Aller à la citation
1627 - Le Révérend Père Simon de Jésus Marie, Visiteur général des Carmes déchaussés, visitant le couvent que ces religieux ont à LIEGE, fut sollicité par le Magistrat de donner la permission de fonder un couvent de religieuses Carmelites dans cette ville; et cela à la réquisition de Monsieur de Corswarem qui avoit la nièce de sa femme Carmélite à Malines. La vénérable Mère Anne de Saint Barthelemi montra le plus vif désir de voir cet établissement s'effectuer au plutôt, et écrivit à ce sujet plusieurs lettres à Monsieur le comte Jean-Jacques de Belle-Joyeuse très-affectionné à l'Ordre. Il ne manqua pas de seconder les désirs de la Mère Anne, sachant qu'elle souhaitoit de venir faire elle-même cette fondation. Mais l'infante Isabelle ne voulut pas permettre à cette religieuse de sortir. Entre tems le comte de Belle-Joyeuse obtint la permission a Rome des Supérieurs Généraux et celle de Son Altesse Sérénissime le prince Ferdinand de Bavière évêque de Liege. Il fit le marché de la maison du comte de Waroux (c'est-à-dire du comte de Mérode) pour 20,000 florins qu'il vouloit donner aux religieuses pour dot de sa fille. Il en avoit déjà fait compter 3,000: mais avant la fin de 1'année, elle fut rapprochée, ce qui rompit le marché.
Les Superieurs envoièrent pour faire cette fondation la Mère Catherine de Saint Elie, tirée du couvent de Bruges. On nomme aussi la Sœur Isabelle du Saint Sacrement, religieuse du couvent de Bruxelles, la Sœur Christine de Jésus, de celui d'Anvers, fille de la vénérable Mère Anne de Saint-Barthélemi, la Sœur Gertrude de Jésus, de celui de Malines, nièce de Mademoiselle de Liverlo, veuve de Monsieur de Corswarem, à laquelle on pourroit donner le titre de Fondatrice, pour les grandes aumônes qu'elle a faites à cette maison, qui montèrent bien à 20,000 florins, les aiant assistées pendant de longues années tant pour les vivres et autres choses nécessaires que pour l'accommodement de la maison. La quatrième religieuse étoit Sœur Marianne de Saint Joseph, de celui de Valenciennes, encore novice, fille du comte de Belle-Joyeuse, que Monseigneur le duc de Havré accompagna avec Madame son épouse jusqu'à Bruxelles où les autres étoient arrivées.
Elles partirent de Bruxelles le 15 juillet de l'an 1627 dans un carrosse de l'Infante Isabelle, accompagnées du P. Nicolas de la Conception, du P. Jean de la Mère de Dieu, Définiteurs Provinciaux, et du P. Jean Chrysostome de Saint-Mathieu, lecteur en Théologie, ainsi que de Monsieur Pierre Sombeck, prêtre séculier, et arrivèrent le même jour à Namur au logis du duc d'Aerschot, gouverneur de cette place, où Madame la duchesse les accueillit avec beaucoup d'affection et les retint encore le lendemain, fête de Notre-Dame du Mont Carmel; et avant de sortir de cette ville, le R. P. Jean Marie, Visiteur général, vint du désert de Marlagne, leur donner sa bénédiction.
Le 17 du même mois elles partirent de grand matin de Namur avec un convoi du château, et comme la duchesse n'avoit point de passeport des Hollandois, elle pria Madame la baronne de Vierve de les accompagner de sa part, ce qu'elle fit jusqu'à Liége avec Mademoiselle sa fille. Etant arrivées à midi à Hui, elles allèrent diner chez la veuve de Barthélemi de Saint-Vitu, mère d'un Carme déchaussé, qui étoit le logis ordinaire des religieux tant cette dame avoit de la piété. Passant devant le château de Chokier, Madame la comtesse de Belle-Joyeuse qui les avoit longtems attendues pour les recevoir, en étant empéchée par la crainte des Hollandois, fit faire une salve de mousqueterie par les soldats de son château, et ceux de la barque où étoient les religieuses y répondirent. Lorsqu'elles arrivèrent sur Avroi, il y eut un si grand concours du peuple qui couroit pour les voir qu'on eut jugé que c'étoit un grand Jubilé. Aiant mis pied à terre, Madame la comtesse de Staremberg et Mademoiselle de Mérode, chanoinesse de Mons, les recurent avec mille témoignages d'affection: et après les compliments faits elles entrèrent dans deux carrosses: plusieurs parents de deux religieuses, savoir de Soeur Catherine et de Soeur Gertrude, les suivoient.
Elles furent conduites dans la maison qui leur étoit destinée et qu'on leur avoit louée sur la place de Saint Paul ; on avoit eu soin de la meubler de tout ce qui étoit necessaire, de même que leur petite chapelle. C'etoit le Père Laurent de l'Assomption, prieur des Carmes déchaussés du couvent de Liége, qui avoit pris cette précaution. A leur entrée on donna à chacune des religieuses un cierge allumé: mais on eut bien de la peine à fendre la presse du monde qui étoit accouru pour les faire entrer; et se mettant à genoux devant le Saint Sacrement qui étoit exposé, on entonna le Te Deum en musique, après lequel Monsieur de Liverlo chanoine de Saint-Denis donna la bénédiction, et les religieuses se retirèrent dans leurs quartiers ou Mademoiselle de Corswarem faisoit la mère de famille pour les bien traiter et nourrir, ce qu'elle flt les deux jours suivans avec très-grande charité. Pendant quelque tems elles furent sans clôture, exposées et sujettes à recevoir la visite de toute sorte de personnes qui les venoient voir, ce qui leur fut très pénible.
Le lendemain la comtesse de Belle-Joyeuse les envoya complimenter par son secrétaire, témoignant le ressentiment qu'elle avoit de ne les avoir pu recevoir et traiter dans son château de Chokier. Peu de jours après elle vint elle-même les voir et leur faire présent de deux manteaux de velours rouge et de l'habit conforme en broderie, disant que si elle pouvoit sortir de ses grandes affaires, elle désiroit de finir ses jours dans la condition de Sœur converse pour pouvoir servir les malades.
Le jour de Saint Elie, Monseigneur le Grand Vicaire chanta la première messe en musique: le Magistrat y assista. Le Père Joseph du Saint Sacrement prècha avec grand applaudissement, et l'après midi la clôlure fut mise par le R. P. Jean de la Mère de Dieu, Définiteur Provincial. Monseigneur le Nonce vint quelques jours après leur donner la bénédiction de même que Monseigneur le Suffragant.
Le 16 août le R. P. Hilaire de Saint Augustin, Provincial, donna le voile à Sœur Marianne de Saint Joseph, fille du comte de Belle-Joyeuse, laquelle avoit professé le jour de la Magdelene, et le lendemain il donna aussi l'habit à la fille de Monsieur le Bourgmestre de Liverlo qui fut appelée Sœur Terese de Jésus, et fut la première novice de cette fondation, comme la Sœur Marie Anne fut la première professe.
Le couvent où les Carmélites déchaussées sont aujourd'hui, près de la porte de Vivegnis, étoit à peine habitable lorsqu'elles y entrèrent vers l'an 1666.Hoec omnia e schedis praedicti conventus mihi communicatis.
|