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Notre Dame aux Fonts à Liège

RENIER DE HUY

Auteur véritable des fonts baptismaux de Notre Dame
à Saint Barthélemy de Liège et le prétendu Lambert Patras.

par Godefroid KURTH

La dinanderie est un art essentiellement belge, et c'est la Belgique qui a conservé les spécimens les plus remarquables de cet art. Le premier rang parmi ceux-ci appartient sans conteste, tant pour l'ancienneté que pour la valeur artistique, aux célèbres fonts baptismaux de l'église Saint-Barthélemy de Liége. Faits au commencement du XIIe siècle pour l'église Notre-Dame-aux-Fonts de la même ville, ils sont restés dans ce sanctuaire jusqu'à sa destruction et ont été donnés alors à l'église Saint-Barthélemy par l'évêque de Liége, Zaepfel.

Cette belle dinanderie a toute une histoire, et le romancier liégeois, Jean d'Outremeuse, s'est chargé de lui faire aussi une légende. Malheureusement, la légende a été prise pour l'histoire: on a oublié celle-ci et on a colporté à satiété celle-là, Si bien qu'une page entière de l'histoire de notre art médiéval a été défigurée. Ce n'est pas que, jusqu'à ce jour, il ne se soit élevé aucune protestation contre l'autorité usurpée par la légende. En 1874, dans sa belle Histoire de la dinanderie, Al. Pinchart indiquait nettement son opinion: « Peut-être, écrit-il, le nom du batteur dinantais est-il une invention du clhroniqueur; nous n'avons pas, à cet égard, une foi bien robuste dans son assertion (1). » Moi-même, en 1892, j'exhumai le nom du véritable auteur de nos fonts (2), mais je me bornai à cette constatation, n'ayant d'ailleurs pas le temps, à celle date, de pousser plus loin mon enquête. Plus récemment encore, le caractère légendaire du récit traditionnel n'a pas échappé à la critique fine et pénétrante de notre savant confrère, M. le baron de Chestret; resserré lui-même dans les limites d'une notice biographique, il n'a pu qu'indiquer son opinion sans la développer (3). Est-ce parce que notre avis, à tous les trois, ne paraissait pas suffisamment motivé, ou n'est-ce pas plutôt parce que les opinions traditionnelles sont diffliciles à abandonner, qu'après 1892 et après 1901, tout comme après 1874, on a continué de redire la légende et d'ignorer l'histoire? Je ne sais, mais on conviendra qu'il n'est pas inutile, dans ces conditions, de reprendre la question ex professa pour en finir une bonne fois avec l'erreur accréditée. Telle est la raison d'être de celle courte étude. Je me propose d'y démontrer:

1° Que le prétendu Lambert Patras n'a jamais existé que dans la féconde imagination de Jean d'Outremeuse;

2° Que le véritable auteur des fonts baptismaux de Saint-Barthélemy est Renier de Huy;

3° Que celte ville a occupé au moyen âge, dans l'art de la dinanderie, une place importante que les inventions du chroniqueur liégeois ont fait complètement oublier.


I


Et d'abord, voici le récit de Jean d'Outremeuse:

En 1112, l'empereur Henri V assiégeait la ville de Milan. Son neveu, l'évêque de Liége Otbert, qui faisait partie de son armée, parvint à s'emparer de la ville à lui seul et il la donna en fief à son souverain. Celui-ci partagea les dépouilles entre ses fidèles: Richier, chantre de Liége, obtint diverses reliques de saints; un chevalier liégeois, Bertrand de Lardier, se vit gratifié d'un objet d'art en laiton; Otbert reçut pour sa part vingt-huit bêtes de métal d'un demi-pied de long chacune, telles que cerfs, biches, vaches, porcs et chiens de chasse. Il les donna à Hellin, fils du duc de Souabe, qui était prévôt de Saint-Lambert de Liége et abbé séculier de NotreDame-aux-Fonts. Hellin fit venir un batteur de Dinant, nommé Lambert Patras, qui était bon ouvrier, et lui fit faire, pour son église de Notre-Dame, de nouveaux fonts baptismaux en cuivre, à la place des anciens qui étaient en pierre: au pied du bassin et tout alentour il plaça les vingt-huit bêtes de métal, de telle sorte qu'elles supportaient la cuve baptismale (4).

Tout ce récit n'est qu'un tissu de fables. L'évêque Otbert n'est ni le neveu ni le parent à un titre quelconque de l'empereur Henri V. Le siège de Milan par ce dernier est une invention pure et simple du chroniqueur, agrémentée encore de l'ébouriffante fiction d'un vassal donnant en fief à son souverain une conquête que celui-ci vient de faire. L'idée première d'un siège de Milan en 1112 semble avoir été suggérée à notre romancier par le siège, véritable de 1164, dans lequel un évêque de Liége eut son rôle et où se fit, en réalité, une distribution de butin comme celle dont il est parlé ici (5). Le chantre Richier et le chevalier Bertrand de Lardier sont des personnages fictifs. L'épisode des vingt-quatre bêtes en métal données par l'empereur à Otber, nous-pêrmet de constater une des plus réjouissantes bévues de notre chroniqueur, qui n'a pas même su ni regarder ni compter les animaux symboliques supportant la cuve baptismale. S'il les avait comptés, il en aurait trouvé dix et non vingt-huit. s'il les avait regardés, il aurait vu que c'étaient des boeufs, et nullement des cerfs, des biches, des vaches, des braques et des limiers; au surplus, une érudition très ordinaire lui aurait suffi pour savoir que ces animaux symboliques étaient là, comme dans plus d'un monument semblable, à l'imitation de ceux qui supportaient la mer d'airain du temple de Salomon (6). Le premier venu peut, aujourd'hui encore, en allant .jeter un coup d'œil sur l'objet d'art dont nous parlons ici, constater la prodigieuse étourderie de Jean d'Outremeuse et se rendre compte, par un exemple topique, du degré de la confiance qu'il mérite, même lorsqu'il décrit des choses qu'il a vues et qui sont, en quelque sorte, constamment sous ses yeux. On peut se convaincre en même temps du sans-gène avec lequel il fabrique une légende etiologique. Des figures, dont il ne comprend pas le sens ornent le pied d’un objet d'art qu'il décrit: au lieu de se résigner à en ignorer la provenance, vite il trousse rapidement une historiette qui est censée l'expliquer, incapable qu’il est de s’en tenir ne fut-ce qu'un instant, aux données précises mais arides de l'histoire, toujours préoccupé de l'agrémenter au moyen de fables, si bien que, même là où il lui arrive de raconter des choses véritables, on est obligé de se défier de l'alliage de fiction qu'il ne peut s'empêcher d'y introduire.

On va en avoir la preuve à l'instant en ce qui concerne l'abbé Hellin de Notre-Dame-aux-Fonts. Nous savons, par un témoignage des plus dignes de foi, que ce personnage, contemporain dl'Otbert, fit, en effet, exécuter les fonts baptismaux en question (7). En combinant les indications de la source contemporaine avec celles que me fournissent les diplômes du temps, voici comment je peux reconstituer la carrière de Hellin.

Hellin (8) succéda, après 1107, dans les fonctions d'abbé séculier de Sainte-Marie (ou Notre-Dame-aux-Fonts) à Théoduin, qui les exerçait encore en cette année, et il conserva cette dignité jusqu'à sa mort, en 1118, n'ayant d’ailleurs jamais franchi, dans les ordres sacrés, le grade du diaconat (9). Hellin était un prélat zélé; il avait fait bâtir, dans les cloîtres de la cathédrale et à l'entrée du marché, un hospice qui avait plutôt l'air d'un palais royal, et c'était, en effet, dit un contemporain, le roi des rois qui y demeurait dans la personne de ses pauvres. Les lits y étaient bons et la nourriture abondante (10).

Un autre trait de sa charité nous est rapporté par Gilles d'Orval.

Un jour, dit ce chroniqueur, que Hellin était assis à sa fenêtre, il vit les funérailles d'un prêtre pauvre, dont le corps était porté presque nu et sans cercueil à sa demeure dernière. Ému de pitié, Hellin fonda une confrérie charitable parmi les prêtres liégeois, qui existe encore de nos jours (11). Son zèle pour l'Église et pour la bonne vie du clergé était à la hauteur de ses sentiments charitables. Les synodes étaient tombés en désuétude de son temps, dit un contemporain; il ne craignit pas de faire le voyage de Rome pour aller réclamer auprès du pape, mais il mourut dans la Ville éternelle au bout d'une année environ, et sans que l'affaire fut terminée (12). C'était le 7 novembre 1118 (13). « Que le clergé se lamente, conclut l'auteur anonyme à qui j'emprunte mes renseignements, il a perdu un autre Wazon; l'âge d'or régnait de son temps, et on n'a pas revu son pareil après lui (14). »

Voilà tout ce que, en combinant les témoignages des anciens chroniqueurs et les diplômes contemporains, on parvient à savoir sur l'abbé Hellin. Jean d'Outremeuse n'en savait pas même autant, car il était loin d'avoir consulté les diplômes et il ne connaissait pas la source principale, qui est précisément le Chronicon Rhytmicum; tout au plus avait-il pu lire les quelques vers de celui-ci que Gilles d'Orval avait fondus dans son texte. C'est, en effet, Gilles d'Orval qui était sa seule source, et tout ce qu'il nous dit de plus que celui-ci est de l'invention pure.

D'abord la généalogie de son héros.

C'est, on le sait, une des manies ordinaires de Jean d'Outremeuse de connaître parfaitement l'état civil des personnages historiques; c'en est une autre, tout aussi familière, de leur donner une extraction illustre, et, parmi les familles ducales qu'il charge de relever le blason des personnages liégeois, celle de Souabe est de celles auxquelles il recourt le plus fréquemment (15).

Hellin n'a pas plus été prévôt de Saint-Lambert que fils du duc de Souabe.

Nous connaissons assez bien, pour la période dans laquelle il vécut, la succession des prévôts de Saint-Lambert: non seulement il n'y figure point, mais il est impossible de l'y faire entrelr.

Voici la série:

1086-1094. Théoduin.

1096-1118. Frédéric.

1121-1127. André.

1129-1137. Steppon.

1136-1139. Frédéric,

1140-1144. Henri (16).

Ainsi, à l'époque où Jean d'Outremeuse veut que Hellin ait exercé les fonctions de prévôt de Saint-Lambert, c'est saint Frédéric qui était revêtu de cette dignité, qu'il ne quitta que pour celle d'évêque. On a dressé le catalogue des actes de ce pontife: il nous montre qu'il a occupé la prévôté sans interruption de 1095 à 1118 et que, partant, le témoignage de Jean d'Outremeuse n'a aucune valeur (17).

Hellin ne fut pas non plus archidiacre. Son nom, du moins, ne figure pas dans la liste si soigneusement dressée par M. de Marneffe, et pas davantage dans les documents publiés depuis.

Là ne s'arrête pas la série des bévues que Jean d'Outremeuse commet au sujet du seul Hellin. Il fait de lui le successeur de Gautier de Chauvency, erreur grossière dans laquelle il a entraîné à sa suite la plupart des historiens liégeois. Gautier de Chauvency, mort en 1207, est au contraire un des successeurs de Hellin.

Jean d'Outremeuse veut encore que Hellin ait ramené à dix les ving deux chanoines que Notger, selon lui, avait placés à Notre-Dame-aux-Fonts, et qu'il les ait fait rentrer dans l'église Saint-Lambert sous le nom de chanoines de saint Materne (18). Autre invention, car il n'y eut que neuf chanoines à Notre-Dame-aux-Fonts depuis le Xe siècle jusqu'au XlIIe, et ce nombre fut porté à dix par Gautier de Chauvency; c'est lui, et non Hellin, qui leur donna le nom et la qualité de chanoines de saint Materne (19).

Tel est le tissu d'inventions extravagantes et de bévues

grossières au milieu duquel nous apparaît, dans la chronique de Jean d'Outremeuse, la figure de Lambert Patras de Dinant. Cela ne suffit pas, j'en conviens, pour nous permettre de le considérer comme apocryphe, car, enfin, il se pourrait que Lambert Patras, tout comme Hellin lui-même, fût un personnage historique dont notre chroniqueur se serait borné à amplifier et à défigurer l’histoire. Mais c'en est assez, tout au moins, pour Justifier notre défiance et pour appeler notre sérieux contrôle sur une personnalité dont l'existence ne nous est pas mieux garantie.

Voyons ce que va nous apprendre ce controle.

D'abord, il faut remarquer que parmi les nombreuses manies de Jean d'Outremeuse, celle de donner des noms aux personnages les plus accessoires est peut-être la plus fréquente. Ses sources ont beau ne pas les nommer, lui il sait leur nom, le nom de leur père, leur lieu d’origine, parfois encore leur profession. Souvent même il invente de toutes pièces et le personnage et le nom. Je pourrais ici multiplier les exemples, mais il faut se borner, et je me contenterai d'en emprunter quelques-uns à un excellent mémoire de M. L'abbé Balau. Jean d'Outremeuse a lu dans ses sources (Hocsem et Jean de Warnant) que sous Henri de Gueldre des troubles éclatèrent à Liége parce que le domestique du chanoine Henri avait frappé un bourgeois. Cela ne lui suffit pas: il lui faut le nom de famille du chanoine, et il en fait un Henri des Prez. Il lui faut aussi le nom du domestique, et il nous apprend que celui-ci s'appelle Gérard de Vinalmont. Enfin, nous ne serions pas complètement renseignés si nous ne savions aussi le nom du blessé; notre chroniqueur veut bien nous apprendre qu'il s'appelait Renier de Féronstrée. Tous ces noms sont tout simplement forgés par Jean d'Outremeuse: une charte relative à l'incident, qui nous a été conservée, nous apprend que le chanoine était Henri de Ferrières et non des Prez, et que son domestique s'appelait Colin et nullement Gérard de Vinalmont (20).

De pareils exemples, je le répète, sont innombrables, et ce serait lasser la patience du lecteur que de les énumérer. J'en conclus qu'il ne serait nuIlement étonnant que, ne trouvant pas dans sa source, qui est Gilles d’Orval, le nom de l'auteur des fonts baptismaux, Jean d'Outremeuse l'eût purement et simplement inventé.

Ce qui donne à cette conjecture un cachet de vraisemblance, c'est la structure même du nom de Lambert Patras. Dans la pensée du chroniqueur, il se compose évidemment d'un prénom (Lambert) et d'un nom de famille (Patras). Malheureusement pour lui, les noms de famille n’existaient pas encore au XIe siècle ni même au XlIe, et il y a lieu, pour cette simple raison, d'opposer une fin de non recevoir, à la production d'état civil. Au suplus, Patras est nom bizarre que l'on ne trouvera jamais dans aucun glossaire onomastique quelconque, pour la bonne raison que c'est un nom de lieu et nullement un nom de personne. Jean d'Outremeuse connaît la ville de Patras par l'histoire de saint André qui y a souffert le martyre (21), et il ne s'est pas fait faute, ici, de donner le nom d’un port à un homme. Nul doute qu'en cherchant dans sa volumineuse compilation, on ne rencontre plus d’un exemple de ce procédé. J'ajouterai qu'en homme économe de son imagination, notre chroniqueur fait servir plus d'une fois les noms qu'il fabrique; et c'est ainsi que Patras, cette fois sous la forme Pattrache, se trouve encore être le nom de famille d'un certain Baudouin, héros fictif d'une bataiIle imaginaire qui aurait été livrée, au XIe siècle, par un évêque de Liége absolument irresponsable des exploits dont lui fait honneur Jean d'Outremeuse (22)!

Terminons par une dernière observation. On sait que la chronique de Jean d'Outremeuse n'est que la paraphrase en prose d'une espèce de chanson de geste qu'il a composée auparavant; or, dans la partie de cette chanson de geste où est relatée l'histoire des fonts baptismaux de Hellin, le nom de l'artiste manque (23). L'auteur se contente de cette mention laconique;

Helins, li gran privos, un bon ovrier mandat.

C'est donc que Jean d'Outremeuse ne le connaissait pas au moment où il écrivait cette partie de sa Geste, et si, néanmoins, il le donne dans le Myreur, c'est tout simplement, encore une fois, parce qu'il l'a inventé.


II


Cette conclusion s'impose; toutefois, elle ne s'élèverait pas au-dessus du caractère d'une hypothèse très probable si je n'étais en mesure, après avoir montré que le nom de Lambert Patras ne mérite aucune créance, de faire connaître le vrai nom de l'artiste à qui nous devons les célèbres fonts baptismaux. Ce nom nous a été conservé par la Chronique de 1402, dans un passage sur lequel j'avais déjà, en 1892, attiré l'attention du public. Voici ce qu'on lit dans cet ouvrage sous la date de 1137 :

Alberonis Leodiensis episcopi jussu Renerus, aurifaber Hoyensis, fontes enos in Leodio fecit mirabili ymaginum varietate circumdatos, stantes super XlI boves diversimode se habentes (24).

Il ya dans ce passage une erreur (25). Ce n'est pas l'évêque de Liége Albéron II (1135-1144), c'est l'abbé Hellin qui a fait faire les fonts baptismaux de Notre-Dame. Mais cette erreur, qui s'expliquerait peut-être, si nous étions mieux informés, par le fait d'une participation quelconque d'Albéron II ou peut-être même d'Albéron 1er au placement ou à l'achèvement de l'ouvrage d'art en question, ne doit pas nous donner le change sur la valeur du reste de ce témoignage. Et cette valeur est très grande.

Remarquons d'abord que la Chronique de 1402 a au moins l'autorité de Jean d'Outremeuse, puisqu'elle lui est contemporaine. Mais il y a plus: pour toute la partie antérieure au milieu du XIVe siècle, elle repose sur celle de Jean de Warnant, et, selon toute apparence, c'est ce dernier qui est ici notre bailleur de renseignements (26).

Or, Jean de Warnant est, sous tous les rapports, une autorité fort supérieure à Jean d'Outremeuse. D'abord, il est antérieur d'un demi-sièele environ à celui-ci, ayant achevé sa chronique vers 1500, alors que Jean d'Outremeuse tenait encore la plume en 1599 (27). Ce n'est pas, comme Jean d'Outremeuse, un romancier à qui manque totalement le sens de la différence entre l'histoire et la fiction, c'est un chroniqueur sérieux et généralement bien informé. Ajoutons que, vivant au pays de Huy, il connaît particulièrement tout ce qui se rattache au passé de cette ville (28). Ainsi s'explique qu'il ait pu nous donner le nom d'un artiste dont, probablement, ses concitoyens avaient gardé le souvenir et dont ils se rappelaient avec fierté les oeuvres les plus remarquables. .

Le témoignage de Jean de Warnant se présente donc à nous comme le plus ancien et le plus autorisé, disons mieux, comme le seul que nous possédions au sujet de l'auteur de nos fonts baptismaux. Et pour que rien n'en ébranle la force, voici qu'il en surgit un autre, du commencement du XIIe siècle, qui atteste l'existence, à cette date, d'un orfèvre Renier dans la ville de Huy: c'est un diplôme du prince-évêque Albéron 1er pour la collégiale Notre-Dame de cette ville, émis en l'année 1125, et où figure, parmi les témoins, un personnage appelé Renerus aurifaber: voilà la confirmation inattendue et décisive, bien qu'indirecte, du récit du chroniqueur hutois (29) !

Un mot encore sur la date à laquelle fut exécuté le chef-d'oeuvre. Comme il fut commandé par Hellin, qui remplit les fonctions d'abbé de Notre-Dame-aux-Fonts, de 1107 environ à 1118, c'est entre ces deux années qu'il faut en placer la confection. Nos sources ne nous permettent pas d'atteindre à une précision plus grande, et il n'y a pas lieu de s’arrêter à la date de 1115, donnée par Jean d'Outremeuse avec une certitude étourdissante. Cette date est déterminée elle-même, chez lui, par la fable qu'il nous raconte; elle en fait partie intégrante et elle tombe avec elle (30).

Je prévois une objection qui, toute faible qu'elle est, doit cependant être rencontrée ici pour qu'il ne reste aucune difficulté dans l'esprit du lecteur. Jean d'Outremeuse, dira-t-on, avait lu Jean de Warnant (31). Pourquoi donc, s'il avait trouvé chez celui-ci Renier de Huy signalé comme auteur des fonts baptismaux de Liége, se serait-il avisé d'écarter ce témoignage et d'inventer son Lambert Patras?

Celte objection serait fondée si le chroniqueur en cause ne s'appelait pas Jean d'Outremense. Il arive plus d'une fois à cet auteur de substituer la fiction à des réalités qu'il connaît ou peut connaître, tantôt par prédilection de romancier qui trouve ses fables plus belles que l'histoire, tantôt - et c'est le cas ici - par étourderie et parce qu'il n'a pas pris la peine de se renseigner là où il le pouvait. Sa distraction s'explique d'ailleurs fort bien. A l'endroit où il raconte l'histoire de Hellin, il ne trouve rien sur ce sujet dans la partie de la chronique de Jean de Warnant qui correspond à la date de ce personnage: il a donc toute liberté d'inventer et il en use selon son habitude. C'est seulement, comme on l'a vu, un certain nombre de pages plus loin, à l'occasion du pontificat d'Albéron II, que Jean de Warnant, par suite d'on ne sait quelle circonstance, se trouve amené à parler des fonts baptismaux et prononce le nom de l'auteur véritable. Mais c'est trop tard: le siège de Jean d'Outremeuse est fait; d'ailleurs, ne le fût-il pas, il n'est pas homme à se gêner pour un témoignage!

C'est donc à Renier de Huy qu'il faut laisser désormais la paternité de nos fonts; c'est lui « le grand artiste, l'homme de génie (32) », l'auteur de ce chef-d'œuvre unique par la grandeur et la noblesse de la conception, comme par la perfection de la facture (33) ». Dépouillé de son titre de gloire par la fantaisie d'un romancier, il en reprend possession aujourd'hui, et c'est lui rendre une tardive justice que de le lui restituer.


III


On s'étonnera peut-être de voir Huy disputer à Dinant la palme de la dinanderie. Mais il faut remarquer qu'avant de se concentrer dans la petite cité qui lui a donné son nom, l'industrie des batteurs avait joui d'une large diffusion dans toutes les villes de la Meuse wallonne, depuis Verdun jusqu'à Liége. Cet art y remontait, selon toute apparence, à une haute antiquité (34), et les Dinantais du XlIIe siècle le rajeunissaient probablement lorsqu'ils le dataient de Charlemagne (35). Dès le XIe siècle, les oeuvres de nos batteurs étaient connues en Italie (36).

C'est à eux qu'au XIIe siècle, l'abbé de Saint-Denis Suger confiait l’achèvement du superbe crucifix qui ornait le maître-autel de son église, et pour lequel il avait prodigué toutes les ressources de son trésor et toutes celles de l'art du temps (37). Encore au XIIIe siècle, on signalait « l'évesché de Liége » d'une manière générale, comme lieu de provenance de « totes oevres de coivre faites et de baterie (38) ». On ne faisait d'ailleurs pas de distinction, à cette époque, entre la dinanderie proprement dite, qui consiste seulement, selon la définition courante, en ouvrages de laiton, et le travail des métaux plus précieux aujourd'hui réservé aux orfèvres. Orfèvres et dinandiers ne formaient qu'une seule et même profession, et c'est pour cela que l'auteur de la plus célèbre dinanderie du monde porte, dans nos sources, le titre d'auriaber (39).

La spécialisation, comme la localisation, ne devaient venir que plus tard.

Il ne faut donc pas penser à revendiquer pour les seuls artistes de Dinant les nombreux ouvrages d'art que nous voyons exécuter, tant en cuivre qu'en or, argent et fer, dès le Xe siècle, à Lobbes sous l'abbé Folcuin (+ 990) (40), à Liége sous Notger (41), à Gembloux sous les abbés Olbert (1012-1048) et Thietmar(1071-1092) (42), à Fosse sous le prévôt Bérenger (43) (vers 1086), à Waulsort sous l'abbé Wérembert (+ 1033), qui, comme saint Bernward de Hildesheim, mit lui-même la main à l' oeuvre et pourrait être appelé le plus ancien des dinandiers connus (44). Rien ne nous autorise à altl'ibuer à des batteurs de Dinant les deux plus anciens ouvrages en cuivre battu dont parlent nos sources, le lutrin de Lobbes (45) et celui de Verdun (46), qui donnent une haute idée de ce qu'était l'art de la batterie dès le Xe siècle. Rien non plus n'oblige de croire que la belle châsse de saint Feuillien à Fosse, exécutée vers 1086 et décrite avec une si visible complaisance (47) par le chanoine Hellin (48), sorte d'un atelier dinantais. Toutes ces oeuvres, et beaucoup d'autres dont le souvenir n'a pas été conservé, représentent l'héritage commun que nous a légué l'art mosan, sans qu'une ville déterminée puisse en revendiquer pour elle une pièce quelconque.

Il y a plus. La ville de Huy apparaît plus anciennement que celle de Dinant dans les documents qui nous font connaître le commerce et l'industrie des batteurs mosans. Huy, à qui Dinant, même aux jours de sa splendeur, ne disputait pas le rang de deuxième ville de la principauté (49), n'avait pu parvenir à une telle situation que par l'activité de son travail. Aussi, de la fin du Xe siècle au milieu du XIIe, voit-on ses marchands circuler non seulement en Lotharingie, mais encore dans les contrées rhénanes et en Angleterre. Des textes nous montrent leurs caravanes dans l'Entre-Sambre-et-Meuse (50), ainsi que dans le pays de Verdun (51), pendant que d'autres nous attestent leur présence sur les deux plus grands marchés de l'Angleterre et de l'Allemagne, à Londres et à Cologne. A Londres, où ils sont signalés entre 978 et 1016, à côté des marchands de Liége et de Nivelles, ils exposent en vente des marchandises que notre source ne spécifie pas (52), mais il n'est pas douteux qu'il s'agisse d'objets en cuivre battu, puisque, en 1103 et en 1104, ce sont les mêmes objets que les Hutois vendent sur les marchés de Cologne et de Coblence. A Cologne, ils sont mentionnés en même temps que les Liégeois, et le tonlieu de cette ville détermine ce que paient ces Mosans qui ont acheté du cuivre en Saxe et qui en vendent (53). A Coblence, les Hutois apparaissent en compagnie des Liégeois, des Namurois et des Dinantais, nommés ici pour la première fois et, pour le coup, le texte est des plus explicites: ce sont des bassins de cuivre et des chaudrons qu'ils vendent. (54).

Ajoutons, pour n'omettre aucun indice relatif au commerce hutois de ces temps reculés, qu'une tradition donnait pour mère à Guillaume le Conquérant la fille d’un pelletier de Huy (55) qui demeurait, dit un auteur, « sur le marché auprès des vieux changes » et qui, plus tard, émigra avec sa famille en Normandie. Cette tradition ne laisse pas d'avoir ici quelque signification, en ce qu'elle nous donne une idée des migrations des vieux Hutois.

Comme on le voit, alors que Dinant n'est mentionné qu'une seule fois dans les textes anciens qui nous parlent du commerce mosan, Huy apparaît à diverses reprises et semble tenir la tête du mouvement. Et cette indication se trouve confirmée par ce que nous apprendra l'histoire politique. Alors qu'à la date de 1070, il n'y a pas encore trace de vie communale à Dinant (56), Huy est déjà une ruche pleine d'activité, de richesse et d'aspirations à l'indépendance. Sa charte d'affranchissement de 1066 est la plus ancienne du monde (57). Huy est habitée à cette époque par des familles nobles et riches, et ses marchands ne lésinent pas lorsqu'il s'agit d'acheter leurs privilèges, car ils les ont payés les deux tiers de leurs biens mobiliers (58).

Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir vers cette date (après 1075) exécuter à Huy un ouvrage de dinanderie considérable: je veux dire le tombeau du bienfaiteur de cette ville, Théoduin, qui voulut y avoir sa dernière demeure dans la collégiale Notre-Dame. Cet objet d'art est décrit soigneusement, vers 1230, par le chanoine Maurice de Neufmoustier. Les ouvriers de la pierre et ceux du métal avaient fraternellement uni leurs efforts pour édifier au fondateur de l'église Notre-Dame une sépulture digne de lui. Autour d'une pierre tombale en marbre noir surgissaient six colonnes de bronze doré supportant une plaque de marbre blanc veiné de rose. Cette plaque était garnie d'un encadrement en bois supportant lui-même des lames métalliques dans lesquelles était gravée une longue inscription en vers, Tout l'ensemble était protégé par un édicule en fer forgé, orné de fleurs d’un travail très soigné, de quatre pieds de large et de cinq de hauteur. L'édicule s'ouvrait en haut à deux battants lorsque le prêtre venait, à des jours marqués, prier pour le défunt et encenser son tombeau (59).

L'artiste qui a conçu et élaboré cette oeuvre d'art était le contemporain de celui qui, quelque temps après, devait exécuter les fonts baptismaux de Saint-Barthélemy (60), et tous deux ont eu pour concitoyen le plus illustre des dinantiers du XIle siècle, Godefroid de Claire, qui, né à Huy, mourut sous l'habit monastique à Neufmoustier, dans le faubourg de cette ville.

Godefroid de Claire, il est vrai, est connu seulement comme ciseleur, fondeur et émailleur, mais les arts du métal étaient étroitement apparentés, et les batteurs étaient classés parmi les orfèvres. ·On pourrait même se demander, étant donné qu'il y avait des familles d'artistes et qu'on gardait des traditions, si notre Renier de Huy n'est pas un parent, un ascendant de Godefroid de Claire, mais ce serait abuser des droits de l'hypothèse. Il me suffira de constater qu'après ce qui vient d'être dit, la qualité de Hutois attribuée par la Chronique de 1402 à l'auteur de nos fonts baptismaux, loin de plaider contre son affirmation, constitue, au contraire, une présomption de plus en faveur de Renier. Au XIVe siècle, l'idée n'eut

pu venir a personne de faire d'un batteur du XIe siècle autre chose qu'un Dinantais. En effet, au cours des temps, l'industrie de la batterie s'était, je ne dirai pas déplacée,

mais du moins concentrée à Dinant. Cette ville, qui au commencement du XlIe siècle avait encore pour rivales Liége, Huy et Namur, avait pris à partir de cette date, un essor considérable. Dès 1171, les Dinantais traitent seuls avec la commune de Cologne (61) au sujet des droits de tonlieu qu'ils doivent payer sur le marché de cette ville pour le cuivre acheté par eux outre-Rhin, et cet acte, qui semble prouver qu'ils sont les seuls Mosans qui exposent des articles de batterie dans la grande cité rhénane, est confirmé à deux reprises, en 1203 et en 1211 (62).

Les Dinantais apparaissent seuls encore, en 1252, dans le tarif du tonlieu de Damme (63); seuls, pendant le même siècle, à la célèbre foire de l'Endit, qui se tenait près de l'abbaye de Saint-Denis. Dès celle époque, son hégémonie industrielle n'était plus contestée, et l'on disait cuivres de Dinant comme on disait épées de Cologne ou crucifix de Limoges (64). A partir du XIVe siècle, le mot de dynant était devenu un nom commun pour désigner un potier d'étain (65), et celui de dinanderie apparaît déjà en 1399 pour désigner l'industrie des batteurs (66). Un demi-siècle après, Philippe de Commines l'introduisait dans la langue littéraire (67).

En même temps que Dinant s'emparait ainsi, pour ainsi dire, du monopole de la batterie, Huy, vaincu par la concurence des copères ou, peut-être, entraîné « dans le grand mouvement commercial des villes drapières » (68), détournait son activité d'une industrie qui avait procuré la gloire à plus d'un de ses enfants. Les batteurs disparaissent de son enceinte, leur métier ne figure plus dans son histoire. Mélart, l'historiographe de la commune, se persuade que les drapiers ont fait la fortune de la ville « que l'on dit avoir esté fondée sur la draperie » (69). Au XVe siècle, le souvenir de la batterie était complètement éteint à Huy lorsqu'il s'y produisit une espèce de renouveau de cette industrie. Des batteurs de Dinant et de Bouvignes, fuyant les troubles qui rendaient alors le séjour de ces deux villes insupportable, vinrent s'établir à Huy et menacèrent Dinant et Bouvignes d'une concurrence sérieuse. On s'en émut en pays bourguignon, et, cédant aux réclamations des Bouvignois, Philippe le Bon émit, le 15 juin 1462, un édit par lequel il défendait qu'on vendit dans ses États les produits de la batterie hutoise (70). Est-ce cet édit, renouvelé le 26 août 1494,

qui a eu raison de l'industrie renaissante de la ville du Hoyoux, ou bien celle-ci n'avait-elle pas de vitalité véritable? Je l'ignore, et l'état de nos sorcces ne permet pas d'en savoir davantage à l'heure qu'il est. Quoi qu'il en soit, la batterie ne se releva pas dans une ville où elle avait eu ses jours d'éclat, et le souvenir même s'en perdit d'une manière si complète, que Mélart n'en prononce pas même le nom. Voilà comment, lorsque au XIV siècle, Jean d'Outremeuse voulut inventer le nom de l'artiste dont l'oeuvre seule lui était connue, il en fit naturellement un Dinantais. Je demande pardon aux copères, dont je tiens à rester l'ami, de leur enlever, après une possession plusieurs fois séculaire, l'auréole équivoque d'une gloire apocryphe.


APPENDICE


Le chanoine Hellin de Fosse est-il identique à l'abbé Hellin de Liége?

Au cours de mes recherches sur Hellin, abbé séculier de Notre-Dame de Liége, j'ai été amené à me demander si ce personnage ne doit pas être identifié avec le chanoine Hellin de Fosse, auteur d'une Vie en vers de saint Feuillien et de Miracles du même saint en prose (71).

Voici les raisons qui semblent militer en faveur de cette opinion.

Hellin de Fosse fut chanoine de la collégiale de cette ville, où il semble être né (72). L'amour de l'étude le conduisit à l'abbaye de Gembloux; il y fut parmi les disciples séculiers du célèbre Sigebert, qui enseignait dans ce cloître depuis 1071; cela nous permettra de fixer vers 1000 la naissance de Hellin. Celui-ci a gardé de son maître un souvenir plein de reconnaissance et d'admiration, et il lui a dédié les deux ouvrages qui nous sont restés de lui (73). Il retourna ensuite à Fosse, où il devint chanoine et chantre de la collégiale de Saint-Feuillien, bien que, dans les ordres sacrés, il n'ait pas dépassé le diaconat. Lui-même résume le peu que nous savons de lui dans le prologue de son Vita Foillani, où il se qualifie: Hillinus cantor levita Fossensis cenobii.

Cet ouvrage en vers est un travail prolixe et prosaïque, serrant de près l'histoire traditionnelle du saint et y mêlant des considérations mystiques sur les nombres. Après l'avoir composé, l'auteur mit la main à son recueil des miracles du même saint, c'est lui-même qui nous le dit: Unde jam passione beati martyris Foillani metrica digestione parata, verso stylo, decrevimus etiam ipsius aliqua reserare miracula (74), et il exprime l'espoir que son maître Sigebert, qui a bien voulu accueillir la Vie versifiée, ne dédaignera pas ce nouveau travail qu'il a, d'ailleurs, inspiré (75). Il est permis de dater approximativement ce dernier ouvrage, grâce à ses allusions à des événements récents. L'auteur y décrit avec complaisance et ampleur la translation du saint, à laquelle l'évêque de Liége,

Henri de Verdun, procéda le 5 septembre 1086 (76). Ailleurs, il appelle récente l'expédition que l'empereur Henri IV fit, en 1102, contre Robertde Flandre pour le chasser de Cambrai, et il en cite un épisode sur la foi d'un prêtre qui en fut le témoin (77). L'ouvrage est donc postériem à 1102; par contre, il est antérieur à 1125, car l'auteur ignore totalement les riches libéralités faites à l'église Saint-Feuillien de Seneffe par l'évêque Burchard de Cambrai, qu'il aurait peu probablement passées sous silence s'il les avait connues (78). Je crois ne pas me tromper beaucoup en supposant que l'ouvrage aura été écrit vers 1105.

Si nous admettons que les deux personnages sont identiques, il faudra supposer que Hellin de Fosse, qui faisait encore partie du chapitre de cette ville vers 1105, l'aura quitté entre cette année et 1111 pour entrer dans celui de Notre-Dame-aux-Fonts, à Liége, dont il devint abbé séculier. Cette hypothèse a-t-elle quelque probabilité, et ne se heurte-t-elle à aucune difficulté sérieuse?

Voici un certain nombre de faits qui semblent militer en sa faveur.

Les deux personnages sont contemporains: Hellin de Notre-Dame est attesté de 1111 à 1118; Hellin de Fosse, vers 1105. Tous deux sont chanoines séculiers. Ni l'un ni l'autre n'a dépassé, dans les ordres sacrés, le diaconat. Tous deux ont été les amis des arts: Hellin de Liége a fait faire les beaux fonts de Renier de Huy; Hellin de Fosse atteste sa prédilection pour ce genre de travaux par le soin, extraordinaire pour son temps, avec lequel il décrit la châsse de saint Feuillien de Fosse et par l'admiration qu'il montre pour cette oeuvre d'art: pulchro spectaculo delectabililer aspicientium oculi pascebantur (79).

Si je veux aller plus loin, je constate qu'au dire de Hellin de Fosse, c'est le prévôt Bérenger qui présida à la confection de la châsse du saint: il donna l'idée et le plan de l'oeuvre, il s'employa même à l'exécution, qui fut faite, sous sa direction, par un orfèvre (80). Or, ce rôle du prévôt de Saint-Feuillien, que Hellin de Fosse nous analyse avec tant de soin, est le même que nous voyons remplir par Hellin de Liége: c'est lui qui commande l'ouvrage, et c'est à lui que le chroniqueur contemporain fait honneur de l'exécution. D'ailleurs, le symbolisme de l'oeuvre, le choix du sujet, les inscriptions ne peuvent être que de lui, et l'on ne peut guère supposer qu'ils ne le soient pas (81).

Le plan des deux oeuvres d'art est le même, dans la mesure où le permet la diversité de leur destination. La cuve de Liége contient sur ses flancs des épisodes baptismaux célèbres; sur son couvercle disparu, elle offrait les figures des apôtres et des prophètes. La châsse de Fosse représentait sur ses flancs les douze apôtres, sur les deux versants de son couvercle, les épisodes de la passion du saint.

Dieu apparaît dans les deux oeuvres d'art sous des emblèmes en partie identiques. La cuve baptismale nous le montre dans le ciel, présidant au baptême de Notre Seigneur, et, dans les deux autres épisodes, sa main sort des nuages, à côté de ces mots: Dextera Dei. De même, sur les côtés étroits de la châsse, d'un côté on voit la majesté de Dieu assis sur l'aspic et sur le basilic, de l'autre, au-dessus des anges qui emportent l'âme du saint au ciel, la main divine sort des nuages pour bénir.

Le symbolisme est accentué dans la cuve baptismale: il ne l'est pas moins dans le Vita Foillani de Hellin; tout y est symbolique (typicum).

Le système des inscriptions est remarquable aussi. Ni les fonts ni la châsse n'offrent de phylactère. Les scènes de la cuve baptismale sont expliquées par des inscriptions placées à côté des images. De même, sur les flancs de la châsse de Fosse, les figures étaient accompagnées d'inscriptions explicatives (82), ce qui marque un goût plus pur et une conception plus originale que l'emploi des phylactères. Sans doute, quelques-uns de ces traits communs aux deux oeuvres d'art appartiennent à toute l'époque, mais il n'est pas interdit de croire que leur ensemble s'expliquerait fort bien par notre hypothèse. Hellin de Fosse, venu à Liége après 1105, se sera souvenu de la châsse qu'il admirait dans son pays natal, et il s'en sera inspiré lorsqu'il aura tracé à Renier de Huy le plan de son chef-d'oeuvre. .



(1) PINCHART, t. XIII, p. 342.

(2) Dans mon étude sur Maurice de Neufmoustier, BARB., 3. sér., t. XXIII (1892), p. 671, note.

(3) BIOGRAPHIE NATIONALE, article Lambert Patras, t. XVI (1901), p. 696.

(4) JEAN D’OUTREMEUSE, Ly Myreur des histors, t. IV, pp. 312-313.

(5) A cette occasion, Frédéric Barberousse donna à l'archevêque de Cologne les corps des trois trois mages, qui sont encore conservés aujourd'hui dans la cathédrale de cette ville. (Des éléments de ces reliques sont conservées au Château de Chokier) Jean d'Outremeuse (t. IV, p. 448) prétend, il est vrai, que ces reliques furent données par l'empereur à Henri II, évêque de Liége, et que, ce prélat étant mort sur le chemin du retour, à Pavie, le 6 octobre 1164, l'archevêque de Cologne, qui partait avec lui, rebroussa chemin pour aller se les faire adjuger par Frédéric. Il suffit de faire remarquer, pour écarter cette fable, que dès le 10 juin nous voyons l'archevêque de Colog'ne partir

pour l'Allemagne avec les reliques des trois rois mages. Voy. KNIPPING, Die Regesten der Erzbischöfe von Köln im Mitlelalter, t. II, p, 130,

(6) Reg, III, 7, 23-25.

(7) Voy. le Chronicon Rhytmicum de 1118 dans MGH., SS., t. XII. Le passage de cette chronique relatif aux fonts baptismaux a été reproduit textuellement par Gilles d’Orval. lII, 19 (MGH., SS., t. XXV, p. 95), et c'est par ce dernier que Jean d'Outremeuse le connait.

(8) Je devrais faire commencer la carrière de Hellin dès 1096, si j'osais l'identifier avec un chanoine de Saint-Lambert qui apparaît en cette année comme témoin de l'achat de Couvin par Otbert (BORMANS et SCHOOLMEESTERS, Le Cartulaire de Saint-Lambert, t. l, p. 47). Mais il serait téméraire de s'en rapporter à une simple coïncidence de noms.

(9) Comme il appert de sa notice dans l'obituaire de Saint-Lambert citée plus bas.

(10) Chronicon Rhytmicum de 1118, loc. cit.

(11) Gilles d'Orval, III, 19, dans MGH., SS., t. XXV, p. 95. C'est, selon Jean d'Outremeuse, qui reproduit le récit de Gilles (t. IV, p. 321), la confrérie dite des trente prêtres, sur laquelle voy. BORMANS et SCHOOLMEESTERS, Le Carlulaire de Saint-Lambert, t III, p. 278, à l'année 1325, et la lettre du prévôt, qui est de 1349; dans POLAIN et RAIKEM, Coutumes du pays de Liège, t. l, p. 550.

(12) Jean d'Outremeuse, toujours inexact, dit qu'il mourut « sour le chemien de Rome », t. IV, p. 324.

(13) L'année est donnée par le Chronicon Rhytmicum; le jour, par l'obituaire de Saint-Lambert, où on lit: E. VII id. novembr. Comm. Ricardi Virdunensis episcopi et fratris nostri Hillini diaconi, ainsi que par Gilles d'Orval, III, 19, où on lit : Cujus obitus agitur die beati Willibrodi episcopi (MGH., SS., t. XXV, p. 95). Ces deux Indications concordent et marquent le 7 novembre. La date du 5 mai 1114, donnée par DE THEUX (Le chapitre de Saint-Lambert, t. l, p. 103), ne repose sur rien.

(14) Voy. le Chronicon Rhytmicum, dans MGH., SS., t. XII.

Sur Hellin, il faut lire DE THEUX, dans Le chapitre de Saint-Lambert, t. l, pp. 102-104, où toutefois il reste encore plus d'une erreur; cfr. J. DEMARTEAU, La plus ancienne église de Liége, dans BSAHL., t. VI, pp. 52-54.

Voici, à titre complémentaire, les diplômes où il est mention de Hellin:

1111. Hillinus, abbas Sanctae Mariae, est témoin de l'acte par lequel l'évêque Otbert reconnaît la propriété de l'église de Lixhe à la collégiale de Saint-Paul de Liége.

Orginal aux archives de l'église Saint-Paul à Liége.

Edité dans THIMISTER, Cartulaire de l'église collégiale de Saint-Paul, p. 3.

1112. Hillinus, abbas Sanctae Mariae, consent à l'acte par lequel Otbert, évêque de Liège, donne l’église de Saint Léonard, située dans un faubourg de cette ville, à l’abbaye de Saint-Jacques

Charte originale aux archives de l'État à Liége, fonds de Saint-Jacques.

Copie dans le manuscrit dit Vandenberg, n° 188, à la bibliothèque de l'Université de Liége, fol. 18.

GACHET, BCRH., t. IX, p. 26.

1116. Hillinus, abbas, est témoin d'un acte par lequel le prévôt et le chapitre de Saint-Lambert, à Liége, notifient leur accord avec l'avoué Renier au sujet de leurs droits respectifs à Landen et autres lieux.

Copie dans le Liber chartarum, fol. 69 vo; autre copie de 1364, aux archives de l'État à Liége.

Édité dans BORMANS et SCHOOLMEESTERS, Cartulaire de l'église Saint-Lambert, t. l, p. 53.

(15) Ainsi Notger est fils d'un duc de Souabe (t. IV, p. 132); ainsi, en 1107, le chapitre de Saint-Lambert ne contient pas moins de trois fils du duc de Souabe, qui sont Herman, Frédéric et Philippe (t. VI, p, 299). On voit quelles sont l'inconscience et l'étourderie de notre auteur: il ne pense pas même ici à Hellin, qui, en 1107, faisait déjà partie du chapitre de Saint Lambert et qui porterait par conséquent à quatre le nombre des fils du duc de Souabe inscrits dans ce corps.

(16) Voy. DE MARNEFFE, Tableau chronologique des dignitaires du chapittre de Saint-Lambert, à Liége, dans AHEB., t. XXV.

(17) FÉLIX MAGNETTE, Saint Frédéric, évêque de Liége (BSAHL., t. IX, 1895).

(18) JEAN D'OUTREMEUSE, op. cit., t. IV, p. 320.

(19) J DEMARTEAU, La pemière église de Liége (BSAHL., 1. VI, pp. 56 et 70).

(20) BALAU, Comment Jean d'Outremeuse écrit l'histoire, BCRH., t. LXXI, pp, 243-244.

(21) Ly Myreur des Histors, t. I, p, 454,

(22) Ly Myreur des histors, t. IV, pp, 224 et 225. Il Y a mieux encore que le nom de Patras donné à un artiste dinantais, Ayant à parler de l'évêque de Liége, Alexandre de Juliers, et cédant à la démangeaison de toujours préciser l'état civil de ses personnages, même lorsqu'il ne le connait pas, il imagina de donner au pere de ce prince le nom de ... comte Lucanor! On voit qu'il a de la lecture et que les productions de la littérature espagnole du temps sont arrivées jusqu'à lui, mais l'idée n'en est pas moins saugrenue. Et, ici encore une fois qu'il tient un nom nouveau, il le fait servir a diverses reprises, car il en gratifie à la fois un géant sarrazin (V, 106), une soeur de Ganelon (lII, 47) et une duchesse de Souabe (II, -137), sans parler d'un Lucanon de Damas (Ill, 281) dont le nom n'est peu-têtre qu'une leçon fautive pour Lucanor.

(23) JEAN D'OUTREMEUSE, t. IV, p. 617.

(24) E. BACHA, La chronique liégeoise de 1402, p. 131. Cfr. G. KURTH,

Maurice de Neufmoustier, BARB., 3e sér., t. XXIII, p. 671, note.

(25) Il y en a même deux. Ce ne sont pas douze mais dix boeufs qui supportent la cuve baptismale de Liége, et un simple examen montre qu'il n'y en a jamais eu davantage. C'est que l'artiste a donné à ces animaux une telle exubérance de vie qu'il n'a trouvé place à la circonférence que pour dix, bien que douze fût le chiffre requis par la tradition.

(26) BALAU, Les sources de l'histoire de Liége au moyen âge, pp. 517, 534.

(27) Voy. BORMANS, Introduction, p. CXXXI, et cfr. LORENZ, Deutschlands Geschichtsquellen im Mittelalter seit dem. XIII. Jahrhundert, t. lI, p. 38; BALAU, o. c., pp. 515-516.

(28) BACHA., La chronique de 1402, p. xxx, suppose meme qu’il a trouvé dans une chronique locale de Huy les nombreux détails relatifs à l'histoire hutoise qui remplissent sa composition.

(29) Ce diplôme a été publié par J. HALKIN, Albéron 1er, évêque de Liége, dans BSAHL., t. VIII (1895), p. 345. On remarquera que sur les cinq témoins laïques mentionnés dans cet acte, Renier figure le second: il vient après le maïeur et avant un échevin.

(30) « En cel an meisme (11'13) le vigiel saint Pasque, furent premier li fons consacrées que Hellins avait fait faire ensi que dit est. »

JEAN D'OUTREMEUSE, Ly Myreur des histors, t. IV, p. 321. Le Chronicon Tungrense, qui donne la même date (CHAPEAVILLE) t. II, p. 51), se borne à reproduire Jean d'Outremeuse. Ainsi ont fait tous les érudits modernes, notamment PINCHART, t. XIlI, p. 339; DEMARTEAU. op. cit., p. 99; MARCHAL, La sculpture et les chefs-d'oeuvre de l'orfèvrerie belges, p. 91. Il faut remarquer que DIDRON, Annales archéologiques, t. V, p. 33, suivi par J. HELBIG, La sculpture et les arts plastiques au pays de Liége) 2e éd., p. 29, et par REUSENS, Éléments d'archéologie chrétienne) 2e éd., t. l, p. 448, et II, p. 319, donne 1112, qui est, d'après Jean d'Outremeuse, l'année ou l'ouvrage fut commandé.

(31) Il le dit lui-même, Ly Myreur des histors, t. 1, p. 4; t. V, pp. 160 et 372. Cfr. S. BORMANS, Introduction, p. CVII, et S. BALAU, Les sources de l'histoire du pays de Liége au moyen âge, p. 562.

(32) Expression de DIDRON, Annales archéologiques, t. V (1846), p. 35.

(33) PIRENNE, Histoire de Belgique, 2e éd., t. l, p. 151.

(34) PIRENNE, Histoire de la constitution de la ville de Dinant au moyen âge, p. 90.

(35) Cives de Dynant in thelonio coloniensi et in pondere quod vulgo pundere dicitur talem habent justiciam a temporibus Karoli regis ipsis hactenus observatam. (BORMANS, Cartulaire de Dinant, t. l, p. 27, acte de 1203.) Cfr. l'acte de 1211, p. 31, qui redit la même chose. Je ne vois pas pourquoi Pinchart trouve que « c'est reculer outre mesure l'origine de cette industrie» (op. cit., t. XIII, p. 312) et veut que les Dinantais (lisez: les Mosans) aient été initiés à l'art de la fonte par des ouvriers allemands. Son argument, c'est que, dès le début du XIe siècle, nos compatriotes allaient chercher le cuivre brut en Saxe (apparemment à Goslar) et que, non loin de là, l'évêque Bernward de Hildesheim (993-1022) a été un des maîtres dans les arts du métal. A cela je me bornerai à répondre que les mines de Goslar ne furent découvertes que dans la seconde moitié du Xe siècle (NEUBURG, Goslars Bergbau bis 1552, pp. 1-2) et que les beaux travaux de Folcuin de Lobbes (+ 990) sont antérieurs à Bernward.

(36) C'est ce qui résulte des vers d'un poème du XIe siècle cités par les PP. CAHIER et MARTIN, Mélanges d'archéologie, t. IV, p. 102. PINCHART, t. XIII. p. 311, a tort de récuser ce texte, en alléguant que « l'Allemagne est trop explicitement désignée dans les vers de l'écrivain:

O Germanîa gloriosa

Tu vasa ex aurichalco

Ad nos subinde miltis;

mais il se trompe, car le pays de Liége faisait partie du royaume de Germanie. C'est ainsi que tous les diplômes des rois d'Angleterre où il est parlé de Dinant la disent située in Alamanlnia (Voy. PIRENNE, op. cit., p. 98). .

(37) Pedem vero quatuor evangelistis comptum, et columnan cui sancta insidet imago, sublilissimo opere smaltitam, et Salvatoris historiam cum antiquae legis allegoriatum testimoniis designatis, et capitello superiori mortem Domini cum suis imaginibus ammirante, per plures aurifabros Lotharingos quandoque quinque quandoque septem vix duobus annis perfectam habere potuimus. De rebus in admin. suâ gestis, dans BOUQUET, t. XII, p. 99.

(38) GILLIODTS, inventaire des archives de la ville de Bruges, t. II, p. 225, cité par PINCHART, t. XIII, p. 317.

(39) Un artiste liégeois du commencement du XIIIe siècle, Lambert le Cornu, auteur du célèbre bassin de Huy, est encore qualifié d'orfèvre par JEAN D'OUTREMEUSE, t. V, p. 168.

(40) Folcuini Gesta abbatum Lobiensum, c. 29. (MGH., SS., t. IV, p.70.)

(41) Vila Notgeti, c. 4, dans BCRH., IVe sér., t. XVII, p. 416: ecclesiam in honore beati Johannis évangéliste... palliis et tapetibus et cortinis vasis candelabris et aliis ustensilibus ad cultum templi pertinentibus exornavit.

(42) Gesta abbatum Gemblacensium, dans MGH., SS., t. VllI, p. 540, c. 41, et p. 543, c. 51.

(43) Voy. HILLINI Miracula snncti Foillani, n° 23, dans Acta Sanctorum, t. XIII d'octobre, p. 423,

(44) Histor. Walciod., dans MGH., SS., t. XIV, p. 525.

(45) FOLCUIN, loc. cit.

(46) HUGUES DE FLAVIGNY, Chronicon, lI, 8 (MGH., SS., t. VlIl, p. 374): pulpitum autem aere crebris tunsionibus in laminas tabulasque producto, etc.

(47) La châsse de Fosse, qui fut faite vers 1086, étant, si je ne me trompe, restée inconnue de tous ceux qui se sont occupés de l’histoire de notre art national (Cfr. la riche énumération des châsses belges dans MARCHAL, La sculpture et les chefs-d'oeuvre de l'orfèvrerie belges, p. 772), je crois utile de transcrire ici le passage du Miracula sancti Foillani, où l'auteur, après nous avoir parlé des libéralités d'une riche veuve du XIe siècle pour l'église de Fosse, continue en ces termes:

« Feretrum artificiosae pulchritudinis gestatorium, in quo beati sacerdotis ac martyris Christi Foyllani cineres et ossa reponerentur, metallorum fulgore diligenter intendebat insignire; quatenus ad tempus eo decor augeretur ecclesiae, et cuncta tempore necessitatis aut pauperibus erogarentur, aut inquirendis ecclesiae facultatibus opportunitate sua distribuerentur. Praefato igitur praeposito (Berengero) consulente, dictante, suamque operam adhihente, Manibus aurificis ad ungnem opus sculptile pretiosumque componitur, ubi passio supradicti pontificis in eminentioribus arcae lateribus, in inferioribus vero quatuor paradisi flumina duodecimque apostoli cum litteris eorum significantiam exprimentibus evidenti ratione repraesentabantur, et pulchro spectaculo delectabiliter aspicientium oculi pascebantur. Ad haec videres in altéra frontium scrinii quasi majestatem Dei super aspidem et basiliscum ambulantem, in altero velut, angelos animam praesulis assumentes, ac desuper manum domini- ' cam protegentem eam et excipientem. » Acta Sanctorum, t. XIII d’octobre, p. 423.

(48) Sur le chanoine Hellin de Fosse, voy. l'Appendice.

(49) Dans la seconde moitié du XIVe siècle, Dinant, écrivant à la ville de Cologne, terminait sa missive par ces mots: Scripum Dyonanti, una et tertia de principatibus villis episcopatus leodiensis. HOHLBAUM, Hansisches Urkundenbuch, t. III, p. 305.

(50) Mercatores Hogii super fluvium Mosam manentes ad forum quoddam erant tendentes. Mir. S. Gengulfi, c. 23, dans MGH , SS., t.XV, p. 794.

(51)Praeterea idem Heinricus in conductu domini seu comitis Raynaldi infra episcopium viantes negotiatores Hoyences violenter opibus magnis expoliavit. Laurenlii Gest. epp. Virdun, c; 35, t X, p. 515.

(52) Hogge et Leodium et Nivella, qui per terras ibant, ostensionem dabant et teloneum. Tarif du tonlieu de Londres sous le roi Ethelred (978-1016), dans HOHLBAUM, Hansisches Urkundenbuch, t. l, p. 4.

L'éditeur a pris Hogge pour Houcke, village près de Bruges (voy. la table), mais il a corrigé implicitement cette erreur au tome Ill, p. 380, note. Le qui per terras ibant semble indiquer que les Hutois débarquaient à Douvres ou dans les environs et qu'ils s'acheminaient de là jusqu'à Londres, exposant leurs marchandises en routé et payant de ce chef un droit indépendant de celui de tonlieu.

(53) JEAN D'OUTREMEUSE, Ly Myreur des histors, t. V, p. 264, et HOHLBAUM, Hansisches Urkundenbuch, t. III. p. 385.

(54) Hujus autem thelonei summa hec est. De Hoio venientes debent dare de unaquâque navi unum aeneum caldarium et duo bacena et duas denariatas vini. De Dienant similiter. De Namuco simmiliter. De Leodio venientes debent dare duas caprinas pelles et duo bacena et duas denariatas vini. Acte de Henri IV confirmant la possession du tonlieu de Coblence à Saint-Siméon de Trèves, dans BEYER, Mittelrheinisches Urkundenbuch, t. 1, p. 468; HOHLBAUM, op. cit., t. I, p.3.

(55) ALBÉRIC DE TROISFONTAINES, MGH., SS., t. XXIII, p. 784. Cet auteur rapporte une version qui fait du grand-père de Guillaume un habitant de Chaumont près Florennes, fixé plus tard à Falaise, et continue: « Alii dicunt et maxime antiqui Hoinenses, quod ille Herbertus pelliparius et uxor ejus Doda sive Duwa burgenses fuerunt Hoinenses, manentes ad veteres cambias in foro Hoinensi, quando cum filia et tota supellectile iverunt in Normanniam…. » Puis il cherche à concilier les deux versions: « Et ut satis quaerentibus faciamus, forte Herbertus pelliparius uxorem suam Duam natione Hoinensem accepit et causa amoris ejus et prolis apud Hoium morabatur. » Cette tradition semble n'avoir pas intéressé FREEMAN, The history of the Norman conquest of England, t. II, pp 178 et suiv., qui ne parle pas de l'origine hutoise de la mère du conquérant. Une corporation de pelletiers de Huy est mentionnée à la date de 1224. Voy. MGH., SS., t. XXIII, p. 914.

(56) Diplôme de Henri lV confirmant les droits de l'église de Liège à Dinant, dans BORMANS et SCHOOLMEESTERS, Cartulaire de Saint-Lambert, t. l, p. 34.

(57) GILLES D'ORYAL, IIl, 1, dans MGH., SS., t. XXV, p, 79, avec lanote de Heller. On a vu ci-dessus, note 1, le marché de Huy mentionné pour la première moitié du XIe siècle; une seconde mention, pour la seconde moitié du même siècle, se trouve dans la Chronique de Saint-Hubert, c. 67, dans MGH., SS., t. VIII, p. 601. Sur Ies « changes » de Huy, mentionnés dans la note citée, voy. un acte de 1218, où il est parlé d'une redevance de quinze livres de blanc percipiendis in cambiis Hoii (BORMANS et SCHOOLMEESTERS, Cartulaire de Saint-Lambert, t. l, p. 185). La halle de Huy est citée dès 1209 (ibid., t. l, p. 153) comme un bâtiment déjà ancien, pouvant périr incendio seu vetustate aut ruinâ vel negligentia.

(58) Voy. le texte de la charte dans GILLES D'ORVAL, loc. cit.

(59) GILLES d'ORVAL, III, 10, dans MGH., SS., t. XXV, p. 88. Sur Maurice de Neufmoustier, auteur de cette notice, voir G. KURTH, dans: BARB, IIIe sér., t. XXIII.

(60) Théoduin étant mort le 23 juin 1075, l'ouvrage, qui suppose un travail considérable, n'a guère dû être achevé avant 1076, et le fut peut-être assez longtemps après. D'autre part, nous avons vu que les· fonts baptismaux de Liége étaient achevés en 1118.

(61) Ici se présente une difficulté: l'acte de 1171, qu'on trouvera entre autres dans HÖHLBAUM, Hansisches Urkundenbuch, t. l, p. 13, et dans BORMANS, Cartulaire de Dinant, t. l, p. 19, dit que les Dinantais produisirent un diplôme original de l'archevêque Frédéric (1100-1161), réglant leurs obligations de tonlieu (privilegium suum béate memorie domni Frederici prioris archiepiscopi coloniensis sigillo irreprehtensibiliter signatum et plurimis legitimis testibus confirmatum protulerunt). Ce diplôme, PINCHART, t. XIII, p. 314, suivi par ST. BORMANS (op. cit., t l, p. 19, note), l'identifie avec l'acte de 1103, émis par l'archevêque Frédéric pour les marchands de Liége et de Huy. PIRENNE, au contraire (Histoire de la constitution de la ville de Dinant au moyen âge, p. 91), croit que le diplôme donné à Dinant est perdu, et je suis de son avis, car comment supposer que l'original du diplôme donné à Liége et à Huy se trouvât entre les mains d'une ville qui n'y était pas mentionnée, et que celle-ci le produisît pour établir sa situation antérieure? Nous devons donc admettre que sous l'archevêque Frédéric, et probablement vers la même date que Liége et Huy, c'est-à-dire 1103, Dinant obtint un diplôme spécial; l'importance de son industrie à cette époque relativement reculée apparaît dès lors sous un jour nouveau.

(62) Ces actes se trouvent, entre autres, dans ST. BORMANS, Cartulaire de Dinant, t. l, pp. 27 et 30; HÔHLBAUM, Hansisches Urkundenbuch, t. l, pp. 31 et 37.

(63) L. GILLIODTS, Inventaire des archives de la ville de Bruges, t. I, p. 2; HÖHLBAUM, op. Clt., t. I, p. 143.

(64) PINCHART, t. XIII, p. 317.

(65) Voy. des textes de 1404 et de 1438 cités par PINCHART, t. XIII, p. 309; cfr. p. 319.

(66) F. GODEFROY, Dictionnaire de l'ancienne langue française, t. IX (complément), p. 384.

(67) « En l'an 1466 fut prins Dinant, assise au pays du Liége, ville très-forte de son grant estat, très riche à cause d'une marcharidise qu'ilz faisoient de ces ouvraiges de cuivre qu'on appelle dinanterie, qui sont en effect pots et poelles et choses semblables. » PHILIPPE DE COMMYNES, Mémoires, II, 1, édit. de Mandrot, t. l, p. 98.

(68) PIRENNE, Histoire de la constitution politique de Dinant au moyen âge, p. 91.

(69) MÉLART, L'histoire de la ville et château de Huy (Liége, 1641), p. 15.

(70) « Et combien que par cy-devant toute la marchanclise dudit mestier qui a été dessendus, vendue et distribuée en nos pays et seigneuries ait esté faicts et construits ès dites ville de Dinnant et Bovingnes, toutes voies soubs umbre de ce que, puis certain temps en ça, certains ouvriers et marchands dudit mestier de batterie, tant dudit Bovingnes comme d'ailleurs, sont allez demourer et eulx restraiz en la ville de Huy) pays de Liège, et autres villes et lieux où l'on n'a accostumé de user et exercer le dit mestier et ès quelz n'a aucunes ordonnances sur icellui mestier, mais usent et pevent user dedit mestier entièrement à leur volenté... pour ce est-il que nous… vous mandons… que chacun de vous… faictes exprès commandement… que nul quel qu'il soit ne amaine, vende ou distribue en nos dis pays, terres et seigneuries, soit en franches festes ou ailleurs, aucune marchandise ou ouvrage de batterie fait audit lieu de Huy et autres non accoustumez à tenir et faire ledit mestier, tant et jusques a ce qu'il sera deuement montré et fait apparoir que audit lieu de Huy et autres auront esté mis sus loix, status et ordonnances convenables et telles que elles sont aus dis lieus de Bovingnes et Dinant. »

15 juin 1462. Édit de Philippe le Bon, renouvelé par Maximilien et Philippe le Beau, le 26 août 1494. J. BORGNET, Carrtulaire de Bouvignes, t. l, pp. 121 et 176.

(71) Ces deux ouvrages se trouvent au tome XIII d'octobre des Acta Sanctorum, pp. 395-408 et pp. 417-426.

(72) Un de ses parents, qu'il nomme Jean, demeurait à Fosse (Mir., n° 30, p. 425), et lui-même nous dit que Sigebert de Gembloux avait l'habitude de l'interroger sur le culte qui était rendu chez lui (donc à Fosse) à saint Feuillien. (Voy. Vila, prologue, pp. 395-396) Le P. DE BUCK, p. 272, est donc peu fondé à douter de l'origine fossoise de Hellin.

(73) Voy. les prologues de ces deux ouvrages, pp. 395 et 417.

(74) AA. SS., t. XIII, d'octobre, p. 417 C.

(75) Op. ci!., p. 417 D.

(76) Op, cit., pp. 423 et 424.

(77) Op. cit., p. 421, n° 18. Le P. DE BUCK, p.372, hésite entre l'expédition de Henri IV, en 1102, et celle de Henri V, en 1108; mais lui-méme, p. 422, n. k, penche pour 1102, et il a raison.

(78) Mirac., n° 1, p. 417. Cfr. p. 372.

(79) AA. SS., p. 423.

(80) Praefato igitur praesule consulente, dictante, suamque operam adhibente, manibus aurificis ad unguem opus sculptile pretiosumque componitur. AA. SS., p. 423.

(81) J. HELBIG, La Sculpture et les arts plastiques au pays de Liége, p.32.

(82) Quatuor paradisi flumina duodecimque aposloli cum litteris eorum significantiam exprimentibus

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