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Industries Liégeoises

Sur les mines d’alun du pays de Liège.

Journal des mines N° X Messidor

Sur les mines d’alun du pays de Liège.

par le citoyen BAILLET DE BELLOY, inspecteur divisionnaire des Mines.


Les mines d'alun du pays de Liège sont célèbres par leur ancienneté, leur étendue et leur richesse.

On fait remonter leur découverte au treizième siècle. Elles s'étendent et sont connues sur une longueur de cinq lieues, depuis Loyable près de Huy, jusques à Flemalle près de Liège.

Dix-sept ou dix-huit sociétés les exploitent sur divers points, et la quantité d'alun qu'elles versent annuellement dans le commerce, est de deux millions de livres environ.

Le tableau ci-joint présente l'énumération de ces diverses mines.

Les alunières du pays de Liège

J'aurais à parler ici de la méthode particulière de les exploiter, et des procédés employés pour en retirer l'alun; mais je réserve ces deux objets pour un mémoire plus étendu où je donnerai des détails sur les changements qu'a apportés l'abbé de Flône dans la manière ancienne de travailler, sur ses nouvelles chaudières et ses essais sur la fabrication des sulfates de magnésie et de potasse.

Je me bornerai aujourd'hui à exposer quelle est la manière d'être de ces mines, et quel rang elles tiennent dans les montagnes qui les recèlent.


Manière d'être des mines d'alun du pays de Liège.

Les mines d'alun du pays de Liège sont situées sur les deux rives de la Meuse. Elles consistent en couches de schiste alumineux et pyriteux, dirigées de l'est à l'ouest, presque verticales et inclinées de 80 degrés vers la rivière. Celles qui sont sur la rive gauche inclinent au sud ; celles de la rive droite inclinent au nord. Les premières sont les plus considérables et les plus importantes par leur régularité et leur richesse. Elles se suivent depuis Loyable jusques à Flemalle, où elles cessent en même temps que les couches calcaires qui les recouvrent.

Les secondes (celles de la rive droite) ne sont connues que depuis Ramioul jusques au Val Saint­Lambert, sur une longueur de deux lieues environ.

L'épaisseur moyenne de ces couches alumineuses est de 4, 6 et 8 toises: elle varie même quelquefois davantage. Tantôt elle augmente jusques à 14 toises comme à la Mallieue, c'est ce que les ouvriers appellent Fou-Feron. Tantôt elle se resserre, se réduit à 5 ou 6 pieds, et devient inexploitable comme entre Dosquet et la Mallieue.


Couches de terrains qui accompagnent les schistes alumineux.

Rive gauche.

Les schistes alumineux de la rive gauche de la Meuse sont placés ( à 100 toises environ de la rivière) entre des couches calcaires et des schistes et grès micacés.

1° Les couches calcaires sont au toit. Elles sont coquillières, de couleur bleue, répandent une odeur hépatique quand on les racle, sont susceptibles d'un demi-poli. On les emploie comme carreaux, comme pierre à chaux et comme pierre de taille.

Elles ont la même direction que les schistes alumineux, et inclinent de même de 80 degrés au sud. Elles occupent un espace de 90 à 100 toises environ jusqu'aux bords de la Meuse, et sont recouvertes de quelques schistes calcaires.

Elles sont traversées en divers points du sud au nord, par des filons de spath calcaire, de galène et de calamine, comme à Flône et la Mallieue, mais ces filons s'arrêtent aux couches alumineuses.

Enfin ces couches sont en quelques endroits (comme entre Ambsin et Amay) recouvertes d'une couche de mine de fer inclinée et dirigée comme elles. Cette mine (qu'on emploie avec avantage dans plusieurs fourneaux voisins) est de couleur rouge-violet: elle est feuilletée, composée de grains brillants, de nature friable, et rougissant les doigts. Monnet (dans son Exposition des mines) décrit une mine de fer, rouge, grenue, feuilletée et friable, près de Huy, qui me paraît être celle dont je parle, mais il ajoute qu'elle se trouve en filon.

2° Les schistes et les grès micacés sont au mur des couches alumineuses, leur pente et leur direction est la même; ils alternent avec des couches de houille. Neuf ou dix de ces veines sont connues sur une étendue transversale du sud au nord de 300 toises: la première ou la plus voisine des schistes en est distante de 10 à 12 toises; ces veines deviennent moins droites et de plus en plus plates en s'éloignant au nord.

Les schistes alumineux de la rive droite se dirigent de l'est à l'ouest comme ceux de la rive gauche. Ils sont aussi renfermés entre des couches calcaires et des couches de schiste micacé.

Mais ils ont une disposition toute contraire. L'inclinaison est, au nord, de 80 degrés environ. Les schistes micacés sont au toit, et les calcaires sont au mur.

Ces calcaires ressemblent à ceux de la rive gauche, mais on n'y a point reconnu de filon de minerai de plomb et de calamine.

Les schistes micacés renferment aussi quelques veines de houille qu'on a autrefois exploitées par des petites fosses à bras.

La figure ci-jointe représente ces dispositions différentes des terrains de deux rives de la Meuse. On y reconnaîtra, et sans doute avec quelque surprise, que nulle correspondance, nulle communication ne peut exister, quant à présent, entre les couches de la rive droite et celles de la rive gauche. L'ordre renverse (dans lequel elles se trouvent) empêche de supposer qu'elles s'enfoncent d'un cote sous la Meuse pour se relever du cote opposé.

Peut-être, néanmoins, une autre espèce de correspondance a-t-elle eu lieu dans le principe, peut-être ces couches (autrefois horizontales) ont­elles été contigues et réunies. Un affaissement ou toute autre cause a pu redresser la partie des couches qui sont sur la rive gauche, et redresser en sens contraire la partie qui est sur la rive droite, en lui faisant dépasser la verticale. Dans ce cas la ligne a b c d eût été autrefois confondue avec celle m n o p.

Mais je n'insiste pas sur cette explication. Peu de systèmes et beaucoup de faits doivent être la devise du naturaliste.

Meuse d'Alun du pays de Liège

Explication de la figure.

Rive gauche.

a, b. Couche de houille, schiste et grès micacés.

b, c. Schiste alùrnineux.

c, d. Calcaire bleu coquillier, renfermant des galènes et des calamines.

d, d. Schiste calcaire et mine de fer feuilletée. De terrain inconnu.

Rive droite.

e, f. Houille , schiste et grès micacés.

f, g. Schiste alumineux.

g, h. Calcaire bleu coquillier.

Journal des mines N° XLIII Germinal

RAPPORT FAIT À L'INSTITUT NATIONAL,

Sur un Mémoire du Citoyen BAILLET, Inspecteur des mines, relatif à l’exploitation des mines en masses ou en amas;

par le Citoyen DARCET, Membre de l'institut.


Parmi les divers travaux dont s'occupe avec succès la conférence des mines, l'institut n'en verra pas sans intérêt un dont nous avons dans ces derniers temps, plus que jamais, reconnu la nécessité, et dont les résultats ne peuvent pas manquer d'être d'une importance majeure pour le bien de la Chose publique.

Il s'agit de l'exploitation des mines; mais comme ce sujet pris dans son ensemble présente un plan très vaste, le conseil a jugé nécessaire de le diviser. Il se propose de le traiter par parties, afin d'attacher à chacune toutes les lumières de détail qu'exige une sage et utile exploitation.

Les mines ne sont pas toutes de la même espèce; la manière de les exploiter varie donc suivant la différence de leur nature, suivant qu'elles sont en masse, en plus ou en moins grande masse, ou qu'elles marchent en filon: et à cet égard, la nature du sol, les lits de pierres ou de terres plus ou moins inclinés, la dureté, la solidité, la consistance des roches ou des terrains, leur élévation au-dessus des vallons voisins, l'eau enfin, dont elles peuvent être plus ou moins pénétrées; mille autres circonstances qui peuvent traverser ou faciliter le travail, en font varier ou changer la méthode d'exploitation.

La partie de la minéralogie qu'on a arrêté de traiter la première, c'est les mines en masse, et le choix n'est pas de hasard; il a été dirigé sur les objets que les arts et la guerre ont rendus de première nécessité, et dont la révolution nous a fait si cruellement sentir le besoin; je veux parler du fer, du cuivre, du plomb et du charbon de terre.

On a donc commencé par rechercher les obstacles qui se rencontrent dans ce genre de travaux; et d'après cet examen, on a passé à l'analyse des moyens adoptés jusqu'ici pour y remédier: cette marche sage et mesurée a fait naître des idées, établi des comparaisons, et fait poser des principes qui serviront de bases aux diverses méthodes qu'on propose. C'est ce premier travail que le Citoyen Baillet, après l'avoir rédigé avec grand soin, est venu présenter à l'Institut; et si, comme il l'a dit lui-même, on n'ose assurer que ses méthodes soient exemptes d'inconvénients, du moins paraissent-elles être les meilleures qu'on puisse adopter dans l'état actuel de ce genre d'exploitations.

Lorsque le filon ou la couche n'a pas au-delà de deux mètres d'épaisseur; lorsque ses parois ne sont pas trop éloignées et qu'elles ont de la solidité; lorsque le massif de la mine a de la consistance et que son inclinaison approche plus ou moins de la verticale, on rencontre alors peu d'obstacles, et s'il s'en présente, il est plus aisé d'y remédier; l'exploitation enfin est plus facile.

Mais si la puissance de la mine passe ces bornes, si ce n'est plus un filon ni des couches, mais un amas d'une épaisseur et d'une étendue indéterminée; si les parois sont très éloignées; si le massif n'a point de ténacité, alors les obstacles se multiplient à l'infini et deviennent souvent insurmontables; comment suffire à l'énorme quantité de bois qu'il faut pour étayer, ou pour rétablir ce qui ruiné comment parer aux éboulements qui deviennent si fréquents comment dans une grande et profonde exploitation qui se fait par galeries placées les unes sur les autres, s'assurer d'un juste aplomb dans les piliers alors les obstacles naissent en foule; la mine qu'on étaye d'un côté va s'écroulant de l'autre, on est forcé de sacrifier en piliers ou en massifs de sûreté le tiers ou la moitié de l'exploitation: l'aérage et l'épuisement des eaux deviennent presque impossibles, et le feu, qui dans les mines de houille pyriteuses prend si souvent dans les parties éboulées ou négligées, excite bientôt un incendie qui se communique à toute la masse; alors il faut tout abandonner.

Tels sont les obstacles qui s'opposent si souvent à ces travaux; et bien grandes sont les dé­penses et les difficultés qui se présentent, lorsqu'il s'agit d'y remédier: mais avant d'en chercher les moyens, on a pensé, avec raison, devoir exposer de quelle manière s'exploitent aujourd'hui les mines de ce genre, tant en France que dans les pays voisins. C'est dans les mines d'alun du pays de Liège, dans celles de calamine du pays de Limbourg, dans les mines en amas de Hongrie, dans les mines de fer, dans celles de houille, dans les ardoisières et les carrières de pierre, que l'auteur va puiser les exemples variés qu'elles présentent; et c'est de l'examen détaillé et de la comparaison des méthodes qu'on y suit, des avantages enfin et des inconvénients qu'on y trouve, qu'il déduira les principes, et qu'il établira les règles d'une bonne ou d'une meilleure exploitation.

Le premier exemple de ce genre est pris des mines d'alun du pays de Liège: ce sont des couches de schiste alumineux et pyriteux, qui ont de 15 à 20 mètres d'épaisseur, et dont l'inclinaison varie de 80 à 85 centièmes du quart de cercle; elles peuvent donc à raison de leur puissance, être considérées comme des mines en masse; et comme la manière de les exploiter est particulière au pays, on les a jugées dignes d'attention.

On pratique d'abord une fosse d'extraction, qu'on place hors des couches alumineuses du côté du mur; on la prolonge jusqu'à une galerie d'écoulement; car les deux premiers objets qu'on se propose dans toute exploitation de ce genre, qui ne se fait pas à ciel ouvert, c'est l'écoulement des eaux intérieures et la libre circulation de l'air: on parvient à remplir ces conditions, à l'aide des galeries d'écoulement et des puits d'aérage; et si la situation des lieux ne le permet pas, on a recours aux machines hydrauliques et aux machines à feu.

Les premiers travaux commencent par la partie supérieure et près du jour: on pratique une galerie de traverse qui vient couper les couches alumineuses au mur et se prolonge jusqu'au toit, afin de bien reconnaître, la puissance de la mine.

L'exploitation se mène ici de la partie supérieure en descendant: eIle se fait par des galeries d'allongement pratiquées le long du mur et qu'on mène jusqu'à 100 mètres, ou tant que la jouissance de l'air peut le permettre; c'est par ces galeries d'allongement qu'on exploite en travers, depuis le mur jusqu'au toit, les couches alumineuses, et que la mine est portée auprès du puits d'extraction.

En même temps qu'on ouvre les traverses, on étaye; une traverse étant finie, on enlève les étais et l'on fait ébouler successivement de droite et de gauche jusqu'à la galerie d'allongements. La deuxième traversée n'est pas plutôt terminée, qu'on en recommence une autre; et ce premier niveau fini, on reprend le même travail à six mètres au dessous.

On donne aux galeries deux mètres de hauteur, et on laisse toujours un massif de quatre mètres entre le ciel de la galerie et le sol des parties supérieures déjà exploitées.

Enfin, à mesure que les entailles transversales sont terminées, on facilite la chute des massifs; on enlève la mine éboulée, et l'on descend successivement à un niveau plus bas.

Cette manière d'exploiter a plusieurs avantages:

1. les affaissements des terrains supérieurs ne peuvent jamais être dangereux; l'exploitation se trouve toujours assise sur un sol ferme et neuf;

2. les eaux qui s'infiltrent entre les terres éboulées se réunissent et vont se perdre par la galerie d'écoulement;

3. cette manière d'exploiter épargne une grande main d'oeuvre à cause des éboulements qu'on pratique et qu'on peut évaluer aux deux tiers de la mine;

4. le boisage est peu dispendieux, le même bois servant toujours d'un ouvrage à l'autre;

5. le puits d'extraction est solide, étant percé hors de la mine, et les ouvriers toujours en sûreté, par conséquent placés sur un sol ferme, ils conduisent les éboulements à volonté.

Mais il faut dire, aussi que cette méthode oblige de laisser une partie de la mine en piliers ou dans le plafond, lorsque la mine n'éboule pas.

Au reste cette méthode, qui est bonne pour les mines d'alun et pour celles dont le minéral est homogène, ne peut pas autant convenir aux mines de houille, parce qu'elles sont toujours mêlées de crains et de failles, et qu'il importe pourtant de les obtenir pures et en gros morceaux.

Ce mémoire est d'ailleurs accompagné d'une carte ou plan qui facilite beaucoup l'intelligence de cette exploitation, et sans lequel il serait difficile de s'en faire une idée nette et précise.

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