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Château de Chokier

A propos de Chokier
Note des toponymie
par Marcel Fabry

Le Bulletin du Vieux-Liège de novembre-décembre 1950 pp. 491 à 512, contient une magistrale étude d'Ivan Delatte sur «Chokier dans le passé». La vie de cette intéressante commune y est évoquée sous ses aspects principaux grâce à une documentation patiemment réunie! grâce surtout à la maîtrise acquise par l'auteur dans l'interprétation des données cadastrales.
L'article se termine par une courte énumération de lieux-dits. Il m'a paru opportun de compléter cette partie toponymique en mettant à profit mes dépouillements, hélas incomplet, des archives relatives à Chokier.
Pour la forme générale de la commune, je renvoie le lecteur à l'article d'Ivan Delatte (plan reproduit p 493). Je rappellerai que Chokier comprend:

1) Une partie basse. le long de la Meuse, de la route de Huy et du chemin de fer de Namur, occupée par le village proprement dit: l'église et des rangées d'habitations, la plupart dans le style savoureux des XVIIe et XVIIIe siècles:
2) des collines escarpées. rocheuses, couronnées par le château. interrompues: aux deux extrémités de la commune par des vallons tributaires de la Meuse et le trokê en amont et la houlboûse en aval;
3) sur la hauteur, un plateau cultivé, début de la plaine de Hesbaye, dépendant de quelques grandes propriétés, parmi lesquelles le château, la ferme de Chokier et la ferme d-Othet-les Bois.
Les noms de lieux recueillis à Chokier reflètent, non seulement les aspects de la commune. mais également sa vie et ses diverses activités.

I. - RELIEF ET FORME DU TERRAIN.

On relève, parmi les hauteurs et les escarpements:
so lès tièrs: les teires de choickier (I494): sur les thiers (1534): le mot, qui a pris le sens de «colline», désignait primitivement la limite (terminem) d'une propriété rurale, limite souvent marquée par un tertre.
monjohie (1485): monjohir (1490): monjoihier (1542), Val St-L. 123); mont joixhy (1772); thier goihy (1782): ce «mont», situé sur la hauteur, derrière le château, a donné son nom à un chemin, voie de monjochier (1555, Val St-L,. 123): joihy, gohy, nom d'un possesseur ou d'un occupant correspond probablement au nom germanique Gohier.
Après les hauteurs, les creux:
le foxalle (1523); le fouxhalle (1525): fohale signifie petite fosse; mais, de même que horê peut signifier ravin ou talus, le terme fohale a été appliqué à un des versants de la fosse: le thier condist le foxhal (1537).
â trôkê; en trokeal (1487); litt. petit trou: vallon où coule un ruisseau tributaire de la Meuse, et qui marqua la limite ouest de la commune avant l'annexion à Chokier d'un morceau de territoire détaché de Horion; la dénomination s'est étendue à une propriété: court, maison, jardin... condist de trockeal (1534), et même à des personnes: collin de trockea (1534), bertelmeit de trocqueal (1534).
Quant aux formes des terrains, qu'elles soient délimitées par des accidents naturels ou par des tracés de propriétés, on relève les termes suivants:
al crâne; alle crane (1785, A. O.); petit hameau riverain des Awirs, sur la hauteur (anciennement commune de Horion); tire peut-être son nom d'un terrain de forme allongée rappelant la silhouette d'un robinet de tonneau; à noter que la fabrication de ces robinets de bois s'était implantée dans la région, à Ramioule, rive droite de la Meuse.
alle sties (1526): allusion à un setier (?); dénomination précisée, dans la même citation: bourdealstier (1526).
les petrinne (1534); les poitrinnes (1536); allusion à des monticules (?).

II. - NATURE DU SOL.

La partie escarpée de la commune présente des affleurements de grès et schiste (famennien) et de calcaire (frasnien et carboniférien). Certains lieux-dits englobent les uns et les autres sous le terme générique: aus roiches (1462); dessous les roches (1479, Val St-L.); on relève un diminutif: la rochette (1771) et un nom de personne servant de déterminant: roche de biertoil (1484), nom germanique Bertold.
Les affleurements de calcaire ont donné son nom à la commune: tchôkîre, calcharie (1086, St-P.); la forme primitive calcaria, lieu où il y a du calcaire, était féminine; la forme française devrait être Chokière; elle serait conforme à la prononciation des anciens habitants de l'endroit.

III. - LES EAUX.

moûse (sans article); la Meuse; l'endroit où la route de Huy longe la Meuse, vers Flémalle-Haute, se nomme al rivîre, à la Rivière.
Deux ruisseaux tributaires:
a) Vers l'aval, riewe de chockier (1537); dénommé plus souvent rieu de hourbousse (1528), aujourd'hui rèwe d'al houlboûse; j'ignore l'origine de ce nom qu'on trouve. avec quelques variantes, aux XVe et XVIe siècles: en hulbouche (1493); hurbusse (1534); en hurboche (1539).
b) Vers l'amont, li rèwe d'â trôkê, dénommé précédemment rieu de frumsée (1768): j'ignore également l'origine de ce nom, dont j'ai relevé les formes suivantes dans Hesb.: fymeseus (1359); fremeseiz (1368); fromeseez (1409): fromesee (1446); fimmeseiz (1451); frumieze (1564).
Autres points d'eau:
a) alle fontaine (1531); cette fontaine, qui semble devoir être située au pied de la colline, a donné son nom à une rualle delle fontaine (1529), à des «courts, maisons, jardins... condist delle fontaine» (1532), à une vingne alle fontaine (1493): il s'agit probablement de la source située à l'endroit dit al mâ toumêye, et de la «fontaine salutaire» citée par Thomassin (Mém. stat. du Dép. de l'Ourte, p. 60): c'est peut-être la même fontaine que précise un nom de personne (sobriquet): sarazien fontaine (1534).
b) La gote (1780); une seule citation; plusieurs lieux-dits de ce nom se rencontrent dans la commune limitrophe des Awirs, où ils s'appliquent, soit à un ruisselet, soit à un vallon humide.
c) Sans doute est-ce la présence de l'eau qui a valu son nom au fon de pixhevaiche (1534): et peut-être l'endroit correspond-il au moderne pré vatche, joli vallon où prend sa source le rèwe d'â trôkê.

IV. - LA FLORE.

Indépendamment des noms repris plus loin sous la rubrique Agriculture, quelques lieux-dits rappellent des végétaux:

au sains niscollay gelhye (1493); doit s'interpréter: au noyer de Saint-Nicolas, interprétation corroborée par « terre la il y a ung gelhier» (1534): l'appellation, aujourd'hui disparue, subsistait au XVIIIe siècle: thier de Saint-Nicolas gallier (1770).
au tilleu (1567, Ch. H.): au tilleul (an XI, Cant.): allusions à un tilleul, aujourd'hui disparu. et qui se trouvait, à mi-côte de la colline, à la limite Chokier-Les Awirs.
Peut-être li vôye âripète, voie d'Aripette (C. V.), aux confins deFlémalle-Haute, tire-t-elle son nom de l'âripe, arroche, atriplex, plante sauvage voisine de l'épinard, dont le nom a été appliqué parfois (erronément ?) à la clématite et au lierre.
4) piece (de vingne) alle saige (1537), litt. à la sauge, entre la crête de la colline et la hauteur de monjohier.

V. - LA FAUNE

al tèsnîre, tesnir (1511, A. O.); tessenier (1090, A. O.); petit hameau limitrophe des Awirs, à mi-côte de la colline; tire sans doute son nom d'un gîte de tessons (blaireaux); même origine que le français tanière.

VI. - LES CHEMINS.

Tout d'abord. les terrains vagues où l'on passe:
a) so l'bate; la batte de chauquière (1776, Ch. H.); le long de la Meuse. vers Flémalle, là où la route de Huy longe le fleuve; terre battue gagnée sur les alluvions, consolidée ou non par des pilotis.
b) so l'bati; terrain communal le long de la Meuse, en amont du précédent: même origine.
c) le werixhas (1496); le Werihet (1867, C. E.); semble désigner le même terrain.
d) sur le rivaige (1525); semble également se rapporter au même endroit.
li grand route, route de Liège à Huy et Namur: achevée de 1804 à 1813 (R. MALHERBE, La Voirie au Pays de Liège; Liège, 1872: on y avait déjà travaillé sur le territoire de Chokier dès 1771 (Ch. H.); précédemment. à en croire une requête de la ville de Huy aux Etats, «en hiver et en tout temp pluvieux, on ne peut déterminer aucun loueur de voiture à entreprendre ce petit voyage (de Liège à Huy) avec moins de quattre chevaux..: dans les débordements de la Meuse, il est des endroits tellement couverts d'eau que, par aucun moïen. ni à aucun prix, il n'est point possible de les franchir» (Ch. H.); la route ou le chemin qui en tenait lieu était parfois dénommée roiaul chemin qui tent de liege a huy (1487): cette dénomination a débordé sur les terres riveraines, entre la route et la colline: en roial (1462): en roiaulx (1496): les royeaz (1525); le roieal (l534).
Une route secondaire, li vôye dèl houlboûse, part de la route de Huy, remonte le vallon de la Houlbouse et se dirige vers la Hesbaye; on l'appelle parfois vôye di fèhe, rue de Fexhe de même qu'une route de la communes des Awirs qui suit une direction parallèle.
Viennent enfin les chemins de moindre importance: je relève. parmi les dénominations:
a) Allusion à l'endroit desservi ou côtoyé:
ruelle de l'église. entre l'église et la voie de Fexhe: supprimée en 1850 (B. C.): dénommée précédemment piedsente du cimetière (1797):
rouwale dè tchèstê: voye du chateau (1756, Geo); voie du Château (C. V.): c'est probablement l'ancienne voie de monjohier:
voie de chaffore (1531): ancien nom de la vôye d'â trôkê.
b) Particularités du chemin:
crombe voie (1529), litt. voie courbée: semble désigner la partie de la voie du château qui. se dirigeant d'abord vers l'ouest, vire brusquement vers le nord:
li vète vôye: longe au nord les anciennes alunières et entre à Flémalle Haute: doit son nom au gazon qui la recouvre; «èlle èst todis vète»^ m a-t-on affirmé dans la région:
mâssî rouwale: masier ruwail (1487): sale ruelle (C. V.): allusion à un ancien état de choses (bourbier ?), cette dénomination n'a plus de raison d'être aujourd'hui; aussi les riverains se gardent-ils de l'employer: ils considèrent qu'ils habitent la voie de Fexhe, à laquelle aboutit la ruelle;
à la Garde de Dieu (1767, Ch H.) : «il se trouve aussi au-delà du chafour de Choquier. un très mauvais chemin et cela appellé a la garde de Dieu jusqu'au tilleu qui est le limittes de la jurisdiction des Awirs» ; autrement dit, un chemin où l'on ne s'engageait qu'à la garde de Dieu.
c) Ruelles tirant leur nom de riverains. situées entre le chemin de fer et la route de Huy:
li rouwale burton;
li rouwale di mon fâbrî; ruelle Fabry (C. V.);
li rouwale sacré; ruelle à la chaux (C V.): cette dernière dénomination est probablement erronée; elle semble devoir s'appliquer à une ruelle située non loin de là, sur le territoire de Flémalle-Haute, et appelée li boutèdje al tchâs'.
Mentionnons pour finir, parmi les voies de communication, le passage d'eau de Chokier sur la Meuse (entre Chokier et Ramet). Il en est question dans un acte de 1486 relatif à «court, maison, jardin, barche et passaige de chockr». Cité d'autre part, passeage d eawe, parmi les «appartenantz et appendices» de la « signorie de chockier» (1564, Hesb.).

VII. - ETABLISSEMENTS HUMAINS.

Les lieus-dits situés dans le voisinage de l'agglomération ont tiré leur nom de celle-ci:
derier le wilhe (1496); derier le ville (1534).
dessoubz le vilhe (1532).
Des propriétés ont été dénommées suivant leur bonne ou leur mauvaise situation:
al bin toumêye; pieche... c. dist bien tomee (1485): prairie en pente, derrière le château, sur la hauteur; abritée du vent du nord, elle produit en tout temps, m'a-t-on assuré, un foin d'une qualité exceptionnelle.
al mâ toumêye; la mal tombée (Bull. des Chercheurs de la Wallonie, t. IV, p. 166, Seraing, 1910): au pied du château, entre les roches et le chemin de fer: il s'y trouve une source, dénommée elle-même la mal tombée; on y a découvert une station néolithique.
â mâ mètou; tout au nord de la commune, aux alentours des bâtiments de l'ancienne houillère de Lalore.
Pour ce qui concerne les habitations remarquables. je renvoie à l'étude d'Ivan Delatte, p. 51l. Je me contenterai de citer:
a) Le château de Chokier: li tchèstê d'tchôkîre.
b) li toûr dame palâte; la Tour Dame Palate (Cad.): le nom de cette dame enigmatique se présente sous diverses formes: notre dame Polarde (1429, Aigr.): dame Palande (1466. Aigr.) dame pollard (1487).
c) J'ajouterai: le covetice (1534): la maison de covetriche (1534), qui semble devoir se situer dans le bas de la commune, vers Les Awirs.

VIII. - AGRICULTURE.

Parmi les végétations spontanées, un peu de taillis subsiste dans les deux vallons qui limitent la commune à l'ouest et à l'est:
à l'ouest, li bwès dè vî tchafor; bois du vieux chaffour (1755, Geo):
à l'est, li bwès d'al houlboûse, et vers le naissance du vallon. li p'tit bwès et li buscadje.
La toponomie a gardé le souvenir des bois qui couvraient anciennement la communé: des terres cultivées; depuis des siècles sont encore dénommées «bois»:
a) li bwès dès mwin'nes: bois des Moines (1806, Thom.): bois Lemoine (Cad.); vaste étendue qui se prolonge vers l'ouest sur le territoire des communes de Horion et des Awirs.
b) bois d'Othet (1780, Geo); plus au nord, vers la limite de Horion;
c) les bois de Lalore (Cad.); plus au nord encore, aux confins de Mons.
La nature des anciens bois est parfois spécifiée:
a) Bois de chênes, au nord de la voie de Monjohier: je relève, avec variations du suffixe: chaynee (l480): Chayeneulle (1494): chayeneux (1527); chayenea (1538): chaisneux (1539).
b) Haies (dans le sens primitif de taillis):
la haye de greis (1528): le haye des greis (1534): au sud de la voie de Monjohier: tire son nom d'un nom de personne: le haye q. fut collin de greit (1529); cf. aux Awirs, â pré dès grés.
aux hayes Jadet (1534): semblent devoir être situées sur le versant ouest du vallon du trôkê.
li hayoûle: al hayoulle (1686, Aigr.): la Hayolle (Cad.): limitrophe des Awirs; aujourd'hui, le nom s'applique plus particulièrement à la ruelle qui. à cet endroit, dévale perpendiculairement vers la route de Huy.
c) Epines: devant le spinette (1534): devant lespinette (1537): proba-blement dans la partie basse de la commune.
Après lès bois, les trîhes, terrains incultes après défrichement: trixhe de chockier (1485): sur les trixhes (1538); au nord de Monjohier. trixhe michelotte (1539), sans indication de situation.
Trois fermes importantes, en allant du sud au nord:
a) li cinse wéri; ferme de chockier (1351, Hesb.), à la limite de Flémalle. Haute.
b) li cinse d'ôtè ou di nôtè: ferme d'Othet-les-Bois (Cad.); ferme ditte les Awirs (1806, Cant.): au nord de la commune, à la limite de Horion: on trouvera dans l'article d'Ivan Delatte de nombreux renseignements sur cette ferme, que l'auteur croit avoir été le siège primitif du couvent des Cisterciennes d Aywières, émigrées après coup en Brabant wallon: l'endroit est dénommé altea vers 1207 (Cartulaire d'Aywières, Arch. Génér. du Royaume); othee en 1250 (id.), qu'il s'agisse d'une allusion au sillage d'Othée (altei en 1217, J. Herbillon, Toponymie de la Hesbaye Liégeoise, 1930 et suiv.), ou d'une formation parallèle: la dénomination pourrait s'interpréter Alletiacus, soit Alletius + suffixe gallo-rornan acos, acus, et signifierait donc propriété d'Alletius (d'après Herbillon, id.): en wallon, l'endroit s'appelle èn-ôtè, senti généralement è nôtè, d'où le nom de cinse di nôtè appliqué parfois à la ferme.
c) li cinse di lalôre; ferme de Lalore (Carte de l'Etat-Major), à l'extrême nord de la commtme, limite de Mons.
Les terres, sans spécification de culture:
a) Dénomination indiquant la contenance: li pasê dès qwinse bounîs; sentier des quinze bonniers (C. V.), non loin de la ferme d Othet.
b) Allusion à la forme du terrain: le cornut bonnier (1526); semble désigner un terrain voisin du précédent.
Les prés.
a) Dénomination générale: preal (1537): au sud de Monjohier.
b) D'après une particularité: terre delle heize (1524) preit delle heit (1534): dans la partie basse de la commune; la première forme fait penser au wallon hâhe, barrière: la seconde à hé, colline boisée.
Les cultures.
a) D'après la dimension: le grand cortil (1532); peut-être vers la Houlbouse.
b) Portant un nom de personne:
le précédent est également dénommé: le grand cortil wery delle thoure (1532);
cortil collard grosse tieste (1537): situation indéterminée.
Les vignobles.
La colline de Chokier. orientée vers le sud. a permis la culture de la vigne. Les parties non rocheuses (de même que la suite des collines vers Liège et vers Huy) portent le nom générique so lès vègnes; aus vingnes (1485).
La plupart des vignobles portaient un nom particulier:
a) D'après leurs dimensions: le petite vignes (1524): alle vingnette (1536). au nord de Monjohier.
b) D'après une particularité: piece (de vingnes) a mureal (1537); au sud de Monjohier; tire sans doute son nom d'un de ces murs bas en moellons de calcaire tels qu'on en voit encore aujourd'hui à la limite des propriétés.
c) D'après le propriétaire ou l'occupant:
le vingne des enteilher (1484), litt. des tailleurs: vers I'endroit dénommé al bin toumêye;
vingne condist le lombaere (1535), appartenant à un changeur lombard? situation indéterminée.
vingnes de hermale (1538): au seigneur de Hermalle ?
Viennent ensuite des noms de personnes: vingne henry- henrar (1485); le vingne mote (1484); vingne apellee mottet (1534): vigne pirard (1523).
L'élevage: a laissé trace dans la dénomination de la herdavoie (1538); chemin où les troupeaux avaient coutume de passer il s'agit probablement de la Voie derrière les Ruelles (C. V.).

IX. - INDUSTRIE

Les roches affleurantes, surtout le calcaire. ont été exploitées dans de petites carrières.
a) Certaines portaient le nom de l'exploitant:
carrière Gilons (1776, Ch. H.). dans le bas de la commune, partie aval.
b) D'autres rappelaient l'endroit de l'exploitation:
li cârîre d'al houlboûse, sur le versant droit du ruisseau; aujourd'hui abandonnée; on y exploitait la dolomie (carboniférienne) qu'on chargeait sur des bateaux (fondant pour hauts fourneaux ?).
cariere de la rochette (1771): situation indéterminée.
Des citations d'archives qui semblent situer une carrière en amont de l'endroit dit al mâ toumêye contiennent une expression énigmatique: alle roiche la le corde soye le pire (1484). Litt. à la roche là où la corde scie la pierre; la même expression se retrouve en 1487 et en 1524; faut-il y voir un ancêtre du fil hélicoïdal utilisé actuellement pour le sciage des pierres ?
Fours à chaux.
Le calcaire fourni par les carrières était souvent caleiné dans des fours à chaux.
a) Le bois dit bwès dè vî tchafor perpétue le souvenir d'un four à chaux dans le vallon du trôkê: les archives citent, de leur côté: viel chafore (1533); bois du vieux chaffour (1755, Geo); on a trouvé en cet endroit des tuiles romaines (Bull. des Chercheurs de la wallorne, t. VI p. 84, Seraing, 1922).
b) Ce four à chaux semble avoir été qualifié de «vieux» pour le distinguer d'un autre. situé dans la partie basse de la commune: chaffeur de chokir (1457, Val Saint-L. II. p. 10): chafour de choquier (1767, Ch. H.). Les fours à chaux de Chokier ont donné leur nom à des personnes: pacqeal de chaffor (1525). Ajoutons que, lors de la restauration de l'église de Saint-Séverin en Condroz (entre 1531 et 1535),1'architecte Art van Mulken se procura à Chokier la chaux nécessaire (Th. Gobert, Liège à travers les .Ages, t. IV. p. 407).
c) li cârîre djadoûl, aujourd-hui abandonnée, exploitait, vers 1860, le calcaire frasnien sur le versant gauche du vallon du trôkê; ce calcaire, mêlé d'argile. était converti en chaux hydraulique rouge dans un four dont il reste peu de vestitges, et situé en face de la carrière.
Alunière de Houlbouse (1811. Cant.).
Superposée au calcaire carbonifère, la première assise du terrain houiller, dite «assise de Chokier». ne contient pas de charbon; par contre, elle renferme de l'ampélite d'où on a tiré de l^alun. Les alunières se succédaient dans la région, depuis Flémalle-Haute jusqu aux ensirons de Huy, ainsi qu'à Ramet sur l'autre rive de la Meuse. Elles ont laissé des tas de terre rouge, produit de la calcination des schistes ampéliteuxe et des excavations plus ou moins profondes, dites lès fonfris', où le calcaire carbonifère est mis à nu; c'est le cas pour l'alunière de la Houlbouse. dont les excavations restent visibles parmi les taillis dits li buscadje et li p'tit bwès.
Houillères.
Les assises houillères supérieures à celles de Chokier ont été exploitées:
a) veines qui sont en bois d'Othet (1780, Geo); petite exploitation à deux bures; abandonnée.
b) li houyîre di lalôre, li houyîre di baldâ: houillère de Baldaz-Lalore: plus importante; a cependant cessé d'être exploitée; les bâtiments subsistent et servent d'habitations à plusieurs ménages.
Moulin à farine: mollin (1564. Hesb.) cité parmi les appartenances du château: il devait se trouver dans le vallon de la Houlbouse; il y a 20 ans, de vieux habitants se souvenaient encore avoir vu sa roue hydraulique; la tradition avait perpétué son caractère de moulin banal.
brassinne banalle (1534): brassinne bannale (1781); était située entre la route de Huy et la colline.
Pressoir à raisin: tenure de stordeur (1487); situé également entre la grand-route et la colline.
l'ouhène mâtche; l'usine Marche (1771, Ch. H.); Usine Marge (Cad.).
N'est plus exploitée: il en subsiste un large bâtiment blanc à fronton, au débouché du vallon du trôkê, passé le chemin de fer; d'anciens habitants y ont vu une roue hydraulique actionnée par une dérivation du ruisseau; s'agit-il de l'usine traitant les eaux aluneuses de la Houlbouse et transformée plus tard en cette fabrique de minium, dont il est question dans l'article d'Ivan Delatte ?
Citons enfin la fabrique de pipes Wingender, qui a donné son nom à la rouwale âs pîpes, voie derrière les Ruelles (C. V.) entre le chemin de fer et la colline.

X. - INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES.

Propriétés collectives: âs c'mones: aux comones (1523); aux communes de chockier (1538); aux biens communaux (1846. B. C.): au sud de la ferme de Chokier.
La herdavoie citée plus haut rappelle peut-être une prescription administrative: autorisation d'y faire passer les troupeaux.
L'étude d'Ivan Delatte donne d'intéressants détails sur l'école de Chokier, qui changea plusieurs fois de place; l'un de ces emplacements, entre le chemin de fer et la colline, a donné son nom à la ruelle qui s'y rend: li rouwale di li scole.
alle espitalle de choickyr (1485); alle lhospitael (l526); alle hospitaul de chockier (1534); dans la partie basse de la commune.

XI. - INSTITUTIONS RELIGIEUSES.

L'église; il en est longuement question dans l'article d'Ivan Delatte.
Parmi les annexes de l'église: le mason de vesti (1487), la maison du curé. et tre de lengliese (1484), terre de l'église.
Le couvent des Cisterciennes, dont Ivan Delatte parle longuement aussi, et qu'il identifie avec la ferme d'Othet: mostier de chokier (1368, Hesb.).
Ses annexes, les terres environnantes: aux dames dawyr (1523); az dames deawiers (1542, Val- St-L. 123); le chemin vicinal n° 2, qui traverse ces biens est dénommé voie des Nonettes (C. V.).
Chapelle Notre-Dame de la Rivière (dénomination moderne), encastrée dans la façade d'une maison. à l'endroit dit al rivîre, non loin de la limite de Flémalle; point extrême de l'itinéraire de la procession.
li tchapèle di saint-nicolèy; petit monument de briques, rouge et blanc, à l'extrémité ouest du bati, à peu près à l'endroit que domine le château.
notru-dame di bon sécoûr: statue de calcaire sur un socle de pierre, là où la voie du château fait un coude brusque vers le nord.
Propriétés de communautés religieuses:
li bwès dès mwin'nes, déjà cité.
ceulx (les biens) des carmes (l523): peut-être dans le bas de la commune.
en champs sains jacque (1484), entre la route de Huy et la Meuse.
a st lambert (1534), situation indéterminée.
aus servoir de saint pire en liege (148o), situation indéterminée.
Le but de la toponymie est double:
Fournir des clartés d'ordre philologique, corroborant les données de la littérature ou se substituant à elles quand elles font défaut;
Fournir des clartés d'ordre historique, corroborant les données de l'archéologie et de l'histoire, ou se substituant à elles quand elles font défaut.
Pour ce qui concerne le premier point, la récolte de Chokier est maigre: la plupart des toponymes de cette commune ne sont pas antérieurs à l'époque romane et ne nous révèlent aucun fait linguistique nouveau.
Quelques noms, sans remonter à l'époque franque, contiennent un élément germanique (nom de personne), écho lointain de cette époque; exemple: monjohier.
Peut-être ôtè s'est-il formé à l'époque franque, au moyen d'un nom de personne et d'un suffixe gallo-romain, écho lointain de l'époque celtique.
Quant au second point. nul doute que les données toponymiques recueillies dans les archives et dans la tradition orale retracent, telles qu'elles sont rassemblées ci-dessus, la vie à la fois pittoresque et traditionnelle d'un village de chez nous à travers les siècles.

Marcel Fabry.

Documents consultés.

Les citations données sans indication de source proviennent des registres aux oeuvres de Chokier. Les autres sont extraites des documents suivants:

Aigr.:
Stock Aigremont, Archives de l'Etat à Liège.
A. O.:
Registres aux œuvres des Awirs, Archives de l'État à Liège.
B. C.:
Biens communaux. Archives provinciales, Liège.
Cad.:
Cadastre.
Cant.:
Régime français, Archives de l`État à Liège; précédemment aux Archives provinciales, série factice dénommée «Cantons, Comnunnes, Hameaux, Châteaux, etc. ».
C. E.:
Cours d'eau, Archives provinciales, Liège.
Ch. H.:
États de Liège, Chaussée de Liège à Huy, Archives de l'Etat à Liège.
C. V.:
Atlas des Communications vicinales, Services techniques provinciaux, Liège.
Geo.:
Protocole du Notaire Georges, Archives de l'État à Liège.
Hesb.:
Avouerie de Hesbaye. Reliefs, Archives de 1'État à Liège.
St.-P.:
E. Poncelet. Inventaire analitique des chartes de la Collégiale de Saint-Pierre à Liège, Bruxelles, 1906.
Thom.:
F.-L. Thomassin, Mémoire statistique du Département de l'Ourte, Liège, 1879.
Val St-L.:
J.-G. Schoonbroodt.—Inventaire analitique et chronologique des .Archives de 1'Abbaye du Val Saint-Lambert lez Liège, Liège 1880.
Val St-L. 123:
Archives de l'Abbaye du Val Saint-Lalnbert, Stock Engis, Flémalle, Chokier, Archives de l'État à Liège.
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