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Descriptions de Liège par des contemporains

Le pays de Liège vu par des touriste anglais (1752-1777)

par Etienne Helin

L’histoire du tourisme au pays liégeois n'a pas encore été écrite. Sans doute dispose-t-on, pour la seule ville de Liège, de plus de soixante descriptions et relations de voyage antérieures au XIXE, siècle (1). Mais, si riches d'enseignements qu'ils soient, ces documents pris en groupe constitueraient tout au plus les diverses parties d'une Bibliothèque des voyages. Par ailleurs, une histoire du tourisme dépasse largement la monographie des localités visitées par les touristes: elle doit tenir compte de facteurs ignorant les cadres locaux ou régionaux. L'évolution des thérapeutiques médicales (on songera aussitôt au destin de Spa), celle des modes artistiques et littéraires (il suffira d'évoquer les pèlerinages à Chartres ou les festivals de Salzbourg), pour ne rien dire des cours des changes et du contrôle des devises, tout cela conditionne la voguee ou l'abandon des régions touristiques.

Au pays de Liège, il semble, bien que les voyageurs anglais aient joué un rôle déterminant. Dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, au moment où leurs compatriotes «découvrent» la Côte d'Azur et les bords du Rhin, ils apprécient vivement chez nous les alentours de Spa et, par après, le reste de l'Ardenne qui, jusqu'alors, avait la réputation d’une affreuse solitude. Par malheur, ils ne nous ont laissé de leurs voyages que des relations fort inférieures à celles d'autres catégories de visiteurs (2). Un «antiquaire», comme Brouerius van Nidek, note méthodiquement des épitaphes, prend des croquis de monuments. Des «philosophes» comme Jolivet ou Förster observent par le menu les mœurs et les institutions du peuple liégeois, déclament à longueur de page contre la « tyrannie » ou les usages de leur temps. Rien de pareil chez les Anglais. Ils paraissent indifférents à l'érudition comme au sort des populations indigènes. Dans un style monotone à force d'être dépouillé, ils consignent de trop rapides notations sur les villes et les monuments qu'ils ont visités. Aussi l'archéologue sera-t-il souvent déçu par la lecture de tels itinéraires. L'historien, au contraire, y trouvera quantité de traits fort révélateurs de la mentalité du touriste de Jadis. Goût pour les panoramas et les paysages boisés, confusion entre I’œuvre d'art et la « curiosité », désir de voir - fût-ce superficiellement - tout ce qui jouit d'une quelconque notoriété, souci du confort et - plus rarement toutefois - du bon marché, ce sont là autant d'attitudes qui apparentent singulièrement l'Anglais du XVIIIe siècle au touriste moyen de notre temps.

Certes, il serait vain de minimiser des différences qui sont, elles aussi, significatives. Malgré elles cependant nous entrevoyons les réactions, la sensibilité, bref le paysage mental du voyageur étranger de même qu'en dépit des quartiers rasés et des campagnes envahies par les usines, nous parvenons encore à reconstituer le site de Liège avant la Révolution.

C'est pour mieux y réussir que nous traduisons les deux extraits ci-dessous (3). Il nous reste à en présenter les auteurs.

Le premier en date est un certain Antonio Monsanto qui se qualifiait de linguist (4) et demeurait à Londres. Il n’a d'autre prétention que de donner une exacte description des « curiosités » qu’il a visitées lui-même au cours de l'été 1751, en accompagnant un gentilhomme anglais en qualité d'interprète. A cette occasion, il avait pu prendre des notes et se renseigner sur les moyens de transport les plus économiques ce dont, paraît-il, aucun guide ne se serait avisé avant lui. Il a suivi l'itinéraire que voici: Calais, Lille, Gand, Anvers, Louvain, Bruxelles (visite, entre autres, du déjà inévitable Manikenpiss), Namur, Liège, Maestricht, Aix-la-Chapelle, Utrecht Amsterdam, La Haye, Breda, Bruges, Calais. A deux reprises (p. 3 et 29), Monsanto s'excuse lui-même de l'incorrection de son style: gallicismes, répétitions, imprécisions, emploi d'épithètes stéréotypées rendent, en effet, sa prose des plus ternes et forcément notre traduction s'en ressent.

[p. 16] De là [Namur] j'allai vers une petite localité nommée Wase, entre Namur et Leash (en hollandais Lyke), (5) où se trouve une église dédiée à Notre-Dame. Elle est pavée de marbre blanc et noir, le maître-autel est garni de belles statues de marbre et la porte est en laiton. Il y a plusieurs petits autels à l'entour avec de belles peintures, des statues de marbre et le plafond est partout curieusement sculpté.

De là, nous avons été au grand marché où il y a une grande fontaine avec un vaste bassin de cuivre et un autre de pierre, pour recueillir l'eau. L'église de Crusa (entendez: des Croisiers) vaut certainement une visite. Son maître-autel est joliment garni de belles peintures et statues de marbre; il faut y voir le tombeau du prince et cardinal de Liège, d'une grande somptuosité.

J’ai parcouru en bateau les 30 milles qui séparent Namur de Liège. Là se trouve l'église Saint-Paul dont le pavement est en marbre blanc et bleu et qui est garnie de belles statues de cuivre et de marbre. Autour de l'église, se trouvent plusieurs toiles curieuses, dues à différents peintres. Le maître-autel est entièrement de marbre, avec une remarquable porte de cuivre, délicatement sculptée et dorée; à proximité, un excellent tableau. La voûte est admirablement sculptée. En sortant de l'église, on aperçoit quatre lions crachant de l'eau par leurs gueules; au sommet, la statue de la Vierge, dorée.

De là, nous avons été à l'église des Dominicains, surmontée d'un beau dôme et entourée d'un beau cloître. L'hôtel de ville d'ici est magnifique. En face, trois têtes humaines font couler l'eau de leurs bouches.

L'église Saint-Jacques est de toute beauté; elle abrite un des meilleurs orgues qui soient (6). Tout autour de l'église [p. 17], les statues de marbre des Douze apôtres méritent de retenir l'attention, de même que plusieurs beaux tableaux. De part et d'autre de l’autel, deux statues de marbre noir et une grande quantité de garnitures finement sculptées. Quant à l’autel, il est élégamment paré d'un nombre considérable de pièces d'argenterie et de bons tableaux parmi lesquels on remarquera un saint Gilles. Au delà de ce tableau, vous apercevrez une porte verrouillée mais qu'un des Pères pourra vous ouvrir. Elle donne accès à un double escalier qui n'a pas son pareil en Europe et qu'on appelle Septem grados. Il est disposé de la sorte :

[A cet endroit du texte, Monsanto reproduit un ovale divisé en six parties sensiblement égales, par son grand axe et par deux perpendiculaires à celui-ci. La partie supérieure gauche et la partie inférieure droite sont hachurées. Il n'a pas été possible de faire figurer ici ce croquis.]

Deux personnes peuvent le monter en se tournant le dos, sans se voir, mais en arrivant en haut elles se verront de face, ce qu'aucun auteur n'a remarqué. Le plan de ces escaliers m'a été donné de la main même du jésuite (7). Il y a d'autres particularités dans cette église que je dois passer sous silence afin de rester concis.

De là, j'ai été visiter le couvent des jésuites anglais, le meilleur de cette ville, situé sur une haute colline (8). Pour y accéder, il faut gravir 55 larges degrés de pierre bleue où quatre personnes pourraient passer de front. Arrivé au sommet, sonnez la cloche et priez le religieux qui vient ouvrir de vous faire voir le couvent. On vous traitera avec beaucoup d'égards et on vous montrera le couvent avec tout autant de plaisir.

A l'intérieur, un magnifique jardin au milieu duquel se trouvent trois pièces d'eau. Dans l'une vous pouvez voir les vagues de la mer; dans une autre, lorsque vous regardez vers le fond, vous apercevez les heures du jour à travers une étoile et de l'autre côté de ce bassin, c'est juste l'inverse; à la troisième pièce d'eau, un aveugle pourrait vous indiquer l'heure qu'il est. L'explication en est qu'elle comporte des chiffres de fer en relief et lorsque les rayons solaires y sont réfléchis, vous pouvez dire l'heure rien qu’en touchant ces chiffres (9).

[p. 18] Bref, dans cette partie du jardin, il v a tant et tant de curiosités que, si je devais les énumérer toutes, cela gonflerait démesurément cet ouvrage.

De là, vous irez à une vaste terrasse comprise dans le jardin; elle comporte une galerie qui vous offre une merveilleuse vue de la région et du couvent à vos pieds.

Nous avons été voir ensuite la bibliothèque qui est fort belle. Elle abrite une commode remplie de médailles antiques et autres curiosités. Parmi les monnaies du premier tiroir, il s'en trouve une qui avait cours chez les Juifs: sur une face, la tête d'un loup et, au revers, Israël en caractères hébraïques. On voit encore une autre médaille sur l'avers de laquelle se trouve une branche d'arbre et au revers une inscription si ancienne qu'on ne peut la déchiffrer.

Dans un autre tiroir, vous verrez tous les empereurs dessinés d'après les originaux par un jésuite de ce couvent. Dans un autre encore, le chapelet et un manuscrit en parchemin ainsi que le livre de prières de la reine Marie d'Angleterre; son nom et son titre figurent sur le livre et le fermoir est en or massif. Il y a encore quantité d'autres curiosités qu'il serait fastidieux d'énumérer.

Je ne puis cependant quitter ces lieux sans faire mention d'un objet particulièrement curieux; c'est un cadre abritant un petit arbre au milieu duquel vous remarquerez le Pater Noster en latin de la dimension d'une pièce de six pence, découpé avec une paire de ciseaux et cela avec tant de délicatesse que ma plume est incapable de l'exprimer; on ne pourrait trouver l'équivalent dans le monde entier.

De là, nous avons été visiter le palais du prince et évêque de Liège. La grande salle de l'audience y retiendra les regards du voyageur curieux. Elle est admirablement décorée de tapisseries

[p. 19] représentant l'histoire de Moïse. Il en est de même pour diverses autres chambres et salles joliment garnies de tapisseries, peintures, etc.

De là, en une heure de bateau, vous pouvez aller voir les jardins et la résidence du Prince. Il s'y trouve plusieurs belles chambres très élégamment garnies de portraits, de tapisseries, etc. La première est la grande salle dans laquelle vous remarquerez le portrait de Son Altesse: exécuté d'après nature. Dans sa chambre à coucher, sur un côté du lit, se trouve une statue du Christ, en ivoire, faite de sa propre main. Au chevet, il y a une horloge agencée de telle manière qu'en tirant une petite cordelière tressée d'or, on peut savoir l'heure à n'importe quel moment de la nuit. De l'autre côté du lit, une image de la Vierge, faite dans un miroir, est d'une criante vérité. Elle est garnie d'or, de diamants et de pierres précieuses, selon un procédé si parfait que les meilleurs maîtres d'Europe qui l'on examinée n'ont pu se rendre compte du mode de fabrication. Il y a aussi un portrait de l'empereur actuellement régnant. Dans la chambre voisine, le Prince se livre au travail de ses pièces en ivoire.

Visitons maintenant le jardin dans lequel vous verrez plusieurs fontaines remarquables. L'une d'elles a la forme d'un artichaut. Une autre, bien curieuse aussi, représente un aigle bicéphale crachant de l'eau. Au milieu du jardin, on a installé une caisse dont l'intérieur est en verre et où les abeilles vont faire leur miel: on a essayé de la fabriquer sur le modèle de celle que fit Salomon lorsqu'il voulut savoir comment les abeilles produisaient leur miel (10). Le jardin est on ne peut plus beau avec ses jolies allées et un grand nombre de curieuses figures taillées dans le buis. Ici se trouvent également des chenils où on élève quantité de chiens de prix de toute race; et si vous le désirez [p. 20], vous pouvez dîner sans frais avec le jardinier.

Tout près du château du prince, un très vieil ermite a sa retraite sur une colline et vit uniquement de charité.

L'après-midi, vous pouvez retourner à Liège à pied: c'est une des plus belles promenades que j'aie jamais faites car la campagne s'offre sous son aspect le Plus charmant. [ ... ]

[p. 22] D'Aix-la-Chapelle, vous pouvez vous rendre à Spa vous y verrez beaucoup de gens de la noblesse qui y séjournent pour prendre les eaux, ce qui se fait le matin, l'après-midi étant d'habitude consacrée aux réunions. Sur le grand marché, coulent deux fontaines appelées Pohoon et Jeronsters. De là, en une demie heure, vous pouvez aller jusqu'à une troisième source appelée Sasivinier [la Sauvenière]. L'eau du Pohoon est bonne pour les asthmatiques et l'autre pour adoucir le sang. Le jardin des capucins vaut la peine d'être vu; il s’y trouve un très haut jet d'eau.

L'auteur de « A tour to Spa » est jusqu'à présent resté anonyme. Il conseille au voyageur débarqué à Calais de se rendre successivement à Bruges, Anvers, Bruxelles, Louvain, Tirlemont puis Liège. Après un séjour à Spa, il l'invitera à parcourir la Rhénanie et la Hesse avant de regagner son point de départ par l'Alsace, la Lorraine et la Champagne. Des variantes dans l'itinéraire sont prévues. Modeste ancêtre du Baedeker, le Tour to Spa, indique les hôtels et leurs tenanciers, les horaires des bateaux et des coches: il énumère les chefs-d'oeuvre conservés dans les églises et chez les collectionneurs. Malheureusement, aux défauts du style de Monsanto, l'auteur ajoute les imperfections de la syntaxe et l'indigence du vocabulaire (11).

[p. 57] LIEGE. La ville est aussi importante qu'elle en a l'air. Il y a plusieurs places publiques et espaces libres, plantés d'arbres. Beaucoup de ponts franchissent la Meuse. Quelques bons édifices, mais les rues sont en général étroites. On y manufacture quantité de fusils. de pistolets et d'autres articles en acier. Le palais est une élégante construction en pierre.

La CATHEDRALE est un bel édifice. On y remaquera un crucifix passable et quelques candélabres qui sortent de l'ordinaire car ils sont en argent et d'une ligne gracieuse

[p. 58]

[L'église] SAlNT-PIERRE. Au-dessus de l'autel est accroché un très beau tableau. Un autre représente un Sultan qui s'apprête à décapiter une femme. Le regard du Sultan est passionné et sauvage; l'attitude de sa victime est très belle et sa frayeur très justement exprimée. C'est une jolie petite église.

SAINT-PAUL est une construction très sobre de lignes dont la voûte, légère et bien peinte, mérite qu'on s'y arrête. Une bonne peinture du portement de la croix.

SAINT-JACQUES est une église des plus agréables. On y admirera beaucoup la légèreté de l'autel, la voûte, les orgues, etc. Derrière le chœur, d'une ligne pure et élégante, cinq petites chapelles; des peintures sur les vitraux du choeur. Un curieux tableau, L'histoire de saint Benoît, près des bas-côtés, et une belle toile représentant la Vierge, le Sauveur et saint Jean. On trouve également à Saint-Jacques, de très gracieuses statues de marbre.

L'église des DOMINICAINS n’est pas vilaine avec son beau grand dôme, les sept chapelles qui l'entourent et son plafond garni d'étoiles.

Une célèbre ACADÉMIE ANGLAISE, pour jeunes gens de bonne famille, jouit de la protection du prince de Liège; elle compte environ 170 pensionnaires. Leur programme d'éducation comporte toutes les branches des belles-lettres [p. 59] et en outre la pratique de la danse, de l'escrime, de l'équitation, etc. Leur maison de campagne, à quatre milles de Liège est on ne peut plus jolie et « romantique » (12). En été, ils vont s'y délasser deux fois par semaine. L'aile du batiment qui est destinée aux pensionnaires est aussi élégante que pratique et de bon goût. Le tout jouit d'une situation particulièrement heureuse.

Au FAUBOURG SAINT-GILLES, se trouve un couvent de Dames anglaises, où de nombreuses demoiselles, de différents pays, reçoivent leur éducation. Les appartements des pensionnaires sont très plaisants d'apparence et commodes. A l'extérieur, de très beaux logements sont souvent retenus par les familles anglaises lorsqu'elles s'arrêtent par ici (13)

Au sommet du FAUBOURG, SAINTE -MARGUERITE, est installé un autre couvent de l'ordre de saint Augustin, lui aussi très favorablement situé. Les bâtiments sont élégants et, de par leur situation, tout à fait appropriés au séjour des pensionnaires qui sont placées sous la surveillance diligente de religieuses françaises parfaitement qualifiées pour élever la jeunesse.

Je vous conseille vivement de vous rendre à Maestricht. Allez-y en bateau pour descendre avec le courant et revenez-en par la route qui traverse des campagnes fort avenantes [ ... ] (14).

[p. 60] CHAUDFONTAINE, c'est-à-dire les bains chauds, est un site des plus romantiques, dans le genre de Matlock (15) mais avec cet avantage que la rivière est mieux navigable et qu'il y a des châteaux et des villas sur ses rives. La route qui y conduit est très agréable, longeant en partie la rivière sur laquelle des bateaux passent continuellement. La région est de toute beauté.

Chaudfontaine est entre deux montagnes aux pentes tapissées de verdure et que contourne la jolie rivière. Il s'y trouve de curieuses forges, actionnées par l'eau qui provient des montagnes; la soufflerie du foyer se fait par en-dessous. Il y a aussi une machine pour façonner le fer qui, de même que le plomb et le marbre, s'exploite ici en de nombreuses minières.

Grimpez sur la montagne qui s'élève derrière Chaudfontaine et vous aurez une vue ravissante qui s'étend jusqu'à Liège au travers d'une jolie vallée. La rivière, les châteaux, tout concourt à rendre le paysage magnifique (16). Franchissez une longue bruyère pour atteindre une route aussi bonne qu'agréable, qui fait penser à celle de Matlock à Bakewell (17) ; elle est tracée entre des collines tapissées de bois et au bord de la rivière, le long de laquelle se trouvent plusieurs jolies villas. La route serpente sans cesse [p. 61] de sorte que vous découvrez un paysage variant à l'infini, jusqu'au moment où vous arrivez à la belle large route qui, en un mille, vous monte à Lovegniez où vous trouverez à vous rafraîchir.

C'est de là que l'on va à Spa qui donne l'impression d'être une minuscule localité. A votre gauche, une jolie colline et des bois; à votre droite, une petite rivière, bordée de grasses pâtures et de campagnes prospères sur des coteaux.

SPA n'est pas une bien grande localité. Elle ne comporte en somme qu'une rue principale et une rue latérale, toutes deux assez éroites. Toutefois les maisons y sont passables et la plupart sont prévues pour recevoir des pensionnaires car cet endroit est plein de gens qui vivent uniquement des étrangers qui y viennent pour !eur santé, leur plaisir ou encore leur profit.

On trouve plusieurs auberges ici. Par exemple, la Cour de Londres, tenue par la veuve Ogilvie, le Grand Hôtel tenu par un certain Fraikin, le Grand Monarque par Postula, la Ville de Bruges par Vanderport, l'Hôtel de Flandre par Loreau, le Maréchal Turenne par un certain La Courcelle. Si vous ne faites pas un long séjour, je vous recommande de descendre à l'une des auberges surnommées pour l'agrément d'y avoir vos repas; mais, si votre séjour est de quelque durée, comme le logement est très coûteux, vous serez obligé de prendre vos repas au dehors, ce qui entraîne force désagréments.

Il vous est conseillé de vous mettre en rapport [p. 62] avec le Sieur Bollen qui fait un commerce de livres français et anglais. Il a reçu du prince de Liège le privilège d'imprimer la Liste [des étrangers] et des cartes de visite. Il est très au fait des usages de Spa et il vous renseignera un guide de l'endroit. Il habite rue de l'Assemblée. Si vous désirez consacrer une partie de vos loisirs à l'étude du français, mettez-vous en quête d'un certain Held qui est parfaitement qualifié et qui a une grande expérience en la matière puisqu'il a enseigné le français dans les plus fameux collèges d'Angleterre. Le sieur Bollen vous donnera son adresse.

Au cas où votre séjour serait bref, je vous indiquerai quelques endroits de la ville et des alentours qui méritent votre attention. Il y a deux courtes promenades, appelées les Promenades de Quatre et de Sept Heures, car c'est alors qu'elles sont très fréquentées. Il y a aussi une fort agréable promenade sur la colline qui domine la ville d'où l'on a plusieurs vues vers Spa et la campagne et qui est très en honneur par temps couvert, lorsqu'on désire prendre l'air.

Il y a encore moyen de faire à cheval bien des promenades charmantes aux différentes sources, à Coo et à Stavelot mais comme votre propos est de voir dans la ville ce qui en vaut la peine, je commencerai d'abord par les deux salles des Assemblées et la Maison de Jeu, qui sont de fort gracieuses constructions, et spécialement la salle de bal, à la fois élégante et gaie, de l'établissement qu'on appelle Vauxhall. Ce dernier n'est qu'un vaste édifice, sans arbres ni allées. L'église de l'endroit est une jolie petite construction et il y a un assez bon tableau au-dessus de l'autel. Le jardin et l'église des Capucins valent la peine d'un coup d'œil, de même que l'atelier du tourneur en ivoire qui est un grand artiste en son genre.

La source principale est le Pouhon, sur la place du marché. Chaque matin avant le déjeuner, on fait son tour à cheval jusqu'à la Géronstère, à environ deux milles de la ville sur une colline où se trouve la fontaine dont les eaux sont réputées les plus actives. L'endroit est sans aucun intérêt et les promenades que l’on fait pour digérer les eaux sont insignifiantes. On y vend, entre autres, des jouets de toutes sortes et la musique joue tant que la compagnie y séjourne. Le chemin du retour est beaucoup plus agréable car on a la ville devant soi et un riant paysage.

Il y a une autre jolie promenade jusqu'au Tonnelet et à la Sauvenière. L'eau du Tonnelet est fort agréable et fait penser au Champagne. On a tout avantage à prendre ici des bains d'eau minérale, chaude ou froide. Les pompes et les étuves sont fort joliment installées et le bâtiment qui les abrite est très commode. Aux environs de la Sauvenière, on trouvera quelques promenade fort plaisantes, un site boisé et romantique, des cascades naturelles.

[p. 64] Il y a une belle excursion à faire jusqu'à Aix et jusqu'à d'autres hauteurs, vers la droite en montant de Spa. Une autre jolie promenade consiste à emprunter une partie de l'ancienne route de Liège et à retourner à Spa par le sommet des collines.

COO. Vous ne devez pas manquer de vous rendre à Coo dans la principauté de Stavelot, à trois lieues de Spa environ. C'est là que se trouve une célèbre cascade, haute de 60 pieds et large de 12 environ. Le pays jusque là est de toute beauté et très romantique: des montagnes tapissées de verdure. Au bord de la rivière, les gens vous jetteront dans la cascade des chiens qui ne s'en portent pas plus mal pour la cause. L'endroit est on ne peut plus riant, vraiment romantique; restez-y donc quelques heures et regardez-le sous tous ses aspects. Après cela, pour changer, je vous recommande de rentrer en traversant une région très romantique et d'aller voir STAVELOT qui est une grande et vieille ville: le château, les rochers, les collines sont très beaux et une rivière coule au pied des deux versants d'une montagne couverte de bois.

La CATHÉDRALE est une petite église aux lignes simples. Remarquez la voûte qui fait penser à un taffetas indien. Le chœur est fort joli et il y a quelques toiles d'Albadura.

[p. 67] Après Stavelot, la route est fort romantique mais je vous conseillerai plutôt d'aller à Stavelot et de voir la cascade sur le chemin du retour car le trajet de Spa à Stavelot est plus beau que celui de Stavelot à Spa. On raconte que les revenus du prince de Stavelot ne dépassent pas deux mille livres. Son armée compte douze hommes aussi l'état de guerre ou celui de paix la laissent-ils fort indifférente (18). [ ...] Vos hôtes vous fourniront une voiture et des chevaux jusqu'à AIX-LA-CHAPELLE. Une très jolie route y conduit: elle traverse Theux, une petite ville [p. 66] mais où il y a une importante manufacture de tôles de fer. De Theux on se rend à Verviers où se trouve une des plus grandes manufactures de draps en Europe: elle vaut une visite. De là, à travers une région aussi jolie que romantique, on va à Henry-Chapelle localité réputée pour soit beurre et soit excellent fromage.


1. Une excellente liste en a été établie par L. HALKIN, Une description inédite de la ville de Liège en 1705, p. 87-100, in-8°, Liège, 1948. Pour Spa, cfr A. BODY, Bibliographie spadoise, dans le Bulletin du Bibliophile belge, t. VII-IX, in-8°, Bruxelles. 1872-1875. Pour Namur, cfr F. ROUSSEAU, Le pays de Namur d'autrefois d'après les récits de vovageurs, dans Namurcum, années 1931-1937.

2. Il s'agit ici des relations de voyage du XVIIIe siècle. Celles d’après la Révolution seront souvent d'une qualité fort supérieure.

3. Les notes qui accompagnent ces traductions ont été réduites au minimum. Les lecteurs du Vieux Liège n’éprouveront aucune difficulté à procéder aux identifications et comparaisons qui s’imposent à l’aide des ouvrages de SAUMERY, GOBERT et autres classiques de la topographie liégeoise.

4. Il faut entendre « interprète ». Ailleurs (p. 38), Monsanto offre ses services aux gentilshommes qui voudraient apprendre l'espagnol, le portugais, l'italien, le français, le hollandais ou le haut-allemand ... A. MONTSANTO, A tour from England thro' parts of France, Flanders, Brabant and Holland ( ... ), 40 p., in-8°, Londres, 1752.

5. Wase: Huy. Leash: Monsanto a noté la prononciation wallonne Lîdge.

6. Cfr A. AUDA, La musique et les musiciens de l'ancien pays de Liège, p. 241 et 253, in-4°, Bruxelles, 1930.

7. Monsanto ne fait pas d'autre allusion à ce personnage. Sans doute a-t-il pris pour un jésuite un des bénédictins de l'abbaye Saint-Jacques.

8. Cfr la description du couvent, des jardins et des collections des jésuites anglais dans J. BRASSiNNE, Les jésuites anglais de Liège et leur orfèvrerie dans le Bull. de la Soc. d'Art et d'Hist. du diocèse de Liège, T. XXXIII, D. 47-60, in-8°. Liège, 1947.

9. Cfr description des horloges solaires, ibidem, p. 57.

10. A notre connaissance, la Bible ne relate pas cette expérience attribuée ici à Salomon. Elle fait cependant allusion à ses goûts pour les sciences naturelles.

11. A tour to Spa through the Austrian, Netherlands and French Flanders and from Spa to Dusseldorff up the Rhine to Frankfort and through Manheim, Strasbourg, Nancy and Rheims to St-Omer and Calais, 116 p., in-16, Londres, 1777.

12. Il s'agit de la maison de repos située au lieu-dit Heid-du-Loup, à Vaux- sous- Chèvremont. J. BRASSINNE, op. cit., p. 65-71. Le programme des études de l'Académie anglaise a été publié ibid., pp. 90-91. L'épithète « romantique », appliquée au site de Chaudfontaine, se rencontre déjà, en 1756, sous la plume de Margaret Calderwood. Cfr L. LECLÈRE, Une voyageuse écossaise en Belgique (1756), dans Acad. Royale de Belg. Ci. des lettres, 5e s., t. XI, p. 365, in~8°, Bruxelles, 1925.

13. En 1791, le couvent des sépulchrines anglaises de la chaussée Saint-Gilles comptait un aumônier, 33 religieuses, 69 pensionnaires, 8 servantes, 3 locataires anglais et leurs domestique~; A. E. L., Capitation 1791, paroisse Saint-Christophe, f°, 90.

14. Le passage omis se rapporte à l'itinéraire Maestricht-Aix-la-Chapelle.

15. Matlock: ville du Derbyshire, sur la Derwent. A environ 2 Km. au Sud, les Matlock baths furent, dès le XVIle siècle, renonmés pour leurs sources minérales.

16. Même admiration pour la région de Chaudfontaine, exprimée par Margaret Calderwood; L. LECLÈRE, Op. Cit., P. 365.

17. Bakewell, dans le Derbyshire; sources minérales utilisées pour le traitement du rhumatisme chronique.

18. Comparer au récit de l' »homme sans façon ». publié par J. JARBINET, Un philosophe à Stavelot et à Malmedy en 1784, dans le Folklore Malmedy-Saint-Vith, t. VI, p. 51-64, in-8°, Malmedy 1936.

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