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Cathédrale Saint Lambert à Liège

Chapiteau et bases de l'ancienne cathédrale St-Lambert

par C BOURGAULT, 1964

Sur la place Saint-Lambert, on le sait, se sont élevées successivement et l'une sur l'autre, trois cathédrales: la première, de saint Monulphe à la fin du VIe siècle, agrandie par saint Hubert un peu plus d'un siècle après; la seconde, de Notger, élevée dans les dernières années du Xe siècle, vers 988, et consacrée par Baldéric II en 1015; cette dernière brûla dans la nuit du 26 avril 1185 et fut remplacée par la troisième, dont la construction fut commencée sous l'épiscopat de Raoul de Zaeringen (1168-1190) et qui fut détruite à la fin du XVIIIe siècle.

Les épaves de ces trois temples sont aujourd'hui d'une excessive rareté, surtout au point de vue architectural.

L'institut archéologique liégeois possède heureusement un certain nombre de fragments propres à jeter la lumière sur diverses parties de ces églises, notamment de la dernière, qui renfermait en quelque sorte une histoire complète de l'architecture liégeoise et dont la perte est à jamais regrettable.

Des deux premières cathédrales, il reste trois infimes morceaux: un chapiteau (fig. 1) et deux bases identiques, dont une est reproduite par la fig. 2. Le chapiteau à allure raide, fruste, se compose d'une feuille centrale divisée en trois parties; à droite et à gauche de cette feuille, s'en trouvent deux autres, formant volutes à leurs extrémités et portant l'abaque; contre ces deux dernières, deux plus petites, plates. La même  disposition se répète sur les quatre faces. Ce chapiteau paraît dater du commencement du roman, soit du VIle, VIlle ou IXe siècle, et pourrait appartenir à la restauration de l'église de saint Monulphe par saint Hubert.

Pendant les fouilles de 1907, sous le choeur occidental de la Cathédrale, à l'endroit présumé du martyre de saint Lambert, on retrouva une crypte à trois nefs et à trois travées, qui fut attribuée à Notger.

Deux des bases des colonnettes de cette crypte étaient encore en place (fig. 2) (Le fût, figuré dans le dessin, avait disparu.), posées gauchement sur deux socles - n'ayant jamais été faits pour cet usage - à allure plus ancienne et dont les profils, en a et b (fig. 2), sont romains. Ces deux bases notgériennes étaient accolées à la muraille. Elles se composent d'une base de colonne engagée dans une base de pilastre, faisant corps avec elle, de manière à ce que le fût de la colonne touchât le pilastre.

Leur profil est d'une grande finesse, bien découpé pour que tous les membres en soient visibles pour un spectateur debout. Les deux petites réserves en c ont été laissées, afin que l'enduit qui devait recouvrir les murs autour de ces bases ne vînt pas détruire la netteté du profil. Les griffes qui ornent et consolident en même temps les angles sont d'un beau galbe, nerveux et bien autrement traitées, par exemple, que celles de la colonnette ornant la fenêtre haute à la tour de Saint-Denis (fig. 3). La base de la colonne portant les voûtes de la chapelle sous la tour, dans cette dernière église, n'a pas de griffes.

Ces quatre bases, caractéristiques de l'époque romane liégeoise, ont, dans leur profil, tous les membres de la base ionique romaine, mais ils y ont leurs proportions, leurs rapports entre eux, corrompus, dénaturés. On remarquera de plus que le fût de la colonnette de Saint-Denis repose sur la base sans le listel et le congé intermédiaires qui se rencontrent toujours dans les colonnes romaines, tenant au fût. Le listel, réduit presque à sa plus simple expression, existe encore dans les bases de Saint-Lambert, mais tient à la base et non au fût. Cette disposition est bien plus logique que la disposition romaine car, pour réserver ces petites moulures à la partie inférieure du fût, il fallait enlever sur toute la surface de celui-ci, une couche de matière égaie à leur saillie, tandis qu'en faisant corps avec la base, elles ne sortent pas de l'épannelage nécessité par les moulures de cette dernière.

Les deux bases de Saint-Lambert, comme celles de Saint-Denis, datent de la même époque, de la fin du Xe siècle.

Outre ces morceaux les plus anciens, et certainement des plus précieux, il en reste d'autres, d'époques postérieures, de la cathédrale de Raoul de Zaringen ou de ses transformations, qui feront l'objet de prochaines notices.


C. BOURGAULT

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