J'ai l’honneur d'appeler l’attention de l'Institut Archéologique sur Chèvremont, cette antique ville qui a, depuis plus de huit siècles, une si triste renommée.
Chèvremont est à deux lieues de Liège. Vu de la rive gauche de la Vesdre, c'est un rocher conique, sur les flancs duquel serpente un sentier rapide, bordé, à certaines distances, de stations rustiques dont le seuil a été poli par les genoux des pèlerins. Au sommet, se trouve une modeste chapelle que cache un massif de tilleuls séculaires. Là, trône une petite Vierge noire, tenant l’Enfant Jésus sur le bras droit. Elle jouit dans toute la contrée d'une très grande célébrité. A la moindre affliction, on accourt implorer son assistance.
Sur le plateau de ce rocher, qui domine une grande étendue de pays, étaient jadis groupés, autour d'un palais, des maisons, des églises, des monastères: le tout était enceint de hautes et fortes murailles, crénelées et munies de tours.
Le palais, les casernes, les cloîtres, ce qui implique garnison, clergé nombreux, population industrieuse, personnages éminents, durent faire de Chèvremont une localité importante avant le Xe siècle. A cette époque, en effet, Chèvremont était une bonne ville (1), et il en était peu comptant dans leur sein autant d'établissements (2).
Il y a beaucoup à dire sur le passé de Chèvremont. Nous n'en toucherons ici que les points les plus intéressants. Nous laisserons ainsi aux investigateurs studieux, aimant un sujet aussi curieux que neuf, le mérite d'en écrire l’histoire.
S'il faut en croire les vieilles traditions écrites, l'époque de la fondation de Chèvremont et le nom de son fondateur ne seraient pas inconnus. Il aurait été bâti par Cédros, que César, après la soumission de nos contrées, avait nommé duc dans la Tongrie (3).
Mais voici des souvenirs moins équivoques et non moins glorieux.
Vers l'an 665, Chèvremont est habité par Ansegise, maire du palais d'Austrasie, et par Ste Begge, sa digne femme. Ils rebâtissent entièrement le palais ainsi que les hautes murailles qui le protégeaient (4). Ils ne négligent rien pour embellir et fortifier leur résidence (5).
En 741, Carloman et Pépin y renferment étroitement Griffon, leur frère consanguin, qui, excité par sa mère, voulait leur contester l'héritage de Charles Martel (6).
L'empereur Lothaire et Lothaire, roi de Lorraine, y tiennent leur cour, l'un en 855, l’autre en 862 (7).
Chèvremont a été de tout temps célèbre dans les annales religieuses du vieux pays wallon.
La tradition y place un temple où Ton vénérait la déesse l'Espérance (8).
Les premiers missionnaires qui s'aventurèrent chez nous, s'empressèrent d'y créer des collèges de prêtres pour combattre les opiniâtres erreurs des druides. Vers l'an 276, deux communautés chrétiennes, de dix prêtres chacune, sont établies dans l'enceinte murale par St Martin, ce courageux apôtre qui affronta le martyre en Hesbaye (9). L'an 550 environ, un oratoire est fondé hors des murailles par Domitian, évêque de Tongres (10).
Depuis cette époque, la prospérité de Chêvremont ne fit que s'accroître. Ce qui l'atteste, c'est l'état florissant de ses établissements religieux vers l’an 970.
En cette année, on y comptait une riche abbaye, deux monastères et une chapelle. L'abbaye, dite de Notre-Dame, était habitée par trente moines et douze frères lais (11). Le monastère de St-Jean l’Évangéliste, dans le voisinage de la grosse tour du sud, avait un collège de trente moines (12). Non loin de ce monastère, se trouvait un oratoire placé sous l’invocation de St-Denis, et où vivaient douze reclus (13). Presqu'au pied du mont, hors des murailles, s'élevait la chapelle de St-Cosme et Damien (14).
Tous ces moutiers possédaient de beaux revenus; leur mobilier était très riche. Lors des solennités religieuses, douze grosses cloches appelaient à Chèvremont les pieux habitants des vallées voisines: deux d'entre elles étaient renommées par la qualité de leur son: on les appelait Daredare et Primette.
Le monastère de Notre-Dame était réputé abbaye impériale et royale. Les rois et les empereurs y vinrent plus d'une fois prier dévotement la madone chrétienne. Grands et petits le comblaient à l'envi d'immunités et de présents. En 779, l’abbé Ermenard, craignant qu'on ne lui contestât les propriétés que lui avait léguées Pépin le Gros (15), se rendit à Herstal pour en demander à Charlemagne la ratification expresse. Le onze mai, par un diplôme du grand roi, il fut maintenu dans la possession des biens situés dans les pays de Hesbaye, de Campine, de Brabant, de Hainaut, de Namur et de Liège. D'autres diplômes des empereurs Louis le Débonnaire et Lothaire, du roi Zuentebold et des empereurs Louis IV et Othon I, confirmèrent ou augmentèrent les propriétés du monastère de Notre-Dame (16).
Chèvremont, auquel sa position prêtait déjà une défense naturelle, était devenu imprenable depuis les nouvelles fortifications d'Ansegise. Cette place défia constamment les plus braves comme les plus instruits des hommes de guerre (17).
En 880, lors de l’invasion des Normands, les habitants d'Alost, après avoir porté de ville en ville les reliques de Ste-Gudule, les mirent enfin en garde dans Chèvremont (18).
Dix ans après, en 890, les Normands reparaissent dans la contrée: Chèvremont redevient encore un asile pour les prêtres. Les moines de Stavelot viennent y cacher leurs reliques les plus précieuses (19).
Chèvremont fut souvent aussi le dernier refuge de la rébellion aux abois.
En 922, Charles-le-Simple, roi de France, vient asseoir sa tente au pied de ses murailles sans pouvoir le réduire; en 959, l’empereur Otton épuise en vain ses efforts pour s'en emparer; en 960, enfin, le régent de d’Allemagne, l'archevêque Brunon, voit également ses forces se briser devant cette forteresse, du haut de laquelle le brave un vassal puissant (20).
Nous venons de citer quelques faits qui font apparaître le nom de Chèvremont dans l'histoire générale de l'Allemagne et de la France; pour compléter ces notes, redisons ceux qui se rattachent plus particulièrement à notre pays.
Le domaine de Chèvremont était régi par un comte: celui-ci le relevait immédiatement du fisc impérial (21).
En 970, le comte de Chèvremont s'appelait Guidon: il descendait de la race des rois francs et comptait dans sa parenté plusieurs seigneurs belges (22). Il avait pour femme Idrelle, dame de haut lignage (23).
Guidon méconnaissait-il l'autorité suzeraine de l’Empereur? Il est probable que, comme tant d'autres feudataires, il prétendait à l'indépendance. Ce fut Notger, évêque de Liège, qui se chargea de le soumettre. Il y parvint par une ruse odieuse (24).
Voici comment, depuis huit siècles , l'on raconte ce dramatique événement.
Guidon, désirant de faire baptiser un fils qui venait de lui naître, pria Notger de vouloir présider à la cérémonie.
L'évéque promit d’aller ondoyer l’enfant à Chèvremont même, accompagné de son clergé (25).
A la grande surprise de la population de Chèvremont, ce fut le lendemain même du message, le 21 avril 972, de très grand matin, que l'on signala l'arrivée d'une longue procession de moines (26). Ceux-ci étaient vêtus de robes noires et avaient la tête couverte d'un ample capuce (27): ils psalmodiaient des prières (28). Guidon fit aussitôt ouvrir les portes de la forteresse (29), et les habitants se pressèrent au-devant du saint cortège (30). Quand Notger, qui fermait la procession, se trouva vis-à-vis du châtelain, il lui cria:
Je suis enfin dans ton château: rends-le moi, sinon l’on têtue...
Tu mens, car tu vas être pendu, répondit Guidon.
Ne résiste pas, répliqua Notger. Crois-tu donc que ces moines soient des prêtres? Ce sont des soldats...
Faux prêtre! dit Guidon en se mettant en défense.
Notger tire l'épée, et les moines, à ce signal, se dépouillant de leurs robes, paraissent le pot en tête et la hache au poing (31). Une horrible mêlée a lieu. Tous ceux qui résistent sont massacrés ou précipités, comme Guidon, du haut des remparts. Epouvantée par les clameurs et les cris des soldats, Idrelle se lève de son lit , prend son fils dans ses bras, se sauve de réduit en réduit, et finit par se jeter dans le puits du palais (32).
Le combat et le pillage ayant cessé (33), le palais, les édifices religieux furent démolis. Comme les moines de St-Jean l’Évangéliste s'opposaient à la destruction de leur monastère, Notger, pour les soumettre, fut obligé de prendre publiquement Dieu à témoin que son intention était de leur bâtir une église et des cloîtres à Liège (34).
Quoique tout fût en ruines, qu'il ne restât plus rien debout, l’évêque ne quitta Chèvremont que lorsqu'il en vit les décombres tout en flammes (35). Il rentra à Liège triomphant, avec de riches dépouilles. La plupart des ornements servant au culte, ainsi que les cloches (36), furent partagés entre les principaux monastères de Liège: il se réserva les reliques, qu'il plaça avec une grande solennité dans la cathédrale (37).
Le domaine de Chèvremont fut réuni au fisc impérial; mais ce fut pour être aussitôt démembré. Le premier août 972, et d'après les conseils de Notger, l'empereur Othon en donna quinze villages et hameaux (38) au chapitre de Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle, à charge de recevoir douze des moines du ci-devant monastère de Notre-Dame. Quelque temps après, à la demande de l'empereur, Notger transféra encore dix des moines de la ville détruite dans le chapitre d'Aix-la-Chapelle.
Notger, fidèle à son voeu, fit élever à Liège, en cette année 972, les belles collégiales (39) de St-Jean l'Évangéliste et de St-Denis, où il installa des religieux des monastères de St-Jean et de St-Denis de Chèvremont. Il fit présent à ces deux collégiales de vastes propriétés provenant du domaine confisqué; celle de St-Jean eut dans sa part le village d'Imbour.
La collégiale de St-Jean reçut en outre des richesses mobilières; « Et moult d'autres joïaux qu'il trouvât en Chèvremont il en aornat l'eglize Sainct Jan quant elle fut parfaite. » (Ckroniques de Liège.) De ces joyaux, il n'existe plus probablement à cette heure qu'un Evangéliaire en vélin: il est conservé à la Bibliothèque publique de Liège. Notger le fit recouvrir d'une superbe reliure incrustée d'ivoire délicatement travaillé: il y est représenté à genoux devant un Christ, dans une attitude qui annonce le grand pécheur. Montfaucon, qui décrit ce volume dans sa Bibliotheca Biblioth. Manuscript., t. I, p. 605, dit: «Il est fort à présumer que cet évêque a voulu être représenté dans cette posture humiliante, se repentant de la ruine des églises qu'il fit abattre en détruisant Chèvremont. »
La fin misérable de Chèvremont a constamment attiré sur lui les regards des historiens. Ne serait-il pas temps que les archéologues s'en occupassent à leur tour, et l’institut ne pourrait-il faire exécuter des fouilles sur l’emplacement de cette ancienne forteresse?
Plein de cette idée, je me suis rendu au lieu où elle s'élevait jadis, et j'ai été surpris de voir que le pied heurte des ruines à chaque pas. Le sommet de la montagne, assez étendu, a été couronné par une enceinte qui en suivait les contours: le périmètre, bien que détruit en plusieurs points, est encore facile à reconnaître. Au nord, on retrouve des vestiges des murailles et des tours; au sud-est, on peut apercevoir la trace des fortifications sur une longueur de plus de neuf cent cinquante pieds. Dans l’enceinte, les élévations du sol que l’on rencontre, ne sont que des débris recouverts de végétation. Au sud-ouest, l’oeil suit sans peine à fleur de terre les substructions parfaitement caractérisées de salles ou de maisons. Partout, les pierres ont été cimentées à chaux vive. Si l'on déblayait le puits qui se trouve derrière la chapelle, l’on y découvrirait peut-être soit les restes des guerriers qui y furent précipités en 972, soit des armes, des instruments, des médailles, etc. Tout indique, enfin, que l’on pourrait y effectuer, à peu de frais, des fouilles fructueuses.
En présence de ces détails, l'histoire et l’archéologie, nous nous osons le répéter, ne sont-elles pas intéressées à jeter quelque lumière sur cette célèbre résidence des princes carolingiens et des druides gaulois?
(1) In urbe quae dicitur Kievermont, écrit Witukind en 974 (Dans les Monumenta Germaînae historica, t. III, p. 44). Un siècle après, Anselme le nomme Oppidum (dans l’Ampliss. Collection t. IV, p. 862). Gilles d'Orval l'appelle de même Oppidum (dans les Gesta Pontif. Leod, t. I, p. 202). Munitionem quam dicunt Capraemontem, dit Flodoard, mort en 966. (Dans les Monum. Germ. hist., t. III, p. 405).
Olim arx insignis... Oppidum olim, selon Mireus, Diplom. Belgica, t. I. p. 254, 505. Castrum fuit munitissimum: civitatem aliquando fuisse referunt veteres, dit de Ryckel, en sa Vita Stae-Beggae (1631), p. 33. « Chèvremont, ancienne forteresse, » écrit Wastelain, Description de la Gaule Belgique, t. I, p 201, etc. Dans les vieux temps, quand une ville avait des murailles et des tours, on l'appelait forteresse, observe Schmidt, Histoire des Allemands, t. II, p. 430.
(2) On a une idée de ce que pouvait être cette ancienne ville en visitant celle de Limbour, qui est dans une situation semblable. Voyez-en la description dans Ernst, Histoire du Limbourg, t. I. p. 32, etc.
(3) Anno 530 post transmigrationem Babylonis, fûndavit Sedroa filius Tungri rex Tongror. Chivremont, tempore Julij Cesaris. (Chronicon Leodiense sec. XV, Msc.) A celte heure, notre histoire mythique n'a pas encore été l'objet d'un travail scientifique un peu sérieux. La chronique du clerc Lucius , qui vivait vers 1070, paraît avoir été le dépôt de toutes les traditions nationales qui roulaient , avant le dixième siècle, sur notre pays. Cette chronique, croit-on, est perdue. Heureusement, elle a été largement mise à contribution par les annalistes postérieurs.
(4) Locus regiae sedis tune forte habebatur Capraemons, jam ab aniecedentibus regibus muris castelli circumdatus, sed ab ipso generoso duce (Ansegiso) ac conjuge illius facundissimâ Beggâ palatiis aulicis constructus, seris et portis munitus, solenmiter decoratus atque perfectus, dit un hagiographe du IXe siècle dans sa Vita Stae-Beggoe (Louvain, 1631), p. 4.
L'enfant unique d'Ansegise et de Begge, Pépin de Herstal, passa certainement bien des années de son jeune âge dans le palais de Chèvremont. Il se plut dans la suite à enrichir le monastère de Notre-Dame qui se trouvait dans cette ville. Voir la Diplom. Belgica , t. I, p. 496.
(5) Durant tout le siècle qui suivit cette reconstruction, Chèvremont ne fut plus connu que sous le nom du Neuf-Château, Novum Castellum: on l'appelait vulgairement le Neuf-Château du pays de Liège. Au Xe siècle, l'ancien nom du Chèvremont prévalut.
On ignore l'étymologie de Chèvremon, en wallon Chievrimont. Dans les anciens documents, il est nommé Kivermunt, Caproemons, Caprimons, Caput Mundi, etc.
(6) In Novo Castello, guod juxta Arduennam situm esst, dit une chronique insérée dans les Monum. Germaniae hist., t. I, p. 134.
(7) L'empereur Lothaire y signa, actum Novo Castello, un diplôme par lequel il gratifie son fidèle vassal Ebruin d'un domaine situé dans la Hesbaye; le roi Lothaire y signa, actum Novo Castro in Pago Leodiensi, un diplôme où il confirme les privilèges et les revenus du monastère de Stavelot. Voir l’Ampliss. Colleclio, t. I, p. 138, et t. II , p. 27.
(8) En 1540, on y voyait encore une image de l'Espérance, Simulacrum Spei, encastrée dans un restant de mur d'un temple de construction romaine, in templo vetustissimo olim à Romanis condito, dit le docte Hubert Thomas, dans son De Tungris Commentarius , p. 80.
Les pèlerinages ont presque toujours une origine dont ou peut suivre la trace jusqu'au sein du paganisme. Qui sait si les moines de Chèvremont ne se sont pas faits les héritiers de la renommée religieuse de l’Espérance, qui attirait sur le rocher les fidèles des contrées voisines? Pourquoi, ici comme ailleurs, en effet, cette Espérance des anciens, drapée dans de longs vêtements, tenant de la main droite un lys ou une petite Victoire, n'aurait-elle pas été remplacée par la Vierge secourable des Chrétiens? Les âmes que la foi remplit s'inquiètent peu de l'origine profane d'un marbre, dès qu'il a été purifié parles cérémonies de leur croyance.
(9) Anno 276, Martinus episcopua Tungrensis addidit eccle bto Marie in Chivremont X canonicos, et in ecclesiam Sctj Jois ibidem x canonicos. (Chronicon Leod. sec. XV.)
Ainsi, des missionnaires vinrent y prêcher la parole évangélique dès la fin du IIIe siècle. Le fait d'un oratoire élevé dans un canton (il est utile de le faire remarquer), n'annonce point que tous les habitants de ce canton soient devenu dès lors chrétiens: loin de là même, car souvent cette érection renforçait, en les contrariant, les vieilles opinions religieuses. Au VIIIe siècle, le polythéisme marchait côte à côte avec le christianisme. Il y avait encore des païens chez nous à la fin du IXe siècle. Les légendaires modernes oublient trop que les peuples ne renient pas tout d'un coup les enseignements de leurs pères.
(10) « L'evesque Domycian fonda au pied de cest montaigne une chapelle de S. Cosme et de S. Damyan... » (Chroniques de Liège.)
Quelques années après, vers 559, l'évêque Monulphe ou Monhou acquit à Chèvremont divers biens pour son église de Tongres, émit ad usum Tungrensis Eccle a duce Ardene, pour la somme de mille livres de groz, et « lettres en furent selée en présence du roy des Frans à Metz. » (Chroniques de Liège.)
(11) « Il y avoit ung englieze de Nostre Dame et y avoit xxx canoyne et xij preistres. » (Chroniques de Liège.) Gilles d'Orval (Dans les Gesta Pontif. Leod., t. I, p. 202) semble dire qu'il n'y avait dans ce monastère que douze prêtres; duodecim praesbiteri erant deputati. Ce qui a trompé évidemment cet annaliste, c'est que l'empereur Otton n'incorpora, en 972 , que douze chanoines de Notre-Dame dans le chapitre d'Aix-la-Chapelle; il oubliait que Notger en transféra de son côté dix autres de ce même monastère dans le même chapitre. On connaît deux abbés de ce monastère: en 779, Ermenhardus ou Einhardus; et en 844, Lotharius.
(12) « Il y avoit ung autre englieze plus basse assez près del grosse thour en nom de S. Jehan Evangelist, et y avoit XXX canoynes. » (Chroniques de Liège.) Secunda (ecclesia) in honore beati Joannis apostoli et evangelista... Gilles d'Orval, ibid., p. 202.
(13) Eratque ibi oratorium beati martyris Dionysii. Gilles d'Orval, ibid., p. 202. « Encor y avoit ung oratoire excellent en l'honneur M. St Denys, et y avoit xij prostrés servant Dieu bien arrenteis. » (Chroniques de Liège.) C'est ici le lieu de relever une inadvertance de Fisen (Historia Eccl. Leodiensis, t. I, p. 151). Cet oratoire de St-Denis, il le place sous le patronage de St-Caprais, et il en transfère les moines, après la ruine de Chèvremont, au monastère de St-Paul à Liège: ce qui le conduit à faire des réflexions sur l'anniversaire que l'on y célèbre le jour de St-Caprais, etc. Les moines de St-Caprais qui furent incorporés dans le chapitre de St-Paul, habitaient un cloître qui avait été fondé à Liège vers l'an 840: il n'y a pas eu de cloître de ce nom à Chèvremont.
(14) Et alia ecclesia erat in pede montis praetacti sita, ad honorem sanctorum Cosmoe et Damiani. Gilles d'Orval, ibid., p. 202. « A piedz de la montaigne, par dehors la porte du dit chesteau, y avoit une belle chappelle de St-Cosme et St-Damyan. » (Chroniques de Liège.)
(15) Eo quod inclite memorie proavus noster Pippinus quondam Major Domus ecclesie sancte Marie Novo Castello constructe diversis rebus pro mercedis augmento dedisse, etc. Dans une note de sa Diplomatica Belgica, t. I, p. 496, Mireus remarque que cette église Novo Castello constructe est celle de Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle: il oublie que la chapelle d'Aix n'a été fondée par Charlemagne que vers 790, qu'elle ne pouvait par conséquent être privilégiée en 779, et encore moins être comblée de dons par Pépin de Herstal avant l'an 700. Dans son Histoire du Limbourg, t. I, p. 334, Ernst a démontré combien cette erreur était manifeste. En effet, les mêmes domaines sont concédés et confirmé tantôt à l'abbaye de Chèvremont, tantôt à celle de Neufchâteau.
(16) Ces diplômes ont été donnés le 17 septembre 844, le 11 juillet 897, le 8 octobre 902, le 9 novembre 910, et le 18 avril 947. Voir Mireus, Diplom. Belgica, t. I, p 337. 253, 504, etc.
(17) Au Xe siècle, Luitprand écrivait: Cupremons, ingeniis non solum hominum, verum natura ipsa munitum. (Dans les Monum. Germaniae hist., t. III, p. 236). Un siècle après, Anselme, après avoir aussi vanté les avantages naturels de la position, disait: Erat quippè acccssu tam difficile, tantaque murorum munitione firmatum, ut ad nullos prorsus pavere posset assultus, nullius obsidionis timeret incursus. (Dans les Gesta Pontif. Leod., t. I, p. 201). « Chèvremont pour lors estoit le plus fort chesteau du pays, et estoit sur une montaigne fort grande » (Chroniques de Liage.)
(18) Pisen, Historia Ecclesia Lcodiensis, t. I, p. 117.
(19) Fisen, Hist. Eccl. Leod., t. I, p. 120.
(20) Villenfagne, Mélanges sur l’Histoire de Liège, t. I, p. 181, etc.
(21) Lotharii Regni villa regia Capraemons, dit Mabillon, De Re Diplomatica, p. 257; Caprraemons villa olim regia, dit Valois, Notitia Galliarum, p. 123 etc.
(22) Erat autem in saeculo dives et praepotens, et nobilissima Francorum cretus propagine. Anselme, dans les Gesta Pontif. Leod., t. I, p. 201. Le châtelain est nommé dans des chroniques Ildris ou Ydriel; sa femme Isabiel, Isabelle, Isabeau; dans d'autres, celui-là est appelé Ghuys ou Guidon, et celle-ci Iderelle on Idrelle. Dans son Historia Episc. Leod., t. I, p. 198, Foullon note préférablement la version qui porte Guidon et Idrelle.
(23) Nobilissima contux, dit Anselme, ibid., p. 201. « Notgere estoit son cousin, » selon Mohy, en son Cabinet historial, p. 44.
(24) Notger, évêque de Liège, était fils du duc de Souabe; il était neveu de Louis d'Outremer et de l'empereur Otton I, et cousin-germain d'Otton II, père d'Otton III. En 968, il avait été admis dans le chapitre de St-Lambert de Liège, et l’on s'était empressé de le revêtir de la dignité d'archidiacre de Campine, puis, en 970, de celle d'évêque.
Ce prince a été jugé sévèrement depuis la renaissance de la critique. Des annalistes modernes lui ont encore complaisamment conservé dans l'histoire la réputation heureuse que lui ont faite les moines reconnaissants, qui ont été jusqu'à dire au clergé liégeois: Notgerum Christo, Notgero coetera debes. (Dans les Gesta Pontif. Leod., t I, p 205.)
(25) Episcopus diem constituit. quo cum multa religiosi cleri conciono oegram visitaret, et solenni admodum fastu, puorulum baptizaret. Anselme, ibid, p. 201.
Avant la construction de l’église paroissiale de St-Adalbert, en 999, il n'y avait pour Liège, et en quelque sorte pour tout le diocèse, qu'un seul baptistère, celui de la cathédrale. On ne donnait alors le sacrement de baptême qu'aux grandes solennités religieuses, comme à Pâques et à la Pentecôte. Par faveur, ou par déférence pour de hauts personnages, l'évêque administrait le baptême en toute saison.
(26) Comme on l'a écrit, Notger et ses moines ne montèrent pas à la ville par le calvaire actuel: ce devait être alors, comme à la fin du siècle dernier, un étroit sentier où deux personnes auraient eu peine à marcher de front. Arrivés à Vaux, ils prirent la voie qui conduit sur le plateau même de Chèvremont. Cette voie est large et accessible aux voitures.
(27) Loricis et gladiis milites jubet armari, et habitu clericali desuper indui, galeas occulté sub cappis clericalibus portari, etc. Anselme, ibid., p. 201. « Nogier fist armer secrètement tous ses chevalir et pour les armures couvrir par dessus les fist vestir de blancs robes et de long cape » « Et sur leurs armes avoyent affubleit des noirs robbes et cappes dessus, sy que che tous sembloyent bons preistres et canoynes » (Chroniques de Liège.)
(28) Clericorum supplicantium instar. Foullon, Hist. Episc. Leod., t. I, p. 198.
(29) Occurit statim miles cum omni populo suo, Episcopus dévote suscipitur, et cum suo comitutu castrum illud iniroducitur. Anselme, ibid., p. 201.
(30) Clero illo proecedente, subsequens episcopus, egreditur ab urbe, et canonico more incedentes, cum jàm castro propinquarent, nunciatur episcopus illuc venire, totius fere cleri sui stipatus agmine. Anselme, ibid., p. 201. « Ces preistres et canoynes vinrent à chesteau dois à dois et entreis y sont, et Ghydon venant al encontre deaus aperchut tantoest qu’ils estoient armeis desoubt les cappes; si fust tôt esbahis. Et l'evesque si veyant qu'ils estoyent aperchus fist clore les portes et dist...» (Chroniques de Liège.)
(31) « Adonc sault l'evesque avant et traict l'espee, escriant à ses barons; « Oschiez tos cheaux du chesteau, vies et jovènes!... » (Chroniques de Liège.) Le texte d'Anselme est curieux: Sed ut compendiose loquar, priusquam résiderent, mutato repente fortunae casu, ad edictum praesulis abjicitur habitus clericalis, mutatur in militem clerus ille mirabilis, parent in loricis, qui tetris prius latebant sub cappis, muniuntur capita galeis, etc.
(32) « Et quant la dame ce cogneu ... elle sailhiet en ung puis... » « Elle soy rua en ung parfont puis » « Elle saillit dedens un puche, et là elle fust noyée. » (Chroniques de Liège.)
(33) « Sy mirent tout en pièces et pillèrent le chesteau qui estoit remply du grand avoir » « Et fust le chesteau tout pillié qui estoit plein de grand trésors et d'avoir, dont tous les chevaliers furent tous riche... » (Chroniques de Liège.)
(34) Nec potuit deleri; donec beatus episcopus voto obtinuit, quod aliam ei in sua civitate aedificaret, in qua clericos Deo canonice servientes constitueret. Gilles d'Orval, dans les Gesta Pontif. Leod., t. I, p. 202. « Or, quand se vin à abattre l'église S. Jan nul ne le volut laisser abattre; se ne sçavait que penser l'evesque; mais par le conseil de maistre Eustace de Chamont, il vouât à Dieu de faire une plus belle eglize à Liège au nom de S. Jan et l'arrenteroit: si cheut l'eglize toute seule. » (Chroniques de Liège.)
(35) Post ipsius oppidi excidium... Post oppidi excidium. Anselme et Gilles d'Orval, ibid., p. 201 et 202. « Puis abatirent tout et bouttèrent le feu dedens qui consommât lors le résidu. » (Chroniques de Liège.) Du temps d'Anselme, vers l'an 1040, on y voyait encore maeniorum, turrium, domorumque sublimium ruinaes, etc.
(36) « Et l'evesque print xij clocke et les départit en Liège savoir: j à Sct Lambert laquelle sonne none les jours coummuns; à Sct Pol donnât daredare, item à Sct Pierre primette, item à Sct Croix j encore nomeis primette, item à Sct Jehan y en eut iv quant il le fondât, Set Denis ij lesquels long temps il gardât, Sct Martin j et Notre Dame au Font j. » (Chroniques de Liège.)
(37) Venerabiliter ac decentissimè, dit Anselme, ibid., p. 202.
(38) Telle est l'origine de la seigneurie de Fléron, plus connue sous le nom d'Advouerie de Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle. Elle comprit la plupart des localités qui avaient autrefois fait partie de la seigneurie de Chèvremont. En y joignant quelques villages et hameaux voisins cédés à l'Église de Liège, le domaine de Chèvremont aurait ainsi compris: Ayeneux, Beaudrihaye, Vaux, Nessonvaux, Vaux-sous-Olne, Marets, Hotteux, Parfondvaus, Wégimont, Jozé, Reisonsart, Retinne, Foxhale, Romsée, Chaumont, Fléron, Beyne, Chênée, Imbour, Beaufraipont. Voir Radoux, Jura Sacri imperii in Dominio de Fléron, vulgo Advocatia Nostrae Dominae Urbis regalis Aquisgranis; Liège, 1628, in-4°;Recueil des Coutumes de Fléron (Mst); Délices du pays de Liège, t. III, p. 307, etc.
Il est à supposer que Chaudfontaine et Ninane étaient aussi dans cette seigneurie, car le Chapitre St-Lambert les tenait en don de Notger. Les thermes de Chaudfontaine, dirons-nous ici incidemment, nous paraissent avoir été consacrés, dans des âges très anciens, aux malades pauvres. C'est de là que prit naissance cet hôpital de Chaudfontaine, assez vaste pour héberger une vingtaine de personnes, et que l'on voyait encore au XVIe siècle à l'endroit où se trou\e aujourd'hui la tête du pont, sur la rive gauche de la Vesdre. Un testament (inédit) du 3 juillet 1339, porte: « Item, je laisse quarante sols à l’hospital Saint Julien de Chozfontaine. » Un savant a émis l'idée que cet hôpital était destiné à recevoir les étrangers que la dévotion attirait à Chèvremont. Ce n'est pas impossible. Voir Villenfagne, Histoire de Spa, t. II , p. 23; Ernst, Tableau historique des Suffragans de Liège, p. 292, etc.
(39) Ces collégiales étaient de vrais monaetères, comme d'ailleurs tout les collèges de chanoines réguliers de cette époque. En 997, un diplôme appelle la collégiale de St-Jean monasterium sancti Joannia in Insula. (Dans les Gesta Pontif. Leod., t. I , p. 210.)