La Destruction du Château de Chokier en 1345
La guerre des Awans et des Waroux avait decimé une large partie de la noblesse Hesbignonne, le peuple vint à détruire un maximum de forteresses, symboles de l'autorité et de l'oppression des grands.
En 1343, un problème de change avait opposé les Hutois au Prince. Certaines devises ayant été dévaluées et d'autres par ailleurs ayant pris une plus value, il arriva que les habitants de Huy s'obstinèrent a maintenir les anciens cours fixés en matère de cens. Il en résultait une perte pour le prince qui fit citer quarante-trois bourgeois devant les échevins de Liége, pour les contraindre à respecter la loi.
Ceux-ci proposèrent secretement au Prince le remboursement de la dette et lui offrirent, à titre de dédommagement ou d'amende, une somme de 12,000 florins. Ils ne purent s'entendre et les Hutois s'allièrent au Duc de Brabant contre le Prince. Un e paix fut signée à Duras moyennat une clauses consacrant le droit, pour les bourgeois de Huy, détre jugés par leurs échevins au Péron de leur ville et non à Liège.
Sur ces entrefaites, une singulière rumeur avait pris consistance à Liége. On se répétait à l'oreille que la paix avec les Hutois serait faite depuis longtemps sans la rapacité des conseillers de l'évêque qui, outre les 12,000 florins fixés par le prince, n'avaient pas eu honte d'en exiger 6,000 pour leur propre cassette. La chose fit scandale.
Malgré l'opposition énergique du Chapitre, la création des Vingt-Deux fut décidée. Il s'agissait d'une institution nouvelle, destinée à recevoir les plaintes de tous ceux qui, à l'avenir, se croiraient lésés par le fait d'un magistrat ou d'un officier public. Ayant fait alliance avec Jacques Jacquemotte, le maistre des Petits, le Prince lacéra la charte, anéantissant du même coup une institution qui avait à peine vu le jour.
Lorsque le bruit de cette perfidie se répandit dans la Cité, un cri d'indignation s'éleva contre ceux qui l'avaient ourdie. la rumeur publique en rendait responsables Jean de Langdris, maréchal de l'évêques, et Jean Polarde, son mayeur, tous deux chevaliers et échevins.
Une enquête sommaire ayant établi leur culpabilité, ils furent condamnés à l'exil avec les échevins Jean de Lardier, Hubin Baré et Jean de Brabant, qui avaient été criés au Péron pour s'être attribué indûment des rentes de la Cité.
Apès la mort d'Adolphe de la Marck, le nouveau Prince arriva à Liège animé de dispositions conciliantes. L'un de ses premiers actes fut de négocier avec la Cité le rappel des proscrits. Il voulut surtout faire la paix avec les Hutois moyennant le payement de 16,000 florins à titre d'amende honorable mais un lieutenant-bailli du Condroz fit décapiter un bourgeois de Huy, violant ainsi la paix de Duras.
A cette nouvelle, les Hutois irrités prirent les armes et détruisirent le manoir du bailli. Ce dernier les fit citer devant la cour des échevins de Liège. Suite à cette sentence en violation de la paix de Duras, Toute la bourgeoisie de Liége prit fait et cause pour celle de Huy et conclut avec elle un traité d'alliance dans lequel Saint-Trond et la plupart des bonnes villes entrèrent successivement.
Surgit alors un diffférent entre les Liegeois et Thierry de Heinsberg qui, grâce à l'inertie ou à la complicité tacite du dernier évêque, se maintenait en possession comté de Looz dont les Liégeois et le Chapitre en particulier souhaitaient ardemment l'annexion à la principauté. Une conférence fut décidée à laquelle Thierry de Heinsberg se rendit accompagné d'une une imposante chevalerie et de corps échevinal de Liége, mayeur en tête.
Cette circonstance déplut au Conseil de la Cité, qui savait les échevins favorables à Thierry. En effet, on aboutit à une solution ou le comté de Looz devait rester à Thierry de Heinsberg et à ses descendants, pour être tenu à perpétuité en fief de l'église de Liége. L'Eveque y donna son assentiment. Cela eut pour effet l'exaspération des liègeois qui se retourna contre les échevins qu'ils rendaient responsables de la situation et qui à leur tour rejetèrent la faute sur l'évêque.
L'évêque fit appel aux armes des princes voisins afin de réduire les Liégeois, soit par la force, soit par l'intimidation. Les Liégeois, de leur côté, mirent tout en oeuvre pour recruter une forte armée. Elle se concentra en Hesbaye, ravageant les terres des partisans de l'évêque, forçant partout les habitants à entrer dans ses rangs. Ils boutèrent ainsi feu au château de Chokier ou résidait alors Adam Surlet de Chokier, fils de l'échevin Jean de Lardier.
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Fastré Barré Surlet, neuvième Seigneur de Chokier releva le 23 mai 1446; bien qu'un parent plus proche du défunt, Alexandre de Seraing, chevalier, se fût présenté à la cour féodale de Hesbaye pour faire hommage du fief. Fastré Baré Surlet fut tué à la bataille de Brusthem.
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Les haut-voués représentent la personne du prince. Plandris, comte de Looz, frère de saint Lambert, fut le premier C'était le haut-voué qui portait l'étendard de saint Lambert ou gonfanon. Celui-ci était d'étoffe rouge, attaché à une lance surmontée d'une croix, nichée de saint Antoine à laquelle pendait une sonnette pour inviter les clercs et le peuple armé, à le suivre. Il était conservé dans la cathédrale, et quand il s'agissait de le porter dans les guerres, pour la défense de l'église et du pays, le voué de Hesbaye se rendait à 1a cathédrale, où il était habillé de blanc, sous la grande couronne de cette église; puis, il était conduit sur le marché, où il montait un cheval blanc, et il jurait de défendre le dit étendard au prix de sa vie.
C est l'empereur Charlemagne qui avait donné cet étendard à la cité de Liège.
Il parut, pour la dernière fois, à la bataille de Brusthem (1467). Le vaillant sire de Berlo qui le portait, put néanmoins le sauver, et vint le remettre brisé et déchiré dans la cathédrale. Ce fut la dernière fois, dit Villenfagne, qu'on fit usage de ce fameux étendard, conservé avec soin depuis des siècles. Il disparut l'année suivante sous les débris de la cité de Liège.
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Le filz du Comte de Heynberghe se met en armes.
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... Godefroid fils du Seigneur de Heynsberghe ayant assemblé quelque gendarmerie en la Comte de Looz, se mit à bruller cinq villages appartenans au Chapitre, & son pere demit les officiers de l'Evesque qu'il avoit establis en ladite Comté. Le Duc se voyant des forces trois fois plus grandes & bastantes que celles de l'Evesque s'alloit mettre en campagne:
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Le Duc de Brabant est diverti du Roy de France de son dessein.
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mais le Roy de France s'estant auancé pour aller rencontrer l'Angloïs, qui tiroit fur la Normandie, il fut conftraint de faire rebrousser chemin à une grande partie de ses troupes pour secourir ledit Angloïs, si que son dessin, s'allentit quelque temps, ce qui servit d'occasion à l'Archevesque de Coulogne, & au Comte de Hainaut de luy proposer un accord, qui fut de leuer larrest qu'il avoit interposé en ses Duchez, sur les biens des Ecclesiastiques de Liege, & de restituer ce qui auoit esté spolié, & en asseurance de cela, de donner des respondans, qui payeroient pour luy vingt mille florins de Brabant, ou il ne le feroit, sur espoir de vuider du reste de tous leurs differens, & des autres ses alliez, ce qui fut accordé,
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Le Duc & l'Evesque remettent leur different à des arbitres.
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& tout d'un chemin lesdits Duc & Euefque eslurent des arbitres qui jugeroient de leur pretensions & droits, & de fait le Duc choisit de sa pare ledit Archevesque, & le Comte de Hainaut, & de la sienne le Roy de Boheme, & Messire Thyri de Haneffe chevalier, lesquels l'an 1342. donnerent leur sentence,
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1342.
Qui en jugent & l'adjugent à Heynberghe
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qu'ils adjugeoient ladite Comté de Looz audit de Heynsberghe, fors Montenac, qui en seroit demembré, & appartiendroit au Chapitre auec deux cent muids de seigle de revenus, pour la somme de trengte quatre mille reaux, qu'il luy donneroit de l'Argent provenant, de la vente de Malines,
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Et le Chapitre en estant mescontent recueille le proces à la cour de Rome
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lequel se sentant grevé en fit vne grande dispute, & resuma le procés indecis à la Cour de Rome à raison de ladite Comté, qu'il avoit intenté contre ledit de Heynsberghe, le faisant cependant excommunier, & ne laissa pour cela d'assembler gens pour l'en expulser, & deschaffer, ce qui n'eut pas d'effect ny de suitte, à raifon que l'Evesque connjuoit auec luy, ce que le Chapitre pourtant n'approuuoit pas.
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Guerre ensuivie pour l'eschilement du gros tournois entre l'Evesque et les Huitois.
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Depuis il s'esmeut un grand discord entre l'Evesque & les Huitois pour l'eschillement du gros tournois, qu'ils vouloient pour dixhuict deniers, où a Liege on ne l'aloüoit que pour huict, sur cela on en vint à des grandes alienations, & puis à une guerre, parce que les Escheuins de Liege avoient par leur sentence banny & proscrit quarante deux des principaux dedit Huy,
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Qui ont recours au Duc de Brabant.
Lequel les assiste.
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lesquels eurent leur recours au Duc de Brabant, auquel ils avoient envoyé Messire Godefrgoid de Harduemont & le Seigneur de Hollogne sur Jaire, qui leur promit ses forces & son assistance, tant qu'il pourroit, & eux de luy avancer quarante mille escus ( ie m'estonne que lors ils pouvoient faire une telle some) & luy ouvrir le chasteau pour le garnir de tant de gens qu'il voudroit, ce qu'il accepta, quoy qu'il fust assez empeché en ses propres affaires & confusions, luy semblant que l'importance d'une telle place l'accommoderoit fort, come estant d'opportun trajet pour le Namur, Luxebourg & d'autres pays,
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L'Evesque demande secours aux Estats qui demandent l' aneantissement de la paix de Wihogne moyenant quoi ils presente de l'aßister.
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cela mit en des grandes affaires l'Evesque, qui les fit codamner & declarer seditieux & rebelles, & covoqua les Estats, pour les induire à une contribution de deniers de gens, afin de les faire revenir à l'obeissance, lesquels luy respondiret qu'ils ne luy pouvoient accorder ce qu'il leur demadoit, fi la paix de Wihogne qui auoit esteint & suffoqué les droits & libertez, dont le pays jouisoit, n'estoit cassée & aneatie, estant inique & injuste, qu'elle vouloit que trouvant trois ou quatre personnes conferantes ou deuisantes ensemble, que l'on les reputast factieuses, mutines, ou seditieuses, que l'on les chastiast comme telles, & que les franchises, priuileges & libertez que la cité avoit fussent par elle destruites & defaites, que les citoyens n'eussent plus de droit d'eslire des Bourguemaiftres, Gouverneurs, & officiers des mestiers, en la façon dont ils avoient esté en usance, voulans que l'Evesque les restablist en ceste puissance, moyenant quoy ils l'assisteroient contre le Duc & tous autres qui luy voudroient faire la guerre bien que tout cela ne foit rapporté en la dite paix, qui s'estoit faite l'an 1326. I'Evesque voyant que c'estoit un faire le faut, en presence du Roy de Boheme & des Comtes de la Marche & de Berghe leur accorda la defaite & aneantissement de ladite paix, & le restabliffement de leursdis priuileges, & leur en fit depecher lettre appellée la lettre de Sainct Jaque: cela fait ils se cotiserent tous pour son assistance, & pour faire puissamment la guerre contre le dit Duc, assemblans des forces grandes au possible, pendant qu'ils estoient en une tresve de trois semaines qui avoit esté procurée par le Comte de Hainaut.
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Comme les Estats firet plainte des injustices & oppressions que les grands & puissans faisoient on esteat xxij. hommes pardevant lesquels on feroit plainte des torts faits, desquels ils jugeroient.
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Et comme en ceste assemblée des Eftats il se fit des plaintes d'un desordre generalle, & de la licence que les grands se donnoient de fouler les droits des pauvres, qui estoient vexez & tourmentez sans aucune raison ny justice, les Gentils-hommes, Officiers, & Mayeurs, contre les loix du pays, tollissans leurs biens & heritages, faisans des exactions injustes, & extorfions intolerables, enfreignans les sauvegardes, enfin opprimant & suffoquant le droit de ceux, qui n'avoyent pas moyen de leur faire resistance, ils trouverent bon auec le consentement de l'Evesque d'eslire vingte-deux hommes, pardeuant lesquels, tous grevez ou initerressez feroient plainte de l'injustice, & tort qui leur auroit esté inferé, cela verifié & cognu qu'ils auroient la puissance de les constraindre à les reparer & reintegrer, à peine de prise de corps, d'exil & de perte de biens, desquels on en prendroit quatre dudit Chapitre, quatre de la Noblesse, & autant de la Cité, de la ville de Huy deux, à la denomination des Bourguemaistres sortis d'estat, lors qu'elle seroit d'accord auec l'Evesque, de chacune des villes de Dinant, Tongre, & Sainct-Trond deux, un de la ville de Fosse, & un de Boüillon ( ainfi disent tant les manuscrits que Cornelis de Zantfliet) fur cela il y eut un grand concert & dispute pour sçavoirs s'ils feroyent à vie ou s'ils seroyent annuel, toutesfois apres varicté d'opinions, on tomba d'accord, que l'on les esliroit, & establiroit à la S. Lucie de chasque an,
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L'Evesque se repent d'avoir accordé le siege des vingtedeux.
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dequoy l'Evefque par apres se repétit bien, voyant qu'il leur avoit abandonné, & comme prostitué son authorité, abbatuë tellement, que privatiuement à sa personne, ils auroyent jurifdiction sur ses officiers mesmes, & pourroyent cognoifsre de leurs delicts & foraits, dequoy il ne se pouvait desdire, le dé en estoit jetté, & cela l'emporta à une melancolie, qui luy causa vne grande maladie, de laquelle toutesfois il se releva, le temps luy en ayant osté la cause.
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Le Cote de Hainaux s'estant fait declarer arbitre du different pour la Comté de Looz par l'Evesque au desçeu & contre la volonté du Chapitre & du peuple adjuge ladite Cote audit de Heynsberghe dequoy ledit Chapitre en appelle au Legat du Pape.
Paix de Hainaux
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Le Comte de Hainaut ayant bon fens & la parolle assez gratieuse tachoit d'induire le Chapitre de remettre à son arbitrage le procés ventillant à Rome contre le seigneur de Heynsberghe, à raison de la Comté de Looz: mais voyant qu'il se rendoit retif, & opposant à sa proposition, & que le petit peuple ne le vouloit aussi permettre, trouva moyen de gaigner l'Evesque, qui secretement fit un compromis sur la personne dudit Comte, de fier à la sentence, dont le Chapitre en ayant le vent, en escrivit au Pape, afin qu'il fust servy de l'empecher, & d'y pourvoir, lequel envoya un Legat personnage asseuré, & hors de tout soupçon, en Liege, tant pour entendre & ordonner sur ce fait la ce qu'il verroit convenient, que sur les querelles que l'Evesque avoit contre le Duc de Brabant & les Huitois, qui les alloient porter en grande guerre, lesquels ils excommunia absolument, dequoy ils en appellerent au Sainct Siege, nonobstant ledit de Hainaut pendant que l'Evesque estoit en Weftfale, ( s'èstant volontairement eclipsé & absenté pour n'estre dans le murmure du Chapitre, & du peuple qui crioit, qu'il abandonnoit les droits appartenans à son Eglise, & se portoit en faveur dudit de Heynsberghe fon parent ) ne laissa de passer outre, se trouva en Chapitre, où en presence du Roy de Boheme, & de Messire Jean de Beaumont son oncle, il donna sentence telle, que le Duc feroit paix avec l'Evesque, à la mercy duquel il abandonneroit les Huitois, se defaisant de leur alliance, sur lesquels toutesfois doresnavant les Eschevins de Liege n'auroyent censure ny juridiction, laquelle il laissoit à ceux de Huy privativement à tout autre, de leurs droits, delicts & forfaits, & adjugea au reste la Comté de Looz audit de Heynsberghe, ce que ledit Chapitre ne voulut advoüer, & en appella audit Légat.
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1344.
Les Huitois defont quelques troupes de l'evesque, ce qui le mit en telle facherie qu'il en mourut.
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Les Huitois l'an 1344. descendirent en grand nombre ( dit Zantfliet ) en Liege pour se plaindre de leur Evesque, qui les vouloit contraindre à des grandes amendes & les chastier en leurs bourses, sous pretexte de leur predite rebellion qui revenu de Westfale se tenoit à son chasteau de Clermont, sans vouloir escouter leurs raisons & excuses, ny leur donner audience, pour avoir advis & conseil des Liegeois de ce qu'ils devoient la dessus faire, lequel; en estant adverty envoya des troupes conduites par Louys Macreal Baillieu de Hesbain, les manuscrits disent, par Henry Marteau, assaillir, & charger les Huitois, qui estoient desja jufques à la Malle-lieuë en leur retour, lesquels avec quelques chevaux de secours que leur survindrent, se defendirent bien qu'ils en tuerent quelques uns, & mirent le reste en fuitte; ces nouvelles venuës & couruës aux oreilles de l'Evesque, le porterent en telle facherie & ennuy, que la maladie laquelle le tenoit allitté, le mit huict jours apres au tombeau devant le grand Autel de Sainct Lambert.
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Englebert de la Marche xlv.
Comte de Huy.
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Englebert de la Marche son nepveu, fils de fon frere, engendré en une fille du Seigneur de Wesemale, Prevost de Sainct Lambert, le suivit en ladite Evesché par l'avancement de Philippe de Valois, cinquiesme de ce nom, Roy de France, qui en escrivit au Pape Clement sixiesme, lequel en son respect l'esleut & confirma.
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Le peuple de Liege s'esleve contre ceux qui avoient eu l'administration eds deniers publiques.
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A peine eut-il prins possession de cest estat, qu'il vit un tumulte en la Cité pour l'administration des deniers publiques, & en proscrire quatorse, par ce qu'ils ne vouloient ou ne pouvoient satisfaire à certaines amendes pecuniaires, ausquelles ils estoient codamnez, pour s'estre mal geré & gouverné en la charge qu'ils avoient eu, picoré le peuple, & appliqué les deniers à leur profit particulier, entre lesquels les manuscrits nomment Messire Jean de Lardier & Hubin Bareez, qui par son moyen & celuy du Roy de Boheme fort agreable au peuple, furent rappeliez & reintegrez par apres, parmy qu'ils se soubmirent à quelque restitution, & ainsi cella cessa ceste esmeute.
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Les Huitois se mettent en armes pour se venger de l'execution de l'un de leurs combourgeois.
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Les grand une fois courroucez 1ancent & jettent des foudres à poignées, l'Evesque se souvenant des affronts que les Huitois avoieut fait à son feu oncle, leur vouloit du mal à mesure comble, n'attendoit que de paistrir la paste de son leuain, & que le temps en produisast une occasion, elle vint, de ce que comme un bourgeois de Huy eust tué en son corps defendant un Condrosier, qu'il avoit aggressé, sans cause, ny raison, & par apres eust fait paix aux amis de l'occis, & à Messire Louys d'Agimont lors gouvernant en la vacance de l'Evesché, par la mort dudit Adolphe, qu'il en avoit absoud, nonobstant Jean de Merode Lieutenant de Messire Collin de Fraipont, chevalier, le fit saifir & apprehender, & tout soudain luy ayant fait tellement quellement son procés, le fit mourir sans 1'ouyr en ses raifous, ny sans entendre les remonstrances que luy faisoient les Huitois au fait de leurs privileges, de la paix de Hainaut,
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Les Huitois vont ruiner la maison du Bailli.
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disant que le pardon qu'il avoit dudit d'Agimont n'estoit de consideration, ni de valeur, ceste execution faite à la haste fut si mal prise d'eux, qu'ils jurerent de s'en venger, & de fait sortirent de leur ville, avec enseignes desployées, & en armes, & marchans droit sur la Neuve ville, pres de Tihanche, où avec haches, pieux, hamedes, coignées, marteaux, scies, & autres ferremens ils abbatirent, & ruinerent de fond en comble la maison dudit Baillis, qui incontineut en dressa ses plaintes
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Les Eschevins de Liege codamnent apprehensibles xviji des principaux
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aux Escheuins de Liege, & de la force & violence dont ils avoient usé envers luy, pendant l'absence de son maistre & seigneur, lesquels decreterent saisie de corps de dixhuict des principaux, & où l'on ne les pourroit avoir, les bannirent, dequoy les autres villes se sentirent interresseés, veu que ce faisant, on avoit brisé ladite paix, dont elles envoyerent en Liege pour se pourvoir de remede,
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Les villes firent casser leur sentence voulant maintenir la paix de Hainaux
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qui fut de faire casser & aneantir ledit jugement de capture, & de bannissement fait contre les privileges desdis Huitois, attendu qu'elle vouloit & disposoit, que les Huitois ne pourroient estre enquestez, jugez, ny proscrits par les Escheuins de Liege, pour forfaits ou crimes qui se comettroient dans leur ville, jurifdiction, ou banlieu: mais que la cognoissance & chastoy, en appartiendroit aux Bourguemaistres, Officier, & Escheuins dedit Huy.
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L'Evesque se plaint aux Estats des Liegeois et Huitois
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L'Evesque fi semblant de ne se soucier pour l'heure de l'injure faite à son Officier, couvant neantmoins en son coeur une grande haine & colere contre les Huitois, & convoqua les Estats du pays à Fexhe, ausquels ils dressa ses plaintes des affronts que les Huitois & Liegeois confederez ensemble, luy avoyent comme porté sur le nez, mesprisant son respect, foulans au pied son authorité, violans sa jurisdiction, & forçans, pillans, & destruifans les maisons de ses Officiers, contre quoy ils remonstrerent par leurs deputez, que les alliances & conjunctions d'amitié, qui estoient entre elles, n'estoient pas pour le grever, ny luy prejudicier:
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qui leur remonstrent que ce qu'ils font est pour la defence de leurs privileges.
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mais seulement pour la defence & tuition de leurs privileges, droits, & libertez, lesquelles ordonnoient & leur requeroient de chastier ceux qui contre droit & les loix du pays vouloient vexer & tourmenter injustement, & sans suject leurs combourgeois, cecy commença la danse à une malheureuse guerre, & servit d'allumette pour enflammer les partis à de plus grandes inimitiez.
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L'Evesque fait citer les Liegeois à Vottem.
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L'Evesque fomentant en son ame un opiniastre maltalent contre les Huitois & Liegeois, & meditant à toute reste de se venger d'eux, les fit citer à Vottem par devant les Eschevins, qui estoit le lieu ordinaire, où ils se fouloient retirer, lors qu'ils estoient chassez ou persecuter des Liegeois, & y tenoient leurs plaids & assises.
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Les Huitois courent sur leur ennemy pillent, & buslent les maisons & censes des eschevins de Liege.
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Les Huitois cependant, ne voulans perdre ny moment, ny occasion d'auancer leurs affaires, en entendans les nouvelles fourbirent leurs espées & harnois, sortirent de leur ville, se jetterent & espanderent par tout, où ils sçauoient qu'il y avoit des chanoines, parens, & amis desdis Eschevins, & d'autres qui les soustenoient ou favorisoient, ruinans leurs maisons & censes, les pillans, & en asportans tout ce qu'ils y trouvoient de meilleur, & de la revindrent à Huy chargez de despouilles & de butin, pour se preparer à plus grand fait, & se mettre aux champs avec le secours qu'ils attendoient de leurs confederez;
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Les Liegeois bannissent les Eschevins & s'en vont avec une armée à Vottem.
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d'autre part les Liegeois bannirent tous les Eschevins, excepté Hubin de Bareez, qui estoit demeuré avec eux, & leur estant venu des François, conjoints aux Huitois, Dinantois, & autres leurs compatriots, desquels ils avoient fait un grand corps d'armée, s'allerent planter audit Vottem, où ils se fortifierent & retrancherent,
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L'Evesque attaque les Liegeois.
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1'Evesque pour les en denicher, les alla trouver auec une armée composée tant des communes de ses autres Estats, que de six, ou sept mille chevaux que Charles fils du Roy de Boheme esleu Roy des Romains luy avoit amené, duquel le Duc de Luxembourg estoit lieutenant, ausquels s'adioignirent les forces des Comtes de Juilliers, Gueldre, & de Catzenelenboghe, qui ne s'y trouverent pas en personne, des Comtes de la Marche, de Looz & d'autres, & les y pensant surprendre, & en venir au bout à bon marché les chargea fort furieusement du prime abbord, taillant en piece les bisognes, Prestres, Chanoines, & Procureurs, & autres qui n'estoient duits aux armes ny foldats, ains plustost s'y trouveyent pour leur plaisir, ou par curiosité:
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Defaite de ses gens.
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mais venant au rencontre desdis Liegeois, qui les attendoient à pied coy, l'avangarde ayant soustenu la premiere charge, sans se confondre, luy resista de telle force & courage, qu'il se relascha, voyant qu'il combattoit à mauvais succes, qui ne correspondoit à son desir, dont il fut constraint de se retirer en desarroy, laissant sur les champs plus de six cent des siens, entre lesquels il y avoir 57 chevaliers & 26. Prestres, & des plus notables furent les Seigneurs de Fusten, de Walkembourg, les deux d'Ellaer, de Schoenrode, Stembruxel, de Kelheyne, de Lantschroen, de Liewembourgh, d'Isendorx, de Permont, de Wynt, de Vassen, de Lantwaden, & d'autres, & fut remporté en Liege le Seigneur de Facoumot fort blessé, & regretté de l'Evesque.
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Les Chanoines de Liege adherans à l'Evesque ont les Huitois pour hostes.
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Les victorieux retournerent à Liege, où les Chanoines, qui avoient tenu le parti de l'Evesque eurent les Huitois pour hostes, qui se firent accommoder, & traicter, comme enfans de bonne maison, chose estrange ! qu'il se lit que les Ecclesiastiques & gens d'Eglise, militoient & portoient les armes, comme soldats, mesmes se mesloient, & incorporoient dans les escadrons pour toutes factions de guerre: mais j'estime qu'il y estoient plustoft de gayeté de coeur; ou ( selon que rapportent les antiquitez Gauloises ); ils y estoient subiects, pour les fiefs.qu'ils tenoient, comme ils ont esté du temps de Charlemagne, & de ses enfans, ou poussez de quelque passion ou intereit, que de quelque commandement ou obligation, veu, que si les Levites estoient exempts d'aller en guerre, à plus forte raison les Prestres & gens d'Eglise de ce temps là, plus respectez qu'ils ne font ores, en estoient ou devoient aussi estre exempts, comme en font ceux du present, qui en ont immunité, parmy mesme le peu de respect que les heretiques leur portent.
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Les Huitois prennent le chasteau de Clermont, de Hamale & de Hermalle.
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Les Huitois gorgez de leur vin, de leur argent, & meuble, desquels ils les despoüillerent, en ayans chargé des batteaux, & les renvoyé à Huy, sortirent & retournerent par la Condroz, qu'ils brouterent., mangerent, & rançonnerent d'une façon fort hostile, & assiegerent le chasteau de Clermont, lequel les ayant tenu quinse jours se rendit par apointement, & le raserent en haine du feu Evesque Adolphe, qui s'y plaisoit, & du moderne, qui suivant ses brisées & intentions les fit excommunier, defendant aux Ecclesiastiques de sonner les cloches & les orgues, dequoy ils en appellerent au sainct Siege, & ne se foucians du foùdre de ses excommunications, renforcez des Dinantois & Liegeois, allerent brusler Choquier, assieger les chasteau de Hamale qu'ils batirent fort furieufement de leurs balistes , bombardes, & mangonneaux, en sorte qu'ayant bouleuersé grande partie des gabions, & murailles, & y fait bresche suffissante, les assiegez en nombre de quarante furent constraints de le rendre, lequel ils applanirent & renverserent de fond en comble, ils firent le mesme à celuy de Hermalle, en vengeance de ce que le pays avoit esté tant infesté & ravagé de la garnison, qui s'y estoit tenuë,
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Tresve entre l'Evesque & les Huitois et Liegeois.
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l'hyver survenant fit cesser leur fureur, & les partis se laissans, consentirent, & accorderent par l'entremise de l'Abbé d'Alne une tresve d'une an, à durer jufques à la Toussaint suiuant, à condition que dix Eschevins de Liege viendroient à Vottem, aneantir & revoquer leur sentence, & forjugement qu'ils avoient fait au Moulin au vent, de quarante-deux hommes proscrits contre la paix de Hainaut, & les statuts du pays.
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Les Liegeois font publier le gros à iviji deniers.
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Par apres les Liegeois, on ne sçait de quel instinct & mouvement, firent publier au marché, & aux carefours de la Cité, que le cens que l'on devoit aux gens d'Eglise (je croy que c'estoit en despit des armes, que la plus par avoit porté cotre eux) feroït chagé du pris, en sorte que le gros ancien, qui se recevoit pour huict deniers, se payeroit doresnauant pour dixhuict, & en firent seeller lettres, à quoy consentirent & acclamerent les Huitois, ce que le Chapitre de sainct Lambert & les autres villes ne voulurent advouer. C'estoit mettre le feu aux estoupes pour embraser un plus grand, neantmoins il y eut plusieurs conferences, mesmes des traictez, entre autres un, par lequel les Liegeois presentoient à l'Evesque cent vingt mille escus, s'il vouloit demettre les Eschevins, & creer d'autres à la denomination du conseil de la Cité, qui ne reussit pas.
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1347.
Le Roy de France ne peu les accorder.
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L'an 1347 le Roy de France s'entremit en leurs differens, taschant de les acorder, à quel effect, il envoya l'Archidiacre de Rheyms, qui ne sçeut rien obtenird'eux, à cause que leurs coeurs ulcerez de passions, n'estoient pas encore disposez d'entendre conseil, ny advis, & que le Duc de Brabant, se mettant de travers, desconfeilloit la paix par des raisons telles quelles qu'il avançoit, ainsi se ralluma ceste guerre plus hostile & plus cruelle qu'auparauant.
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La guerre se rallume.
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Renard Bourgraue de Lembourg porté aux interests de l'Evesque, recommence la noise, & en voulant aux Liegeois qui avoient fait le degast alentour, de son chasteau d'Argenteau, vint brusler Mirmort, & y mettre au fil de l'espée fix vingt personnes, puis charge, surprend & taille en piece le Seigneur de Rocourt & sa fuitte, passe & arpente pays, & ayant bruslé Hemée, Hérve, se retire à fon chasteau, craignant que l'on ne luy coupast chemin, & le fermast en son retour.
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Les Liegeois prennent Argenteau.
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Les Liegeois se vangent de ceste escorne & sallie, ayant fait une bonne armée, & joints avec les Huitois le vont chercher, assiegent son chasteau, le battent fierement & furieusement, & en firent sortir nonante deux personnes par apointement, & ne pouvans descharger leur colere sur ledit Seigneur, qui s'estoit escoulé secretement, ils le firent sur sondit chasteau, qu'ils raserent & abbatirent;
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Le Duc de Brabant & plusieurs autres Princes viennent secourir l'Evesque
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puis les nouvelles leur estant venuës que le Duc de Brabant & les Comtes de Juilliers, de Gueldre, de Cleues, de la Marche & de Namur, les Seigneurs d'Aigmont, Rochefort, Argenteau, d'Hérmalle & d'autres qui avoient fait alliance ensemble, marchoient en grande puissance au secours de l'Evesque, & estoient desia jusque à Hanut, pour se joindre à luy, qu'ils trouverent à Tourine, ils se preparent renforcez des Dinantois pour les rencontrer, & leur serrer le passage pourquoy ils se retrancherent & fortifierent à Walef, où les gens de l'Evesque les vindrent escarmoucher, pensans les attirer dehors, ce qu'ils ne peurent faire, dont plusieurs Seigneurs, qui les suivoient, s'entremirent pour une paix, l'Archevesque de Ravenne Legat du Pape, & Messire Godefroid de Harde leur en toucherent de bonne façon, rien pourtant ne s'en enfuivit, ledit d'Argenteau aussi en desconfeilla l'Evesque:
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Presage de victoire
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cependant il se vit un pigeon blanc volleter alentour de son estandart, ce qui fut prins à bon augure & presage, ...
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1467
... L'Euefque s'eftant ainfi efcoulé, & ayant recueilli lefdis Huytois fauué, leur fit donner quartier & loger fur les frontiers de la Brabant, cependant qu'il s'en alla à Bruffelles trouuer ledit de Bourgoigne fon coufin, lequel 1e reçeut auec tout bon accueil, au refte fort irrité, de ce qui eftoit fait contre fa perfonne, iurant qu'il s'en vengeroit, & de fait peu apres il fait affembler vne forte & grande armée, & preparer tout ce qui eftoit neceffaire pour la faire marcher, n'ayant peu eftre diffuadé,de cefte entreprinfe par le Comte de fainct Paul, qui eftoit lors à Bruffeiles, tachant de l'en diuertir par beaucoup de raifons, entre autres que les Liegeois enrichis des butins & defpouilles des Huitois s'eftoient rendus fi forts & fi puiffans, qu'il feroit difficile, voire prefque impoffible de les fubiuguer, & faire reuenir à leur deuoir, & ainfi qu'il y pourroit perdre fa reputation, s'il entreprennoit cefte guerre, fans qu'il en vinft à chef, & que 1'hyuer eftant à 1a porte, fon armée reçeueroit des grandes incommoditez par le mauuais temps qu'il amene, & qu'il feroit à craindre qu'il retournerois de cefte guerre à fa perte, & à fon deshonneur, nonobftant le Duc luy refpondit, qu'il ne laifferoit pour la venuë de l'hyuer de les approcher, à quel moyen que ce fuft, que la guerre geurre feroit autant incommode qu'à luy, qui les enffereroit de fes forfes, & qu'ils n'eftoient pas fi accreus de richeffes comme l'on en faifoit voller le bruit, & s'ils en auoient qu'il les diminueroit, & efcorneroit bien, au refte que le dez en eftoit ietté, qu'il les vouloit aller voir, & que l'on ne luy euft plus à parler de cefte matiere: mais que tous s'euffent à preparer à cefte guerre de laquelle il ne peut mefme eftre defmeu ny deftourné de fa mere, laquelle eftoit neantmoins venuë tout expres de Brugge pour l'en retirer.
En ces entrefaites les Liegeois ne manquoient pas de refolution de luy refifter, & auoient fait requerir le Roy de France de fecours, comme celuy qu'ils tenoient pour leur amy & protecteur, ce qu'il leur accorda non feulement: mais auffi enuoya des Ambaffadeurs audit de Bourgoigne, afin qu'il n'euft à molefter ny troubler les Liegeois fes confederez, compris en la terfue qu'il auoit faite auec luy, lefquels eurent pour refponce que les Liegeoiseftoient fes vaffaux, que par traicté cy-deuant fait auec fon feu pere, ils l'auoient recognu protecteur & aduoüé du pays, & parce que non feulement ils s'eftoient cabrez & rebellez contre luy: mais auffi auoient enfraint la paix iurée par eux, recommencé la guerre, que c'eftoit la raifon, qu'il les chaftiaft, & leur fit tefte, luy eftant bien ferieufement commandé du Pape Paul deuxiefme de les conftraindre à fe remettre en l'obeiffance de leur Euefque, duquel il s'eftoient du tout defaits & detraquez: neantmoins afin de ne riezn faire precipitamment & mal à propos, il enuoya fes embaffadeurs aux Liegeois leur mandant qu'ils preftaffent l'obeiffance deuë à leur Seigneur, & fuivant la volonté du Pape receuffent ledit de Bourbon, & le recognuffent pour leur Euefque, ou qu'il leur feroit la guerre à toute outrance, & mettoit leur ville au feu & à l'efpée, les Liegeois ne faifantaucun eftat de telles menaces, ny rodomontades, ne luy refpondirent point, & plein de boutées à leur ordinaire, demeurer et aheurtez en leur refolutions, dont le Duc fans plus dilaier ny marchander, fit affembler vne tres-grande armée montante iufques à cinquante mille hommes, d'autres difent à cent mille, renuoyant aux Liegeois auant qu'il la mift en campagne, les cinquante oftages qu'il auoit, les relachans ainfi, & à telle condition, que s'ils prennoient les armes, & fuffent attrappez, ils feroient punis de la peine de mort.
Pour le commencement de cefte guerre le Duc auec l'Euefque en perfonne, fuiuis des Huitois bien armez, alla planter fon camp deuant Sainct Trond la veille du iour des Saincts Simon & Iudé, par ce que les bourgeois auoient au fiege de Huy fuiui les Liegeois, lefquels pour la fecourir marcherent deux iours apres en nombre de vint mille hommes, ayans conftraint les Preftres, Chainoines, Moines, & autres gens d'Eglife contre leur eftat & condition de militer, & aller en guerre auec eux, lefquels ils mirent mefmes au front de leurs troupes, faifans vn edit que nul n'euft à quitter, ou deferer fa compagnie, fur peine de la vie, & de la confifcation de tous fes biens; & le mefme iour de leur arriuee auec vn grand train & attirail de charroy & d'artilleries, conduits par Meffire Raes de Heers cheualier, chargerent le camp du Duc, plus fort neantmoins au triple qu'eux, penfant l'emporter de prime faut: mais ils trouuerent qui les rebutta, & y eut grande refiftance, tant qu'ayans tiré les vns cotre les autres auec vne furieufe & admirable tempefte de ces bouches à feu, ils vindrent aux mains, & fe pelauderent au plus fort, s'offrans à tous deuoirs de bons foldats. Le Duc encourageoit les fiens au fort du conflict, cherchant les efcadrons, faifant au danger ce que le bon pilote en la tourmente, puis tirer fur eux vne vollée d'artilerie qui en fit vn grand efchec, tellement que leurs premiers battaillons effarouchez, fe ietterent fut les fuiuans, ainfi rompus, & ainfi repouffez, on en vit couché fur la place trois mille, fans les demembrez & stropiats, en grand nombre, entre lefquels des plus notables furent Meffire Barré Surlet cheualier, & deux Chanoines de fainct Lambert, Meyer dit, outre ce, qu'ils .perdirent cent & vngt belles ferpentines, fix canons, trois cent chariots chargez de toutes fortes de viures, & d'autres munitions de guerre, & qu'en la fuitte qu'ils firent, ils laifferent par les champs plus de fept mille hommes, le refte fe garantiffant, où la legereté de leurs iambes les peut fauuer, apres que la nuict eut mis fin au iour, & au combat prés du Monaftere de Sepperen.
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1474
... Apres tant de tempeftes l'Euefque pefant auoir amené fes affaires à haure de repos, fe trouua encore en des nouueaux, come chafque chofe à fon tour & fon iour, Meffire Guilleame d'Aremberg qui eftoit de fa Cour, vn des plus eminens en fes faueurs, faifoit des forces pour en feruir le Duc Charle qui deffeignoit le fiege de la ville de Nuz, rencontrant vn iour Meffire Richard Chanoine de fainct Lambert, & fon grand Vicaire, ne fçait-on de quel mouuement, ny de quelle pointe le tua d'vn coup d'efpée, & luy donna plufieurs coups. d'eftramaffons, fi qu'il en eftoit tout desfiguré & prefque mefcognoiffable, puis ayant vn cheual prefte tenu en la place par vn de fes hommes, fe fauue & fe retire, auant qu'on en fçeuft prefque à parler, ny que le bruit en fuft femmé, en fon chaftau d'Egremont, dequoy l'Euefque qui eftoit lors à Sainct Trond, où l'on luy fit voir le corps fut fort faché, tant pour cela; que pour.l'ingrate recompenfe, dont il le payoit, l'ayant apointé à fon feruice & le fait le principal de fa famille & de fa Cour, lequel pour euiter foniufte couroux & au defefpoir de fes affaires fe retira au pays de Coulogne, où il print parti chez le Lantgraue de Heffe, qui non feulement luy donna retraicte & abry: mais le fit chef de quelques troupes, auec lefquelles pendant que ledit Duc, tenoit le fiege deuant ladite ville de Nuz & que l'Empereur Frederic affembloit des forces pour ietter dedans, & la fecourir, ledit d'Aremberg commence à faire chemin, & perçant audacieufement les confins du pays de Liege, fe vint ietter dans le Franchimont, pillant, bruflant, & defolant tout, efperant de poufferr outre, & fi le bon-heur luy vouloit de fe rendre maiftre du pays: mais auant qu'il fuft plus fort ou multiplié, l'Euefque conioint auec les geus du Duc, luy faifant front, le recoigna en forte qu'il fut conftraint, nonobftant qu'il fut braue foldat de donner du nez en terre, & de fe retirer vers Coulogne, non fans grande perte, peu à peu en combattant, & fe defendant par chaudes harquebufades, & les teftes de quelques des fiens que les gens de l'Euefque attraperent, en porterent la folle enchere, le fiege de Nuz fe pourfuiuant par ledit Duc defenduë brauement d'vn Gentil-homme nommé Ventgrand, qui y commandoit auec trois mille hommes, affifté de ceux de, Coulogne, qui en eft diftante feulement de quatre lieuës; & d'autres villes des enuirons, l'Euefque fut requis dudit Duc d'vne affiftance, lequel ne manqua, conioignant d'autres troupes à celles, aueco lefquelles il auoit battu ledit d'Aremberg, telles qu'eftant enfembles, elles furent mefmes admirées & redoutées des ennemis, les luy ayat enmené en toute diligence en fon camp, ou il fut receu & accueilly, auec, demonftration de toute ioye & honneur: mais peu de temps apres le Duc ayant efté conftraintb de quitter le fiege les r'enuoya en garnifon à Nimegue, où elles demeurerent iufques au Septembre de l'an 1475 que l'on les licencia: mais deux ans apres elles luy euffent efté bien neceffaires à raifon de la guerre qu'il auoit contre René Duc de Lorraine, lequel il auoit prefque depoffedé & depouillé de tous fes eftats & feigneuries, tant qu'il eut recours aux Suiffes, qui le remirent fus, & par leur affiftance defit le Bourguignon en trois batailles, en la derniere defquelles il y laiffa les bottes: la defconfiture & la mort eftant rapportées à l'Euefque, il partit de Liege & s'en alla à Gand pour confoler & affifter de fon confeil Dame Marie fa fille vnique, à laquelle la fucceffion de. fes Prouinces & Seigneuries eftoit deuolué ,où il fut tres-bien reçeu, & en trefgrande eftime, tous luy deferant grand refpect & reuerence, tant pour la dignité, en laquelle il eftoit, que pour le parentage & proximité, qui luy aquit beaucoup d'authorité & de credit, iufques à la qu'il difpofoit de tout, tant que Iean Duc de Cleue en confideration de l'vtilité publique y vint auffi, & comme eftant coufin germain de ladite Dame lequel fut vne rude paille en fon oeil, & 1'enuiant luy mit croc en iambe, & le defarçonna.
Pendant tout cela par le moyen & les prieres de Meffire Euerard d'Aremberg, l'Euefque fit remiffion de l'hommicidage perpetré par Guilleame d'Aremberg en la perfonne dudit grand Vicaire, & luy en defpecha lettres d'abolition, qu'il fit infinuer à tous les Officiers & haut Iufticiers du pays, afin qu'il n'en fuft recherché, luy commandant de le venir feruir en equipage conuenable à fes moyens, tandis qu'il feiourneroit à Gand, où ladite Dame fut receuë, comme Comteffe de Flandre, nonobftant que le Roy de France tafchaft de l'empefcher, excitant & efmouuant des tumultes prefque dans toutes les villes du Pays-bas, chacune afpirant à fa liberté, principalement auoit-il des boutefeux en la ville de Gad, farcie d'vn peuple prompte à reuolte, & à s'efleuer d'ordinaire contre fes Princes, voulant auoir le deffus au gouuernement de leurs enfans, & les regenter à leur plaifir, dont l'Euefque yoyant defcheu de l'authorité & credit qu'il fouloit auoir, & que ledit de Cleue luy eftoit mal affecté & efleuoit la populace contrc luy, il en conçeut vn grand ennuy, qui eut tel effect en luy, qu'il tomba en vne alteration d'entendement & grieue maladie, & telle qu'il fut confcraint de fe faire ramener fur vn chariot, apres auoir prins congé de ladite Dame de fe retirer, laquelle ny les gardes de cent hommes qu'elle luy auoit donné, ne peurent empefcher qu'il ne fuft retenu & arrefté à la porte d'vn tas de marauts embaftonnez qui y faifoient la garde, lefquels faillirent de tuer l'vn de fes domeftiques, tellement que force luy fut de retourner au Palais, duquel par le moyen de fes amis la nuict fuiuante il fortit, non fans craincte, d'autant qu'il falloit qu'il paffaft par le marché, où l'on faifoit groffe garde & bien qu'il fuft ainfi efcoulé de la ville, il eut vne continuelle peur fur le chemin, qui eftoit enfondré empiré par les pluyes, pour le dager qu'il y auoit entre là & Curenge, où il alloit, d'autant que prefque en toutes les villes la populace eftoit efleuée en armes & en troubles, n'ayant point de Prince qui luy commandaft, ny frein qui l'arreftaft, chacun y voulant faire le maiftre, il arriua toutesfois audit Curenge fi point fain au moins fauue, le iour du Vendredy oré, où il feiourna toutes les feftes des Pafques, & tant qu'il fut remis en fanté, de là ayans tenu confeil, & tafté ce qu'il feroit de faire, il print le chemin de Liege, & approchant de Tongre ledit Guilleame d'Aremberg alla à fon rencontre, qui le yoyant de loin, mit pied à terre, & en s'agenouillant luy demanda pardon de fon offence,lequel l'Euefque luy accorda par telle condition qu'il fe reconcilieroit aux amis dudit feu Vicaire, & leur feroit toute fatisfaction, à ce moyen il fe remit à la fuite dudit Euefque, l'accompagnant auec d'autres Comtes & Barons en Liege, où il fut reçeu du peuple en tout refpect & honneur & auec de cris d'allaigreffe.
Peu de iours apres l'Euefque pour luy tefmoigner fa bienueillance, & qu' il auoit depofé tout le maltalent, le reftablit & le remit en plus grand luftre, dignité, & honneur qu'il n'eftoit auparauant, Iuy efpandant fes faueurs fans regle, ny mefure, luy affignant fur la table l'Epifcopale l'entretenance de vingte quatre hommes de cheuaux à fa fuitte, le faifant fon grand maiftre d'hoftel, luy donnant mefme le chafteau de Serain pour le poffeder par luy & les fiens proprietairement, luy procurant enuers ladite Dame de Flandre fa niepce vn prefent de quatorfe mille florins de Rhyn, tant pour refurniffement des dommages qu'il auoit reçeu du feu Duc Charles qui luy auoit ruiné fon chafteau d'Egremont, que pour l'obliger, & l'attacher à fon feruice, & de fait, il fit ferment de tenir fon parti, & de la defendre enuers, & contre tous, de fa perfonne, de fes moyens, & de fes armes, où l'on la viendroit aggreffer, ou molefter.
D'autre part l'Euefque pour faire voir aux Liegeois combien, il auoit eu agreable reception & accueil dernier qu'ils.luy auoient fait, demit & depofa tout le Magiftrat, Confeilliers & Officiers que Guy d'Hymbercourt,qui auoit efté fait & eftably par le feu Duc Charle Gouuerneur de la Cité, & apres avoir reformé toutes les deformitez preuenuës de la licence des guerres, & remis la paix par tout, il leur rendit entierement leurs priuileges franchifes & anciennes vfances d'election dudit Magiftrat, aymant mieux gaigner dorefnauant leurs coeurs & affections par clemence, humanité, & bien-faits, que par rigueur, & conftrainte, reftabliffant la iuftice, qui eft le ciment de l'humaine focieté.
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Laurent MELART - 1641
Histoire de la ville et chasteau de Huy et de ses antiquitez avec une chronologie de ses Comtes & Evesques
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