WWWCHOKIER



Notre Dame aux Fonts à Liège

RENIER DE HUY

Auteur véritable des fonts baptismaux de Notre Dame
à Saint Barthélemy de Liège et de l'encensoir du musée de Lille.

par Joseph DESTREE

Encensoir de Renier de Huy au Musée de Lille


AVANT-PROPOS


Je me suis occupé, à diverses reprises, de Renier de Huy, et je ferai paraître une étude in extenso sur cet artiste dans le compte rendu du congrès tenu à Dinant, au mois d'août 1903, par la Fédération historique et archéologique de Belgique. Pour le moment je me crois obligé de donner une note pour dissiper un malentendu dont je suis la cause bien involontaire.

Dans la Wallonia (XIe année, p. 252 du mois d'octobre dernier) parut sous la rubrique Chronique wallonne, à propos d'un compte rendu du Bulletin des Antiquaires de France du 2e trimestre 1903, un résumé d'une communication que j'avais faite au mois de février dernier.

« M. Jos. Destrée signale que les célèbres fonts de Saint-Barthélemy à Liege, attribués jusqu'à présent à un prétendu Lambert Patras, et datés de 1112, sont l'oeuvre postérieure de Renier, orfèvre de Huy. Suivant le chroniqueur Jean de Warnant, édité par M. Eugène Bacha, ils ont été commandés à Renier par l'évêque Albéron, et exécutés entre les années 1138 et 1142. Cette découverte intéressante de l'aimable érudit M. Joseph Destrée a été communiquée récemment à l'Académie de Belgique par M. Kurth. » Voir ci-dessus, p. 233 (1).

Ce résumé contient une omission; il n'y est rien dit de l'encensoir du Musée de Lille que j'avais restitué à Renier. Ce qui constituait la partie originale de ma communication.

Il y avait, en outre, une erreur. M. Kurth n'avait rien communiqué à l'Académie concernant mon étude. Aussi se produisit-il une Rectification dans le numéro de novembre (pp. 284-285) de la Wallonia.

Je n'hésite pas le moins du monde à la citer intégralement, afin de mettre le lecteur à même de comprendre la portée de l'article qui a paru dans le Bulletin des Musées royaux au mois de décembre dernier, et auquel j'ai ajouté quelques pages, y compris la conclusion.

« RECTIFICATION. - Dans son dernier numéro, page 252, Wallonia a signalé un article de M. J. Destrée dans le Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, où ce savant restitue au sculpteur Renier de Huy l'oeuvre des célèbres fonts baptismaux de Saint-Barthélemy de Liège, trop longtemps attribués au fabuleux Lambert Patras.

Précédemment, page 233 (1), nous avons annoncé d'après un journal la communication de la méme découverte faite par M. Godefroid Kurth à l'Académie de Belgique. Dans notre second article, page 252, nous attribuions à M. Joseph Destrée, par ordre chronologique, la priorité de cette découverte.

Il y a erreur. Le mémoire de M. Kurth a paru entre-temps (2). Il ne doit rien à M. Destrée.

En effet, comme l'indique son avant-propos, c'est en 1892, c'est-à-dire il y a onze ans, que M. Kurth a fait connaître le nom de Renier de Huy et son droit de paternité sur les fonts baptismaux de Saint-Barthélemy. La Chronique de 1402, où il a découvert le renseignement, était alors inédite, et c'est sous sa direction qu'elle a été publiée, par son ancien élève M. Bacha. Dans la Biographie nationale, article Patras, M. le baron de Chestret de Haneffe a reconnu aussi, il y a deux ans, les droits de Renier sur le chef-d'oeuvre en question. M. Destrée arrive donc après M. Kurth, ce qui ne diminue en rien, du reste, l'utilité de sa communication à la société française.

L'entrefilet de Wallonia, résolvant erronément la question de priorité, ajoute que c'est la découverte de M. Destrée que M. le professeur Kurth a communiquée à l'Académie. Ce dernier a communiqué sa découverte, et l'importance historique de son mémoire est loin d'être tout entière dans cette communication.

L'auteur démontre, par un examen critique des documents, le bien fondé de l'attribution qui lui appartient, et il tire de là des lumières nouvelles sur la valeur négative, et même néfaste, des témoignages de Jean d'Outremeuse. Il révèle ensuite l'industrie antérieure du laiton à Huy, montre sa grande importance commerciale et artistique, et indique la raison pour laquelle elle est restée si longtemps dans l'oubli enfin, il s'occupe de l'identification de deux personnages historiques dont le nom s'est trouvé sous sa plume au cours de son travail. Tout cela est loin de constituer la simple communication de la découverte faite par autrui. Au contraire, on doit considérer le mémoire de M. Kurth comme l'une des contributions originales les plus importantes qui aient été faites au sujet de la vieille industrie wallone. »

Pour le moment je me bornerai à reconnaître, sans la moindre hésitation, le mérite réel de l'étude de M. le professeur Kurth, et je demande au lecteur de bien vouloir prendre connaissance de quelques pages où je me suis efforcé de mettre la question au point. Je me permettrai seulement de formuler ma conclusion à la fin de la présente notice.

17 janvier 1904.



L'AUTEUR DES FONTS BAPTISMAUX DE SAINT-BARTHÉLEMY, A LIEGE,

ET DE L'ENCENSOIR DU MUSÉE DE LILLE.


M G. KURTH vient de faire paraitre en brochure une notice qu'il a lue, le 8 août dernier, à la classe des lettres de l'Académie royale de Belgique: Renier de Huy, auteur des fonts baptismaux de Saint-Barthélemy de Liège, et le prétendu Patras.

Ce travail est une excellente contribution à l'histoire de l'art. L'auteur s'étend sur l'inanité des données de Jean d'Outremeuse, relativement aux fonts de Saint-Barthélemy. Il nous y parle aussi de Huy qui a occupé dans l'art de la dinanderie une place importante. Mais l'intérêt se concentre surtout sur la personnalité de Renier l'orfèvre, Hutois qui fut privé de ses droits par le légendaire Lambert Patras.

Nous trouvons au début de la dite notice les lignes suivantes:

« En 1874, dans sa belle Histoire de la dinanderie, Al. Pinchart indiquait nettement son opinion: « Peut-être, écrit-il, le nom du batteur dinantais est-il une invention du chroniqueur; nous n'avons pas, à cet égard, une foi bien robuste dans son assertion » (3). Moi-même, en 1892 (4), j'exhumai le nom du véritable auteur de nos fonts, mais je me bornai à cette constatation, n'ayant, d'ailleurs, pas le temps, à cette date, de pousser plus loin mon enquête. Plus récemment encore, le caractère légendaire du récit traditionnel n'a pas échappé à la critique fine et pénétrante de notre savant confrère, M. le baron de Chestret; resserré lui-même dans les limites d'une notice biographique, il n'a pu qu'indiquer son opinion sans la développer.

« Est-ce que notre avis, à tous les trois, ne paraissait pas suffisamment motivé, ou n'est-ce pas plutôt parce que les opinions traditionnelles sont difficiles à abandonner, qu'après 1892 et après 1901, tout comme après 1874, on a continué de redire la légende et d'ignorer l'histoire? Je ne sais; mais on conviendra qu'il n'est pas inutile, dans ces couditions, de reprendre la question ex professo pour en finir une bonne fois avec l'erreur accréditée. »

M. Kurth, le premier, a exhumé le nom de Renier de la fameuse Chronique de Gembloux, connue, depuis, sous le nom de Chronique liégeoise de 1402, où l'on apprend que c'est sous Albéron, évêque de Liège (1138-1142), que furent faits les fonts de Saint-Barthélemy. Seulement, il fit observer que ce témoignage est contredit par un document bien plus digne de foi, le Chronicon rhytmicum de 1118, qui dit positivement que les fonts furent faits sur l'ordre d'Hellin, abbé de Sainte-Marie (5).

De son côté, M. le baron de Chestret a fait remarquer (ce qui est évident pour tout observateur attentif) que les boeufs qui décorent la base des fonts ne peuvent émaner que de la main qui a modelé les bas-reliefs de la cuve. Entre le témoignage de Jean d'Outremeuse et celui de la Chronique liegeoise de 1402 il n'hésite pas à préférer le second; mais il ne se prononce pas catégoriquement quant à l'auteur proprement dit du travail: « Ainsi, dit-il, tombe une vieille légende qui enlevait à Lambert Patras - ou à Renier - l'honneur d'avoir seul conçu et exécuté un travail qui de tout temps a passé pour un chef-d'oeuvre » (6).

Un an après la notice de M. le baron de Chestret parut l'édition critique de la Chronique liégeoise publiée par M. Bacha, sous la direction de la Commission royale d'histoire. Cet érudit voulut bien me signaler le passage relatif aux fonts de Saint-Barthélemy, et j'en fis l'objet d'une communication documentée et très étendue en séance de janvier 1903 à la Société d'archéologie de Bruxelles. Je reparlai de la question à Dinant, lors du congrès de la Fédération archéologique et historique de Belgique (7). J'avais, du reste, envoyé, au mois de février, un résumé de cette étude à la Société nationale des antiquaires de France, car la personnalité de Renier offrait, comme on le verra plus loin, un intérêt tout particulier pour les archéologues français.

Si j'avais connu et la note de M. Kurth et le passage de M. le baron de Chestret j'eusse été charmé de les citer intégralement et ceci n'eût rien enlevé à l'opportunité et, je crois, à la valeur de ma communication. Je reste persuadé, en effet, que le rapprochement que j'y ai fait constitue une véritable confirmation du renseignement fourni par la Chronique liégeoise de 1402. Il s'agit, en effet, d'une oeuvre d'art portant le nom de Reinerus (Renier) et apparentée, au point de vue du style, d'une façon surprenante avec les fonts de Saint-Barthélemy.

Fonts babptismaux en laiton exécutés entre les années 1107 et 1118


Voici, d'ailleurs, les quelques lignes que j'avais adressées à mes honorés confrères les Antiquaires de France. Il sera d'autant plus opportun de les reproduire ici que leurs publications sont peu répandues en Belgique.

« Jusqu'à present, sur le témoignage du chroniqueur Jean d'Outremeuse, on admettait que les célèbres fonts baptismaux avaient été exécutés par Lambert Patras, fondeur de Dinant, vers l'année 1112. Le renseignement produit par ce chroniqueur était entouré de faits controuvés et d'invraisemblances qui n'avaient pas échappé à Alexandre Pinchart. Seulement, cet érudit s'était rallié à l'avis du chroniqueur parce que son témoignage concordait, entre autres, avec un passage de la Chronique de Gilles d'Orval. Il y a lieu de remarquer que ce dernier avait affirmé que les fonts avaient été exécutés sur l'ordre de Hellin, abbé de Notre-Dame-des-Fonts, mais n'avait produit aucun nom d'artiste. Or, il résulte de la Chronique liégeoise de 1402, publiée par M. Eng. Bacha, attaché de la Bibliothèque royale de Belgique, que c'est Renier, orfèvre de Huy, qui exécuta ce travail entre les années 1138 et 1142 à la demande de l'évêque Albéron: Alberonis Leodiensis episcopi jussu Renerus, aurifaber Hoyensis, fontes eneos in Leodio fecit mirabili ymaginum varictate circumdatos, stantes super XII boves diversimode se habentes (8). Voilà une description tout à fait topique, et qui, à l'encontre de celle de Jean de Preis, dit d'Outremeuse, ne pèche par aucune invraisemblance. Quant à la Chronique liégeoise de 1402, dont nous avons extrait le passage ci-dessus, elle est attribuée avec beaucoup de probabilités par M. Bacha à l'un des contemporains de Jean d'Outremeuse, à Guillaume de Vottem, prieur de Saint-Jacques, à Liège, eu 1394, et qui mourut en 1403. L'auteur connaît particulièrement bien l'histoire de Huy, où naquit l'orfèvre Renier (9). Son témoignage a d'autant plus de valeur qu'on a acquis la preuve de la sûreté de ses informations, tandis que Jean d'Outremeuse invente souvent des faits sans même prendre garde d'en déguiser, chaque fois, la fausseté ou l'invraisemblance.

« Nous croyons pouvoir, d'ailleurs, restituer à Renier une oeuvre qui, pour être moins considérable, ne laisse pas de jouir d'une réputation des plus méritées. Il s'agit du célèbre encensoir de Lille. Cette oeuvre d'art si délicate a été publiée dans le premier tome des Annales archéologiques de Didron, d'après un dessin de Viollet-le-Duc; elle a été attribuée par des archéologues au XIIe, par d'autres au XIIIe siècle. L'avis des premiers seul est acceptable. Lorsqu'on étudie l'objet, on voit que l'orfèvre se trouve bien encore dans la tradition d'art dont le moine Théophile s'est fait l'écho au début du XIIe siècle, dans sa fameuse Schedula diversarum artium; les figurines qui constituent l'amortissement de l'encensoir sont dans le même esprit que celles qui se présentent autour de la cuve baptismale de Liège. Quant à l'inscription, elle est romane; en voici le texte, qui a été traduit par Didron, Mgr Dehaisnes et le chanoine Reusens. C'est le dernier auteur que nous suivrons, car il s'est parfaitement rendu compte de la valeur du texte:

HOC. EGO.REINERVS. DO.SIGNVM.QVOD.MICHI.VESTRIS.

EXEQVIAS, SIMILES. DEBETIS. MORTE. POTITO.

ET.REOR. ESSE. PRECES. V.(est) RAS. TIMIAMATA. XPO.

« Moi Reinerus, je vous donne ce gage, qui vous rappellera que vous êtes obligés de me célébrer, après ma mort, des funérailles semblables aux vôtres. Je pense, en effet, que vos prières sont des parfums offerts au Christ » (10). Ce ne sont pas la des paroles d'un moine, d'un clerc ou d'un chanoine. L'orfèvre fait don à des prêtres ou a des religieux d'un objet, ou plutôt il demande a n'en être payé qu'après sa mort. C'est le fait d'un artiste plein de foi en Dieu et en son talent. »

Encensoir en laiton fondu et ciselé du musée de Lille


Cette oeuvre remarquable a été reproduite plusieurs fois très imparfaitement; il ne sera donc pas superflu de la montrer de nouveau. On voit au sommet du couvercle, assis autour d'un ange envoyé pour les soutenir, les trois jeunes Hébreux sauvés de la fournaise ardente où ils avaient été jetés par ordre de Nabuchodonosor. Auprès d'eux sont inscrits leurs noms ANANIAS, AZARIAS, MISAËL.

Par suite de l'usage, les figurines de l'encensoir ont un peu souffert, mais pas au point d'en perdre tout a fait leur cachet primitif. Elles se distinguent par la variété, l'aisance et le naturel des attitudes. Elles ont, en outre, des silhouettes très nettement accusées. On y admire, comme dans les fonts de Saint-Barthélemy, ce souci de la concision, de la clarté qui est le propre de l'orfèvre Renier. On pourrait peut-être trouver l'ange de l'amortissement un peu trapu, mais il y pour cela une raison excellente: une figurine d'une structure trop délicate n'eût pas résisté longtemps à cette place. Elle eût, d'autre part, troublé l'harmonie qui règne dans la partie supérieure de l'encensoir.

Que l'on examine en détail ces diverses figurines et l'on constatera que l'artiste dispose les chevelures des personnages comme si les boucles formaient bourrelet; que l'ange et l'un des jeunes gens font un geste, la main étant entièrement ouverte. Or, ces deux particularités se présentent à maints endroits des bas-reliefs de la cuve baptismale. Pour les draperies, elles s'harmonisent avec les divers mouvements des personnages. On voit que l'artiste a voulu faire sentir, sinon l'anatomie des corps, du moins le mouvement observé.

L'anatomie n'était, du reste, pas étrangère à l'orfèvre de Huy, témoin ces deux figures nues, très bien rendues, qui appartiennent à l'un des groupes des fonts de Saint-Barthélemy.

L'examen de l'encensoir m'amène à dire un mot de l'épigraphie. Les lettres n'offrent pas de dissemblances avec celles des inscriptions des fonts, si ce n'est pour la lettre E qui n'apparaît, sous cette forme, qu'une couple de fois, dans les fonts, tandis qu'elle se produit chaque fois dans l'inscription.

Or, en examinant de près, j'arrive à constater que les lettres E ont subi plusieurs fois des retouches. Dans le Mot PRECES, entre autres, ou aperçoit, sans loupe, que la boucle de la lettre e a été retouchée et qu'elle est devenue un E capital. Il y a là comme un repentir, qui a son prix en l'occurrence, car l'artiste montre qu'il avait employé pour commencer la lettre sous la forme de la minuscule e.

Or, c'est cette dernière manière qui est quasi constante dans les fonts de Saint-Barthélemy.

Renier aura renoncé à la forme e qui s'associe mal à des capitales; mais soit caprice, soit plutôt inadvertance, il a employé de nouveau la minuscule et il aura fait les retouches que je viens de relever.

Revenons encore un instant à l'étude de M. G. Kurth.

Le témoignage du chroniqueur de 1402 repose sur celui de Jean de Warnant qui acheva sa chronique vers 1350, alors que Jean d'Outremeuse tenait encore la plume en 1399. C'est le seul qui fournisse un témoignage concernant l'auteur des fonts. - « Et pour que rien n'en ébranle la force, voici, dit M. Kurth, qu'il en surgit un autre, du commencement du XIIe siècle, qui atteste l'existence, à cette date, d'un orfèvre Renier dans la ville de Huy: c'est un diplôme du prince évêque Albéron Ier pour la collégiale Notre-Dame de cette ville, émis en l'année 1125, et où figure, parmi les témoins, un personnage appelé Renerus Aurifaber: voilà la confirmation inattendue et décisive, bien qu'indirecte, du récit du chroniqueur hutois » (11).

Oui, Renier de Huy fut orfèvre au vrai sens du mot. Il nous a laissé l'oeuvre de dinanderie la plus célèbre et, comme tel, il ne peut être considéré comme batteur. Ce terme de batteur, mal employé, peut prêter à des confusions, car la batterie s'entendait, surtout, du travail vulgaire de la chaudronnerie.

Il importe de le rappeler ce n'est qu'à la fonte que nous sommes redevables des plus belles pièces de la dinanderie, témoin l'aigle-lutrin de Tongres fondu par Jehan Josès de Dinant et; à bien considérer les fonts de Saint-Barthélemy de Liège, on y voit une habileté technique qui décèle un homme habitué à traiter les travaux les plus délicats. Ces figures sont supérieures, à tous égards, à celles de la châsse de Saint-Servais de Maestricht, qui émanent également d'un artiste mosan. L'habileté de Renier se révèle encore dans l'encensoir de Lille qui constitue, en son genre, l'oeuvre la mieux conçue, la plus pondérée, la plus gracieuse qui existe. Des archéologues tels que Mgr Dehaisnes et le chanoine Reusens l'ont signalée comme une production du XIIIe siècle mais une analyse complète de la pièce m'a obligé à m'écarter de leur manière de voir et à suivre l'opinion de M. Darcel qui considérait ce monument comme appartenant au XIIe siècle.

Qu'on n'oublie pas, d'ailleurs, que les orfèvres abordaient de front des travaux de fonte de cuivre et d'orfèvrerie proprement dite. Il nous suffira, à ce propos, de rappeler ici que l'on conserve, à Hildesheim, une croix superbe en argent, une colonne et des portes de bronze dues à l'évêque Saint-Bernward.



CONCLUSION


Je crois avoir apporté un élément nouveau à la biographie de Renier de Huy, en signalant une oeuvre où, avec son nom, se trouve marquée l'empreinte bien reconnaissable de son art personnel.

L'opinion que j'ai émise au mois de janvier 1903 ne m'appartient plus en propre je l'ai soumise à plusieurs archéologues accoutumés à voir et à observer, et ils l'ont adoptée sans la moindre hésitation.

J'ai été surpris que M. G. Kurth n'ait pas fait mention de mon rapprochement dans la brochure si importante qu'il vient de faire paraître. Je conviens que le savant professeur a préféré me laisser l'honneur, comme il me l'a écrit, le 31 décembre dernier, « de développer une conjecture peut-être féconde et dans tous les cas brillante ». Dans ces conditions j'aurais mauvaise grâce de ne lui savoir pas gré de cette marque de déférence personnelle à mon égard. Seulement je me permets de croire qu'il n'était pas indifférent à la valeur de sa thèse de joindre à son travail l'élément que j'apportais en confirmation du témoignage de la Chronique liégeoise de 1402. II y avait là un fait nouveau qui méritait sinon d'être agréé sur-le-champ, du moins d'être mentionné. L'argument que j'ai tiré de l'encensoir de Lille relève, je le concède, de l'archéologie et non de l'histoire proprement dite; mais, en l'occurrence, les intérêts des deux sciences soeurs me paraissent intimement liés.

Le lecteur a sous les yeux les monuments procédant du génie de Renier: les fonts de Liège et l'encensoir de Lille. Il lui sera loisible d'apprécier la valeur de notre rapprochement.



(1) Ici (à savoir p. 233) se trouve l'article du XXe Siècle de Bruxelles, n° du 10 août, donnant le résumé de la lecture de M. Kurth faite à l'Académie, sous le titre: Renier de Huy, l'auteur véritable des fonts baptismaux de Saint-Barthélemy à Liège, et le prétendu Lambert Patras.

(2) Renier de Huy, auteur véritable des fonts baptismaux de Saint-Barthélemy de Liège, et le prétendu Lambert Patras, par GODEFROID KURTH, membre de l'Académie royale de Belgique. Extrait des Bulletins de l'Académie royale de Belgique (Classe des lettres, etc., n° 8, de 1903). In-8, 36 p. Bruxelles, Société belge de librairie.

(3) PINCHART, t. XIII, p. 342.

(4) Dans mon étude sur Maurice de Neufmoustier. Bull, de l'Ac. roy. de Belgique, 3e série, t. XXIII (1892), p. 671, note.

(5) Voici le passage et la note auxquels fait allusion M. G. Kurth dans sa notice sur Maurice de Neufmoustier: « Godefroid de Claire est arrivé à la gloire; un autre ne la mérite pas moins, s'il est vrai qu'il soit l'auteur des fonts baptismaux de Saint-Barthélemy, attribués d'ordinaire à Lambert Patras, de Dinant ».

Le savant professeur ajoute en note: « (1137) Alberonis Leodiensis episcopi jussu Renerus, aurifaber Hoyensis, foutes eneos in Leodio fecit mirabili ymaginum varietate circumdatos, stantes super XII boves diversimode se habentes (Chronicon Gemblacense, à la Bibliothèque royale de Bruxelles, n° 3803). Si, comme il y a tout lieu de le croire, le chroniqueur du XIVe siècle qui écrit ceci veut parler des fonts baptismaux qui sont aujourd'hui à Saint-Barthèlemy, il faut reconnaître qu'il est contredit par un document bien plus digne de foi:

le Chronicon rhytmicum de 1118, qui dit positivement que les fonts furent faits sur l'ordre de Hillinus, abbé de Sainte-Marie. Tous les historiens liégeois, et en particulier Gilles d'Orval et Jean d'Outremeuse, ont suivi la version du Chronicon rhytmicum. - Voir un travail approfondi sur l'histoire de ces fonts par J. HELBIG, Le sculpture et les arts plastiques au pays de Liège, 2° édition. Bruges, 1890, pp. 23-28 ».

(6) Biographie nationale, t. VI, 2° fasc., 1901.

(7) Dans les deux éditions successives du Guide illustré de l'Expositon de dinanderies qui a eu lieu a Dinant du mois d'août au 12 octobre j'ai indiqué chaque fois Renier comme étant l'auteur des fonts liégeois. Pour la seconde, M. G. Kurth ayant eu l'amabilité de me communiquer les feuilles de sa notice, je me suis rallié à son interprétation relative à la date de la confection des fonts, qui est en opposition avec celle fournie par la Chronique liégeoise de 1402.

La date de 1113 donnée par Jean d'Outremeuse ne semble justifiée par aucun document spécial. Mais si l'on admet que les fonts ont été commandés par l'abbé Hellin, il faut en placer l'exécution entre les années 1107 et 1118 qui correspondent au début et a la fin de son abbatiat.

(8) La Chronique liégeoise de 1402. Bruxelles, 1900, p. 131.

(9) Le chroniqueur de 1402 s'appuie sur un auteur du XIVe siècle, Jean de Warnant, qui avait lui-même puisé à une chronique hutoise fort ancienne.

(10) Les EIémements d'archéologie chrétienne, t. II, p. 440.

(11) « Ce diplôme a été publié par J. Halkin, Albéron, évêque de Liége, dans le Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, t. VIII (1895), p. 345. On remarquera que, sur cinq témoins laïques mentionnés dans cet acte, Renier figure le second: il vient après le maïeur et avant un échevin. »

PLAN DU SITE