Une autre chapelle donnant sur le choeur par un balcon s'élève en étage; on y accède par un double escalier. C'est la « Chapelle des Bourgmestres » où, jusqu'en 1684 les deux magistrats élus le jour de la Saint-Jacques, venaient prêter serment de conserver intacts les privilèges et franchises de la cité. L'abbaye Saint-Jacques joua, en effet, un rôle dans l'histoire de Liège; terre neutre, relevant seulement du Saint-Siège, c'était là qu'étaient déposés les coffres contenant les documents établissant ou reconnaissant les droits des bourgeois de Liège. Au seuil de l'église s'arrêtait le pouvoir de l'évêque et du prince, car l'abbé de Saint Jacques était le conservateur apostolique, c'est-à-dire en quelque sorte le censeur de l'évêque et du chapitre cathédral de Saint-Lambert. C'est aussi à Saint-Jacques, terre indépendante, que furent conclues maintes paix entre le prince et les bourgeois de la Cité.
Un croquis est indispensable pour faire comprendre la disposition de l'escalier précité.
Le visiteur doit choisir, en arrivant, l'une ou l'autre volée pour parvenir à l'étage; or, c'est la seconde volée (a - Volée à gauche sur le plan), celle que l'on ne voit pas de prime abord, qu'il faut prendre, car l'autre (b - Volée à droite sur le plan) l'amène bien au même niveau, mais à un cul-de-sac et non au balcon du choeur. A l'arrivée de l'escalier (a), le palier, triangulaire, n'a qu'une largeur moyenne de 60 cm et la moindre distraction fait choir le visiteur dans le trou béant sous ses pas. ( Aujourd'hui, une dalle noire a été ajoutée par raison de sécurité lors de la restauration et augmente la largeur du palier - Photo 4 )
On a prétendu que cet escalier à deux volées devait servir aux deux bourgmestres qui administraient Liège à cette époque, et qu'il était établi ainsi pour permettre aux dits bourgmestres d'apparaître en même temps à la tribune qui donne sur le choeur au premier étage.
Or la tribune (balcon) est pratiquement inaccessible depuis l'escalier b qui mène à un cul de sac! ...
Je crois qu'il faut y voir tout autre chose: égarer le visiteur.
L'exemple d'un escalier à double vis est rare, mais il se rencontre dans des ouvrages de fortification du moyen âge, notamment à Pierrefonds: ici, la volée, qu'il ne faut pas prendre, conduit aussi à un cul-de-sac et l'assaillant, obligé de revenir sur ses pas, trouvait au pied de l'escalier à qui parler... ( Viollet-le-Duc, d'après une description de Sanval, trace le plan d'une « vis tournante à double colonne (noyau) où l'on entre par deux portes et où l'on monte par deux endroits » qui correspond à l'escalier de Saint-Jacques. La largeur est de 3m,25 alors que celle qui nous occupe mesure 3m,40).
Pourquoi une telle disposition à Saint-Jacques?
Vraisemblablement, parce que l'unique salle dégagée par cet escalier contenait les documents établissant ou reconnaissant les droits des bourgeois de Liège, documents précieux au premier chef! Cet asile pouvait n'être pas respecté par les masses populaires en cas d'émeutes ou de soulèvements, aussi les documents étaient-ils enfermés dans des coffres en fer; mais deux sûretés valent mieux qu'une et le désordre qui ne pouvait manquer de se produire au pied en bas de l'escalier ( et même du haut ) devait jeter le désarroi parmi les assaillants: en effet, le croquis démontre encore que l'on peut changer de volée au premier croisement des deux escaliers; le désordre produit par des gens arrivant en masses devait être indescriptible et c'est là, pensons-nous, la seule raison d'être d'une disposition trop peu connue des Liégeois.
A noter que, vis-à-vis et faisant pendant, un autre escalier, de mêmes dimensions, mais à simple volée celui-là, conduit à une autre salle du premier étage. On n'avait pas cru devoir prendre les mêmes précautions, cette salle ne contenant pas d'archives.
Paul JASPAR
NB: On notera que le palier supérieur ne présente pas de trace de mur à l'étage. Les traces sur les extrémités des paliers supérieurs me semblent davantage dues à un polis des mains des visiteurs et l'auteur du croquis a probablement voulu accentuer le cul de sac.
Il me semble bien plus dangereux de laisser un vide ouvert en fin de volée plutôt qu'un cul de sac. En premier lieu, parce une chute à ce niveau permet de bloquer l'accès à ceux qui empruntent la " bonne " volée, ensuite parce qu'il est bien plus périlleux de franchir, sans avoir rien pour se soutenir, le jeux délicats des enchevêtrements de marches au niveau de l'intersection des escaliers. Je le sais naturellement d'expérience!
On notera aussi l'extrême étroitesse du palier supérieur. Les gardes corps et la dalle de pierre formant le quartier plus sombre d'environ 60° ont été ajoutés lors de la restauration. Suite à l'évolution des matériaux de construction, il serait judicieux de remplacer cette dalle opaque par une dalle transparente lors d'une prochaine restauration.
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