Résumé et conclusions de la causerie faite à l'Institut archéologique liégeois, par M. Gustave Ruhl, en séance du 27 février 1910.
La Citadelle de Sainte-Walburge à Liège offre pour nos vieux souvenirs un grand intérêt. Actuellement déclassée comme place forte, l'enceinte et les casernes sont restées la propriété de l'Etat; quant à la contrescarpe et aux glacis, ils ont été cédés à la Ville, qui y a créé un superbe boulevard circulaire.
Le premier établissement de la forteresse remonte au milieu du XIIIe siècle: ce château-fort n'eut qu'une existence éphémère et fut détruit par une surprise populaire.
Pendant les luttes intestines entre les Chiroux et les Grignoux, le prince Maximilien-Henri de Bavière édifia, en 1650, une citadelle bastionnée. Souvent démantelées, puis restaurées au cours des occupations successives qu'eut à subir dans notre pays, ces fortifications furent complètement rétablies sur les anciens restes de la citadelle de 1650, par arrêté du roi des Pays-Bas, en date du 30 août 1817; la place fut définitivement occupée par les Belges le 16 octobre 1830.
Un arrêté royal en a enfin opéré le déclassement le 8 juillet 1891.
Conclusions: Les remparts gazonnés du fort, surmontés des hautes et anciennes casernes, complètent très avantageusement le panorama pittoresque que présente le front de la ville de Liège.
Si les villes belges sont relativement pauvres en souvenirs défensifs, notre pays possède toutefois de superbes spécimens de châteaux fortifiés. Celui des Comtes de Flandre à Gand est un type accompli des édifices de la vieille féodalité; les projets de restauration du château de Bouillon nous font espérer une reconstitution complète de château-fort accidenté. A Namur, l'imposante Citadelle nous rappelle trois âges successifs; le moyen âge dans le Donjon, avec ses restes du manoir des Comtes de Namur, l'époque de Maximilien d'Autriche et de Charles-Quint dans la Médiane, enfin celle de Cohorn dans la Terre Neuve. D'autre part, notre Citadelle de Sainte-Walburge incarne, dans sa forme pentagonale, la stratégie de l'époque de Vauban, et si l'intérieur, actuellement d'une banalité déplorable, (appelle à nouveau les belles plantations d'arbres établies au XVIIIe siècle par le prince-évêque Velbrück, il présente cependant diverses parties anciennes, telles que le vieil arsenal de 1683, les bureaux du Commandant, du milieu du XVIIe siècle, et la grande caserne à deux étages de 1788. Il est à espérer que le génie militaire, qui a su réaliser à notre caserne Saint-Laurent une si curieuse restauration des anciens bâtiments, s'inspirera également ici du style de l'époque pour la réfection de ces édifices.
Quant à la forteresse, il serait désirable que l'on conservât avec les fossés, les trois bastions qui s'élèvent vers la Meuse et que l'on reliât à l'enceinte les deux demi-lunes qui regardent la campagne. Le tout représente à peu près, avec les remparts, l'ancien pourpris de 1650. Rien ne s'oppose à ce qu'on enlève les ouvrages secondaires modernes tels que tenailles, contre gardes et bastions détachés actuellement croulants, qui sont dépourvus de souvenirs et qui n'offrent aucun intérêt.
Après une démolition partielle, on pourrait utiliser les accidents de terrain et les déblais pour aménager dans les fossés, des descentes en pente douce. Ce procédé éviterait la réparation d'une grande partie de la contrescarpe qui se trouve en assez mauvais état, de même que certains parements de l'enceinte dont la réfection s'impose. Quant à l'entrée très peu esthétique, elle pourrait être très heureusement modifiée en y appliquant une reconstitution de lapartie inférieure de notre belle et ancienne porte de Saint- Léonard, démolie en 1851; celle-ci formait un arc en pierre du style de la Renaissance, orné de quatre colonnes doriques soutenant un acrotère portant des armoiries. L'établissement de poivrières, aux angles des bastions, compléterait la restauration et le tout représenterait un ensemble imposant à l'instar de ce que nos voisins allemands ont, entre autres, réalisé à Juliers et à Wesel pour des forts déclassés qui dataient de la même époque (1).
Puissent les pouvoirs publics dans une entente commune, arriver à la réalisation de ce projet! Ces travaux, opérés relativement à peu de frais nous conserveraient un endroit pittoresque en même temps qu'un emplacement historique, qui couronnerait fièrement la «noble et héroïque Cité de Liège ».
(1) Ces conclusions ont été admises, à l'unanimité, par les membres de l'Institut archéologique sur la mise aux voix proposée par M. J.-E. Demarteau, ff. de président.
Lors de la réception à l'Hôtel de Ville, le 31 juillet 1909, des membres du XXIe Congrès de la Fédération archéologique et historique de Belgique, M. Gustave Kleyer, le tout dévoué bourgmestre de Liège, auquel rien de ce qui intéresse le passé historique de sa grande ville n'est indifférent, déclara de son côté qu'il était en principe partisan de la conservation des bastions et des remparts de la Citadelle.