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Palais des Princes-Evêques de Liège

entre 1750 et 1780

« cette carte figuratif est pour reconnoitres l'emplacement des busses et leurs longueurs est nom des places par ou elle passe de toutes les fontaines du palais de même que les caneaux de décharge et reiwe du moulin au braz avec l'explication de toutes les places où elle fournissent l'eau; ce plan est pour en cas d'accident qu'il pouroit ariver avec les dits plans on pourra reconnoitres le défaut et l'endroit de chaque busse et du canal et reiwe »

Archives de l'État à Liège, n° 243 - 660 x 975 mm



COPIE DE LA LÉGENDE DU PLAN

A Chassis de pierre ou sont les cranna pour régler les eaux de toute le fontaines;

B Maitresse busse qui fournis les eaux depuis la porte Ste Marguerite jusqu'à la cour du grand bassin;

C Bassin du jet d'eau;

D Décharge du bassin;

E Reiwe du moulin au braz;

F Busse qui conduit l'eau dans la cour des servantes;

G Cour des servantes;

H Busse qui conduit l'eau à la fontaine de la cuisine;

I Busse du tournest‑broche;

K Busse à Mr Sauvage devant les r. père mineurs;

L Garde‑manger;

M Lavoir ou on a mis une branche à la busse Mr Sauvage, pour fournir l'eau à la fontaine du lavoire;

N Cuissine du palais;

O Cour du grand bassin;

P Busse qui fournit l'eau à la fontaine dans la cour des cave;

Q Cour de la cave;

R Fontaine a cotté de la place du Maitre de cave;

S Busse qui conduit l'eau a la fontaine de la cave sous la gallerie du grand escallier;

T Busse qui conduit l'eau à la conciergerie;

U Montan de busse qui conduit l'eau à la conciergerie avec une deuxième busse de décharge;

V Busse qui conduit l'eau au grand caffet du palais au vieux marché;

W Grand cour du palais;

X Busse qui conduit l'eau à la fontaine du grand garde du palais;

Y Canalle de décharge de toutes les eaux du palais;

Z C'est les petits caneaux qui resoit les eaux des busses du toit du palais et qui les rend dans le canal et reiwe.

1. Chassis ou se trouve une cranne qui regle la fontaine du bain.

2. Place a coté du bain.

3. Place du bain.

4. Bain.

5. Vestibulle.

6. Place de l'escalir derobé pour aller aux appartemens de son altesse.

7. Place ou est la chaudière.

8. Chaudière et fontaine du bain.

9 et 10. Places des valets de chambre.

11. Sortie du palais.

12. Escallier pour aller au synode.

13. La monnoie et corps de garde.

14. Fontaine qui est abandonnée dans la place du laminoire et qui se trouve branchée à la busse de la fontaine du grand garde.

15. Citerne du coté des échevin.

16. Citerne du coté de pierreusse.

17. Siterne contre la lingerie.


Extrait de "Deux plans anciens du palais de Liège" par R. Forgeur dans le vieux Liège.

Le second plan du palais (4) conservé au dépôt des archives de l'État à Liège, sous le numéro 243 est dessiné à l'encre de Chine sur un papier de 66 x 97,5 cm. Il est intitulé « cette carte figuratif est pour reconnoitres l'emplacement des busses et leurs longueurs est nom des places par ou elle passe de toutes les fontaines du palais de même que les caneaux de décharge et reiwe du moulin au braz avec l'explication de toutes les places où elle fournissent l'eau; ce plan est pour en cas d'accident qu'il pouroit ariver avec les dits plans on pourra reconnoitres le défaut et l'endroit de chaque busse et du canal et reiwe »

L'échelle est de 24 centimètres pour 100 pieds.

Le plan n'est pas daté, mais deux éléments permettent de connaître approximativement l'époque où il a été dressé. La chambre verte, « à la chinoise », est mentionnée. Or nous savons que cette chambre, décorée de lambris de style rocaille est couverte par un plafond peint et signé par Paul Joseph Delcloche, décédé en 1755. Elle date donc du règne de Jean‑Théodore de Bavière. A côté d'elle, vers le sud, se voit la «chambre des comptes » qui, elle, fut déplacée par Velbrück(5). Le plan date donc du règne de Théodore de Bavière, de Charles d'Oultremont ou du début de celui de Velbrück soit environ 1750‑1780 (6)

L'utilisation du plan ne peut se faire sans quelques remarques préalables.

En premier lieu, on constate que l'orientation du palais est peu conforme aux habitudes modernes. Le sud est placé en haut, c'est‑à‑dire qu'on trouve dans le haut, l'aile située rue Sainte‑Ursule et place Saint‑Lambert tandis que, dans le bas, on voit l'aile du palais qui longe la rue du Palais.

Cette disposition qui étonne les hommes du 20e siècle est logique pour un dessinateur du 18e siècle, habitué à entrer et sortir du palais par «la rue derrière le palais ». En effet, le côté sud était occupé par la place du Vieux‑Marché à laquelle on n'avait accès que par des ruelles: la rue Sainte‑Ursule, la rue des Mauvais‑Chevaux et les degrés de Saint‑Pierre. Ces voies étroites contournant la cathédrale étaient souvent encombrées et, de ce fait, délaissées. Le gros trafic empruntait Féronstrée ou Hors‑château, la rue derrière le palais et bifurquait ensuite vers Pierreuse ou vers la rue Neuve dénommée actuellement rue de Bruxelles.

Une seconde constatation est que le plan n'est pas dressé correctement car l'auteur n'a pas respecté l'échelle qu'il s'était fixée. En effet, il donne à l'aile qui sépare les deux cours, la largeur de soixante pieds, ce qui fait près de dix-huit mètres alors qu’elle n’en mesure que dix-sept. Il donne vingt-cinq pieds de large à la galerie de la première cour qui, en réalité, ne mesure que cinq mètres et non sept et demi.

Enfin, l'aile des échevins, occupée de nos jours par le gouvernement provincial, n'est pas dessinée sur le plan, soit parce que son entretien n'incombait pas au fontainier qui l'a dressé, soit parce qu'elle était dépourvue d'adduction d'eau. En effet, c'est le problème de l'évacuation des eaux polluées et l'alimentation en eau potable qui a surtout retenu l'attention de l'auteur du plan.

Malgré ces réserves, le plan conserve un haut intérêt et sa consultation s'avère nécessaire.

En premier lieu, il peut avoir un intérêt pratique pour ceux à qui incombe l'entretien du palais et leur révéler l'existence de canaux souterrains. En outre il apprend à l'historien du palais, quelle était l'utilisation des différents locaux. C'est un des plus beaux documents qui nous indique l'affectation des salles du palais et le genre de vie de certains usagers. C'est ce point de vue qui va nous retenir quelque peu; en observant chaque aile du palais une après l'autre nous verrons ce que le plan nous enseigne.

Commençons par l'aile qui sépare la seconde cour, (7) appelée alors « cour du bassin » en raison de la vasque qui s'y trouve, et la troisième cour. Actuellement affectée aux locaux du tribunal de commerce, cette aile comprenait un lavoir, un garde-manger, une vaste cuisine, une « place de la pâtisserie », deux salles-à-manger - une pour les secrétaires et aumôniers et l'autre pour les officiers de garde; enfin un passage conduisant dans la cour du manège longeait « la dépense » c'est-à-dire la salle ou « monsieur le dépensier » donnait au personnel les objets et victuailles nécessaires à la vie quotidienne; vers la place du marché, le moulin au brâ, accessible par une impasse, était adossé au palais.

L'aile qui longe la rue Sainte‑Ursule (8) se composait exclusivement d'une galerie, s'ouvrant vers le jardin par des baies sur colonnes, surmontée d'une vaste salle. A cette aile étaient appuyées les maisons du côté nord de la rue Sainte‑Ursule, démolies au siècle dernier pour faire place à des auditoires ou salles d'audience. Le plan nous apprend que cette galerie servait à loger des servantes et « porteurs au bois », et d'entrepôt pour le bois de chauffage. On y avait donc édifié des cloisons et probablement bouché les baies gothiques par des maçonneries.

L'aile qui lui fait face, longeant la rue du Palais était en tous points semblables mais elle a gardé son aspect ancien. Les baies du rez‑de‑chaussée, la plupart tout au moins, avaient été murées pour créer des chambres qui servaient de lingerie (9).

Elles restèrent obturées par des murs de briques, percés de fenêtres rectangulaires jusqu'aux environs de 1930; plusieurs photos nous en ont conservé le souvenir. La partie nord‑ouest de cette galerie est encore gothique mais fut modifiée au 18e siècle.

Elle est occupée de nos jours, au rez‑de‑chaussée par le bureau du conservateur du palais (10). D'après notre plan, c'était alors la « place du bain » et son antichambre. La baignoire était alimentée par un réservoir d'eau ou chaudière (n °8 du plan) placée dans la cage d'escalier (n° 5 et 6). L'évêque avait accès à la salle de bain par cet escalier qui existe encore, appelé alors « escalier dérobé de son Altesse ». Il conduisait à la chambre à coucher, actuel cabinet du bâtonnier (11).

Si nous étudions maintenant l'aile (12) qui sépare les deux premières cours, nous constatons qu'elle abritait les locaux affectés au conseil privé et à la Chambre des comptes, détail inconnu, je crois, jusqu'ici. Le plan indique au nord « emplacement de la place vert à la chinoise ». Cette mention est rigoureusement exacte car la salle qui occupe cet emplacement est, en effet, décorée d'un plafond où Paul Joseph Delcloche peignit des « chinoiseries» vers 1750. Étant la plus belle salle du « Conseil privé », on a toutes raisons de croire qu'elle servait de cabinet à son chef, le chancelier ou aux réunions du conseil. De nos jours, le président du tribunal y a son bureau. La salle est restée à peu près intacte sauf en deux points: les niches qui abritaient les poêles de faïence « à la bavaroise » ont perdu leur utilité et ne réfléchissent plus la chaleur. Ces poêles pouvaient ici comme ailleurs, être alimentés par l'extérieur de la salle, par des corridors, sans déranger ceux qui utilisent la chambre.

A l'extrémité sud, vers la cathédrale, se trouvait l'appartement réservé au maître de cave, trois chambres dont une pour dormir; deux donnaient sur une cour agrémentée d'une fontaine. Une autre fontaine donnait l'eau à l'appartement. A côté, la sacristie de l'église paroissiale Sainte‑Ursule faisait l'angle entre l'aile que nous venons de décrire et l'aile sud, qui longeait le Vieux‑Marché, aile que l'on voit de nos jours, place Saint‑Lambert. Réédifiée par l'architecte bruxellois Anneessens, elle est bâtie de telle sorte que son premier étage est à niveau de la première cour et que son rez‑de‑chaussée est composé de chambres donnant vers la place Saint‑Lambert et de caves, au côté opposé, au nord. Cette cave est dénommée « cave sous la galerie du grand escalier» En effet, cette aile est occupée au centre par le vaste escalier appelé « royal » au 18e siècle (13). A l'est de l'escalier se trouvait une vaste chapelle divisée en deux étages: celle du rez‑de‑chaussée accessible uniquement de la rue Sainte‑Ursule était l'église paroissiale du même nom ; (14) celle du haut, accessible seulement par le palais était la chapelle du prince‑évêque (15). Elle est occupée de nos jours par la seconde chambre de la Cour d'appel. Sous les locaux du Parquet général, on trouvait des cafés au nombre de trois, occupés actuellement par les vestiaires des avocats; enfin la loge du portier (16) du grand porche.

Deux caves et la conciergerie jouissaient d'une fontaine d'eau courante la chambre du portier, par contre, en était dépourvue. L'aile occidentale du palais n'est pas dessinée mais on y a inscrit « côté des échevins ». Cette aile se composait d'une seule galerie surmontée d'un seul étage où se trouvaient la ou les salles d'audience des échevins et des maïeurs et sous‑maïeurs. Ces locaux (17) ont été rattachés à ceux du Gouvernement provincial quand l'architecte Delsaux édifia le palais néogothique de la place Notger. Pour ce faire il démolit l'aile occidentale du palais des Etats de la principauté et les écuries du prince.

L'aile nord, celle qui longe la rue du Palais, va elle aussi dévoiler ses secrets grâce au plan que nous analysons. Les numéros 9 et 10 indiquent les logements des valets de chambre (18). Le 11 désigne le porche, encore actuellement en usage comme l'escalier qui lui est contigu (n° 12) (19). Les salles qui leur font suite étaient affectées à « la monoie et cordegarde » (n° 13) (20). Elles abritent de nos jours, le greffe du tribunal. Une de ces salles ainsi que la galerie qui les longe étaient dotées d'une fontaine.

En résumé ce plan nous apprend bien des choses. Chaque cour avait son bassin ou sa fontaine. Le prince avait une salle de bain munie d'une baignoire à eau chaude et même pourvue d'adduction d'eau courante. Par contre, la cuisine, le lavoir, le grand café, la conciergerie, l'appartement du maître de cave et le corps de garde disposaient chacun d'une fontaine. De plus la cuisine était dotée d'un tourne‑broche mû par une roue à aubes que l'eau faisait tourner. Le texte inscrit au milieu du plan de la grande cour cite une troisième fontaine celle de la cour des écuries.

D'autre part, le plan nous fait connaître avec beaucoup de précisions l'utilisation des locaux du rez‑de‑chaussée. La grosse majorité de ces mentions étaient inconnues et, sans ce plan, il ne nous serait plus possible de savoir à quoi servait telle ou telle salle du palais.

Grâce à cette première identification de locaux, il nous est désormais possible de situer au moins en partie, les descriptions ou état des lieux faits en 1764 et en 1784 par les « pérites » ou experts.

Puisse l'apport de ces deux plans, aider les nombreuses recherches dont le palais doit encore être l'objet

 

R. FORGEUR


1. Figure 1, conservé aux Archives de l'État à Liège, sous le numéro 273. Sa provenance est inconnue. Il est probable qu'il appartint aux archives de la Chambre des comptes. 

2. Publiée entre autres par T. GOBERT, Liège à travers les âges, t. 4, p. 405. Liège, 1926. Cette gravure est entachée de pas mal d'erreurs, notamment en ce qui concerne le nombre de fenêtres et la galerie orientale de la deuxième cour.

3. M. YANS, L'incendie du palais de Liège en 1734 dans La vie wallonne, t. 33 (1959), p. 178.183.

4. Figure 2. Cliché A.C.L., Bruxelles, no B, 169.973.

5. A.E.L. Chambre des comptes, n° 223, visites du palais en 1764 et en 1784.

6. Comme dates extrêmes on retiendra 1754, création du manège dans la 3e cour, et 1784, mort de Velbrück.

7. Pour plus de clarté, le lecteur utilisera le plan du palais publié dans le Guide du palais de Liège, publié par la société « Le Vieux‑Liège » en 1957. Ce plan sera dorénavant cité: Plan V.L., L'aile ci‑dessus décrite porte le numéro 34.

8. Plan V. L. n° 36.

9. Sous les chambres portant le numéro 32 du plan V. L,

10. Plan V. L. n° 38.

11. Plan V. L. n° 25, accessible par l’escalier 37 et 21.

12. Plan V. L. n° 10, 11, 12. La place à la chinoise porte le n° 11.

13. Plan V. L. n° 13.

14. Plan V. L. n° 14.

15. Plan V. L. n° 17.

16. La loge du portier est et était sous le n° 15; les cafés sous le n° 16 et chambres annexes du Plan V, L.

17. Plan V. L. n° 44, 45 et 46.

18. Sous les numéros, 29 et 30 du plan V, L.

19. Plan V. L. n° 39 (porche) et 27 (escalier).

20. Plan V. L. n° 5 à 9.

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