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Collégiale Saint Jean l'Evangéliste à Liège

Notger de Liège et la civilisation au XIe siècle

Tome II - Appendices

par Godefroid KURTH (notes non transcrites)


APPENDICE IV

LA CATHÉDRALE NOTGÉRIENNE DE LIÈGE.


L'église Saint-Lambert de Liège, qui fut la cathédrale du diocèse depuis le commencement du VIIIe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe, c'est-à-dire pendant onze siècles environ, a été l'objet de deux reconstructions d'ensemble. L'édifice bâti du temps de saint Hubert a été rasé et reconstruit vers la fin du Xe siècle par l'évêque Notger. L'église notgérienne à son tour, détruite par un incendie en 1183, fit place au grandiose sanctuaire que les vandales de l'époque révolutionnaire abattirent sans respect pour les innombrables souvenirs patriotiques qu'ils faisaient disparaitre avec elle. Ce dernier édifice est suffisamment connu et a été décrit à maintes reprises (1). Il n'en est pas de même des deux autres. Il serait difficile de dire beaucoup du premier. il n'est pas impossible, par contre, de rétablir, dans une certaine mesure, la physionomie du second. M'aidant d'un grand nombre de témoignages directs ou indirects, éparpillés dans la multitude de nos écrivains du XIe et du XIIe siècle, j'essayerai de donner une idée approximative de ce sanctuaire où battit le coeur de la patrie liégeoise.

Notger avait deux raisons pour démolir et reconstruire la cathédrale qui datait du temps de saint Hubert. La première, c'est, nous dit son biographe, qu'elle tombait en ruines (2). La seconde, c'est que ses proportions ne correspondaient plus à celles de la ville dont il venait de doubler l'étendue, et qu'il ornait de toute une couronne de grands et riches édifices sacrés (3). A ces deux raisons, Jean d'Outremeuse en ajoute une troisième qu'il convient de lui laisser pour compte, encore que le fait allégué par lui soit d'un vif intérêt a divers points de vue: c'est que l'église primitive était mal située, puisqu'elle aurait du s'élever à l'endroit même où saint Lambert avait été martyrisé (4).

Cet endroit, c'était - du moins on le croyait à Liège depuis le XIIe siècle - la chapelle contemporaine de saint Lambert, le plus ancien oratoire de la ville: elle était dédiée, ajoutaient les sources, aux saints Cosme et Damien (5). Elle surgissait aux dire de Jean d'Outremeuse (6), à l'ouest de la Cathédrale bâtie par saint Hubert.

Notger, ajoute notre chroniqueur, engloba cette chapelle dans son édifice nouveau, dont elle forma le choeur occidental. Si, comme il y a tout lieu de le croire, Jean d'Outremeuse n'est ici que l'écho d'une tradition locale, nous pourrions essayer de préciser les proportions de la cathédrale de Saint Hubert. Celle-ci était située au sud de l'édifice notgérien, mais si elle était restée debout, les deux sanctuaires auraient été contigus.

La date de ce grand travail n'est pas facile à fixer. A s'en tenir à la lettre au Vita (7) qui semble corroboré par Anselme (8), Saint-Lambert aurait été la première construction de Notger à Liège: d'après cela, l'oeuvre aurait été commencée dès les premières années de son pontificat. Jean d'Outremeuse croit pouvoir nous assurer qu'il y mit la première main en avril 978 (9), mais ce témoignage est dénué de toute autorité: quant à Anselme et au Vita, on peut se demander si l'ordre dans lequel ils racontent la fondation des divers édifices notgériens n'est pas déterminée par leur importance relative plutôt que par la chronologie. Et nous avons exposé ci-dessus des raisons majeures qui nous autorisent à penser que la reconstruction de Saint-Lambert fut, au contraire, le couronnement de tous les travaux antérieurs de Notger. Cela explique aussi pourquoi Notger ne vit pas l'achèvement du grandiose édifice, lequel ne fut consacré qu'après sa mort, le 28 octobre 1015, par son successeur Baldéric II et par l'archevêque Heribert de Cologne (10). Toutefois, on n'attendit pas si longtemps, semble-t-il pour livrer au culte au moins une partie de l'édifice, car Notger put encore transférer le corps de saint Floribert sous l'autel de la crypte orientale, plus de 250 ans, dit Gilles d'Orval, après la mort de ce saint. Comme. d'aprés ce même auteur, saint Florbert est mort en 748, il faudrait admettre celte translation eut lieu aux environs de 998 (11). Mais, je le répète, il serait oiseux de raisonner sur des chiffres qui se présentent à nous avec si peu de garantie.

Quoi qu'il en soit, consacrée en 1015, incendiée en 1185, la cathédrale notgerienne resta debout pendant cent soixante-dix ans. Au cours de ce laps de temps, elle dut nécessairement subir plus d'une modification de détail, et particulièremenl au point de vue du mobilier et de l'ornementation. La description qui va suivre n'a donc pas la prétention, sauf en ce qui concerne les grandes lignes architecturales, de restituer l'édifice tel qu'il sortit des mains de Notger; il suffira sans doute au lecteur de trouver ici une description aussi complète qu'on a pu le faire, de ce qui a été, si je puis ainsi parler, son état moyen.

La cathédrale notgérienne, plusieurs fois qualifiée de monasterium dans les sources du XIIe siècle (12), était une construction romane orientée, à deux absides hémisphériques, l'une à l'orient et l'autre à l'occident. Elle avait donc, comme la plupart des églises rhénanes de cette époque, deux choeurs (13); L'oriental est celui que nos sources appellent l'inférieur (14) ou encore le grand choeur (15); l'occidental, celui qu'elles appellent le supérieur (16). Le premier était celui de la sainte Vierge; le choeur supérieur, celui des saints Cosme et Damien. Les soixante chanoines qui formaient le chapitre de Saint-Lambert occupaient simultanément, dans les offices canoniques, les deux choeurs, et leurs chants alternés se répondaient de l'un à l'autre à travers toute l'étendue de l'édifice (17).

Nous étudierons d'abord le choeur occidental. Il contenait deux autels: celui des saints Cosme et Damien et celui de la Sainte Trinité. Le premier semble le plus ancien en date, puisqu'il a donné son nom au choeur; nous le trouvons mentionné pour la première fois à l'année 1117 (18). Le culte de saints Cosme et Damien était d'ailleurs ancien au pays de Liège; en 647, il existait au château de Huy, une chapelle qui leur était dédiée (19), et I'on sait qu'au dire de la tradition liégeoise, l'oratoire qui s'élevait dans village de Liège au temps de saint Lambert était également sous leur vocable (20). Le culte des saints Cosme et Damien était antérieur, dans la cathédrale de Liège, à la construction notgérienne, et antérieur aussi dans le choeur occidental de Saint-Lambert, au culte de la Sainte Trinité qui y datait de 933.

L'autel de la Sainte Trinité, comme nous l'avons vu, ne venait qu'au second ordre dans le choeur supérieur, consacré aux deux frères martyrs toutefois, nous avons la preuve que le culte de la Sainte Trinité existai déjà dans la cathédrale bâtie par saint Hubert. Il y fut fondé quelque temps avant 932 par l'évêque Richaire, qui a pris la peine de nous l'apprendre lui-même par un acte date du 16 novembre 932 (21). Nous retrouvons l'autel de la Trinité dans l'édifice notgérien dès 1071 (22), et il nous est encore signaIé en 1183 (23), a la veille de la catastrophe qui devait réduire en cendres l'édifice lui-même. Sur cet autel était le signe de ralliement de la patrie liégeoise, l'étendard de Saint-Lambert (24).

Outre ces deux autels, on signale encore, dans le choeur supérieur, derrière l'autel des saints Cosme et Damien, un pulpitum auprès duquel fut foudroyé, en 1117, un prêtre qui y lisait les psaumes (25). Ce pulpitum était probablement un de ces lutrins en dinanderie comme il en existait un si grand nombre dans les églises du pays mosan (26): il était placé derrière l'autel des saints Cosme et Damien (27)

Mentionnons encore, dans le même choeur, un crucifix qui fut ébranlé lors du tremblement de terre de 1117, et avec lui, dit une source contemporaine, tout ce qui était suspendu (28). Faut-il conclure de ce passage que le crucifix était suspendu aussi? Dans ce cas, nous serions autorisés à y voir le crucifix de l'arc de triomphe, que le moyen-âge aimait à suspendre à l'entrée du choeur (29). Enfin, pour ne rien omettre, je crois devoir signaler aussi une certaine « image » qui se trouvait dans le choeur supérieur et qui fût frappée de la foudre en 1118: selon toute apparence, cette image était une statue, mais notre source nous laisse ignorer laquelle (30). Un crucifix était certainement suspendu à l'arc de triomphe du choeur oriental; devant ce crucifix fut fondée une messe quotidienne en 1233 (31).

Dans le choeur inférieur surgissait l'autel principal (32) de la cathédrale, dédié à la Sainte Vierge. Il est mentionné, comme celui de la Sainte Trinité, dès la date de 1071 (33), et il reparait en 1106, à l'occasion des funérailles du malheureux empereur Henri IV, qui fut enterre au pied du cet autel (34). Là s'étaient déroulés les principaux actes de la vie publique liégeoise, et l'on se souvenait avec fierté que, le 19 janvier 1147, saint Bernard y avait dit la messe (35). L'autel de la Vierge n'avait pas seulement son histoire, il avait aussi sa légende. Avant l'incendie de 1183, il portait certaines éraflures dues, disait-on, aux dents des fidèles qui, lors d'une terrible tempête sous Albéron II (1134-1145) (36), le mordirent dans leur épouvante. On disait encore que Lambert le Bègue, arrêté en pleine cathédrale et passant devant cet autel sous la garde des sbires, avait poussé un soupir en le contemplant et s'était écrié: « Hélas! il viendra des jours où les pourceaux fouilleront la terre a sa base, et où l'autel dédié aux saints deviendra l'auge des bêtes immondes. » Et cette prédiction se réalisa à la lettre, dit un narrateur du XIIIe siècle, car, après l'incendie, l'église étant restée déserte, plus d'une fois les chèvres et les porcs la souillèrent (37).

Au dessous de chacun des deux choeurs, il y avait une crypte; il en résultait que les choeurs étaient surhaussés, et qu'on y accédait par des degrés: c'est sur ces degrés qu'en 1071 se tenait le roi Henri IV, lorsqu'il restitua à l'abbaye de Stavelot la possession de Malmedy (38). Les cryptes étaient, comme les choeurs eux-mêmes, distinguées l'une de l'autre par les épithètes de supérieure et d'inférieure (39).

Dans la crypte supérieure ou occidentale, qui était en-dessous du choeur des saint Cosme et Damien, se trouvait déposé le grand trésor de l'église de Liège, le vrai palladium de la principauté, je veux dire le corps de saint Lambert. Cette crypte, comme le choeur sous lequel elle s'étendait, est mentionnée pour la première fois en 1071, et, dès lors, elle contenait son précieux dépôt; c'est la que les moines de Stavelot allèrent invoquer le saint (40); c'est là qu'en 1141 on alla le prendre pour le porter au siège de Bouillon (41) c'est là, enfin, qu'au retour de ce siège, on replaça le saint corps. Le document qui nous communique ces détails ajouta l'indication de la place exacte que la chasse du saint occupait dans la crypte: c'était justement en-dessous de l'autel de la Trinité (42). La châsse était, si je me trompe, placée sur un autel; elle était jadis richement ornée, mais Otbert l'avait dépouillée de tout son or pour payer le château de Bouillon. Toutefois, après l'expédition de 1141, elle fut de nouveau enrichie d'ornements d'or et de pierres précieuses, et l'on y représenta, dans un ouvrage d'orfèvrerie, le récent triomphe remporté par le saint patron (43).

La crypte de saint Lambert était l'objet d'une grande vénération: en 1189, quatre années après l'incendie de la cathédrale, Henri, marquis d'Arlon, fonda une lampe qui devait brûler perpétuellement devant le tombeau du patron des Liégeois (44). Un seul des successeurs du saint avait obtenu, ce semble, de partager avec lui cette dernière demeure: c'est Étienne (45), qui possédait, on le sait, un droit spécial à dormir sous l'autel la Sainte Trinité.

La crypte inférieure ou orientale avait, elle aussi, sa colonie sacrée. C'est là que Notger avait déposé, dans leur sarcophage de marbre blanc, les restes morteIs de saint Floribert, leur rendant sans doute la place, qu'ils avaient occupée précédemment dans la Cathédrale de saint Lambert. Là aussi reposaient beaucoup de princes-évêques Wazon, entre autres, dont, après l'incendie de 1183 on retrouva le sarcophage orné du vers fameux

Ante ruet mundus quam surgat Wazo secundus (46).

Otbert aussi était allé chercher sa dernière demeure dans celte crypte (47)

En continuant notre description de la cathédrale notgérienne, nous devons maintenant passer en revue, dans la mesure que permettent nos sources, les autres autels qu'elle renfermait. La multiplicité des autels dans les églises catholiques est un fait dûment établi au moins à partir du IXe siècle: pout me horner à uin exemple, je citerai, à Saint-Riquier en Picardie, les deux églises Saint-Sauveur et Notre-Dame, qui contenaient, l'une 11 autels, l'autre 13 (48).

Voici les autels du sanctuaire notgérien dont j'ai pu établir l'existence, indépendamment de ceux que contenaient les deux choeurs.

1. Autel de saint Étienne.

Il se trouvait dés 1117, à l'entrée de l'église: il fut frappé de la foudre en cette année (49). C'est devant cet autel que fut enterré, en 1184, Henri de Bliescastel, évêque de Verdun, qui avait été chanoine de Saint-Lambert (50).

2. Autel de la Sainte Croix.

Il se trouvait, nous dit un document du milieu du XIIe siècle, dans un oratoire attenant à la cathédraIe, où les chanoines de Saint-Lambert cachèrent le corps de leur saint patron pendant que sa chasse seule était transportée au siège de Bouillon. (51) Saint Frédéric, évêque de Liège, mort en 1121, fut enferre devant cet autel, et il se fit beaucoup de miracles sur son tombeau (52).

3. Autel de sainte Gertrude,

Cet autel est mentionne a deux reprises dans la Vie de saint Frédéric, au commencement du XIIe siècle. Il parait avoir été situé auprès d'une des portes de l'église, et pas dans Ie voisinage immédiat du tombeau de saint Lambert (53).

Je pourrais continuer cette énumération en comptant les autels dont l'existence nous est attestée postérieurement à l'incendie de 1185, et qui ont probablement existé avant cette époque (54) mais je préfère ne pas abandonner le terrain solide des faits authentiquement constatés, et je terminerai donc ici ma liste des autels de Saint-Lambert au XIIe siècle.

L'édifice n'était pas voûté; il était recouvert d'un simple plafond de bois plus ou moins orné (55), et dallé d'un beau pavement, peut-être en mosaique (56). Tout l'intérieur était revêtu de peintures représentant les scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament, avec d'autres sujets religieux empruntés à l'histoire de l'église et probablement aussi à celle des pontifes liégeois (57). Ce n'est pas être téméraire que de se figurer les scènes tirées de la Bible en deux séries parallèles occupant chacune l'un des côtés longs de la basilique: telle était généralement la disposition adoptée en pareil cat. Les fenêtres étaient garnies de vitraux (58). Ceux-ci étaient-ils historiés comme ceux de la cathédrale de Reims, bâtie par l'archevêque Adalbéron contemporain de Notger? (59) Je ne suis pas en état de le dire.

En ce qui concerne le mobilier, nos renseignements Sont rares. Nous savons toutefois qui Notger avait richement doté sa cathédrale d'ornements de tout genre (60). Malheureusement, la plus grande partie de ces richesses devait tomber sous le marteau les brocanteurs, lors de l'acquisition, par Theoduin, d'un fief du Hainaut en 1071, et de celle du château de Bouillon par Otbert en 1096. On cite particulièrement les revêtements d'or et les pierres précieuses dont étaient ornés les autels, les lutrins, les livres sacrés et enfin la chasse de saint Lambert (61). La cathédrale possédait aussi des croix en or, don de Notger, qui les avait fait faire et qui y avait fait graver ce vers:

Certa salus vitae Notgerum salvat ubique (62).

Toutefois, ce même Otbert qui a dépouillé l'église dans un moment de suprême nécessité, s'est employé à l'enrichir aux jours pacifiques; il a rendu à des croix et à des autels leur revêtement d'or et d'argent, il a aussi donné à l'église une dizaine de précieuses tentures, qui ornaient l'un des côtés longs de la nef (63). Une belle couronne de lumière était suspendue au milieu de l'édifice (64). On nous signale aussi un lutrin richement orné d'or et de pierres précieuses, sans doute équivalent au pulpitum dont il a été parlé plus haut, et dans lequel il nous sera bien permis de reconnaitre une dinanderie due au marteau d'un de nos maitres hutois ou autres (65).

La cathédrale, étant garnie de deux absides hémisphériques, ne possédait pas d'entrée occidentale, mais on y accédait par deux portiques latéraux placés l'un au nord et l'autre au sud (66). Le premier donnait sur le Marché, alors situé entre la cathédrale et le palais des princes évêques: il n'est guère douteux qu'il ait correspondu identiquement à celui de la cathédrale gothique telle qu'elle subsista jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Ce portique présentait une particularité bien curieuse pour l'archéologue, et qui a frappé, à la fin du XIe siècle, l'auteur du Vita Notgeri: on y avait remployé, comme disent les architectes, un certain nombre des colonnes de l'édifice de saint Hubert avec leurs bases et leurs chapiteaux, et, dit le biographe, elles permettaient, par leurs proportions, de faire la comparaison de l'ancien édifice et du nouveau (67). II y avait deux tours, situées, je pense, à l'occident de l'édifice (68); selon toute apparence, les deux tours de sable de la dernière cathédrale en occupaient l'emplacement. Dans ces tours étaient suspendues des cloches dont le son, au dire d'un narrateur du XIIe siècle, avait une ampleur et une douceur sans égales (69). L'une de ces cloches, la plus grande, sonna toute seule en 1071, s'il en faut croire le Triumphus Sancti Remacli que nous avons souvent cité (70). Les cloches jouaient leur rôle dans l'inauguration de l'évèque en 1128, quand l'évêque Alexandre fut intronisé, il commença par tirer la cloche (71). Enfin, le toit était recouvert de plomb (72). Quant « une grande horloge à rouage et sonnante » que la cathédrale aurait possédée vers le milieu du Xle siècle (73), je n'en ai pas rencontré la moindre mention dans les sources.

Voilà, dans la mesure où j'ai pu la reconstituer, la cathédrale notgérienne. Le lecteur qui m'aura suivi dans mon exposé se sera sans doute aperçu d'un fait singulier: c'est que le sanctuaire qui portait le nom de saint Lambert ne contenait pas d'autel de ce saint. Car, on l'a vu, son corps reposait sous l'autel de la Trinité, et celui-ci ôtait, avec l'autel des saints Cosme et Damien, le seul que contint le choeur occidental. Comment s'expliquer ce phénomène, sinon par une supposition? La cathédrale bâtie par saint-Hubert, qui précédait celle de Notger, laissait en dehors de son enceinte la chapelle des saints Cosme et Damien, qui était, selon nos sources, le plus ancien oratoire de Liège (74). Cette cathédrale, selon toute apparence, n'avait qu'un seul choeur, l'oriental, où s'élevait l'autel de la Sainte Vierge. Il est permis de croire que, lorsqu'en 932 Richaire fonda l'autel de la Sainte Trinité, il bâtit le choeur occidental pour abriter le nouveau culte. Ce, qui nous induit à l'admettre, c'est que, dans l'église rebâtie par Notger, l'évêque Étienne, seul parmi tous les successeurs de saint Lambert, a son tombeau dans la crypte de ce saint. Pourquoi? Apparemment parce qu'on trouvait juste que le prélat créateur de l'office de la Sainte Trinité reposât devant l'autel consacré à celle-ci.

Lorsque Notger rebâtit la construction de saint Hubert, il aura gardé la disposition en vigueur depuis 932. El, voulant englober dans l'édifice agrandi la vieille chapelle des saints Cosme et Damien, il aura prolonge la construction de maniére que le choeur occidental atteignit ce sanctuaire et se confondit avec lui. Les deux saints trouvèrent donc naturellement l'hospitalité auprès de l'autel de la Sainte Trinité. Naturellement aussi, l'évêque déposa les ossements de saint Lambert dans la crypte du choeur occidental, soit parce qu'ils étaient conservés auparavant dans la chapelle, soit parce qu'on croyait dès lors - ce qui était une erreur - qu'il y avait péri.


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