout un collège d'architectes experts; à Liège, certains chanoines, particulièrement compétents, interviennent éventuellement aux visites des lieux et aux discussions provoquées entre connaisseurs touchant la solidité ou l'esthétique des bâtiments.

Des siècles durant, ceux qui avaient embrassé une carrière où dominait le côté artistique ne se crurent pas amoindris en se livrant à des besognes purement mécaniques. Beaucoup d'entre eux n'auraient pu vivre « en se tenant dans les régions élevées de leur profession » (19); de bons peintres s'astreignaient à polychromer des statues, « à mettre en couleurs » les parois et les piliers, à dorer les aiguilles et les heures d'une horloge: d'habiles architectes étaient, en même temps, maçons et tailleurs de pierre. Vers le milieu du XVIe siècle, les princes et les grands seigneurs inaugurèrent, en faveur des artistes, le régime des prébendes et des sinécures. Cinquante ans plus tard, un sentiment d'orgueil succéda, chez les peintres et les sculpteurs, à la naïve simplicité des temps passés, orgueil qui leur fit trouver humiliant d'être, tant au point de vue social qu'au point de vue corporatif, assimilés aux ouvriers manuels. Ils attendirent de longues années avant de pouvoir faire prévaloir leur manière de voir: il fallut plus de temps encore pour que l'architecture, devenue indépendante, fût considérée comme rentrant dans la catégorie des arts libéraux.

Qu'il s'agisse d'architectes, de peintres, de sculpteurs, de mécaniciens‑horlogers ou de fondeurs de cloches, le chapitre de Saint‑Lambert, on va le voir, fait souvent appel à des étrangers. Ce n'est pas toujours la disette d'artistes ou de spécialistes liégeois qui amène cette situation. La principauté de Liège n'eut pas une école de tailleurs de pierre, d'imagiers, de constructeurs, comparable à celle qui, sous les ducs de Bourgogne et sous Charles‑Quint, jeta un si vif éclat sur la région brabançonne; cependant, alors que les autorités civiles et le clergé de la Cité engageaient, pour la construction de leurs ouvrages, des Brabançons, des Tongrois, des Lossains, des Maestrichtois et des Rhénans, de nombreux artistes wallons sont mentionnés dans les actes contemporains et, à certains moments, l'on voit des étrangers recourir à l'envi au talent de nos compatriotes. Le proverbe: Nul n'est prophète en son pays ne date pas d'aujourd'hui. Au Moyen‑Age, la profession d'architecte et, d'une manière générale, les professions artistiques, étaient, pour ainsi dire, internationalisées: ce que l'on sait de la carrière de tous les bons architectes des Xllle, XIVe, XVe et XVle siècles, prouve qu'ils ne limitaient pas leur activité à leur ville ou à leur province, mais, au contraire, qu'ils ne manquaient pas une occasion d'exercer leur talent dans les pays étrangers. Le métier d'architecte était international non seulement par les déplacements des titulaires, mais aussi par l'unité des règles de la profession et des usages observés dans l'industrie du bâtiment (20)

La continuité des traditions dans les industries d'art s'explique par le fait qu'elles se transmettaient fidèlement de patron à apprenti; très souvent, ces industries étaient héréditaires dans certaines familles: non seulement le fils embrassait la profession paternelle, mais il était rare que, parmi les filles d'un artiste, il n'y en eût pas une, au moins, qui s'alliât avec un artiste.

Voici quelle était, aux XlVe, XVe et XVIe siècles et, selon toute probabilité, plus anciennement encore, la situation faite au maître de l'oeuvre de Saint‑Lambert: il touchait un traitement fixe, une gratification annuelle et son salaire d'ouvrier pour chaque journée de travail manuel effectif; enfin, il recevait, chaque année, des administrateurs de la fabrique, une robe ou tunique d'apparat, partageant cette dernière faveur avec les principaux fonctionnaires ou agents chargés de la comptabilité et de l'administration, auxquels on adjoignait souvent le maître charpentier et le maître plombier. En 1395, le traitement annuel du maitre de l'oeuvre était fixé à trente florins de Hollande; de 1455 1477, il était de vingt‑six griffons (21) faisant 273 livres. Sa gratification était alors de 63 livres, son salaire de maçon de trois livres par journée: les heures supplémentaires étaient comptées à part. L'ensemble de ces émoluments pouvait atteindre 1400 livres par an, mais cette somme était loin de représenter la totalité des bénéfices du maître de l'oeuvre. Toute latitude lui était laissée pour entreprendre d'autres travaux à titre privé: particuliers, institutions séculières et conventuelles lui confiaient la construction ou la restauration d'édifices, d'églises, d'habitations urbaines ou rurales. Il était chargé d'ouvrages de sculpture (22) ou mandé pour établir des devis, donner des conseils, faire des expertises. Cela lui permettait, vers le milieu du XVe siècle, de porter à plus de 3.000 livres le chiffre de ses revenus professionnels.

Dès le XIVe siècle, la fabrique concluait avec ses ouvriers: maçons, tailleurs de pierre, charpentiers, couvreurs, plombiers, des contrats de travail réguliers et précis (23), La durée du travail quotidien était longue depuis la Sainte‑Gertrude (17 mars) jusqu'à la Saint‑Martin (11 novembre), les ouvriers se mettaient à l'oeuvre entre cinq et six heures du matin et s'en allaient vers six ou sept heures du soir; le reste du temps, le commencement et la fin du travail étaient fixés par le lever et le coucher du soleil. Les meilleurs, parmi les ouvriers, recevaient la même paye journalière que le maître de l'œuvre: en 1420, ils recevaient quatre boddreas par journée estivale et trois par journée hivernale, mais, ils n'avaient ni traitement, ni gratification, ni, sauf exception, drap de livrée. A certaines fêtes traditionnelles, on leur faisait des cadeaux chapeaux, couronnes de fleurs, étrennes, pourboires; en 1496, on octroya à Servais, le tailleur de pierre, un costume dit, en français, « unc saro » (24), En 1505, les maîtres ouvriers recevaient six livres par journée de travail normal.

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Qu'il s'agisse de palais, de fortifications, d'églises ou de monastères, le Moyen‑Age attachait peu d'importance à la personnalité de ceux qui dotaient leur pays de merveilles architecturales: le nom du maître qui érigea ta nouvelle cathédrale Saint‑Lambert sous Notger ne nous a pas été transmis, pas plus que celui de l'architecte qui présida à la reconstruction de la basilique après l'incendie de 1185, et même, on ne possède aucun renseignement sur ceux qui en poursuivirent l'exécution jusque vers le milieu du XIlle siècle. Nicolas de Soissons est le premier maître de l'oeuvre dont le nom soit parvenu jusqu'à nous; il occupa ces fonctions depuis l'an 1250 environ jusque vers l'an 1285. Comme son nom l'indique, il était originaire de l'une des provinces françaises où le style ogival s'était le plus rapidement et le plus brillamment développé. Cela explique le choix du chapitre de Saint‑Lambert qui entendait appliquer à son église les principes du nouveau système d'architecture. Le 7 août 1281, alors qu'il habitait en la Sauvenière, à Liège et avait pour femme, dame Isabelle, Nicolas de Soissons fit divers legs à la cathédrale (25), voulant ainsi favoriser de ses propres deniers l'oeuvre à laquelle il avait été appelé à concourir. Il eut, pendant la durée de ses fonctions, à diriger d'importants travaux de restauration et d'aménagement: remplacement du plafond de la nef par une voûte, construction de l'un des deux transepts et du pourtour du choeur, de contreforts et d'arcs‑boutants. Le grand choeur fut achevé seulement en 1319 (26).

A moins que l'on ne suppose, tout‑à‑fait gratuitement, la même nationalité au maître inconnu qui succéda irnmédiatement à Nicolas, il n'y eut plus d'architecte de la cathédrale, d'origine française. Au milieu du XIVe siècle, le maître de l'oeuvre de Saint‑Lambert était Godin de Dormael dit aussi de Looz. Selon la coutume, sa qualité d'architecte était un complément de celle de tailleur d'images; les diverses qualifications que les actes lui donnent semblent s'appliquer à un statuaire travaillant la pierre et non à un sculpteur de bois (27). Peut‑être pratiquait‑il les deux genres, mais c'est peu probable. Godin de Dormael remplit son office de maître de l'oeuvre de Saint‑Lambert, de 1340 environ à 1368. Vers l'époque de sa nomination, l'augmentation du prix des matériaux et du taux des salaires, ainsi qu'un refroidissement de la générosité des fidèles, rendirent plus sensible qu'auparavant l'insuffisance du budget de la fabrique; des travaux commencés depuis de longues années restaient en suspens. L'évêque Adolphe de la Marck et le chapitre cathédral tentèrent, le 15 mai 1342, de remédier à cette situation en affectant aux constructions de l'église les revenus de la première année des prébendes vacantes à Saint‑Lambert (28). Cette mesure s'étant révélée insuffisante, l'évêque la compléta, le 30 juin de la même année, en appliquant à l'achèvement de l'édifice le produit de collectes très fructueuses faites dans tout le diocèse (29). Godin de Dormael ne limitait pas son activité à ses fonctions d'architecte‑maçon; c'était un spéculateur: en 1344, il entreprit, en association avec jean de Brabant, échevin de Liège, Jamar dit Maître Lambuche le charpentier et Maître Gilles le Taxhier dit aussi aux Taxhes, mercier, la construction d'une série de maisons sur le pont d'lle (30). En 1360, il édifia quatre habitations près du Petit Torrent,non loin de l'église Saint‑Denis (31), Un acte du 23 juin 1362, faisant partie du dossier relatif à ses combinaisons immobilières, cite le nom de son frère, maître Henri (32), qui, lui aussi, sans doute, exerçait une profession se rapportant à la bâtisse. Godin de Dormael est cité, le 19 avril 1356, en même temps qu'un autre sculpteur, maître Servais de Sur Meuse, l'imagier (33) et deux charpentiers, maîtres Simon de Comblain et jean Trenchant, comme voirs‑jurés experts, chargés de faire rapport sur l'état d'une maison dite du Coq, sise sous la juridiction d'Avroy (34). Le 13 février 1365, il est, avec le même Servais et avec maître Lambert l'orfèvre, garant du contrat fait entre les administrateurs de la fabrique de la cathédrale et Gilles Gobin, chargé de dorer la fierte de saint Lambert (35). Maître Godin n'était plus en vie le 15 août 1368 (36). De sa femme Marguerite, qui lui survécut, il eut deux filles Ide, mariée à Colard Haneal et Jeanne, mariée au sculpteur namurois Colar Jacoris, mort en 1394 (37),

Godin de Dormael eut comme successeur, en qualité d'architecte de la cathédrale, Henri Samp, de Louvain, lequel habitait, en la Basse‑Sauvenière, la maison faisant le tournant vers Meuse (38); il occupa ses fonctions, de 1368 à 1391. Lors de sa nomination, on prévoyait, à Saint‑Lambert, l'exécution ou la continuation d'ouvrages intéressants; par un acte du 8 mai 1370, le chapitre fait une convention avec Joris d'Onon, de Namur, et jean, son fils, pour la livraison, au rivage de la Sauvenière, de piliers en pierre de Namur « pour l'enclostre qui commenchie est » (39). Deux ans plus tard, le 2 mai 1372, la fabrique s'accorde avec un batelier de Mézières pour le transport, pendant douze ans, de pierres, depuis Donchéry jusqu'au port de la Sauvenière à Liège; ce contrat fut, le 12 juin 1385, renouvelé pour douze nouvelles années (40); le 4 août suivant, tes chanoines écrivirent aux carriers qu'ils n'accepteraient d'autres pierres que celles conformes aux indications de leur compteur et de Gérard, leur maçon (41), investi en ce cas d'une mission appartenant normalement au maître de l'oeuvre. Les arrivages de matériaux, indice d'activité, se succèdent: 22 août 1376, d'énormes quantités de bois de toutes espèces sont envoyées de Revin (42); 18 juillet 1381, nouvelle expédition de pierres de Namur « pour les murs des greniers delle église Saint‑Lambert », à livrer « teil que li maistre delle dicte ovre li diviserat » (43). D'autre part, un acte du 10 août 1374, par lequel cession est faite à Jacques de Rumonchamp, chanoine de Saint‑Lambert, de la maison dite de la Grotte, sous la Tour, prévoit un agrandissement de la cathédrale vers le marché (44). Enfin, Henri de Loncin, doyen du chapitre, par son testament passé le 9 mai 1387, choisit sa sépulture dans « le vielx capitle qui de présent est à répareir en l'égliese de Liège » (45).

L'architecte Henri Samp, concurremment avec l'accomplissement des devoirs de sa charge, se livrait aussi à quelques spéculations personnelles: le 5 septembre 1377, l'abbaye du Val Benoît lui donna à « trescens » un demi bonnier de terre sis à Thiernesse (46) pour y extraire de l'argile destinée à la fabrication de « tulées » (47) ou « tulies » (48).

Henri Samp mourut le 2 septembre 1391 et fut inhumé en l'église conventuelle des Chartreux lez‑Liége, sous une pierre où l'on grava l'épitaphe suivante: Anno Domini MCCCXCI, septembris die II, obiit discretus vir magister

Henricus Samps de Lovanio magister quondam operis fabrice leodiensis ecclesie. Hic sunt in fossa Samps Henrici scitis ossa. Hic probus expertus lathomus sine fraude repertus (49).

C'est, semble‑t‑il, Henri Samp qui dressa les plans de la grande tour de Saint‑Lambert dont l'érection fut entreprise peu de temps avant sa mort et dont l'achèvement réclama quarante années. Les deux tours de sable, ainsi nommées parce qu'elles avaient été construites en tuffeau de Maestricht ou plutôt de Sichen, ayant été frappées de la foudre, en 1392, subirent alors d'importantes réparations (50).

On célébrait, chaque année, l'anniversaire de Henri Samp en l'église paroissiale de Saint‑Michel (51). De son mariage avec dame Catherine, Henri Samp eut deux enfants sire Franck Samp, prêtre, costre de l'église Saint‑Pierre de Louvain, et Catherine, mariée à l'architecte Guillaume de Kessel; ces enfants prirent, le 24 février 1400, un arrangement avec Johannes de Walhain, citain de Liège, touchant leur maison de la Basse‑Sauvenière (52) et cédèrent, le 2 juillet 1402, au chapitre de Sainte‑Croix, leurs droits sur la tuilerie de Thiernesse (53).

Henri Samp fut remplacé, comme maître des ouvrages, par maître Gérard le tailleur de pierre, celui‑là même dont il a été question lorsqu'en 1385 il fut chargé par le chapitre de donner des directives aux carriers de Donchéry, touchant la qualité des pierres qu'ils devaient fournir (54). Sa situation comme maître de la fabrique fut réglée le 25 avril 1395: il aura, indépendamment de ses journées, un traitement annuel de trente florins de Hollande ou leur valeur (55). Maître Gérard ne conserva pas longtemps ses fonctions (56); cinq ans plus tard, il était remplacé par Guillaume de Kessel (57), gendre de feu l'architecte Henri Samp. Guillaume de Kessel porte son titre de « maistres machons delle oevre delle égliese de Liege » dans l'acte du 24 février 1400, cité ci‑dessus; le 24 avril de la même année, il acquiert, de Pontian Labeele, bâtonnier de la cathédrale, une maison sise en la rue de Meersen, en Grand Torrent (58)

Les travaux de restauration et d'embellissement des édifices de l'église Saint‑Lambert furent poussés activement, mais toujours sans dépasser les recettes ordinaires, pendant tout le XVe siècle. Le 22 juin 1415, Guillaume de Kessel est témoin à un contrat fait entre jean d'Heure, proviseur de la fabrique, et Philippart de Namur, pour la livraison d'une grande quantité de pierres de divers modèles (59). A ce moment, on hâtait, autant que les ressources le permettaient, l'érection de la nouvelle (60) grande tour de la cathédrale; en 1418, on en était à la construction du petit escalier tournant de cette tour, appelé: le petit vis; le 12 août de cette année, les administrateurs de la fabrique avaient fait marché avec leur fournisseur habituel, Philippart de Namur, pour la livraison des degrés de cet escalier (61); le 9 octobre 1422 et le 19 février 1423, de nouvelles conventions étaient conclues avec Philippart, qui s'engageait à envoyer des pierres travaillées « pro archis supra turrim » (62); enfin, le 2 septembre 1423, on achetait encore au carrier de Namur des pierres pour les parements extérieur de la tour, « ad perficiendam turrim,… ad cooperiendam turrim » (63),

Selon l'usage, de Kessel choisissait de préférence comme collaborateurs des personnes de sa propre famille (64); le 12 août 1420, les administrateurs de la fabrique engagèrent par contrat Guillaume de Kessel junior, fils du maître, et Walther, son cousin, comme maçons‑tailleurs de pierre (65). Guillaume de Kessel père exerçait encore ses fonctions le 2 septembre 1423 (66). La nomination de son successeur, maître jean de Stockhem, date du 11 mars 1425; il prêta serment d'exercer fidèlement son office, tant pour les ouvrages de maçonnerie que pour ceux de charpenterie; il achètera ou fera acheter loyalement tout ce qui sera nécessaire à l'édifice, donnera aide et conseil aux commissaires délégués, par le chapitre, à la visite des constructions; il travaillera à l'église chaque fois que cela sera nécessaire et traitera les affaires relatives à sa structure, le tout moyennant quatre hayes (67) ou leur valeur, par jour; il aura, de plus, chaque année, une robe ou tunique de couleur, comme les autres maîtres et bâtonniers de l'église. Quelques mois plus tard, le 2 septembre 1425, la gratification annuelle de maître jean fut fixée à vingt‑six florins (68), somme allouée déjà à son prédécesseur.

C'est sous la surintendance de jean de Stockhem que fut achevée la grande tour, commencée en 1391, sous Henri Samp. Le 25 février 1427, une convention fut faite avec Colar Josez, de Dinant, pour la fabrication de la croix en cuivre à placer au sommet de la tour (69); cependant, comme on l'a vu, les chroniqueurs affirment que celle‑ci ne fut complètement terminée qu'en 1433 (70); elle était encore dite nova, le 13 juillet 1456 (71). C'est aussi sous la direction du même maître que furent entrepris, en 1438 et 1439, à Saint­Lambert, les travaux ayant pour objet la reconstruction de la salle dite du chapitre, joignant l'école (72), celle de la voûte du cloître et de la voûte du choeur (73), ainsi que la restauration du beau portail entre les deux tours de sable (74)

Après la mort de jean de Stockhem, le chapitre appela aux fonctions de maître des ouvrages Jean van den Berghe dit van Ruysbroeck (75) de Bruxelles; il prêta serment, le 7 juillet 1451. Cette nomination pourrait paraître étrange: âgé de 55 ans? Ruysbroeck était alors dans la maturité de son talent; depuis qu'il avait, deux ans plus tôt (76), entrepris la construction de la tour de l'hôtel de ville de Bruxelles, il jouissait d'une réputation que le chapitre de Liège, luttant contre de graves difficultés techniques, était naturellement désireux de mettre à l'épreuve. Mais comment lui, artiste recherché, chargé d'ouvrages d'une extrême importance dans la capitale du Brabant, a‑t‑il accepté les propositions des Liégeois? En réalité, un tel cumul non seulement n'était pas interdit, mais était conforme aux usages du temps: il donnait à un homme de talent l'occasion de se faire connaître à l'étranger et d'augmenter notablement ses revenus; d'autre part, la ville qui lui allouait son principal traitement pouvait ainsi l'employer à des conditions moins onéreuses. Il y a, pour cette époque, plusieurs exemples de cas semblables; on peut citer celui du célèbre architecte Mathieu de Layens qui, tout en remplissant les fonctions de maître de l'oeuvre de la ville de Louvain, dirigea en même temps les travaux de reconstruction de l'église de Sainte‑Waudru à Mons, et fut, en 1458, moyennant un traitement annuel « retenut de par le capitre à estre maistre de l'ouvrage du neuf cuer encommenchiet à l'église de Mons » (77),

Toutefois, Ruysbroeck ne conserva son office à Liège que trois ans et demi. Peut‑être les administrateurs de la fabrique estimaient‑ils que l'ampleur et le luxe des projets de leur nouveau maître étaient incompatibles avec l'économie de leur budget; peut‑être aussi aurait‑on voulu astreindre l'artiste à des travaux manuels qui n'avaient pas rebuté ses prédécesseurs, mais auxquels lui n'avait guère le temps de se livrer. Ruysbroeck rentra dans sa ville natale où l'attendaient de nouveaux succès et où, comblé d'honneurs et d'années, il termina, en 1488, sa brillante carrière.

Le 15 janvier 1455, le chapitre admit un nouveau maitre des ouvrages à la condition qu'il travaillerait éventuellement de ses propres mains. Il se nommait jean Groetbode dit aussi de Maestricht ou de Trajecto (78). Les comptes de la fabrique font connaître la destination d'une partie des matériaux achetés à cette époque, et la nature des travaux dont on chargeait alors des artistes: en 1456, Guillaume van der Cleyen, peintre, reçoit 31 livres 10 sous, pour des peintures faites à la partie antérieure du choeur en 1457, on fait venir des pierres de Namur pour les piliers « in ambitu claustri »; la même année, 20 griffons valant 210 livres sont payés à Eustache le tailleur d'images (79) pour des statues représentant, notamment, des prophètes, placées « circa caminum novi capituli », ainsi que pour avoir remplacé des mains et des pieds cassés et fait d'autres réparations aux sculptures des portails et des autres parties de l'église. En 1460, on travaillait à la reconstruction du portail faisant face à la place du marché (80); ce fut encore le sculpteur Eustache qui fut adjoint au maitre de l'oeuvre, pour l'orner; on lui paya, à ce moment, 275 livres pour six réparations ainsi que pour une Visitation de la Vierge et trois anges placés autour du portail, vers la maison du Destroit. Peu après, il reçut encore 131 livres 5 sous, pour trois prophètes sculptés par lui.

De même que ses prédécesseurs, jean Groetbode ou Groetboy, comme on écrit souvent, était sculpteur de pierre: en 1462, la fabrique lui paya à l'extraordinaire 86 livres 12 sous pour avoir livré, l'année précédente, trois statues représentant des anges, placées vers la maison delle Griffe (81); en 1462 encore, il reçut 48 griffons, soit 504 livres, pour seize statues livrées et mises en place par lui et par son fils (82) ; il avait, en effet, à l'instar des autres maîtres, associé son fils Henri Groetbode à ses travaux. Parfois, le maître Groetbode, au lieu de travailler à la journée, entreprenait, pour la fabrique, certains ouvrages à forfait ainsi convint‑il, en 1464, d'achever, au prix global de cent florins du Rhin, la voûte du choeur, vers le Marché, depuis le local des échevins jusqu'à la maison delle Griffe. Il ajoutait à ses revenus ceux que lui procuraient diverses entreprises privées et le commerce: en 1467, il reprit à louage, de la fabrique, moyennant quatre florins l'an, deux étaux appuyés contre l'église (83); il y vendait, sans doute, des statues.

Jean Groetbode resta maître de l'oeuvre jusqu'au sac de Liège, en 1468. Après une courte interruption causée par les guerres et les troubles, maître Corneille de Trajecto, remplaça jean Groetbode, toutefois, celui‑ci demeura au service de la fabrique, remplissant, en même temps que sa besogne d'ouvrier, l'emploi d'homme de confiance, surveillant des chantiers, gardien et dispensateur des matériaux en réserve et du matériel (84). Le régime des pensions de retraite était alors peu en usage: le vieux fonctionnaire, investi d'une mission appropriée à son âge, continua, jusqu'en 1477, à émarger au budget de la fabrique sans grever celui‑ci d'une charge inutile et surtout sans créer un dangereux précédent; mais, dans l'ordre hiérarchique, l'ancien maître descend, non seulement après le nouveau « magister operis », mais aussi après certains ouvriers d’élite, notamment le maçon Walter de Winkel.

La nomination de Corneille de Maestricht ou de Trajecto, ne fut pas amenée par le jeu normal des règles capitulaires; il faut y voir l'effet d'une recommandation particulière de Charles le Téméraire ou de son conseiller Guy de Brimeu, seigneur d'Humbercourt et de Meghem qui, tous deux, après le sac de Liege, s'étaient pris d'un beau zèle pour tout ce qui concernait l'église Saint‑Lambert: commencées peu après la prise de Liège par les Bourguignons, les fonctions de maître Corneille à la Cathédrale cessèrent à la mort du duc Charles ou, à tout le moins, après l'exécution de Nugonet et d'Humbercourt.

Après quelques discussions concernant le montant de son traitement annuel, Corneille de Maestricht obtint, en 1472, des conditions semblables à celles de ses prédécesseurs. En 1473, il séjourna quelque temps à Bois‑le‑Duc (85). Le 15 avril 1476, les maîtres de la fabrique commandèrent une grande quantité de pierres de Mézières, Dun et Don­chéry pour servir à la réparation de l'église (86), Maître Corneille abandonna ses fonctions en 1477. A ce moment, on paya 34 livres 12 sols à Henri, peintre, pour rougir et redorer la fierte de saint Lambert (87). Depuis 1477 jusqu'au commencement de 1480, l'office de maître de l'œuvre resta sans titulaire, quoique des travaux d'une grande hardiesse fussent alors en cours aux voûtes de la cathédrale. N'osant assumer la responsabilité de la situation, les administrateurs de la fabrique convoquèrent, dès les premiers jours de l'année 1480, six architectes renommés, afin d'entendre leur avis et « ad visitandum opus superius ». Ils arrivèrent à Liège vers le 10 janvier. C'étaient les architectes des villes de Louvain, Saint‑Trond, Maestricht, Huy, Hasselt et Looz­le‑Château. L'inspection des experts fut assez longue; les investigations du Louvaniste exigèrent neuf vacations, celles du Saintronnaire, huit, celles de Denis de Looz, douze. On leur avait adjoint deux bons ouvriers Jean de Kessel (88), et Toussaint (89). A ce moment, le chapitre voulant s'assurer, d'une manière permanente, les lumières d'un homme expérimenté, retint à son service, comme maître de ses ouvrages, l'un des six experts qu'il avait convoqués, savoir Denis de Looz (90).

Ce fut l'architecte de Louvain qui, le 3 février 1480, remit aux chanoines administrateurs le rapport sur les points soumis à discussion; ce document contient les instructions données à maître Denis, le nouveau maître de l'œuvre: il devra achever l'arc commencé par jean Cauwet (91) en la forme qu'il doit être, tailler les pierres, former les voussures, enfin parfaire l'ouvrage endéans un an selon le plan dessiné par l'expert louvaniste. L'intérêt que présente cette intervention collective d'architectes étrangers est encore doublé par la haute personnalité du principal d'entre eux; celui‑ci, l'expert rapporteur, n'est autre que le fameux Mathieu de Layens, mentionné plus haut, auteur des plans de l'hôtel de ville de Louvain (92), artiste que la plupart des villes des Pays‑Bas tenaient à consulter avant de décider un travail d'architecture important ou pour en assurer l'exécution. Au bas du rapport sur les ouvrages de Saint‑Lambert, se trouve la signature autographe: Mahyeu de Lyens (93). II est curieux de noter que l'édifice de la cathédrale de Liège subit momentanément l'influence de deux des plus célèbres architectes du Brabant Ruysbroeck et Layens (94). Maître Denis de Looz, nommé maitre de l'oeuvre ou comme on disait parfois, magister operarius, maitre des ouvrages de maçons, était tailleur de pierre (95). Son admission définitive et sa prestation de serment furent retardées jusqu'au 4 mai 1480; il fut convenu qu'il travaillerait de ses mains, serait toujours à la disposition des administrateurs de la fabrique et ne pourrait ni engager ni congédier les ouvriers de sa propre autorité. Dans l'ordre hiérarchique, ce maître descendait d'un échelon. Il toucha, pendant quelques mois, trois livres par journée de travail, puis, son salaire fut, dans le courant de 1480, porté à quatre livres. Après sa nomination officielle, il reçut, outre sa paie journalière, un traitement annuel de 26 florins (liégeois) valant 10 florins du Rhin ou 240 livres, mais on ne lui accorda pas de tunique, alors que deux autres premiers ouvriers, Lambert de Mall, charpentier, et Henri le plombier, en recevaient une. C'est Denis qui présida à la construction des voussures, dont on posa la première pierre le 6 décembre 1480 et la seconde « sive clavis supra volturas » en juin 1481. C'est, sans doute, pour la formation de ces voussures que l'on lit, le 27 mai 1480, une forte commande de pierres de Dun et de Donchéry (96); la fabrique fournit alors, à son maitre d'oeuvre, neuf planchettes appelées « tyeu » pour prendre ses mesures (97).

Maître Denis cessa ses fonctions le 2 mars 1482; à ce moment, les troubles et les guerres civiles interrompirent les travaux d'art. Du 1er septembre 1482 au 31 août 1483 (98) et l'année suivante, on ne dépensa que le tiers environ des sommes engagées en temps normal, A ce moment, la fabrique essaya de faire l'économie d'un architecte; le gros oeuvre de la cathédrale paraissait terminé et on n'envisageait plus que des travaux de restauration, d'embellissement et de décoration. Servais le lapicide faisait office de contre-maître (1486-1505); les administrateurs de la fabrique, accompagnés de quelques bons ouvriers, se considéraient comme aptes à diriger et à contrôler les ouvrages; ils percevaient des jetons de vacation en conséquence. Lors d'une visite faite au-dessus de la chapelle de Liesse, le 16 avril 1506, les personnes attachées au service ordinaire ou à l'administration de la fabrique s'adjoignirent comme connaisseur maître Antoine de Bruxelles, qui semble devoir être identifié avec Antoine Keldermans, le jeune, tailleur de pierre et architecte; cet artiste était maître des maçonnneries de la ville de Malines, mais, en 1504, il avait fait le patron, c'est-à-dire la maquette en bois de la Maison du Roi à Bruxelles. Devenu maître ouvrier des maçonneries du Roi, il ne cessa depuis lors jusqu'à sa mort, survenue en 1515, d'être en relations avec les Bruxellois (99) ce qui pourrait expliquer le nom qu'on lui attribue à Liège.

Certain peintre nommé jean Paskare, Paskaer ou Pascaer fut chargé de divers travaux de décoration: en 1482, il peint et dore l'image, c'est‑à‑dire la statue de saint Lambert mise à la Fontaine près de la Sauvenière (100) et un saint Christophe (28 livres 16 sous); en 1484, il peint des piliers et toute une série de chapelles du côté du palais; pour la peinture de chaque chapelle, il reçoit 96 livres; en 1485, il polychrome un Couronnement avec deux anges aux côtés et diverses inscriptions, au dessus de la grande porte de l'église, vers les écoles; les années suivantes et, à tout le moins, jusqu'en 1497, il continue de décorer le choeur et d'autres parties de l'église (101). Voici encore l'indication de quelques travaux d'art ou d'architecture exécutés, à Saint­Lambert, à la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe, durant la période de suppression du maître de l'oeuvre. Le 23 septembre 1486, Henri le peintre reçoit 7 livres 4 sous pour avoir réenluminé la face, les mains, les pieds et tout le corps de Notre‑Dame et de saint Lambert, dans le choeur; en 1488, la fabrique paye à Henri le sculpteur d'images 336 livres, pour avoir remis, au portail vers la maison de Corswarem, des mains, des têtes, des couronnes et d'autres parties enlevées; en 1497, on note spécialement les dépenses faites pour restaurer le choeur tant en maçonnerie qu'en peintures et en verrières: la réfection des fenêtres se fait en pierre de Castert. Les peintres qui participèrent à ces ouvrages furent frère jean le Peintre, demeurant à l'hôpital des Cockins (102), Martin le Peintre et Jean Pascaer cité précédemment; l'un d'entre eux s'étant blessé en tombant d'un échafaudage, la fabrique lui alloua plusieurs indemnités dont l'une de 72 livres. En 1499, 42 livres furent employées à la réparations des prophètes brisés « subtus octale ante chorum »; en 1501, on restaura encore dix prophètes sous la fierte de saint Lambert (103); frère Jean le Peintre décora la voussure supérieure devant la chapelle de Notre‑Dame de Liesse; en 1502, le même frère jean nettoie les statues des saints dans le choeur, sous la fierte; un autre peintre, jean Rukelous dit aussi Henneken Rukeloes (104), peint, notamment, les voussures derrière le maître autel; en 1505, Tilman, peintre de verrières, reçoit, pour ses journées et travaux, trois florins et sept aidans du Rhin valant 80 livres 8 sous; en 1506, Martin le Peintre travaille à la journée et fournit des couleurs pour le parvis.

Après plus de trente ans de suppression de la charge, le chapitre reconnut, de nouveau, vers 1518 (105), la nécessité d'avoir un maître des ouvrages. Il appela à ces fonctions Adam de Paradis (106). Le prestige de cet agent, déjà diminué sous Denis de Looz, fléchit encore. En sa qualité de « magister operis », il dirige les travaux et donne des instructions aux fournisseurs de pierres et d'autres matériaux (107); sa rémunération consiste essentiellement dans le salaire de ses journées de travail effectif (108); moins bien traité que ses prédécesseurs, il ne perçoit ni appointement ni gratification, mais, il a droit à sa livrée comme « officier »; on cesse de faire précéder son nom du titre de maître. Dans tes cas difficiles, et surtout lorsque le maître d'oeuvre se défie de ses seules lumières, les administrateurs de la fabrique en reviennent forcément au système usité depuis plusieurs siècles: ils font appel à un ou à plusieurs architectes renommés pour leur talent ou leur expérience. Ainsi en fut-il en 1523, alors que ta stabilité de la grande tour paraissait compromise; le 27 mai de cette année, on convoque maître Arnold van Mulcken (Art van Mulken), celui-là même que l'on considère comme le réédificateur de l'église de Saint-Jacques, le continuateur de l'oeuvre de Paul de Richelle à Saint‑Martin, l'architecte du palais épiscopal et de la tour en Bêche, le restaurateur de l'église Saint‑Séverin en Condroz. En ce qui le concerne comme en ce qui concerne beaucoup d'autres maîtres d'oeuvre, il serait peut‑être prudent de faire parfois la distinction qui s'impose, entre le créateur et le réalisateur (109). Quoiqu'il en soit, le prince, les églises et la ville s'adressaient à van Mulcken pour voir mener à bonne fin les plus beaux ouvrages; c'est une preuve certaine de ses grands mérites.

Lors de sa visite des bâtiments, « maître Arnold de Saint­Jacques » (110) était accompagné des maîtres ouvriers de la cathédrale et de quelques bénéficiers. Il parvint, semble‑t‑il, à calmer les appréhensions du chapitre quant à la solidité de la grande tour. En 1527, alors que les tréfonciers avaient décidé la construction du nouveau choeur, ils réclamèrent encore l'avis d'Arnold van Mulcken, mais cette fois, celui‑ci ne voulut pas assumer seul la responsabilité des travaux projetés et se fit adjoindre un architecte d'une expérience consommée: maître Georges de Bruxelles, artiste qui n'est pas cité dans les publications relatives aux monuments de Bruxelles; celui‑ci reçut, pour son déplacement et pour une première visite qu'il fit « super loco novi chori visitando et describendo » vingt florins Philippus valant trente‑cinq florins (monnaie de Brabant). Pour une seconde visite, qui eut lieu le 25 mars 1527 et au cours de laquelle l'architecte bruxellois fournit le plan ou patron du choeur (111), la fabrique lui alloua encore vingt florins Philippus que, cette fois, on évalue trente‑quatre florins (Brabant). Quant à Arnold van Mulcken, sa vacation ne fut taxée qu'à un florin d'or. Les experts et ceux qui les avaient accompagnés se réunirent chez le chanoine Mewen pour la présentation du « patron ». On y but pour seize sous de vin. En 1532, la besogne d'Adam de Paradis consista surtout à diriger la restauration de l'église Saint‑Hadelin à Visé, ouvrage mis à charge de la fabrique de Saint‑Lambert. Adam de Paradis épousa l'une des filles de Guillaume le Sellier (112); il vivait encore le 3 décembre 1544 (113). Une lacune dans la série des comptes de la fabrique (114), ne permet pas d'affirmer qu'il était encore, à ce moment, au service du chapitre, mais la chose est probable.

Les registres aux comptes mentionnent les travaux exécutés de 1517 à 1532, sous la direction d'Adam de Paradis: en 1518, on entreprend un nouvel ouvrage au déambulatoire entre les deux tours de sable; on achète des pierres de Namur et des ardoises en grande quantité: il y a, parfois, jusqu'à onze couvreurs travaillant en même temps sur les toits. La même année, un artisan maestrichtois, maitre Arnold van Triecht, répare les grands chandeliers mis à la charge de la fabrique, ainsi que des anges et d'autres objets brisés (115), En 1519, on visite la partie supérieure de l'église et on travaille à la cloche banale. Henri Zutman, orfèvre, demeurant rue des Chevaliers, c'est‑à‑dire en Souverain­Pont, répare le calice de la fabrique (116). En 1520, arrivée de pierres de Mézières; en 1522, visite de la grande tour, on restaure la croix qui la surmonte; en 1523, cette croix est érigée et dorée Jean Pels, de Maestricht, reçoit 197 florins 12 sous de Brabant pour 5200 feuilles doubles d'or fin. En 1524, nouvel ouvrage du côté du palais; en 1525, dépenses « pro novo opere lapideo »; en 1527, travaux sur la tour et au nouveau chœur; en 1530, arrivée par eau de pierres de Mézières; en 1531, achat de pierres de Sichen.

Durant plus de dix ans, un peintre du nom de Lambert consacra une partie de son temps à la décoration de la cathédrale; de prime abord, ce prénom évoque la personnalité de Lambert Lombard, mais cette identification ne doit pas être envisagée: en 1521, Lombard n'avait que dix‑sept ans et ne pouvait être considéré comme maître ouvrier; d'ailleurs, il n'était pas, à cette époque, le seul peintre liégeois nommé Lambert; il suffira de citer Lambert Hardy « poindeur », qui, le 28 novembre 1516, était propriétaire, rue du Pont, d'une maison ayant appartenu précédemment à feu Henri Maître‑Arnold, aussi « poindeur » (117), et Lambert Bottin « pondeur », mentionné dans plusieurs actes de 1519 à 1552 (118).

Au XVIe siècle, on parait établir une différence entre le « poindeur », ouvrier manuel et le « poinctre », véritable artiste (119), mais cette distinction ne peut être admise d'une manière générale, parce que, on l'a déjà constaté ci‑dessus, de véritables artistes ne dédaignaient pas de colorier des surfaces.

Voici l'indication de quelques uns des ouvrages exécutés, à la cathédrale, par le peintre Lambert: en 1522 et en 1523, il consacre de nombreuses journées à travailler, avec d'autres ouvriers, à l'intérieur et à l'extérieur de l'église, notamment « circa crucem », « circa turrim », « circa folia turris deauranda ». En 1526 et 1527, il dore l'horloge et applique de la couleur sur les pièces de bois et de fer du mécanisme; en 1528, il peint en vert, à l'huile, l'ancienne librairie; en 1531, nombreuses journées de travail, fourniture de couleurs; il peint une chapelle vers Notre‑Dame aux fonts et enduit de couleur des ferrures et des boiseries.

Les dépenses relatives à l'horloge, au carillon et à certaines cloches incombaient alors à la fabrique; en 1523, on fait venir Georges Huysman, fèvre juré de la ville de Louvain, pour construire la nouvelle horloge qui devait être placée à la grande tour de Saint‑Lambert. Créé « maître de l'horloge , Huysman », prit place parmi les principaux « operarii » ordinaires de la fabrique et consacra trois ans à l'achèvement de son chef‑d'oeuvre; en 1526, 725 feuilles doubles d'or furent employées pour dorer les aiguilles et les chiffres des heures; en 1527, eut lieu la « réception » de la nouvelle horloge: c'est le maître d'Arendonck qui fut chargé de la vérifier: il la jugea bonne; en 1528, Georges Huysman reçut encore 25 florins pour le gouvernement de la grande horloge.

Les cloches et le carillon furent aussi, à cette époque, l'objet de la sollicitude de la fabrique de Saint‑Lambert: en 1525, deux fondeurs d'Aix‑la‑Chapelle vinrent, avec le maître de l'horloge Georges Huysman, le charpentier, le maçon et d'autres prud'hommes examiner le clocher, les cloches, le mécanisme mettant en mouvement le carillon et la sonnerie des heures; un nouveau carillon fut commandé au fondeur maître jean de Trèves, d'Aix‑la‑Chapelle. Dès l'année suivante (1526), les clochettes, pesant 4,642 livres furent amenées d'Aix et suspendues dans la grande tour; elles coûtèrent 696 florins 4 1/2 sous, monnaie de Brabant.

En 1533, Erard de la Marck offrit deux nouvelles cloches à la cathédrale; elles furent coulées, à Liège, par maître Jean de Trèves dont il vient d'être question (120). La plus grosse, le bourdon Erard, pesait environ 7500 kilo­grammes (121); on y mit 1.666 livres de fin étain à 13 florins 19 sous Brabant les 100 livres; 8.000 livres de cuivre à 8 florins 17 sous Brabant les 100 livres; 5.712 livres de vieille matière de cloche (clockspijse) à 9 florins 16 sous Brabant les 100 livres. L'autre, baptisée Chrysogone, pesait 4.500 kilogs. Quatre florins 17 sous furent payés à Tilman l'étainier pour la forme des armes et des images qui furent représentées sur l'airain (122). Le maître de l'oeuvre n'avait à s'occuper de ces travaux accessoires qu'au sujet des bâtiments qui les abritaient.

Après Adam de Paradis, on ne mentionne plus le maître de l'oeuvre de la cathédrale. Avec le milieu du XVle siècle, coïncide presque partout la suspension des grands ouvrages extérieurs dans les anciennes basiliques et une modification profonde dans le régime de la construction. Le système de l'entreprise à forfait se substitue généralement à la régie; les fabriques d'église sont amenées à changer les attributions de leurs agents. Le chapitre de Saint‑Lambert se borne dès lors à s'assurer, par lettres patentes, les services d'un maçon, dans les mêmes conditions qu'il nommait un charpentier, un plombier, un vitrier, un peintre, qui, tous, avaient rang de fonctionnaires et recevaient la livrée de l'église. Le nouveau maçon ne touchait aucun traitement fixe; il était conducteur ou plutôt entrepreneur des travaux de son ressort, qui lui étaient payés globalement; il n'avait plus la haute main sur l'ensemble du personnel.

Dans les édifices tels que la cathédrale Saint‑Lambert, l'ouvrage ne chômait jamais; il y avait toujours à restaurer et à consolider; les tours, notamment, devaient être l'objet de soins continuels. Parfois, d'ailleurs, on était repris de la manie de rénover en 1575, on entreprit, à Saint‑Lambert, la construction d'un nouveau choeur. A l'intérieur de l'église, on modernisait au goût du jour. Sans présenter le même intérêt que précédemment, les comptes du XVlle siècle renferment encore des renseignements utiles. Voici quelques exemples des mentions que l'on y rencontre: en 1602, on paye 33 florins 15 sous, au peintre Hansken pour avoir peint les colonnes dans le parvis; en 1603, il reçoit encore 12 florins pour divers travaux de son art. La même année, on remet quelques pierres de Sichen à la tour et aux murs; l'année suivante, des payements sont faits à maître Laurent, peintre. Les dépenses de la fabrique s'élevèrent, en 1601, à 3.589 florins, en 1604, à 3.981 florins, en 1605, à 5.318 florins, en 1606, à 5.154 florins, en 1607, à 4.548 florins, en 1608, à 1.918 florins, en 1609, à 1.923 florins, en 1614, à 1.694 florins, en 1619, à 1.598 florins, en 1621, à 2.104 florins, en 1622, à 1.941 florins, en 1623, à 2.543 florins, en 1624, à 2.947 florins, en 1626, à 3,430 florins, en 1657, à 6.658 florins; en 1765, fabrique et mobile absorbèrent 19.498 florins.

Les maçons du chapitre dont les lettres patentes sont transcrites dans les registres aux commissions sont les suivants: Jean Estienne, 1666-1669; Jean Doreye, 1669-1694; jean Doreye fils, 1694-1725 ; Pierre-François Libert 1725­1738 ; Pascal Barbière, 1738-1749; André Barbière, 1749­1756; Gilles Durieux, 1756-1776; Jacques Barthélemi Renoz, 1776-1786; François Bartliélemi joseplh Renoz, 1786-1794 (123).

Ces maçons, maîtres dans l'art de bâtir, différaient de leurs prédécesseurs des XIVe et XVe siècles, en ce qu'ils n'étaient pas en même temps sculpteurs. Depuis le milieu du XVIIe siècle, le chapitre jugea expédient de s'assurer le concours permanent d'artistes qu'il qualifie dans leur acte de nomination, sculpteurs lapidaires. Guillaume Cocquelet occupa ces fonctions de 1660 environ à 1689; Arnold Hontoir, de 1689 à 1709; le 25 septembre de cette année, il fut remplacé par julien Hallet, qui, lui même, très fatigué, eut comme successeur, le 20 juillet 1746, son fils nommé aussi Julien (124). Le chapitre nommait, dans les mêmes conditions, son charpentier, son écrinier, son plombier, son verrier, son fontainier, son orfèvre, son brodeur, son serrurier, son horloger, etc.

C'est en 1751 seulement que le chapitre, sous l'influence des idées nouvelles tendant à distinguer nettement le créateur du réalisateur, décida de s'adjoindre un architecte. Etienne Fayn fut appelé à ces fonctions le 27 avril 1751. L'exécution matérielle de la bâtisse ne lui incombait pas. Sa mission consistait à visiter, au moins une fois l'an, non seulement la cathédrale, ses tours et ses voûtes, mais aussi les églises, les maisons, moulins et autres bâtiments que le chapitre possédait dans le pays et à l'étranger; il présentait un rapport sur le résultat de son inspection et proposait les travaux que l'état des immeubles réclamait. Son traitement ou plutôt sa pension, selon l'expression du temps, était fixée à 200 florins de Brabant par an; ses vacations en ville, faubourgs et banlieue étaient taxées à un demi‑écu par jour; lorsqu'il se rendait dans le plat‑pays ou à l'étranger, il recevait six florins de Brabant; si on lui demandait des plans de bâtiments ou d'aménagements, ses honoraires étaient taxés « à raison du mérite de l'ouvrage » (125).

On pourrait s'étonner de ce que l'excellent architecte Jacques‑Barthélemi Renoz ait accepté d'occuper, à la cathédrale, les fonctions de « maçon », alors que celles « d'architecte y étaient remplies par Etienne Favn. En réalité, il n'y a, dans la situation respective de ces deux prud'hommes, rien qui ne se reproduise encore normalement de nos jours.

Les fonctions d'Etienne Fayn prirent fin le 31 mai 1786. Alors déjà se manifestaient les premiers ferments de l'esprit révolutionnaire et les opinions avancées de Fayn ne pouvaient s'accorder avec celles du noble chapitre. Voulant combler le vide causé par le départ de son architecte, mais ne jugeant pas opportun de le remplacer par un fonctionnaire jouissant des mêmes prérogatives, les tréfonciers décidèrent, le 18 juin 1789, de nommer un inspecteur des ouvrages de maçonnerie qui se faisaient dans la « taillerie », avec pouvoir de congédier les ouvriers qui seraient trouvés en défaut, et lui allouèrent un salaire de deux escalins par jour (126); l'année suivante, 132 florins turent payés, à raison d'un florin par jour, à Léonard Lepost, pour avoir fait l'inspection des travaux de réparation de la cathédrale (127)

Afin d'avoir tous ses apaisements quant a la stabilité de l'édifice, le chapitre n'hésitait pas, au XVIIIe siècle encore, à faire appel aux connaissances d'experts ne faisant pas partie de son personnel ordinaire; on en revenait ainsi, sans le savoir, à l'usage pratiqué dès le XIVe siècle; l’utilité d'une telle intervention se fit sentir alors que Renoz et Fayn, chacun dans sa sphère, présidaient aux travaux de la cathédrale en 1783, les tréfonciers mandèrent pour procéder à une inspection minutieuse de l'édifice, l'excellent architecte Barthélemi Digneffe, qui reçut, pour sa vacation, trente florins de Brabant. L'école architecturale liégeoise était alors brillamment représentée; le temps était passé où particuliers et institutions croyaient ne pouvoir obtenir la collaboration d'un architecte consommé sans recourir à l'étranger. Voici un fait qui prouve combien peu on se doutait des bouleversements qui se préparaient, des événements qui allaient renverser l'ancien édifice social: en même temps qu'ils s'inquiétaient, en 1783, de la solidité de leur vieille basilique, les chanoines faisaient redorer, par le peintre Hanson, le coq de la grande tour de la cathédrale.

Dix ans plus tard, Léonard Defrance, avec un zèle et un esprit de méthode dignes d'une plus belle cause, présidait à la destruction de l'église de « jadis Monsieur saint Lambert ».

EDOUARD PONCELET.

 


(1) Notamment la grande compterie, la compterie des anniversaires, celle du grenier et celle de l'aumône, la prévôté, le décanat, la costrerie, etc. Les registres de la fabrique de Saint‑Lambert sont conservés aux archives de I'Evêché de Liège, à l'exception du cartulaire et des comptes de 1778 à 1792, qui se trouvent aux archives de l'Etat.

(2) La réédification de l'église collégiale de Huy, commencée en 1371, dura cent et cinquante ans; la construction de la voûte fut confiée, par contrat du 2 mars 1521, à maître Cornélis, bourgeois de Saint‑Trond, moyennant une somme de 1000 florins (Collégiale de Huy, reg. n° 1, fol. 36). Ordinairement, la construction des édifices civils avançait plus rapidement que celle des églises; l'hôtel de ville de Louvain fut achevé en quinze ans 1448-1463).

(3) La plupart de ces boutiques furent supprimées par ordre d'Erard de la Marck.

(4) De tels legs sont stipulés dans les actes de dernière volonté des diocésains liégeois, dès le milieu du XlIle siècle. Voy. notamment, le testament de Francon, curé de Momalle, du 12 novembre 1256 (Dominicains de Liege, chartes originales).

(5) PONCELET, Cartulaire de l'église Saint‑Lambert, t. VI, p. 326.

(6) L'usage précis auquel devaient être appliqués les matériaux est, malheureusement, trop rarement indiqué dans les comptes.

(7) Au XVe siècle, on s'adressait, parfois, pour l'enlèvement des décombres ou trigus, (en latin tributa), et pour d'autres ouvrages grossiers, à un groupement professionnel dénommé: la compagnie des ribauds (societas ribaldorum). La fabrique veillait au nettoyage des rues et à la canalisation de tout le territoire claustral sur lequel le chapitre exerçait la police et la juridiction.

(8) Ces procès avaient pour objet l'exploitation et la perception des revenus; les contestations avec les fournisseurs et avec les ouvriers étaient d'une extrême rareté.

(9) Comptes de la fabrique, années 1454 et suivantes.

(10) L'année 1440 secundum registra va donc du 1er septembre 1440 au 31 août 1441.

(11) Voy. les comptes de 1454 et années suivantes.

(12) On ne possède plus les comptes du XlVe siècle; on a conservé ceux des années 1454‑1506; 1517-1532; 1589-1795 (avec lacunes).

(13) Lorsque l'on démolit la cathédrale, en 1794, on y recueillit 500.000 livres de plomb.

(14) En 1505, la fabrique acheta un instrument à long manche, dit « haecke » et une grande quantité de seaux en cuir, pour servir à l'extinction des incendies.

(15) En 1464, on ne déboursa, certains mois, que 30, 40 ou 50 livres; le premier mois de cette année de compte, on avait dépensé 3.371 livres 12 sous.

(16) Aux termes d'un contrat fait, le 22 juin 1415, avec un carrier de Namur, pour la fourniture de pierres, il est stipulé qu'elles devront être conformes aux prescriptions du maitre des ouvrages (Stock de la fabrique, fol. 1 v°). Voy. plus loin les attributions de maître jean de Stockhem, en 1425.

(17) Ces travaux comprenaient, indépendamment des édifices, la couverture des toits les peintures et les décorations, la réfection et le pavage des chemins compris dans le territoire claustral, l'établissement d'aqueducs desservant les locaux. Les canaux, au XVle siècle encore, étaient construits en bois.

(18) En 1500, le plan de la nouvelle église Saint‑Pierre de Louvain fut dressé par un habile serrurier‑horloger: Josse Metsys (VAN EVEN, Louvain monumental, p. 185.)

(19) Bulletin de la Socété des Bibliophiles Liégeois, t. V, p. 132

(20) Cependant, la coutume, presque générale en Hainaut et très peu répandue à Liège, de marquer chaque pierre taillée du signe particulier de l'ouvrier, semble indiquer une différence dans l'organisation ou, à tout le moins, dans la justification du travail.

(21) Le griffon valait 10 livres 10 sous.

(22) A Liège, comme dans les pays voisins, le maitre de l'oeuvre était, en même temps, tailleur de pierre, imagier; il en était ainsi, notamment, en 1440, pour le célébre architecte bruxellois jean van den Berghe, dit van Ruysbroeck, dont il sera question plus loin.

(23) Stock de la fabrique, fol. 4, 5 et suivants.

(24) Registre aux comptes de la fabrique, année 1496.

(25) Leodium, 1911, p. 91.

(26) Bulletin de la Commission Royale d'histoire, 5e série, t. VI, p. 413. GOBERT, Liège à travers les âges, t. III, p. 465.

(27) 16 janvier 1344, Godin le ymagineur (Cartulaire des Chartreux, fol. 39. - 31 mai 1344, Godins de Doirmalles (Ibid., fol. 40 v°). - 23 janvier 1349, maitre Godin delle tallerie Saint-Lambier (Ibid., fol. 45). - 18 juin 1360, maistre Godin de Dormale le machon (Collégiale Saint-Jean, cartulaires dits Magni libri rubri chartarum I et Il, fol. 70 v°). - 23 Juin 1362, rmaistre Godin, maistre delle grande églize (Cartulaire des Chartreux, fol. 108 v°). - 13 février 1365, Godin de Looz, maistre de la fabrique de Saint-Lambert (Stock de la fabrique, fol. 3. - Leodium, 1908, p. 5). - 21 décembre 1365, Godin le tailleur d'images, homme delle Cise-Dieu (Cartulaire de Saint-Lambert, t. IV, p. 425), - 1367, Godin le machon delle égliese de Liége (Colléqiale Sainl-Jean, liasse 164, fol. 4). - Au sujet de la qualification: delle tallerie, il faut remarquer que, parmi les dépendances de la cathédrale, il y avail, en 1364, un jardin appelé Taillerie. où l'on remisait les matériaux (Protocole des directeurs, reg. 123, fol. 80 v°). En 1778, on travaille encore au caveau de la Taillerie (Comptes de la fabrique).

(28) Cartulaire de Saint‑Lambert, t. Ill, p. 607.

(29) Ibid., t. IV, p. 1.

(30) Cartulaire des Chartreux, fol. 38, 39, 40 et suivantes.

(31) LAHAYE, Le sculpteur Jacoris, dans Chronique Archéologique du Pays de Liège, 1933, p. 74.

(32) Cartulaire des Chartreux, fol. 108 v°.

(33) « Maistre Servais qui talhes les ymagnes » est cité comme voir‑juré des parchons ou du cordeau, le 24 janvier 1374 (Bulletin de la Société des Bibliophiles Liégeois, t. V, p.112); le 3 juin 1378, il demeurait près de Saint‑Nicolas outre Meuse (Chapitre de Sainte‑Croix, reg. 50, fol. 75.)

(34) Hôpital Tirbourse, cour des tenants, 1341-1400, fol. 48 v°.

(35) Leodium, 1908, p. 6.

(36 Marguerite femme jadis maistre Godin le Machon (Cartulaire des Chartreux, fol. 214 v°).

(37) LEON LAHAYE, Le sculpteur Jacoris, dans Chronique Archéologique du Pays de Liége, 1933, p. 72.

(38) A l'angle du boulevard de la Sauvenière et de la place de la République Française; c'est, actuellement, le café du Point du Vue. De chez lui, Henri Samp pouvait surveiller le débarquement des matériaux destinés aux édifices de la cathédrale.

(39) Stock de la fabrique fol. 3 v°.

(40) Témoins de l'acte: Arnold de Cologne, Tilkin, maçons, et Henri, manouvrier de la fabrique.

(41) Leodium, 1914, pp. 29‑31.

(42) Stock de la fabrique, fol. 5.

(43) Témoins: maistre Henri, maistre delle dicte oivre, maistre Henri de Namur, Gérard de Cologne, Ewruin Jamolet, maçons (ou tailleurs de pierre) de la fabrique (Ibid., fol. 5 v°).

(44) Cartulaire de Saint‑Lambert, t. VI, p. 369.

(45) lbid, t. VI, p, 151.

(46) Dépendance d'Angleur. Il y avait, à Angleur, un chemin appelé « la voie delle tullière » (Abbaye du Val‑Benojt, liasse Angleur‑Thiernesse, record du 7 février 1430).

(47) II s'agit de dalles ou carreaux de pavement et non de pannes de couverture.

(48) PONCELET, Inventaire analytique des chartes de Sainte‑Croix, t. I, p. 316.

(49) Manuscrits de Delvaux, à la Bibliothèque de l'Université de Liège, t. Ill, p. 959.

(50) G0BERT, Liège â travers les âges, t. III, p. 465.

(51) Cet anniversaire est célébré actuellement en l'église Sainte‑Croix.

(52) Abbaye de Saint‑Jacques, original.

(53) PONCELET, Inventaire des chartes de Sainte‑Croix, t. I, p. 399.

(54) La fabrique continuait de faire venir des bateaux de pierres de Donchéry, ainsi qu'il résulte de contrats renouvelés en 1391-1393 (Stock de la fabrique, fol. 4).

(55) Ibid., fol. 6.

(56) Comme ses prédécesseurs, il habitait en la Basse‑Sauvenière, tout au moins, il payait à la fabrique une rente sur la maison dont jean de Saint‑Trond avait été propriétaire dans ce vinave (Comptes de la fabrique, années 1454, 1464).

(57) Le nom de ce personnage est écrit indifféremment Kessel ou Kassel; il tirait son patronyme soit de Kessel‑Loo, dans l'arrondissement de Louvain, soit de Kessel, commune du Limbourg hollandais.

(58) Cathédrale Saint-Lambert, cour des tenants, 1411-1452, fol. 66. Sortie momentanément de la famille, cette maison fut récupérée, le 29 août 1477, « par Jehan de Cassel » (Echevins de Liège, reg. 38, foI. 38).

(59) Stock de la fabrique, fol. I vo.

(60) Nous disons: nouvelle, parce qu'antérieurement à la grande tour construite au XVe siècle, il y en avait une autre, que l'on trouve mentionnée dès le milieu du XIVe siècle, et dont il est question ci‑dessus, dans un acte du 19 août 1374.

(61-62-63) Stock de la fabrique, fol. 1-2 v°.

(64) Henri de Casselt ou de Kasselle, maçon, « entailleur de pierres », cité, le 23 août 1416, avec sa femme Maroie, fille de jean le Conreur, appartenait, sans doute, à la même famille (Echevins de Liège, reg. 2, fol. 21 et 134).

(65) Stock de la fabrique, fol. 2.

(66) ibid., fol. 2. Quelques mois auparavant, le 24 février 1423, il avait donné sa maison de la rue de Meerson à Thomas de Cassel, son fils naturel (Cathédrale Saint-Lambert, cour des tenants, 1411-1452, fol. 66).

(67) La haye est une ancienne monnaie des comtes de Hainaut et de Hollande. Vers cette époque, la haye Guillaume valait 21 sous, la haye Johannes et la haye ducissa, 18 sous.

(68) Stock de la fabrique, fol. 7.

(69) Leodium, 9e année, p. 28. Cette croix, dont la matière était fournie par la fabrique, devait peser 2.200 livres.

(70) BALAU et FAIR0N, Chroniques liegeoises, t. Il, p. 228. - GOBERT, Liège à travers les âges, t. Ill, p 182.

(71) Bulletin de la Commission Royale d'Histoire, 5e série, t. VI, p. 467.

(72) GOBERT, Liège à travers les âges, t. III, p. 466.

(73) Le 24 avril 1443, le pape Eugène IV accorda des privilèges spirituels à ceux qui coopéreraient à la construction de la voûte du choeur. Le chapitre délivrait des attestations nominales déclarant que tel particulier, ayant travaillé ou fait travailler à la voûte du choeur, devait jouir des faveurs spirituelles accordées par la bulle. (PONCELET, Cartulaire de Saint‑Lambert, t. V, pp. 126, 126).

(74) Voyage de Philippe de Hurges à Liège et à Maestricht en 1615(édition des Bibliophiles Liégeois), p. 67. - HELBIG, La sculpture et les arts plastiques, 2e édition, p. 70.

(75) Les registres de la fabrique de Saint-Lambert rédigés en latin traduisent son nom: magister Johannes de Monte, de Bruxella (Registre B - I - 7, fol. 7, 7 v°). Il est intéressant de noter que sa nomination comme architecte de la cathédrale coïncide avec l'élection de son homonyme maître jean de Monte, docteur en théologie, en qualité de grand doyen du chapitre toutefois, c'est un simple hasard; fils de Johan de Mont et de dame Catherine, le prélat qui, dès l'an 1446, occupait, avec sa prébende à Saint-Lambert, les fonctions d'archidiacre de Reims et d'abbé séculier dAmay, était d'origine liégeoise; ses parents possédaient une maison sise en la chaussée Saint-Léonard (Echevins de Luge, reg. 14, fol. 101; 35, fol. 89 v°).

(76) Par convention du 23 janvier 1449 (G. DES MAREZ, Guide illustré de Bruxelles, 2e édition, p. 22).

(77) DEVILLER5, Mémoire sur l'église de Sainte- Waudru, à Mons, p. 17.

(78) Le 12 janvier 1451, jean de Mall, chanoine de Saint‑Lambert, lègue à la Chapelle des Clercs une rente hypothéquée sur la maison appartenant à jean Groetbode, « lathomo » et habitée par lui, sise dans la longue rue en la paroissse Saint‑Remi, actuellement rue des Clarisses (Cathédrale Saint‑Lambert, Testaments des chanoines, reg. Il, fol. 4). A ce moment, Groetbode n'était pas encore maître de l'oeuvre de la cathédrale.

(79) II s'agit du sculpteur Eustache ou Stas Scroetz à qui les paroissiens de Lens‑sur‑Geer assignèrent, le 22 mai 1462, une somme de 40 florins du Rhin « pour l'entretaillure et dorure d'une table d'autel » destinée à leur église (Echevins de Liège, reg. 28, fol. 124).

(80) GOBERT, Liège à travers les âges, t. III, p. 466. Le chroniqueur jean de Los relate les travaux faits en 1460, comme suit: « Anno MCCCCLX, inceptus est murus super gradus retro chorum ecclesie S. Lamberti, pulcherrimo sculptili opere » (DE RAM, Documents relatifs aux troubles du pays de Liège, p. 8).

(81) Actuellement rue Royale, allant du Marché à la place Saint‑Lambert.

(82) Archives de la fabrique, comptes de 1457 et années suivantes.

(83) Id., comptes de 1467.

(84) Ce matériel comprenait un grand nombre d'outils et d'ustensiles servant aux maçons, aux tailleurs de pierre, aux paveurs, aux charpentiers, aux plombiers et aux peintres: marteaux, ciseaux, haches, seaux, chars, charrettes, brouettes, balais, brosses, pinceaux, éponges, truelles, échelles, boiseries pour les échafaudages et une quantité d'autres objets, notamment ceux servant à l'extinction des incendies.

(85) Comptes de la fabrique, année 1473.

(86) Stock de la fabrique, pièce détachée.

(87) Comptes de la fabrique, année 1477.

(88) Jean de Kessel, lathomus de la cathédrale, dit aussi de Cassel, assiste, le 29 avril 1489, avec Henri, son aide, à un contrat en vertu duquel Jean Spirinc, secrétaire du chapitre, charge le lapicide de la fabrique de faire et placer la pierre tumulaire de Thierri Spirinc, son fils; cette pierre portera un agnus Dei, les armes des Spirinc, la date du décès de Thierri (Cathédrale Saint-Lambert, conclusions capitulaires, 1477-1492, fol. 131 v°).

(89) Cette visite d'experts coûta plus de 340 livres.

(90) II avait probablement un autre patronyme, mais les documents ne le mentionnent pas.

(91) Jean Cauwet était, depuis quelques années, le premier maçon de la fabrique, sans avoir, toutefois, la qualité de maitre des ouvrages.

(92) Mathieu de Layens construisit l'hôtel de ville de Louvain de 1448 à 1463.

(93) Stock de la fabrique, fol. 94. - Comptes de 1479 à 1480.

(94) Il n'est pas douteux que l'influence de l'école d'architecture brabançonne se soit fait fortement sentir au pays de Liège depuis la fin du XIVe siècle jusqu'au commencement du XVIe.

(95) Au XVle siècle, on fait une distinction, entre les lapicides, selon la nature des pierres qu'ils travaillent: un « entretailleur d'images » nommé jean le Pealier, cité dès l'an 1538, dépose, le 18 mars 1549, une plainte contre Guillaume et Toussaint de jonckeur « entretailleurs de dure pierre » qui l'ont assailli (Echevins de Liège, obligations, reg 22. ­ Grand Greffe, plaintes, 1547-1549, sans pagin.) Sur les de Jonckeu, voy. Jacques BREUER et Yvonne DUPONT, Guillaume de Jonckeu, dans Revue d'Art, 1929.

(96) Pièce détachée intercalée dans le stock de la fabrique.

(97) Comptes de la fabrique, années 1479 à 1480.

(98) En 1483, on fit d'importants ouvrages de plomberie sur la tour grise (Comptes de la fabrique).

(99) DES MAREZ, (Guide illustré de Bruxelles, 2 édition, p. 32.

(100) La fontaine qui alimentait le vinave de Saint‑Christophe était, dés le commencement du XIIIe siècle, sous l'invocation de saint Lambert.

(101) Jean Paskaer avait été chargé, en 1461, par l'abbé du Val Saint­Lambert, de peindre à l'extérieur le retable du maître‑autel de l'église abbatiale (L. DE JAER, L'église primitive de l'abbaye du Val Saint­Lumbert et ses vicissitudes, dans Chronique archéologique du pays de Liege, 1934, p. 59).

(102) La peinture et la dorure d’une statue de la Sainte Vierge suspendue à la voûte de l'église collégiale de Huy, devant le jubé, furent exécutées en 1526, par « frater Johannes, celita ». (BORMANS et SCHOOLMEESTERS, Cartulaire de N‑D â Huy, dans Bulletin de la Commission royale d'Histoire, 4e série, t. I, p. 87).

(103) Ces restaurations répétées des statues ne se faisaient pas sans dénaturer considérablement l'oeuvre des premiers sculpteurs.

(104) Un acte du 18 juin 1460 mentionne Jehan Rukuloise, de Tongres (Echevins de Liège, reg. 26, fol. 105 v°).

(105) Les comptes de la fabrique manquent de 1507 à 1517.

(106) Comme c'était souvent le cas pour les membres du personnel attaché à la fabrique, les registres aux comptes omettent de faire connaître son patronyme et le qualifient: Adam le Maçon. Le 8 avril 1525, Doem (c'est‑à‑dire Adam) Paradis se porta garant de l'exécution d'un contrat conclu entre son ami et confrère Arnold van Mulcken et le chapitre de Saint‑Martin (Echevins de Liège, obligations, reg. 18, fol. 27 V°); le 9 janvier 1532, Doem de Paradis, maçon, place à intérêt, chez Antoine Gentil, lombard, une somme d'argent appartenant aux entants orphelins de son frère Henri de Paradis Ibid., reg. 20, fol. 81).

(107) Convention faite, en 1520, avec un carrier de Mézières (Comptes de l'an 1520).

(108) Il touche 18 sous pour cinq journées, 14 sous pour 4 journées; à certains moments, ses absences sont très fréquentes.

(109) On n'a pu, jusqu'à présent, déterminer la part qu'il a eue dans la conception architecturale de plusieurs des monuments qu'il a élevés. Il ne fut pas l'architecte ou, si l'on préfère, l'inventeur de Saint‑Martin: en vertu d'un acte du 8 avril 1525, il s'engage à achever la maçonnerie du choeur de cette église « de telz sorte, fachon et manier que le patron pour ce fait et oultredonné peut contenir et porter » (Echevins de Liège, obligations, reg. 18, fol. 27 v°). Cette clause fait entendre que, dans ce cas, Arnold de Mulken n'est pas l'auteur des plans, mais il n'est nullement téméraire de supposer qu'au cours des travaux, il a, comme cela se pratiquait fréquemment, substitué ses propres conceptions à celles de l'auteur des plans primitifs; ainsi en fut‑il, probablement, pour la voûte en étoiles du choeur de la basilique de Saint‑Martin.

(110) Dans d'autres actes, on le qualifie: maître de l'oeuvre du nouveau Saint‑Jacques, ce qui prouve le rôle considérable qu'il jouait dans la réédification de l'église abbatiale. La qualification d'architecte ne lui est jamais donnée, pas plus qu'à ceux qui, jusqu'au XVllle siècle, s'occupèrent des constructions de la cathédrale, quels que fussent leurs talents. Cependant, le mot n’était pas inconnu: dans son testament, en date du 19 juillet 1515, Lambert d'Oupeye, chanoine de Saint‑Lambert, fait un legs pour la construction, en l'église des Augustins sur Avroy, d'une niche sculptée en pierre de Sichen, pour une statue de N. D. de Lorette; cet ouvrage, déclare‑t‑il, pourra être confié à l'architecte de l'église Saint‑Servais, à Maestricht, qui est expert en travaux de ce genre.

(111) Nouvelle preuve de ce que les maîtres de l'oeuvre du XVIe siècle ne dressaient pas toujours eux‑mêmes les patrons des ouvrages et de ce que les plans primitifs étaient souvent modifiés au cours de la construction.

(112) Les deux autres filles de feu Guillaume le Sellier étaient, le 30 mai 1539, mariées respectivement à Sianne le Machon et à Servais de Bêche, charpentier (Echevins de Liège, greffe Bernimolin, reg. 15, fol. 265).

(113) Ibid, reg. 35, fol. 254.

(114) Lacune de 1533 à 1588.

(115) Excellent artiste, Arnold van Triecht fournit de belles dinanderies notamment à Maestricht, à Bois‑le‑Duc (1492), à Xanten (1501).

(116) L'orfèvre Thiri de Bry figure dans les comptes de 1517 comme repreneur d'un étal élevé contre la cathédrale.

(117) Echevins de Liège, Jugements et sentences, reg. 329, fol, 107.

(118) PONCELET, Documents inédits sur quelques artistes liégeois, dans Bulletin de la Société des Bibliophiles liégeois, t. IV, p. 107.

(119) Lambert Lombard semble pouvoir être identifié avec « le maistre Lambert, poinctre du palais de monseigneur le Rm » cardinal de Liège », qui, en 1532, fut chargé d'un ouvrage relevant autant du métier que de I’art: peindre un crucifix sculpté appartenant au prieuré de Saint-Séverin en Condroz. (HELBIG, La peinture au pays de Liège, 1903, p. 147).

(120) Jean de Trêves, facteur de cloches, bourgeois d'Aix.la‑Chapelle, acquit le bon métier des fèvres de Liège, le 18 août 1534 (Echevins de Liège, obligations, reg. 21).

(121) 15,378 livres de matière avant la fonte.

(122) Comptes de la fabrique, année 1532-1533. Ces deux cloches furent brisées en mars 1795.

(123) Cathédrale. Saint‑Lambert, commissions, reg. 31 à 36.

(124) Cathédrale Saint-Lambert, reg. 32-35. C'est sans doute le fils plutôt que le père qui fut, le 27 mars 1744, nommé sculpteur et marbrier de la cour princière. (Bulletin de lu Société des Bibliophiles Liégeois, t. IV, p.272). Les agents attachés au service des constructions de la cathédrale remplissaient souvent les mêmes fonctions à la cour du prince-évêque.

(125) Cathédrale, protocole des directeurs, 1750-1753, fol. 55 v°.

(126) Cathédrale Saint-Lambert, protocole des directeurs, 1788-1792, fol. 90 v°.

(127) Comptes de la fabrique, année 1789‑1790.

 

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