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LES ENCEINTE DE LIEGE

Note sur le Pont des Arches de Liège

par Ferdinand HENAUX

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Les pont des Arches de Liège au centre de La Vierge d'Autun dite du Chancelier Rolin de Jan van Eyck.


La Meuse et l'Ourte traversent la ville de Liège. Au siècle dernier, ces deux rivières s'y divisaient en de si nombreuses branches, que l'on comptait, dans l'enceinte de la ville, jusqu'à dix-sept ponts en pierre. La rive droite de la Meuse n'était reliée à la rive gauche que par un seul pont, le Pont des Arches; mais, en revanche, le Quartier de l'Ile était rattaché à celle-ci par huit ponts, qui étaient le Pont d'Avroi, le Pont d'Ile, le Pont Mousset (1), le Pont de Bourgogne (2), le Pont Thomas (3), le Pont de Torrent (4), le grand Pont et le petit Pont des Jésuites (5). De tous ces ponts, le plus ancien était sans contredit, le Pont des Arches. C'est, jusqu'à nos jours, le seul qui ait été jeté sur la Meuse à Liège.

On ignore à quelle époque remonte la construction d'un pont sur la Meuse dans la ville de Liège.

On peut supposer qu'il en y avait déjà un avant l'ère vulgaire. Le pont sur la Meuse, Pons Mosae, dont parle Tacite à l'an 69 après Jésus-Christ, est probablement le Pont de Liège (6)

Il servait non seulement à rattacher le pays d'OutreMeuse à la Hesbaye, mais encore à continuer l'antique, chaussée qui conduisait en Germanie.

L'existence d'un Pont sur la Meuse dans les premiers siècles de l'ère vulgaire, est, croyons-nous, assez démontrée par le fait suivant.

Un bras considérable de la Meuse se divisait, au bas de la Sauvenière, en plusieurs branches, dont l'une passait, il n'y a pas bien longtemps encore, sur tout l'emplacement de la Place des Chevaux et de la Rue de la Régence.

Au septième siècle, cette branche se dirigeait vers la Rue sur Meuse, ainsi que l'indique parfaitement cette dernière dénomination. L'espace sur lequel se sont élevées les maisons de Cheravoie et de sur Meuse-à-l'Eau, formait un îlot (7).

Or, vers l'an 740, pour rattacher cet îlot à la ville, un pont de pierre fut construit par Ogier l'Adnois, cet avoué de Liège qui dirigea la plupart des immenses travaux exécutés par les Carolingiens dans notre ville et dans ses environs (8).

Ce pont - et la rue qui y conduisait en a retenu le nom - fut appelé, en wallon, le Soverain-Pont, et, plus exactement, en latin, Superior Pons; en d'autres termes, le pont supérieur, le pont d'en haut. Ce nom implique l'existence d'un pont inférieur, lequel était le grand pont, c'est-à-dire, celui qui, plus tard, fut appelé Pont des Arches (9).

Le pont inférieur était en bois et assis sur des piles de maçonnerie. Il fut entièrement reconstruit par Ogier. C'était un travail remarquable pour le temps (10).

Le nouveau pont eut des culées et des piles en pierre mais le tablier était encore fait en bois. L'entrée urbaine, qui se trouvait vers le milieu de la Rue du Pont actuelle en face de la Halle aux viandes , fut défendu par une porte on grosse tour.

Le pont commençait, en quelque sorte, au bas de la Rue des Mineurs, et se prolongeait, pour ainsi dire, jusqu'en Cornillon. Cette oeuvre gigantesque était bien de nature à étonner les contemporains. Pour l'exécuter, il fallut jeter des ponts sur la Meuse, sur ses divers bras et sur ceux de l'Ourte, puis les relier par une chaussée très élevée (11). La partie de cette chaussée qui était située extra muros, se nomme encore de nos jours Chausse De Prez, nom qui lui fut donné parce qu'elle fut originairement habitée par des membres de la famille De Prez (12).

Le Pont de Meuse eut une durée de près de trois siècles. Le dix juin 1026, un orage épouvantable éclata sur Liège et ses environs. Les eaux de la rivière grossirent tout à coup si fortement, qu'elles se transformèrent, dans le bas de la ville, en un furieux torrent qui renversa, et balaya tout sur son passage, les maisons, les ponts, et notamment le grand pont d'Ogier (13)

On songea Immédiatement à réparer ce désastre. Pour mettre le bas de la ville à l'abri des inondations, on exhaussa le sol de la plupart des rues (14). Le Souverain­Pont avait déjà été supprimé, et le bras du fleuve qui se dirigeait vers la rue sur Meuse avait été comblé, à l'exception de la partie qui se trouvait près de Cheravoie, et que l'on nomma le Vivier (15).

Ces exhaussements et ces remblais sur la rive gauche ayant apporté quelque changement dans le cours de la rivière, l'emplacement et la direction du Pont durent être modifiés.

La Rue du Pont fut exhaussée de dix pieds sur les arvos de l'ancien pont. La culée du nouveau pont fut placée tout à l'entrée de la rue. Cette fois, le pont fut reconstruit tout en pierre il se composait de sept arches larges et hautes (16). C'est ce qui le fit nommer le Pont des Arches (17)

Bientôt, des maisons s'élevèrent des deux côtés sur toute sa longueur, de manière à le transformer en rue. Elles furent occupées par des boutiquiers et des artisans (18). Vers Outre-Meuse, l'entrée en fut défendue par une porte crénelée, munie d'un pont-levis (19).

Ce pont dura plus de trois siècles et demi. Il fut emporté avec les maisons qu'il portait par une terrible débacle de glaçons, dans la nuit du 24 au 25 février 1409 (20).

On se mit aussitôt à l'oeuvre pour le reconstruire. Le nouveau pont fut assis plus solidement sur les fondements de l'ancien. On peut avoir une idée de la largeur qui lui fut donnée, par la tête qui en subsiste encore, sous le nom de Vieux Pont, vis-à-vis de la Rue du Pont.

Les troubles politiques, et l'état précaire des finances communales, en retardèrent l'achèvement. Les communications d'une rive à l'autre avaient lieu au moyen d'un pont de bois. Le 28 mai 1442, à la suite d'une résolution prise parles trente-deux bons Métiers, les travaux furent repris et poussés avec une telle activité, que le pont put être livré à la circulation le dix juillet 1446. Sa reconstruction avait coûté trente mille cinq cents florins du Rhin (21).

Les bourgeois, oublieux des enseignements du passé, et croyant que la rivière ne devait plus grossir ni charrier des glaçons, s'empressèrent de rebâtir des maisons sur le pont, qui redevint, comme auparavant, sur toute sa longueur, une véritable rue (22). Les Maîtres de la Cité eux-mêmes y firent construire, au milieu, une chapelle, qui fut dédiée à sainte Barbe, patronne des bateliers (23). Vers Outre-Meuse, on éleva une porte flanquée de tourelles rondes. Cette porte, appelée Male Governe, fut cédée par recès des Maîtres et du Conseil du 22 juillet 1494 à la compagnie des Arbalétriers, pour y monter la garde. Comme Male Governe entravait la circulation et nuisait à la solidité du pont, on la démolit en 1612 (24).

En 1468, le pont avait échappé, par un hasard providentiel, à une destruction complète. Le duc de Bourgogne et le roi de France s'étaient emparés de la Cité, et en avaient décidé la ruine totale. Le 12 novembre, le duc imposa aux milices de Maestricht l'obligation de l'accompagner dans son expédition contre Franchimont , qu'il voulait livrer au pillage et à l'incendie, ou de se rendre à Liège pour détruire le Pont des Arches. Ces pauvres gens optèrent pour cette dernière tâche. Ils la commencèrent le mardi 22; mais ils n'eurent pas le courage de l'accomplir. Aussitôt qu'ils eurent rompu une arche, celle du milieu, ils s'empressèrent de retourner à Maestricht (25).

Le pont de 1446 n'eut qu'une existence de deux siècles.

Au dégel de 1643, les eaux de la Meuse devinrent si fortes et si impétueuses, que, le 15 janvier, elles emportèrent le Pont des Arches ainsi que les maisons qui le couvraient (26)

Six ans après sa chute, en 1648, on en commença la reconstruction. On posa la première pierre le 17 octobre; on y mit la dernière le 2 juillet 1657. Il fut livré à la circulation le 27 novembre, au grand contentement de la population. Il coûta à la Cité trois cent quinze mille neuf cent cinquante florins, quatorze patars, trois aidans (27)

A cause des changements survenus dans le cours de la rivière, l'emplacement du pont, sur la rive gauche, fut quelque peu modifié: ainsi, la culée fut reportée en amont, vis-à-vis de Neuvice.

On avait eu l'intention de percevoir un faible droit de péage tant sur les gens de pied que sur les bestiaux et les voitures. L'opinion publique était fortement contraire à l'établissement d'un droit de passage; le Magistrat néanmoins, le mit en adjudication. L'adjudicataire fit aussitôt élever, à chaque tête du pont, une baraque, et il y installa des commis pour exiger le péage. Des bourgeois ayant refusé de l'acquitter, il obtint du prince quelques soldats allemands pour prêter main-forte aux commis. Les premiers passants n'osèrent d'abord s'enhardir à franchir le pont sans payer mais leur nombre ayant augmenté, ils se précipitèrent sur les commis, les mirent en fuite à coups de pierre, et jetèrent les baraques dans la Meuse (28).

Le Magistrat déclara immédiatement que le passage du pont serait entièrement libre pour les bourgeois. Les frais de construction furent couverts au moyen d'une contribution de dix aidants.

Comme l'on croyait avec raison que la surcharge des maisons avait été la principale cause de la chute du pont, le Magistrat fit défense d'y édifier. On lut dès lors sur une table de pierre, encastrée dans le pont même, à l'endroit le plus apparent du parapet droit, l'inscription suivante

IL EST INTERDIT DE BASTIR SUR LE PONT

PERMIS A UN CHASCUN DE S'Y OPPOSER ET DEMOLIR

SELON L'ARTICLE FINAL DES MOYENS ESTABLIS

POUR LA STRUCTURE PAR LES SGRS BOURGUEMESTRES

FOULLON ET BEECKMAN L'AN 1655.

Maximilien de Bavière, qui s'était militairement emparé de Liège, transgressa audacieusement cette défense. En 1685, il fit élever au milieu du pont une grosse tour carrée et crénelée, qui en occupait toute la largeur, l'arma de huit canons, et y plaça une garde allemande. L'entrée, à voûte légèrement cintrée, était haute et large. Les portes en étaient fermées chaque soir, au dernier coup de la cloche du couvre-feu, et il fallait payer un aidant au portier pour obtenir l'ouverture du guichet. Ce triste monument d'un despotisme ombrageux était appelé Dardanelle. Il fut démoli le 23 mars 1790. (29)

Le Pont des Arches, tel qu'il était encore il y a quelques jours, passait, au siècle dernier, pour l'un des plus beaux qu'il y eut sur le cours de la Meuse (30). Sa longueur, entre les deux culées, était de quatre cent soixante­cinq pieds, et sa largeur de quarante-six pieds. Les arches étaient au nombre de six, toutes d'ouverture inégale, variant de quarante-cinq à soixante-deux pieds; les voûtes étaient en plein cintre, excepté la première et la dernière, qui étaient surbaissées; leur hauteur de clef allait de vingt-quatre à soixante pieds. Il avait des trottoirs et de larges parapets en pierre.

Il était construit de manière à durer longtemps encore. Depuis deux siècles, il avait victorieusement résisté au choc des glaçons et aux débordements de la Meuse.

C'était une oeuvre toute communale. Elle avait été faite avec soin; rien n'avait été négligé ni épargné pour la rendre digne de l'importance de notre Cité.

Avant 1796, le pont appartenait exclusivement à celle-ci (31). Pour faire face aux frais d'entretien, elle avait établi, à une époque inconnue, un droit de pontenage et un droit de péage sur les marchandises qui passaient sous et sur le pont.

C'est ce que l'on appelait le Tonlieu du Pont des Arches, ou simplement le Tonlieu de Liège.

Au moyen-âge, la Cité, pour diverses raisons, et à certaines conditions, avait affranchi du tonlieu les communautés du voisinage et même des villes étrangères (32).

Depuis 1796 le Pont des Arches faisant partie de la grande voirie, il est devenu la propriété de l'État. C'est à lui qu'incombait la tâche de l'entretenir, et c'est lui qui le démolit aujourd'hui.


(1) La Rue Pont Mousset qui existe encore, nous rappelle que là se trouvait le pont de ce nom. Dans un document de 1397, son nom est écrit Muchey; c'était Muchetus en latin.

(2) Le Pont de Bourgogne était, en quelque sorte, un prolongement du Pont Mousset, il aboutissait à la Rue St-Martin en Ile.

(3) Le Pont Thomas, voisin de la Rue de la Waghe, conduisait de St-Denis aux bureaux actuels de la Banque liégeoise.

(4) Le Pont de Torrent allait de la Rue S-Aldegonde vers la Rue de l’Etuve. Un peu en amont se trouvait, à l'opposite de St-Denis, un moulin qui est transformé aujourd'hui en magasin à fourrage. Ce moulin est mentionné dans une bulle de 1186, laquelle confirme à la collégiale de St-Jean ses propriétés et ses revenus: In Leodio, molendinum et allodium Parvi Torentis. (Dans l'Amplissirna Collectio, t. 1, p. 973).

(5) Le pont que l'on nommait le Petit Pont des Jésuites, était formé de trois arches. Il était situé à l'extrémité de la Rue de la Régence actuelle, près de Cheravoie. Il avait été construit en 1606; il fut démoli en 1829.

Le grand Pont des Jésuites allait, de l'impasse située entre la Rue de l'Étuve et la Rue de la Régence, vers la porte du Conservatoire de Musique. Voici ce qui avait donné lieu à sa construction. Il n'y avait sur ce point, en 1592, qu'un passage d'eau. Un jour, un chanoine de St-Martin ayant crié plus qu'à l'ordinaire « à l'eau », la batelière l'apostropha; il se fâcha, et lui répliqua que c'était la dernière fois qu'il mettait les pieds dans son bateau. Il offrit à la Cité sept mille florins, ce qui, avec d'autres dons faits dans ce but, permit au magistrat de construire un pont sur ce bras de la Meuse; la première pierre en fut posée le 27 juillet 1592.

(6) Voir dans Tacite, Histor. lib. IV, c. 66. - H. Thomas suppose que le Pons Mosae est le pont de Visé. (De Tungris commentarius, p. 71, 84). Dans son Historia Ecclesiae Leodiensis, t. 1, p. 18, Fisen n'ose opter entre le pont de Visé et le pont de Maestricht. Foullon est dans la même indécision Pons Mosae, seu qui Viseti erat, ubi pontis vestigia supersunt, seu qui ad Trajectum, dit-il. (Historia Leodiensis , t. 1, p. 38). Nous ne pouvons justifier l'opinion de nos devanciers, ni la nôtre. Cela ne sera possible que le jour où l'on possédera une bonne carte de nos anciens chemins, strata, via, calceata, nommés aujourd'hui voies Brunehaut, voies du diable, vieilles chaussées, tiges, lesquels sont certainement antérieurs à la venue des Romains.

(7) Il est permis de croire qu'une branche de la rivière se dirigeait jadis de la Sauvenière vers la Goffe; cette branche, à la suite d'exhaussements successifs, aura été refoulée sur Meuse, puis sur Meuse-à-l'Eau. - Au huitième siècle, si nous en croyons les chroniqueurs, à chaque crue de la Meuse, ses eaux venaient baigner les murs de l'église St-Lambert. Rien n'est plus vraisemblable. En 1818, comme on démolissait la grande tour jusque dans ses fondements (on en utilisait les pierres pour le fort de la Chartreuse, qui était en construction), on trouva qu'ils reposaient sur de puissants pilotis.

Nous ignorons si ces pilotis avaient été enfoncés en 709 par saint Hubert ou en 973 par Notger, qui rebâtit la cathédrale in fundamentis. (Gesta Pontif. Leod., t. 1, p. 203). La grande tour de la cathédrale était située en face de la Rue Souverain-Pont. - Rappelons aussi qu'une vieille tradition rapportait que Notger, vers l'an 986, avait canalisé la Meuse de la Sauvenière. Ces travaux avaient consisté probablement dans l'approfondissement et l'élargissement de cette branche de la Meuse, afin qu'elle put recueillir les eaux qui, pendant une grande partie de l'année, s'épanchaient sur les terrains des environs. Par ce moyen, il put dessécher et assainir le quartier de l'Ile, qui fut réuni à la ville. - Rappelons encore le fait suivant, sauvé de l'oubli par un chroniqueur étranger. En mai 858, des pluies torrentielles grossirent tellement les eaux de la Meuse, que celles-ci sortirent de leur lit et arrivèrent dans l'église St-Lambert, renversant ça et là des murs et des maisons, et entrainant des hommes et des meubles. Mense maio, 858, in vico Leodico, in quo corpussancti Landberti quiescit, tanta subito pluviarum inundatio effusa est, ut domos et muros lapideos seu quaecumque aedificia cum hominibus et omnibus quaecumque illic invenit, usque ad ipsam ecclesiam memoriae sancti Landberti violentia irruptione in Mosam fluvium praecipitaverit. (Prudentii Trecensis Annales, dans les Monum. Germaniae his(., t. 1, p. 452.)

(8) « Apres Ogier fit faire ung pont de pierres qui comenchoit à S. Lambert et finissoit à Wivier, qui estoit le plus grand pont de la Cité, car les autres estoient de bois; et fut appelé le Soverain Pont; mais le pont fut deffaict quand la Cité fut reschaussée, lors ny estoit plus. » - « Liege alors estoit bas, car quant l'eaue estoit grande la ville en estoit incontinent remplye, et ny avoit autres ponts que de bois, sinon ung depuis le Vivir jusques à S. Lambert, que Ogier avoit fait faire, etc. » (Chroniques de Liège).

(9) En 1177, un Nicolas de Souverain-Pont apparait comme témoin dans une charte: Nicholaus de Superiori Ponte. (Dans l'Amplissima Colleclio, t. 1, p. 905, etc.)

(10) « Ogier fit faire un grand pont comeuchant à Richeron Fontaine empres les Menneurs et duroit jusques à pied du chasteau de Cornillon, allant tout droit la voye pour aller à pont d'Amecour, et comprendoit toutes les eawes estranges qui descendoient et encor descendent à Liege. Et fut fait ce pont sur arches de pierres fort et bien massoné et dessus des grandes bars et terrastres moult puissantes, etc. » ( Chroniques de Liège).

(11) Le Pont d'Ile, tel qu'il existait encore au commencement du XVIIe siècle, donne, en petit, une idée exacte du monument d'Ogier: il avait onze arches, qui reliaient la Rue St-Gangulphe à la Rue Vinâve d'Ile. « Le Pont d'Isle contient onze arches, savoir: six du vieux pont vers les Freres Prescheurs, et cinq du nouveau vers St-Gangulphe. » (Estat tant ecclésiastique que civil de la tres fameuse Cité de Liège, p. 77.)

(12) On écrit généralement Chaussée des prés, comme si cette dénomination venait de ce qu'autrefois cette partie de la ville n'était que tous prés; telle est aussi l'opinion commune. C'est une erreur: ce nom venait de la famille De Prez, qui possédait ce terrain en alleu. En roman, on lit toujours Des ou De Prez; on lit de même dans les titres latins: en 1146: Wedericus De Prato; en 1171, Theodericus De Prato, etc. (Gesta Pontif. Leod. t. Il, p. 121, etc.). Dans l'église des Écoliers, on lisait sur les pierres sépulchrales qui recouvraient les restes des membres de cette famille: Joannes De Prato obiit 1280. - Waltherus De Prato miles obiit 1283. - Joannes dictus Henroye De Prato obiit 1337, etc.

(13) « L'an 1026, fut Mouse sy grande et impetueuse quelle rompa et emenna le grand pont de pierres que Ogier avoit fait faire, qui comenchoit à Richon Fontaine jusques en Cornillon, etc. » (Chroniques de Liège).

(14) Ce qui prouve cet exhaussement, c'est que diverses maisons de la Rue du Pont et de Neuvice ont deux ou trois caves superposées les unes aux autres, et que, au coin de la Rue du Pont, près du Marché, ou a retrouvé, il y a une trentaine d'années, des traces d'une route pavée à plus de vingt­cinq pieds de profondeur.

(15) Dans une charte de 1250, on cite le « rivaige à Vivier au coron de Soverain Pont ». Ce vivier existait encore au commencement du XIVe siècle. Dans un document de 1330, on lit ce passage : « Item, doit li femme Larion pour se maison defours les murs à Viviers, siz solz. ». Dans un autre document, de 1332, on statue que le port pour l'arrivage des vins continuera à être au Vivier: « Item , ont statué que le staple desurdit des vins que on amenrat en la Citeit par eawe, serat de ce jour en avant ainsi que esté at le temps passé à Moeuse que on dist à Vivier ou alle Goffe... » (Dans le Pawilhar, et dans les Chartes et Privilèges des XXXII bons Métiers de la Cité de Liège, t. 1, p. 178). - De ces textes, il résulte qu'il y avait encore, au commencement du XIVe siècle, un mur d'enceinte à l'extrémité de Souverain-Pont, une porte, et un rivage où les bateaux abordaient.

(16) « Apres ce nostre evesque Reginale fist rechauchier les rues de la Cité bien dix pieds de hault et fist refaire des maisons en la Rue du Pont dedens les arvoz de grand pont; puis refist faire le grand pont sur le cours de Moeuse sur les viles arches dudit pont destruict. » (Chroniques de Liège).

Dans beaucoup de Chroniques, on lit que « en faisant le grand pont de pierre, on trova une belle fontaine au fondement en la Moeuse, et l'evesque la fist venir par conduct des buis de cuvre sur le pont, laquelle faisoit grand solagement au peuple; mais elle fut destruicte par deffaut d'entretenance. »

Cette « belle fontaine » vient de reparaître au milieu de la deuxième arche du ci-devant pont, à la grande surprise des liseurs de nos chroniques. Nous l'avons vue, et nous avons bu de son eau, qui est très limpide. Nous doutons cependant que ce soit une source véritable. Par suite du barrage momentané, les eaux doivent exercer une grande pression sur le fond s'infiltrer à travers le gravier, et revenir au jour par la première crevasse venue. C'est là un phénomène qui a dû se produire à chaque reconstruction du pont.

(17) « On lui donna le nom de Pont des Arches parce que les ponts de bois ne pouvant avoir des arcures, celui-ci, pour la commodité de la navigation, en avoit sept bien massives, fort larges et bien hautes, ainsi qu'il est aisé à remarquer de ce qui en reste au fond de la Meuse. » (Moyens et Conditions à redresser le Pont des Arches; Liège, 1665; p. 78.) - Au commencement du XlVe siècle, on mentionne fréquemment le Pont des Arches. Dans un statut de 1302, on lit: « Item, nous avons ordineit et statueit à tous jours par amendement que tous cils qui furent à fait sour le Pont des Arches al tucir Gilon le fil Johan Bobo… » Dans un document de 1330, on lit: « Item, dame Yve ki fut femme Rausin Polarde doit sor le maison dame Isabeal Trulhette qui fait le tornant del voie ki vint del Pont des Arches al rive buweie, iij deniers. » (Dans le Pawilhar).

(18) Dans un document de 1330, on lit « Item, doit Alardons de Stavle por les dois maisons sor le Pont des Arches a senestre, si le paie Bertrans Miez li coriers, treze sols et quatre deniers. Item, Bertrans Miez li coriers pour le monteie des greis de sa maison, troiz solz. Item, ilh meismes por le maison sor le Pont joindante al petite maison, doze deniers, etc. »

(19) Selon Hemricourt, cette porte avait été construite par les De Prez: « Et avoient bonne fermeteit de leur costeit et bon pont leviche et assez bonne porte et forte par devers eaz alencontre de cheaz de Liege, et encors (1390) y est ly fermeteit al devant de Peixheuruwe; mais ilh y at ja bin long temps que tot at esteis remis a unk et ly fermeteit ahatue, quy estoit solont Mouze alle devant de Tanneuruwe. » (Miroir des Nobles de Hesbaye, p. 209).

(20) « L'an 1409, en mois de febvrier, environ la Chaiiere S. Pierre furent les eawes sy tres grandes quelles eminerent le Pont des Arches. » (Chroniques de Liège). - Mense februario Leodiensem Dioecesim tanta inundatio Mosae afflixit, ut usque ad introitum Ecclesiae Leodiensis aquae accreverit, quare pons Archarum lapideus cum multis aliis aedificiis disturbatus est. (Suffredi Chronicon Leod., dans les Gesta Pontif. Leod., t. III, p. 83)

(21) « L'an 1446 fut le Pont des Arches du tout reffaict, et passerent sur icelluy premirement les eglize faisant les procession aux Escolliers, qui fut le 10 jullet; il coustat 30.500 florins de Rin. » (Chroniques de Liège. Voir aussi Foullon, Historia Leodiensis, t. II, p. 27)

(22) « En ce temps, le Pont des Arches formoit une espèce de rue, par les maisons qui bordoient ses deux cotez. » (Loyens, Recueil héraldique des Bourguemestres de la Noble Cité de Liège, p. 410). Quelques bourgeois creusèrent même des caves dans les piles.

(23) Posita est sanctae Barbarae medio ponte aedicula, quam inter navigandum, si quod ingrueret periculam, in opem invocarent vectores. (Fisen, Historia Ecclesiae Leodiensis, t. Il, p. 212.)

(24) Male Governe donnoit grand empeichement audit pont, le tirant jus, etc. » (Chroniques de Liège).

(25) In crastino Martini Dux recessit de Trajecto versus Franchimont, et dederat Trajectensibus optionem, quod vel irent secum, vel deponerent duos arcus Pontis Arcuum, qui elegerunt frangere Pontem, unde postmodum multum doluerunt .... In die Caeciliae venerunt Trajectenses ad frangendum pontem Arcuum, (Adriani Diarium Leodiense , dans l'Amplissima Collectio, t. IV, p. 1347. )

(26) « La riviere de Meuse fut plus grande que jamais l'an 1643, ce qui causa grand prejudice à la ville par la ruine du grand Pont des Arches avec plusieurs maisons et des personnes noiées dans la Meuse. (Abrégé curieux de l'Histoire de Liège, édit. de 1677, p. 152.)

(27) Voir les Moyens et Conditions à redresser le Pont des Arche:, p. 76, etc..

(28) « …Mais le peage ne dura guere, cal il eut des grands murmures entre la Bourgeoisie, disant qu'ils avoient paié plus de six ponts semblables depuis sa reedification, et qu'on les vouloit encor faire paier leurs passages malgré tous les impôts qu'on avoit mis à cet effect passez tant d'années, et les rentes et revenus des Trente-deux Mestiers qu'on at encor prins disant encor que c'estoit pour l'achevement du Pont des Arches... Ce que les estudiants s'attrouperent un jour vers le soir avec quelques manouvriers avec eux et jetterent les dittes baraques en bas du pont. » (Chroniques de Liège.) - Le repreneur « s'alla poser soub quelques baraques dressées expres, appuyé de quelques soldats allemans que l'on luy donna pour son asseurance, afin de constraindre le peuple passant et repassant de payer l'impôt ordinaire d'un gigot aux bourgeois, d'un liard aux estrangers comme encore sur les batteaux et les bêtes; et le monde voulant passer à l'ordinaire sans payer fut par luy arrêté, ce qui fit esmouvoir premier les garçons, puis le peuple, qui, nonobstant sa garde, apres plusieurs injures luy donnerent la chasse à coups de pierres, et la nuit venue sa baraque fut renversée dans la Meuse. » (Sommaire historial de Liege, Ms. de la Bibliothèque publique de Liège, n° 174, fol. 922, etc.)

(29) Voici le recès du Magistrat qui ordonne la démolition de la Dardanelle:

« En l'assemblée des Seigneurs Bourgmestres et Conseil, Maîtres et Commissaires de la Noble Cité de Liege, tenue le 19 mars 1790.

« Messieurs, ayant entendu les représentations du Quartier d'Outremeuse, ne peuvent qu'applaudir à la juste demande de ces Citoyens respectables, qui s'honorent chaque jour par leur zèle, leur désintéressement et leur patriotisme. En conséquence, ils ordonnent, que la Dardanelle, élevée en 1685 sur le Pont des Arches, soit démolie. Messieurs ne peuvent souffrir davantage qu'en mépris des intentions précises de la Cité et des Citoyens bien faisans qui ont fait bâtir ce Pont, et qu'à la honte du bon Peuple, on laisse subsister désormais cet ouvrage tyrannique de Maximilien-Henri. Ce n'est pas au moment où un peuple généreux reconquiert sa liberté, que les monuments de la servitude qui l'accablèrent doivent attrister ses regards, et il ne faut pas que des Citoyens qui ne forment qu'une seule et même famille, soient séparés par une barrière tout à la fois honteuse et dangereuse. Ordonnant que le présent recès soit imprimé et affiché. » (Recueil des Recès, etc., de la Noble Cité de Liège, p.96.)

(30) « Le Pont des Arches, le pont le plus beau, le plus grand, et le plus superbe qu'il y ait sur la rivière de Meuse. » écrit Grati en ses Discours de Droit moral et politique, t. II, p. 83.

(31) Pontes Civitatis spectant in solidum et integraliter ad Populum, uti et eorum conservatio, constructio, reparatio. (Inclytae Civitatis Leodiensis Delegatio, p. 97.)

(32) Civilas possit concedere ex causa quibusdam exteris Urbibus iimmunitatem à Telonio Pontis Arcarum. (Ibid., p. 55).

On trouve dans les Pawilhars divers documents du Xllle siècle relatifs au Tonlieu. Nous signalerons notamment l'attention, pour les renseignements curieux qu'ils fournissent sur les relations commerciales et politiques de Liège avec les communautés voisines et les villes étrangères, Aix, Cologne, Francfort, Duren, Nuremberg, etc., ceux qui sont intitulés: « Chi apres sensiwent ly liiez delle Empire d'Allamanqe qui sont quittez de Tourni à Liege ensi que les Esquevins de Liege warde; - Che sont chus delle Evesqueit de Liege qui sont quittez des Tourny à Liege, etc.

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