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Cathédrale Saint Lambert à Liège

Trois bas-reliefs de la Cathédrale Saint Lambert
à Notre Dame des Récollet à Verviers

par Richard FORGEUR

Descente de Croix
par Cornélis, élève de Hontoire

Sainte Famille
1682, par Verbure, élève de Hontoire

Purgatoire
par Arnorld du Hontoire

En 1810, l'église Notre-Dame à Verviers fut dévastée par un incendie qui détruisit la majeure partie du mobilier. Quoique paroissiale, l'ancienne église des récollets était aussi le centre d'un pèlerinage à Notre-Dame, ce qui lui valait des ressources importantes avec lesquelles on put immédiatement réparer et remeubler l'église.

A cette époque subsistaient encore de nombreuses églises ou chapelles de corporations religieuses supprimées en 1796 et 1797 par l'autorité française, telles que des collégiales, des abbatiales ou de modestes chapelles de couvent. Beaucoup de celles-ci conservaient encore du mobilier liturgique que l'Etat n'était pas parvenu à vendre quoique les paroisses, et particulièrement celles de la région de Verviers, en aient acheté beaucoup.

Les autorités qui firent restaurer l'église Notre-Dame, loin de faire sculpter de nouveaux meubles pour leur église, préférèrent - soit par goût soit par économie - profiter des occasions qui s'offraient et acheter des meubles provenant d'églises détruites ou désaffectées.

C'est ainsi qu'elles acquirent, entre autres, le maître-autel de Saint­Nicolas-au-Trez, à Liège (située alors à l'angle des rues du Vertbois et des Prémontrés), des lambris, stalles, portes, confessionnaux, etc., de l'église abbatiale, en ce temps désaffectée, du Val-Dieu. Tout cela est bien connu (1).

La même année 1810, elles achetèrent à l'architecte Arnold Douha, trois bas-reliefs de marbre blanc, datant du XVIIe siècle. Peu après, ceux-ci furent placés probablement à leur emplacement actuel à savoir, deux, au dessus des portes qui encadrent l'autel de la statue miraculeuse, à la galerie de la chapelle, et un, dans l'église proprement dite.

Renier qui relate ces faits dans son précieux livre consacré à l'église qui retient notre attention, affirme (2) que les trois reliefs avaient servi de base à l'autel de l'abbaye du Val-Notre-Dame à Antheit, - disposition inadmissible d'ailleurs, vu la hauteur des reliefs, - mais le 24 août 1906 il déclara à son ami Gustave Ruhl qu'il s'était trompé et que les reliefs provenaient en réalité de Notre-Dame-aux-fonts, petite paroissiale blottie contre le flanc sud de l'ancienne cathédrale Saint-Lambert (3).

Je suis convaincu que cette fois encore, Renier commit une erreur mais très légère et que ces oeuvres d'art proviennent, non de Notre-Dame-aux­fonts mais bien de la cathédrale elle-même.

Quand je dis « proviennent » je veux dire qu'elles ont été faites pour la cathédrale et qu'elles s'y trouvaient jusqu'à la démolition de celle-ci en 1795. Par contre, je ne veux pas nier une éventualité; il est possible que, lors de la destruction de Saint-Lambert, l'acheteur des reliefs ait eu la possibilité de les entreposer provisoirement à Notre-Dame-aux-fonts ce qui justifierait l'affirmation de Renier.

A mes yeux, il est hors de doute que les reliefs décoraient la cathédrale parce que le chanoine Henri Hamal, maître de chapelle de cette église, mort âgé en 1820, les y a vus et les cite dans son inappréciable description des oeuvres d'art qui ornaient les églises de Liège à la fin de l'Ancien Régime (4).

Je sais que les attributions à tel ou tel artiste, faites par Hamal, sont parfois douteuses sinon erronées mais la localisation de celles-ci est toujours juste. Du reste, comment se serait-il trompé à ce sujet, en décrivant les autels de la cathédrale où il s'est rendu des centaines de fois pour remplir ses occupations professionnelles et peut-être, pour dire la messe sur certains de ces autels? Comment confondrait-il avec Notre-Dame-aux-fonts, qu'il a décrite et qu'il a pu visiter cent fois?

L'épitaphier de Ghysels (5) confirme d'ailleurs les affirmations de Hamal comme nous le verrons à propos du relief représentant la Sainte Famille. Est-il besoin d'ajouter que Hamal ne cite aucun autre relief que l'on puisse confondre avec ceux-ci, ni dans son inventaire des oeuvres d'art de Liège ni dans les listes d'oeuvres d'art qu'il attribue aux artistes liégeois dont il a écrit de très courtes biographies (6).

Les trois bas-reliefs sont l'oeuvre d'un maître, Hontoire, et de ses deux disciples, van der Werck et Verbure.


1. PURGATOIRE

Hamal nous dit (7): « L'autel en marbre de Saint-Remi, près de la sacristie des bénéficiers (8) est orné d'un très beau bas-relief en marbre blanc représentant le Purgatoire de maître Arnold Hontoire » (9). Hontoire était depuis 1689 le sculpteur du chapitre cathédral (10). Il travailla surtout pour cette église, la famille Surlet (11) et l'abbaye des bénédictines sur Avroy. On conserve très peu d'oeuvres de lui et de ses deux élèves.

Le relief est actuellement au-dessus d'une des portes de la chapelle.


2. DESCENTE DE CROIX

Dans la 5e chapelle nord, en allant vers le choeur, on voyait « un autel en marbre de Saint-Remi, orné d'un beau bas-relief en marbre blanc représentant une Descente de Croix de Cornélis, élève d'Arnold Hontoire. L'architecture et la porte de cuivre sont faits d'après les dessins d'Arnold Hontoire » (12)

Le cadre actuel, en marbre, semble dater du XVIIe et pourrait être un fragment de l'architecture de Hontoire. Le relief est actuellement placé au-dessus d'une des portes de la chapelle. On le voit aussi mal que le Purgatoire.


3. SAINTE FAMILLE

Placé aujourd'hui dans une architecture qui semble bien remonter au XVIIe siècle, consoles, colonnes, entablement, et pourrait être celle de Hontoire; le relief a été brisé.

Il ornait jadis la quatrième chapelle sud, en venant du fond; il correspondait donc à la Descente de croix. « Dans la quatrième chapelle, (vers Notre­Dame-aux-fonts) l'autel est de marbre de Saint-Remi avec un bas-relief en marbre blanc représentant une Sainte-Famille, exécuté en 1682, par Verbure, élève de Hontoire. L'architecture est d'Arnold Hontoire de même que la porte de cuivre» (13).

Cette affirmation est confirmée par l'épitaphier dressé du temps de Hamal par l'écolâtre de la cathédrale, de Ghysels qui cite le texte de la dédicace de cet autel « dans la troisième chapelle sud » (en venant de l'est); le relief avait été offert en 1682 par Arnold Philippe de Sélys qui l'avait dédié à la Sainte Famille (14).

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Les retables en marbre sculpté étaient-ils fréquents dans l'ancienne principauté? Certes, non, c'était une rareté; tous les autres retables du XVIIe siècle sont des peintures sur toile mais à Rome cet usage était fréquent (15) et c'est évidemment à Rome que les artistes liégeois, en l'occurrence Hontoire et ses élèves, sont allés chercher ces idées.

A la même époque, Jean Del Cour, sculptait deux autels pour la collégiale St-Pierre dont les retables de marbre blanc décorent la cathédrale actuelle et un Martyre de saint Lambert pour le vieux choeur de St-Lambert.

Au point de vue esthétique on louera les drapés, la souplesse des tissus mais on devra déplorer des erreurs d'anatomie, des gestes raides et une composition banale.

L'attribution à ces trois sculpteurs devra être revue par ceux qui étudieront l'ensemble de leur oeuvre, quasi inconnue, et feront une refonte du Helbig.

Le petit nombre de reliefs du XVIIe conservés dans la région mosane et d'oeuvres attribuées à ces trois sculpteurs rendra difficile, malheureusement, l'étude de celles-ci.

C'est pourquoi je crois utile de verser au dossier trois documents jusqu'ici fort peu connus.

Note du Webmestre

Ne pas manquer la Vierge Noire miraculeuse du frère chartreux Arnold Henrart, touchante sous un merveilleux éclairage "Fellinien".

Miracle:

« L'image de la très-sainte Vierge et de son Fils, sont deux statues de pierre de sable sculturées l'une à l'autre, placées dans une niche au frontispice de l'église sur la porte d'entrée.

Ces deux statues estoient scavoir:

L'image du petit Jésus éloignée de sa mère de plus d'un pied, de posture droite, tenant veue sur la porte d'entrée en la cour; la main droite levée et deux doigts d'icelle aussi levés comme en forme de donner la bénédiction aux passants et la main gauche estoit sur la poitrine tenant en icelle une boule bleuse pour signifier le monde, avec une, croix au‑dessus.

L'image de la Vierge estoit de mine belle et fière tenant veue de même que Jésus et en sa main gauche un sceptre orange, éloigné de son corps en bonne distance. La main droite estoit cachée derrière la posture de l'enfant; en sorte que les deux mains de la mère et l'enfant estoient séparées l'une de l'autre de deux pieds et demy.

Mais le tremblement de terre arrivant le 18 septembre de l'an 1692, les deux dittes postures firent des mouvements si prodigieux que, sans aucune fraction, les deux mains, scavoir la droite de l'enfant et la gauche de la mère, se joinnirent l'une à l'autre si fortement que les mains de Jésus estoient toutes cachées dans celles de sa mère, ne ressemblant qu'à une masse de pierre; on ne voyet que des petits déligneaments qui marquaient la forme des doigts de Notre‑Dame.

Leurs faces estoient fixées l'une à l'autre ne regardant plus sur la porte comme devant et restèrent en cet estat l'espace de 28 jours, après quoi on apperceu par un second miracle, les doigts de la main de la Vierge s'ouvrir et eslargir si bien que la main de Jésus sortit de celle de sa mère, eux ne se regardant plus si fortement que du passé.» Ms Berg

Davantage: Historique du couvent, du collège, et de l'l'église des pères Récollets à Verviers, aujourd'hui Paroiss de Notre Dame. JS Renier

Robert Arnold Henrart (ou Frère Arnold Henrard)(1617-1676) fut élève de François Duquesnoy et de Pierre Legros à Rome.

Maître sculpteur de Jean Delcourt, il a également réalisé pour la Cathédrale Notre Dame et Saint Lambert de Liège

- un autel avec un bas relief en marbre blanc représentant le martyre de Saint Lambert dans le vieux choeur.
- une vierge en pied portant l'enfant Jésus sur le bras derrière l'autel.

Cette église ouverte, encore très fréquentée, vaut véritablement le détour.

Vierge Noire de Arnold Henrard
sur l'ancienne façade comprise dans le sanctuaire.
Le sanctuaire
Copie de la Vierge
dans la pose d'AVANT le miracle

Le choeur de Notre Dame des Récollets de Verviers

Le maître autel provient de Saint-Nicolas-au-Trez à Liège
A gauche, Vierge polychrome de Delcourt


1. Jean-Simon RENIER, Histoire du couvent, du collège et de l'église des Pères Récollets à Verviers, aujourd'hui paroissiale de Notre-Dame, Verviers, 1884 - Art religieux de la région de Verviers; Catalogue de l'exposition de 1968, P. 13-15, Verviers, 1968, in-8° carré.

2. Op. cit., à la note 1, p. 54.

3. Manuscrit Ruhl. Inventaire des oeuvres d'art du canton de Verviers, p. 16-38, particulièrement p. 31; déposé à la bibliothèque de la Société d'Art et d'Histoire du diocèse de Liège.

4. Publié par René LESUISSE dans le Bulletin Société des Bibliophiles liégeois, t. 19 (1956) p. 181-277, sous le titre Memento inédit.

5. Publié par Léon NAVEAU, ibidem, t. 10, fasc. 1 (1912), p. 71; ce texte daté 1682 indique clairement que l'autel de cette chapelle avait été offert par Arnold Philippe de Sélys, chanoine de la cathédrale et dédié à la sainte Famille.

6. Publiées par J. PHILIPPE, Sculpteurs et ornemanistes de l'ancien pays de Liège, p. 41-55, Liège, 1958, in-8°.

7. Memento... p. 216.; Biographies, édition J. PHILIPPE, p. 42.

8. Située entre le palais et le croisillon nord du transept est.

9. Voir Jules HELBIG (qui reprend Hamal), La sculpture et les arts plastiques au pays de Liège, p. 183, Bruges 1890, et jean YERNAUX, Les de Hontoire, artistes namurois à Liège, au XVIIe siècle dans Études historiques et archéologiques dédiées à Ferdinand Courtoy, p. 723-733, Namur, 1952. Hontoire naquit vers 1650 et mourut en 1709. L. ABRY, Revue de Liège en 1700, BIAL, 8 (1866) 298, cite aussi ce relief.

10. R. LESUISSE, Memento... p. 208, note 1.

11. Ne faut-il pas lui attribuer le cadre du reliquaire de la Sainte-Croix exécuté en argent par Mivion, étant donné que la famille Surlet s'adressait continuellement et uniquement à lui pour les travaux de sculpture?

Sur le cadre voir Pierre COLMAN, L'orfèvrerie religieuse liégeoise, t. 1, p. 68, Liège, 1966, in-4°.

12. Memento... p. 217; Biographies citées, p. 43. J. HELBIG, op. cit. p. 184. - Cornelis van der Werck serait né en 1665 et mort en 1742. Le conservateur des archives de la ville de Malines m'a fait savoir qu'il ne trouvait pas trace du baptême de l'artiste dans les registres de la ville. On lui attribue le maître-autel de Saint-Barthélemy, la statue de Saint-Denis dans l'église lui dédiée, un Saint-Lambert à Saint-Jacques, etc. Un dessin à la plume, mesurant 30,5 X 19 cm, conservé de nos jours au musée de l'Art wallon, provient de l'ancienne collection Hamal qui, au revers, a écrit « provient de la cathédrale, par van der Winck ». On sait que Hamal appelait ainsi van der Werck. Serait-ce un projet pour le retable qui nous occupe? (figure 3). Il est cité par J.-S. RENIER, Catalogue des dessins d'artistes liégeois, p. 37, Verviers, 1873, in-8°.

13. Memento... p. 208 ; Biographies p. 44; - J. HELBIG, op. Cit., p. 185 - Né vers 1654, il mourut en 1720. On lui attribue la statue de Notre-Dame, en marbre, à St-Denis, les chaires de St-Nicolas à Liège et du béguinage de Tongres.

14. Voir note 5.

15. Par exemple à Sainte-Agnès, Piazza Navona. Saint-Ignace, etc.

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