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L'Eglise Saint Jacques à Liège

Plans, coupes, ensembles, détails intérieurs et extérieurs, mésurés, dessinés et publiés par J. C. Delsaux, gravés par F. Coune - Éditeur Avanzo, 1845

« L'aspect intérieur de cette église est admirable.
La nef vaste, majestueuse et légère, élève l’âme sans peser sur elle »

Gothique flamboyant - Style ogival tertiaire.

Extrait de "L'architecture et les monuments du moyen-âge à Liège", de JC Desaux

Après avoir servi à la construction des plus vastes monuments dans les plus beaux siècles de l'inspiration religieuse; après avoir épuisé toutes les formes des divisions de la géométrie et des nombres le plus souvent rattachés à des idées symboliques, l'art ogival s'altère et tout y annonce une époque de décadence. L’ogive surtout se surbaisse et les arcades qui étaient ordinairement en tiers points s'aplatissent; le centre qui les décrit se rapproche de l’axe pour se trouver, du moins en général, au milieu entre ce point et le chambranle des pieds-droits, c'est-à-dire que le rayon qui décrit l'ogive a pour longueur les trois quarts de l'ouverture de l'arcade. Quelquefois aussi l'ogive devient elliptique et généralement pour les petites arcatures des galeries ou des meneaux, le demi cercle est employé. Les fenêtres s'élargissent, les meneaux sont composés de lignes s'entrecroisant arbitrairement pour former des chœurs flamboyants, des flammes ou d’autres figures contournées. Cependant cette époque semble vouloir racheter par l'abondance des ornements ce qu'elle perd de sa pureté et de son élévation, Les nervures des voutes disposées prismatiquement, ou en étoiles, sont décorées à leurs nombreuses intersections de médaillons et de pendentifs, les espaces des voutes sont peints de diverses manières, les voussures des arcades sont ornées d'innombrables festons trilobés; les murs eux mêmes sont décorés d'arabesques, de figures et de tous les capricieux dessins de la plus fine dentelle, en sorte que l’intérieur d'un monument complet de ce genre, présente en perspective l'aspect d'une broderie légère.

Le plan des églises de style tertiaire est toujours comme ci-devant en forme de basilique en croix et à trois nefs, quelque fois avec des chapelles.

Les cloitres de St Jean-en-Isle, la fenêtre de la tour et les cloitres de St Paul, les cloitres de St Barthélemy, ensuite l'église de St Martin, sont de style tertiaire. Le plus beau modèle de ce genre non seulement de Liège, mais de la Belgique entière est l’église de St Jacques. Elle a été commencée dans les premières années du XVe siècle, abandonnée, puis reprise en 1513 et achevée en 1538.

« L'aspect intérieur de cette église est admirable, la nef vaste, majestueuse et légère, élève l’âme sans peser sur elle » a dit un touriste français.« La voute est comme dérobée sous un réseau de fines arêtes qui s'entrecroisent avec symétrie et courent autour de médaillons, où sont peintes des têtes, les unes nues, les autres portant le casque du XVIe siècle, celles-ci d'hommes, celles-là de femmes; mystérieux assistants, placés entre la terre et le ciel. On dirait un immense berceau dont le treillis de pierre offre à chacun de ses points d'intersection un camée antique, et dont les ouvertures laissent voir l'azur du ciel, figuré par les fresques bleues qui remplissent les parties vides de la voute. Ce berceau tombe, en s'arrondissant, sur de légères murailles coupées d'immenses fenêtres et portées par deux galeries en arcades ogivales, que surmonte un balcon à jour dont la pierre a été tressée comme du jonc, et qui semble posé sur la pointe des arcades. Les profils des ogives sont des broderies. Un élégant feston monte du bas des deux arcs jusqu'à leur sommet, et de là encore s'élance et grimpe le long du mur en manière de bas-relief. Dans l'espace plein qui s'étend entre les tètes de chaque arcade, sont représentés en médaillons les portraits des rois, princesses, prophètes et prophétesses de l'Écriture, avec leurs noms et les versets du livre sacré qui les concernent, et qui forment, de chaque côté de la nef, comme une inscription continue, écrite en caractères gothiques ... »

Mais à mon avis ce qui distingue surtout l'église de St Jacques, c'est cette heureuse distribution des ornements qui, brillants de détails et se détachant toujours sur des parties lisses, se montrent d'abord échelonnés de distance en distance, à la grande et aux petites nefs. 0n dirait que l'architecte a voulu donner le temps de les saisir et de les apprécier. Bientôt tous ces ornements, se rassemblent et se pressent, les arcades, les élégants festons, le triforium si riche, les statues avec leur dais, les voutes et les nombreux compartiments du plafond avec les fenêtres et les magnifiques verrières; en un mot tous les éléments de décoration d'architecture, de peinture et de sculpture, qui ont servi à orner les nefs, viennent se réunir dans un ensemble et un ordre admirable, pour former le plus beau chœur qu'il soit possible d'imaginer. Jamais les contrastes et les gradations n'ont été mieux observés et jamais peut-être on n'a réuni avec plus de bonheur, dans un petit espace, toutes les richesses architecturales.

L’église de St Martin achevée vers 1542 et bâtie sur les plans d'un Liégeois nommé Paul de Rickel, est loin d'être aussi riche de détails que St Jacques, mais elle se fait néanmoins admirer par son étendue, sa noble simplicité et le beauté linéaire de sa décoration. Le chœur surtout est remarquable ‘ensemble et d'harmonie, il est décoré de belles et longues fenêtres lancéolées ornées de vitraux peints, entre lesquelles se trouvent d'élégantes colonnettes supportant les nervures de la voûte qui se ramifient en compartiments prismatiques.

Les églises de St Martin et de St Jacques pourraient suffire pour l'étude complète du style tertiaire; on y trouve une variété infinie de fenêtres, de divisions de voûtes, de galeries, de triforium, de dais ornés, de festons, etc., etc.

Le petit portail de la cathédrale donnant sur la place derrière St Paul, est aussi un charmant modèle à étudier, ainsi que le retable d'autel qui se trouve placé au transept de St Denis. Ce dernier ouvrage de sculpture en bois, passe à juste titre pour la plus belle production en ce genre de la Belgique.

Formes principales de l'arc ogival à Liège.

A Voute romane existant aux tours de Ste Croix, St Jacques et St Barthélemy A Nef inférieure de St Paul
B Ogives à St Jacques B Chapelle et choeur de St Paul
C St Barthélemy CEG Nefs de St Jacques
D Nefs inférieures de St Paul DEFHI Palais

Il est assez curieux et important de comparer toutes les phases de l'ogive, pour montrer comment la forme des arcades a été successivement transformée, qui réunit les colonnes ou qui forme les voûtes peut faire reconnaître l'époque de l'architecture.

Ainsi, aux tours de Ste croix et de St Jacques, l'arcade romane forme un demi-cercle, quelque fois un peu surhaussé. L'ogive naissante est formée de deux arcs de cercle dont les centres se trouvent horizontalement sur la ligne de naissance des voutes à une petite distance de l'axe de l'arcade (la clef existe toujours aux voûtes).

L'ogive primaire est peu élevée ou le tiers point est quelquefois dépassé, comme aux arcades qui réunissent les colonnes de la grande nef de St Paul, où le centre se trouve même à l'extérieur des archivoltes. (Il n'y a plus de clef aux voûtes.)

Pour l'époque secondaire, le tiers point est souvent employé, c'est à dire que l'ogive forme un triangle équilatéral dont la base est la ligne de naissance des voutes, et le sommet l'intersection des arcs curvilignes. Ste Croix et St Paul en offrent les plus beaux exemples.

A l'époque tertiaire, l'ogive se surbaisse et le centre des arcs  qui la décrit se rapproche du milieu, comme à St Martin, à St Jacques et à une partie de Ste Croix, où le centre de chaque arc ogival se trouve ordinairement au milieu, entre le point de l'axe de l'arcade et celui de l’intérieur des chambranles des fenêtres. A cette époque aussi l’ogive se transforme en anse de panier plus ou moins surhaussée, comme aux basses nefs de St Jacques et au palais ; puis le plein cintre revient à mesure que l’on approche de la renaissance. Au palais surtout le plein cintre est souvent employé et les arcades elliptiques, dans certaine pâties, ne figurent plus l’ogive.

On voit donc que les centres qui décrivent les arcs des voutes, après s’être trouvés dans l’axe même pour le style roman, se sont éloignés de cet axe pour le style gothique, afin de décrire l’ogive ; qu’ils s’en rapprochent pour la renaissance où le plein cintre revient, et qu’enfin à mesure que reparait le linteau droit, le centre qui formait l’arc continuant le chambranle, se rapproche de ce chambranle, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que les angles seulement qui soient arrondis. L’arcade qui réunit les colonnes ou les pieds droits devient alors insignifiante et bientôt reparaît le linteau droit. Assez souvent pendant cette période, l’ogive avant de disparaître complètement semble, comme un mourant, faire son dernier effort ; elle se dessine encore quelques fois par un petit surélevement à la dernière moulure du chambranle ou de l’archivolte, comme à la seconde cour du palais, aux cloîtres de St Paul et à quelques constructions de maisons particulières.

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