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LES ENCEINTE DE LIEGE

Promenades Historiques dans le pays de Liège

PROMENADE 1 - PROMENADE 2

par le Docteur Jean-Pierre-Paul BOVY

PREMIERE PROMENADE.

LA MONTAGNE DE SAINTE-WALBURGE ET LA CITADELLE.


Par où pourrais-je mieux commencer le récit des faits dont le souvenir s'éveille dans l'âme de tout Liége instruit de l'histoire de son pays, à la vue des localités qui en ont. été le théâtre, que par l'exposé des événements qui se rattachent à la citadelle et à la montagne sur le plateau de laquelle elle est assise? C'est là que se sont passés presque tous les actes remarquables du grand drame qui compose nos annales. Du sang, des larmes, de la gloire: voilà ce que j'ai trouvé presque à chaque pas en parcourant, l'histoire à la main, les flancs du coteau de Ste-Walburge et l'enceinte du fort qui s'y élève; et c'est aussi ce que présente la lecture des écrivains de nos révolutions. La vieille et noble cité de Liège luttant contre le despotisme de ses princes ou de l'étranger, triomphante ou humiliée, libre ou esclave, paisible ou agitée, se retrouve tout entière dans ces lieux; c'est là qu'il faut la chercher comme on cherche la vieille Rome dans les débris qui couvrent encore ses sept collines, ou que la main du temps en a précipités pour en joncher la plaine.

Le lecteur me pardonnera donc, s'il trouve que cette promenade est d'abord une excursion dans les époques reculées de l'histoire du pays. J'ai dû saisir les faits à mesure qu'ils se présentaient à moi; et combien la montagne de Ste-Walburge ne m'en a-t-elle point offerts? Au reste, cette première course sera rapide; j'ai eu hâte moi-même d'arriver à l'époque moderne; la citadelle est le lieu de ma naissance.

1106. - Avant le temps qui vit la lutte barbare de l'empereur Henri V contre son père, le plateau qu'occupe aujourd'hui la citadelle faisait partie de la montagne de Ste-Walburge, ainsi nommée depuis l'an 702, « que Sainte Ode, vierge écossaise d'extraction royale, aveugle de naissance, ayant appris les merveilles que Dieu faisait au lieu du martyre de St-Lambert, y vint pleine de confiance, et ayant récupéré la vue avant d'entrer dans la vallée de Liège, fit bâtir une chapelle en l'honneur de Ste-Walburge à l'endroit même de sa guérison (1). »

Liège n'était alors qu'une ville naissante; car elle ne fut fermée de murs que l'an 709, avec trois portes fortifiées par trois châteaux, aux mêmes lieux où nous voyons les églises Ste-Croix, St-Georges et Ste-Catherine. Les terrains non compris dans l'enceinte des murailles furent nommés Hors­châteaux; une de nos principales rues porte encore ce nom (2).

La ville que St-Hubert avait fait clore avait pris un très grand accroissement; mais rien ne pouvant la garantir des agressions dont elle était sans cesse menacée, l'empereur Henri IV la fit entourer de remparts ayant à peu près la même étendue que ceux qui subsistent encore. La hauteur où est la citadelle fut comprise dans leur enceinte; mais ils ne furent complètement achevés qu'en 1203 (3). La porte qui conduisait de Pierreuse à Ste-Walburge fut nommée Payen­porte: Pagani-porta (4); elle était située non loin de celle qui a été démolie en 1817.

L'époque de la découverte du charbon de terre parmi nous est incertaine; M. de Villenfagne, contre l'opinion de presque tous nos historiens, croit que l'on doit la placer au commencement du règne de notre prince Théoduin, c'est­à-dire vers l'an 1050 (5). La hauteur qui domine nos vignobles étant encore considérée comme le meilleur de nos terrains houillers (6), on comprend sans peine qu'elle de­vint le siège des premières exploitations, et ce fait, constaté par la découverte d'anciennes galeries souterraines, peut être tenu pour certain.

Pour satisfaire aux dépenses nécessitées par la construction des travaux de l'enceinte, les magistrats imposèrent avec le consentement tacite de l'Évêque, une taxe commune aux bourgeois et aux ecclésiastiques.

Le clergé se plaignit que l'on violât ses privilèges, lança l'interdit sur la ville, et fit arrêter des marchands qui venaient de Francfort, pour s'indemniser à leurs dépens. On lui attribue la publication de deux vers latins où l'Évêque était appelé Giezi manifeste ... Le peuple se moqua de l'interdit; il accabla même les chanoines d'injures et de coups; il en conduisit un en prison; mais l'Évêque survint qui apaisa l'affaire (7).

1203 - Après autre ans d’interruption occasionnée par ces troubles, les travaux des fortifications furent repris avec vigueur; une haute muraille fut tirée depuis Payen-porte jusqu'à Hoche-porte; la dépense en fut couverte par le produit de la vente de la superbe forêt de Glain et par celui d'un impôt que l'on établit à l'entrée de la ville, consensu ordinum.

On s'est souvent demandé d'où vient le nom de ces portes. Pour la première, la réponse est facile, selon moi; son nom est celui de la famille patricienne dont parle Hemricourt (8), à la garde de laquelle elle fut sans doute confiée, ou bien qui possédait des propriétés contigües. Quant à celui de Hoche-porte, autrefois Porte du St-Esprit (9), je suis parvenu à trouver dans un très vieux manuscrit (10), que du temps de Hugues de Pierrepont, l'abbaye de Hocht, de l'ordre de Citeaux, près de Maestricht, étant abandonnée faute de moyens d'y subsister, cet Évêque la fit agrandir et y appela des religieuses du même ordre (11). Il consacra à la dépense de cet ouvrage les revenus du passage par le guichet de la porte du St-Esprit qui dès lors prit le nom de Hocht-porte, dont on a fait Hoche-porte. On lit dans l'Annuaire de la province de Limbourg, année 1830, que lorsque les Dominicains entrèrent à Maestricht en 1231, le chevalier Adam de Haren leur offrit l'hospitalité. La maison où ils descendirent était située près de la grande porte de la ville, connue postérieurement sous le nom de: die alide hochterpoorte, et plus tard sous celui de Gevangenpoort.

Disons aussi un mot de la porte du pont Meghin. Elle n'était jadis qu'une sorte de pont-levis, nommée Porte de Hongrie, qui interceptait le chemin de halage sur cette partie de la rive gauche de la Meuse (12). Sur la représentation des bateliers, la magistrature de 1594 acheta la propriété de Maghin, famille mentionnée par Hemricourt (13); le nouveau pont et la porte furent construits sur ce terrain qui en retint le nom de Maghin. Les bateaux passaient sons ses arches pour arriver à la gare creusée le long des remparts, jusqu'à la porte St-Leonard. Cet utile bassin a été comblé de nos jours et orné d'une jolie plantation d'arbres. En 1852, le pont Maghin a été démoli; son emplacement fait maintenant suite au quai de la Batte qu'il relie à celui de St-Leonard.

1212. - Henri, duc de Brabant, qui prétendait avoir des droits sur le comté de Moha, surprit la ville de Liège le 3 mai 1212. II y pénétra par Payen-porte; les remparts de Ste Walburge furent aisément escaladés; car il ne s'y trouvait personne pour les défendre; mais patience, les Liége effaceront bientôt cette tâche faite à leur antique valeur... La ville abandonnée fut livrée à toutes les horreurs du pillage, qui dura quatre jours; elle allait être livrée aux flammes quand le clergé et le peuple se soumirent au serment de fidélité exigé par l'empereur Othon (14).

Les Liége ne pouvaient rester longtemps dans cet état d'humiliation. Sortis de leur torpeur et absous de leur serment par le pape, ils brûlent de la soif de la vengeance. Ils se préparent à la guerre, ils commencent par réparer les brèches faites aux remparts de Ste-Walburge; et enfin le dimanche 13 octobre 1213, ils remportent cette célèbre victoire de Steppes qui rabattit si bien l'orgueil des Brabançons. - (Voyez 3e Promenade - aux bords de la Meuse).

La paix fut accordée au duc Henri, aux conditions les plus avilissantes; il fut contraint de donner ses fils pour otages et de venir à Liège nu pieds et la tête découverte depuis la porte St-Walburge jusqu'à la nef de St-Lambert.

1246.-Sous le règne du vicieux Henri de Gueldre, la cité eut beaucoup à souffrir du despotisme de ses échevins. Alors, dit une chronique, « aucun bourgeois, à moins d'être malade, » n'aurait osé boire du vin, sous peine d'une grosse amende ou du bannissement; » et cependant, les Liége de ce temps là n'aimaient pas moins que ceux de nos jours le jus de la treille bourguignonne.

1252. - Le valet d'un chanoine ayant frappé un bourgeois de plusieurs coups de poignard, et des étrangers en ayant tué un autre sans que l'on se mît en devoir de réprimer de pareils attentats (15), le peuple se soulève, les échevins sont forcés de lancer une sentence de proscription contre les assassins. Ceux-ci s'étaient réfugiés dans un couvent; le mayeur en fait briser les portes et en arrache les coupables. Les chanoines, irrités de ce que l'on empiète sur leurs droits, attaquent cet officier de police et son escorte, et délivrent les prisonniers. Henri de Gueldre excommunie la ville et interdit les échevins; puis, ayant assemblé les États, il leur déclare que dorénavant il se réserve la surintendance de la police, promettant de faire droit aux pauvres comme aux riches.

Le peuple applaudit à cette résolution; mais il n'en fut pas de même de la noblesse et des échevins; ils s'écrièrent que cette innovation portait atteinte à leurs prérogatives. Franck de Visé, qui assistait à cette assemblée en qualité de député du peuple, y soutenait ses droits avec chaleur, lorsque l'archidiacre Radulphe de Clermont osa le frapper à la tête avec une baguette qu'il tenait à la main (16).

Franck sort de l'assemblée, parcourt les rues, raconte l'outrage qui vient de lui être fait. A l'instant le peuple s'arme, la cloche blanche * sonne; tout est trouble, tout est confusion dans la cité.

La paix se rétablit néanmoins par l'entremise du comte de Gueldre, frère de l'Elu **à la condition qu'un certain nombre de bourgeois désignés par lui « iraient en procession, en posture de suppliants, les pieds nuds et la tête découverte, flambeaux en mains, au devant du Prince et de son clergé, depuis la porte Ste-Walburge jusqu'à la cathédrale; qu'en outre le peuple donnerait annuellement neuf aimes de vin du Rhin à l'église St-Lambert, le jour de St-Martin (17). »

Mais le calme ne fut pas de longue durée; la guerre civile se ralluma en 1255, à l'occasion d'une émeute qui survint à Huy. Henri de Dinant, homme bien disant et populaire, mais esprit turbulent et séditieux, qui soufflait le feu de la discorde dans toutes les classes, ayant été condamné au bannissement comme perturbateur de la tranquillité publique, le peuple se souleva de nouveau; il pilla et dévasta les maisons des échevins, auteurs de cette sentence, et ne céda qu'à la force armée, qui vint le mettre en déroute.

Il fallut bien qu'il consentit à la paix (18); mais on le força de fournir à l'Elu mille otages choisis dans le sein de la bourgeoisie, et de lui consigner la porte de Ste Walburge pour être mise a la garde du comte de Looz et de quatre autres chevaliers. La cité dut lui payer, en outre, 300 livres d'argent ou 2000 livres de gros (19).

Les magistrats établirent, avec le consentement du prince, un impôt sur les denrées qui se consommaient dans la ville (20); on va voir quelle opposition rencontra cette mesure de la part d'un corps qui n'a pas toujours fait preuve de désintéressement. Je laisse ici parler le père Bouille.

« Aussitôt le chapitre St-Lambert se plaignit que c'étoit donner atteinte aux libertés de l'église, et demanda qu'il fût mis bas; le conseil s'y opposa et là dessus on fit cesser le service divin, et les choses furent poussées si loin que l'on enterra les morts sans cérémonies .

La noblesse, tout aussi égoïste, s'unit au clergé pour faire abolir un impôt qu'elle devait supporter avec le commun des habitants; l'argent déjà perçu fut rendu aux ecclésiastiques et aux nobles. Une taxe réelle sur les biens fonds fut établie mais (continue l'historien Bouille) cela ne contenta pas encore le doyen; il se plaignit que les gens d'église étoient encore lésés. Ces prétentions révoltantes soulevèrent tous les esprits: on en vint aux mains; mais les échevins et les nobles accompagnés de leurs vassaux écrasèrent une partie du pauvre peuple; « les autres se pensans sauver à pié levé, furent attaquez et assaillis de messire RaduIphe Deprez, qui en tua quelques-uns, en print des autres, n'y ayant que le dit Binant eschappé , qui furent punis et suppliciez; entre autres, Gérard Baisier, l'un des principaux qui avaient suivi le dist Dinant, tribun de ces proscrits, en l'estat du magistrat, fut pendu desseur les vignes des Frères-Mineurs, en telle butte qu' on le voyoit plainement du marché (21). »

L'Elu, rentré à Liège, s'empara des sommes produites par l'impôt foncier; le clergé abandonna celles qui étaient restées en consignation pour lui être rendues. Malgré les remontrances des échevins, le prince profita de cette ressource pour faire abattre quatre bouniers de rempart, non loin de la porte Ste-Walburge; il y établit un fort qu'il ceignit de hauts fossés, « attenant et joignant la cité, faict à choz et sable, par mains de bon architecte, tellement qu'on eut de la peine après d'en crousler les estages et défaire les jointures. »

1269. - La citadelle achevée, l'Elu y plaça des soldats étrangers, qui se livrèrent à tous les excès auxquels les portaient leurs habitudes pillardes et féroces. Contenus par la force et intimidés par les exemples récents de la vengeance de de Gueldre, les Liége portaient silencieusement des chaînes qu'ils ne pouvaient encore rompre.

L'occasion s'en présenta au mariage de Goffin de Hemricourt avec la belle Aigletine, fille de Jean de Marets, maître de la cité (22). De Marets était chéri du peuple; les noces de sa fille devinrent donc une réjouissance publique à laquelle furent conviés les officiers de la garnison de la citadelle. Bercés par la tranquillité apparente des esprits, ceux-ci poussèrent la sécurité jusqu'à permettre à leurs soldats d'assister aux libations du peuple. Mais au milieu des danses et des plaisir, quelques jeunes citoyens conçurent la généreuse résolution de briser le joug qui pesait sur la ville. Le moyen à employer pour se soustraire a cette domination oppressive, fut d'abord le sujet de leur délibération; ils s'arrêtèrent à l'essai d'un stratagème, qui, s'il n'était point suivi du succès, ne compromettrait pas du moins la vie de leurs compatriotes.

Sachant que la forteresse était laissée à la garde de la femme du concierge, ils montèrent à pas de loup par un des sentiers des vignobles qui se trouvent au-dessus des Frères­Mineurs, et vinrent se poster en embuscade près de l'entrée du fort. L'un d'eux, muni d'un panier de raisins, s'en approcha en criant: « hé! hola! Gône (23); baissez vite votre pont: j'ai quelque chose à vous remettre; votre mari, qui s'amuse à la noce, voulant que vous participiez à la fête, m'a chargé de vous apporter ce panier de raisins. - Passe ton chemin, mauvais garçon, et porte tes raisins au diable; si tu attends a que j'aille les recevoir de tes mains, tu cours le risque d'y a passer la nuit. - Non, Gône, non, je n'en ferai rien, ne voulant pas me faire un mauvais parti avec votre mari; je dépose mon panier au bord du fossé; vous en ferez ce que vous voudrez; demain matin, quand votre mari rentrera, il a verra du moins que je me suis acquitté de sa commission; Diewe warde, Gône ! la bonne nuit! » et les pas du jeune homme prouvent qu'il s'éloigne.

Soit pour satisfaire à la curiosité, que l'on dit inhérente à son sexe, ou plutôt alléchée par la friandise, la femme du concierge passe la tête à travers l'une des meurtrières des murs latéraux de la porte. Elle écoute.... elle n'entend rien; elle ne voit rien: elle lève la herse, baisse le pont-levis... déjà elle a saisi le panier par son anse, quand tout-à-coup les jeunes gens cachés se précipitent sur le pont en criant: Chestai gaigné! Leurs acclamations sont entendues dans la ville; on arrête les officiers et les soldats de la garnison, que l'on conduit en lieu de sûreté; et pendant ce temps, une foule de bourgeois et d'ouvriers montent à la citadelle: tous se mettent en devoir de la démolir. En peu de temps il n'en resta plus que des vestiges (24).

Pour apaiser le courroux de l'Elu et prévenir les conséquences funestes qui pouvaient en résulter pour eux, les Liége consentirent à lui payer trois mille marcs d'argent. Cette somme semblait être destinée à relever la citadelle; il n'en fut rien pourtant.

1330. - Le faubourg Ste-Walburge prend de l'accroissement; Guillaume de la Cange y fait bâtir, de ses deniers, l'hopital St-Guillaume (25). Il est digne de remarque que nos ancêtres établissaient souvent des hospices à proximité des portes, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de la ville; c'est ce que prouvent les deux Cornillons et St.-Julien au quartier d'Outre-Meuse, St-Jacques à la porte d'Avroy, les Coquins, St-Georges au faubourg, St-Gilles (26), Ste-Agathe au faubourg St-Laurent, Pasquea près de la porte Ste­Marguerite, St-Désiré à la porte St-Leonard, etc.

Il y avait encore d'autres hospices dans la banlieue ainsi qu'on peut le voir dans l'historien de l'abbaye de St­Jacques (27). On y lit, dans un testament fait le 3 juillet 1339: « item aux pauvres mesdeles de Ste-Barbe, â pié du thier de St-Gilles vers Liège, 40 sols. Item à chacun des hopitaux ci desseurs en suivant, à savoir: Sent Julien, de Choz-fontaine, de St-Georges et St-Martin à pié del thier delez Tileux, de Bellaire, Tirrebourse (28), dell Scavée, de Wandres, 40 sols

1354. - Vers le milieu du règne d'Englebert de la Marck la chapelle de Ste-Balbine jouissait déjà d’une grande célébrité (29). Elle était située entre la fausse-porte de Pierreuse et celle de Ste-Walburge; les pèlerins y affluèrent, et cette fréquentation donna naissance à un joli quartier que nous avons vu abattre en 1816. Il se composait de 16 maisons. La chapelle, attenante aux remparts, était desservie par un des, vicaires de St-Servais, qui y avait sa demeure. Ce charmant endroit était orné de plantations d'ormes et de tilleuls qui prêtaient leur ombrage aux nombreux visiteurs du mois de mai.

1390. - Ce fut par la porte Ste-Walburge que l'infâme Jean de Bavière, surnommé Jean-sans-pitié (30), fit son entrée solennelle (31). Cette porte devait encore, plus tard, servir de théâtre à ses cruelles exécutions (32).

1408. - Au mois d'août 1408, les Liége la fortifièrent de Bastiaz, Boulever, et Torrons aveque quatre colevrine (34); et le dimanche suivant, 23 septembre, ils en sortirent pour se mettre en campagne contre leur tyran. Mais hélas! à l'approche de la nuit, les corps de 13 mille d'entre eux jonchaient les champs d'Othée.

C'est par la montagne de Ste-Walburge que Liège a toujours vu commencer ses plus grands désastres. L'implacable duc de Bourgogne va paraître; son arrivée sera le signal de tous les malheurs; un déluge de maux va fondre sur notre infortunée patrie.

1456. - Charles, cherchant le moyen d'exercer son influence sur le pays de Liège, avait obtenu du pape Caliste III qu'il conférât l'évêché de Liège à Louis de Bourbon, jeune homme de dix-neuf ans; un bref accompagna même les bulles d'institution... « ce bref fut respecté , dit le père Bouille (34); il fut la source de tous les maux qui ont désolé la province. »

Bourbon, élevé à la cour, prit de bonne heure le caractère de despotisme et de domination qui porte à ne regarder les hommes que comme un vil troupeau, dont on dispose suivant sa volonté. A peine sorti du sanctuaire, il viola les lois qu'il venait de jurer de faire respecter. Les violences, les injustices, les actes les plus coupables que la soif de l'or puisse inspirer signalèrent les commencements de son règne. « Fortunâ suorum clarior, Leodiensium legibus, quas ante eum servârunt caeteri, adversabatur,.. Indignam tanto sacerdotio vitam degebat, etc. (35) »

Bientôt, Bourbon ne tient aucun compte du mécontentement qu'il excite; le clergé, la noblesse, le peuple, la nation entière manifeste l'indignation que lui causent les débordements de son prince. Peu importe à celui-ci; il continue à fouler aux pieds la constitution et les libertés publiques qui avaient fait la gloire de nos aïeux (36). Jeune et présomptueux prélat, il veut régner par la terreur.

Un homme de Waremme, pris de boisson, ose proférer quelques mots injurieux contre l'Évêque: son beau-père le désapprouve; mais craignant de provoquer la colère de ceux qui écoutent, il feint de partager son opinion; tous les deux sont saisis: sentence est portée contre le premier. « Le bourreau l'étendit sur une table, lui enfonça un poignard dans le sein; et, comme il vivait encore, on lui coupa les bras, les jambes et la tête. L'autre fut décapité (37). »

Jacques de Morialmé et ses domestiques sont arrêtés arbitrairement et appliqués à la torture; on leur arrache des aveux qu'ils rétractent hors de la présence des bourreaux. - Bourbon destitue les conseillers de son prédécesseur et donne leurs emplois à ses créatures. La cité, qui était alors arrivée à un haut degré de force et de richesse, oppose la plus vigoureuse résistance à ces actes illégaux; Bourbon s'en irrite, il suspend le cours de la justice; tout devient confusion. Il part pour Huy.

1460. - Le duc de Bourgogne s'entremet dans nos affaires; à la persuasion de ses envoyés, un accord est fait entre la cité et le Prince.

1461. - Craignant que l'intention de Bourbon ne soit d'établir une régence séculière et que le duc de Bourgogne ne s'en empare, le clergé et le peuple prient de nouveau Bourbon de prendre les ordres sacrés. Outré de la hardiesse de ces représentations, sa haine contre les Liége s'en augmente; il jette un interdit sur la ville. Ainsi, par un abus impie et sacrilège, la religion servait d'instrument à la rapacité et à l'esprit de vengeance qui animait le chef de l'État.

Le pape, induit en erreur sur les faits, confirme l'interdit. Alors Louis ne garde plus de mesure; il bannit un grand nombre de citoyens et rappelle les ennemis du peuple; ses exactions redoublent, il se livre enfin à toutes ses passions et part pour Maëstricht, la menace à la bouche.

L'astucieux Louis XI fomente la discorde et nous pousse à une révolte ouverte. Il jure de nous secourir et viole son serment; il nous trahit et nous sacrifie à ses intérêts particuliers.

1466. - Bourbon appelle à son aide Charles-le-hardi, son parent (38). Les Dinantais, qui croient abusivement que les Bourguignons ont été défaits par les Français, se signalent par une brutale et scandaleuse parade. Ils fabriquent une effigie du comte de Charolois, l'accrochent à une potence en regard de Bouvigne et crient insolemment aux Bourguignons: « Veez là le fiiz de vostre due, le faux trahistre, le vilain bastard de l'Eveque de Heinsberg (39), que le noble roi de France a fait pendre icy (40). »

Le comte de Charolois frémit de colère en apprenant ces outrages; il se hâte de terminer avec Louis XI par un traité de paix... Le coeur dévoré par le désir de la vengeance, il marche sur Dinant et la cerne. En moins de trois jours les murailles et les maisons de cette ville sont renversées. La garnison parvient à s'échapper; mais les habitants, livrés au courroux de leur vainqueur, implorent en vain sa pitié. Il les renvoyé à son père, qui s'était fait transporter en litière pour repaître ses yeux de la ruine de Dinant. Rien ne peut fléchir Philippe-le-bon... La ville fut prise « et rasée (41), et les prisonniers, jusques à huit cens, noyez devant Bonvines, à la grande requeste de ceux du dit Bouvines. Je ne sçai si Dieu l'avoit ainsi permis pour leur grande mauvaiseté: mais la vengeance sur eux fut cruelle (42). »

« Ainsi fut saccagée la malheureuse ville de Dinant. Jamais, disait-on, depuis le sac de Jérusalem et la vengeance que Dieu avait prise sur les juifs pour la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ, il ne s'était vu une si horrible cruauté (43). »

Il faut en convenir, les Liége d'alors méritèrent quelquefois en partie les maux dont ils furent accablés. Séduits par le nom magique de liberté, ils se livrèrent trop souvent à l'esprit de sédition et de révolte, qui conduit toujours à l'anarchie et aux malheurs qui en sont inséparables. La puissance des Bourgmestres était pour ainsi dire despotique; cherchant à dominer, ils façonnaient les lois d'après leurs passions. Liège était aussi le réceptacle d'une innombrable quantité d'étrangers, que la fertilité et la richesse du sol, le commerce on l'intrigue attiraient .dans son sein.

Les moeurs corrompues de plusieurs Princes - Évêques avaient singulièrement contribué à altérer celles du peuple. A l'appui de ce que je viens de dire, je citerai un fragment des règlements dits de Heinsberg, en date du 16 juillet 1424, faits par trois membres ou le sens de la cité « Scavoir faisons que, quoique nostre cité soit de noble et grande fondation et grandement ornée de grands privilèges, franchises et libertés, elle at néantemoins assez petit renom de bonne gouverne.» Dans ces mêmes règlements, il est parlé des femmes que l'on viole à cris et tahay, des filles séduites au-dessous de l'âge de 12 ans! des homicides commis dans les églises, etc. (44). Quelle idée faut-il donc se faire de la corruption de nos ancêtres? La lecture de ces règlements inspire de bien tristes réflexions ! C'est pourtant là, disons-le en passant, que l'on trouve, répété plus d'une fois, l'antique axiôme si cher à nos pères: Pauvre homme en sa maison roi est.

Quand le désastre de Dinant fut connu à Liège, l'irritation y fut extrême. - On sonne la cloche du ban, le peuple armé parcourt les rues; il accuse les bourgmestres de l'avoir empêché d'aller au secours de ses frères. Il veut jeter ces magistrats par les fenêtres de la maison-de-ville et recevoir leurs corps sur des piques. Deschamps-la-Violette est victime de la fureur populaire, son cadavre en lambeaux est traîné dans les rues. L'effervescence s'apaise néanmoins; le comte de Charolois consent à la paix et demande cinquante otages en garantie du traité: il exige en outre six cent mille florins du Rhin.

1466. -. Les otages sont d'abord livrés: le pays se cotise pour fournir la somme; mais loin que le clergé consente à payer sa cote part, il prétend que l'on doit plutôt le dédommager des pertes que lui a fait essuyer la présence des armées (45).

Raës de Hers (46), homme actif et entreprenant, devient l'âme et le mobile d'une nouvelle faction; il acquiert une si grande popularité que Bourbon lui-même tâche de le captiver. Raës rejette ses propositions avec hauteur; il prend hors des corps des métiers les plus déterminés d'entre les factieux, qu'il fait armer de gros bâtons plombés à l'extrémité inférieure; et, sous le prétexte spécieux de la sûreté publique, il en forme une compagnie que l'on nomme les Francs-Liége; il s'en fait suivre constamment dans l'intention de tenir en respect les partisans de la pair.

1467. - L'évêque de Troyes arrive à Liège sous le titre d'envoyé de Louis XI. Aussi perfide que son maître, il y attise le feu de la discorde et implique les Liége dans des malheurs irréparables, dont le souvenir ne s'effacera jamais (47). Il est une vérité incontestable: c'est à la France que nous devons presque toutes les pages ensanglantées de notre histoire.

A la tête de ses satellites Francs-Liége, de Hers porte la terreur dans la cité. La parole la plus innocente est punie de mort. Un vieillard respectable est précipité dans la Meuse pour avoir dit que Bourbon reviendrait un jour. Un échafaud est élevé sur les degrés de St-Lambert: le sang le plus pur y coule sans cesse.

Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne, meurt le 5 Juin 1467; le comte de Charolois, son fils, lui succède et prend le surnom de Charles-le-Téméraire. Raës continue à pousser à la guerre. Baré de Surlet, qui vient d'être élu bourgmestre se range de son parti. Jean Charpentier, bourgmestre de Dinant, est arrêté au mépris du droit des gens sur le territoire de Namur, et amené dans les prisons de Liège; on lui fait subir les tourments de la torture, pour lui faire avouer un crime qu'il n'a pas commis. Les otages restés dans les mains du duc de Bourgogne, craignant d'être victimes d'un acte de représailles, demandent avec prière qu'il soit mis en liberté. De Hers n'en fait que rire. L'infortuné magistrat dinantais est amené sur le balcon de l'hôtel-de-ville, où on lui coupe la tête, qui ne tombe qu'au quatrième coup. Son corps est écartelé, et chaque quartier est exposé dans différents Vinables (48). La populace, non encore satisfaite, saisit ceux qu'elle soupçonne de vouloir la paix et les jette dans la Meuse.

La guerre civile éclate, l'incendie et le carnage lui servent de cortège. Quatre-vingts volontaires sont pris hors des corps des métiers; Guillaume de la Marck, Sanglier des Ardennes, se met à leur tête. A la faveur des ténèbres, ils entourent le château de Huy, et en gravissent les rochers. Le premier poste de cette place est égorgé; les assiégeants pénètrent dans la ville, font main-basse sur tous ceux qu'ils rencontrent, aux cris de mère-Vierge, Saint-Lambert! ... C'était la veille de la fête de ce Saint, le 16 septembre 1467. Louis de Bourbon, renfermé dans Huy, parvint néanmoins à s'en échapper pour se réfugier à Namur; mais, incontinent après sa fuite, la ville fut livrée deux jours de suite à toutes les horreurs du pillage (49).

En apprenant la prise de Huy, le duc de Bourgogne fait déclarer la guerre aux Liége par des hérauts tenant d'une main un flambeau, de l'autre une épée. Après avoir rassemblé une armée de trente mille hommes, il vient investir St-Trond, où se trouvait une forte garnison commandée par Renard de Rouvroy (50).

Les Liége, au nombre d'environ 25,000 fantassins et 500 cavaliers, suivis d'une forte artillerie, sortent de leurs murs le 28 octobre: leurs chefs sont Raës de Hers et Baré de Surlet, lesquels avaient pour lieutenants Hubert de Surlet, Eustache Strayle et Jean de Sauvage. Après les cérémonies d'usage, l'étendard de Saint-Lambert (51) fut remis au comte de Berloo.

Le premier jour, l'armée Liégee alla camper à Xhendremale. Le lendemain, elle arriva à Brusthem, à une lieue en deça de St-Trond. Les Liége, mal disciplinés, ayant en face une armée aguerrie, trahis par Louis XI qui les a entrainés à cette guerre et qui les abandonne au moment du danger, ne peuvent douter un instant de l'issue fatale du combat où ils s'engagent; mais il n'y a pas à balancer entre la mort et le déshonneur; la plus grande flétrissure, c'est la lâcheté: ils marchent donc à la mort.

« Quand le trajet fut failli aux nostres, le coeur revint aux Liége qui avaient leurs piques longues (qui sont bâtons avantageux), et chargèrent sur nos archiers et sur ceux qui les conduisaient et en une troupe tuèrent quatre ou cinque cens hommes en un moment. Et branlaient toutes nos enseignes comme gens quasi déconfits, et sur ce pas fit le duc marcher les archiers de la bataille que conduisait messire de Crèvecoeur, seigneur de Corde, homme sage, et plusieurs autres gens de bien, qui d'un ardent et grand courage assaillirent les Liége, lesquels en un moment furent déconfits. (52) »

Baré de Surlet fut tué d'un coup de lance; les corps d'Eustache de Strayle et de son fils furent retrouves serrés l'un contre l'autre. Le vaillant comte de Berloo, suivi de sept cavaliers, fut le premier qui rapporta la nouvelle de la défaite des Liége, en venant remettre l'étendard de St-Lambert, brisé et déchiré, dans l'église cathédrale (53).

« C'est la dernière fois, dit un de nos plus estimables auteurs (54), qu'on fit usage de ce fameux étendard, que l'on conservait avec soin depuis des siècles. » Il disparut l'année suivante sous les débris de la ville de Liège (55) ».

Un de nos historiens (56) assure que les Bourguignons perdirent dans cette journée pour le moins autant de monde que les Liége.

Dans la détresse où se trouvait la ville, les magistrats convoquèrent le peuple à la porte Ste-Walburge, pour aviser au meilleur moyen de composer avec l'ennemi. Le duc ne voulut consentir à d'autres conditions que de leur laisser la vie sauve et d'exempter la cité du feu et du pillage. Le 17 novembre, il fit son entrée à Liège (57) par la porte Ste-Marguerite, que l'on avait abattue avec vingt toises de murailles (58), et se donna le plaisir vaniteux de parcourir les rues à différentes reprises en triomphateur, avant d'entrer au palais de nos Princes. Louis de Bourbon, qui l'accompagnait armé de pied en cap, alla se loger à l'hôtel de Mérode, dans les cloîtres Saint-Lambert.

Le lendemain, on lut les articles du traité; Liège fut désarmée ainsi que les autres villes du pays, à l'exception de Huy. Les Liége sont frappés d'énormes contributions; quelques pauvres plébéiens réputés séditieux sont exécutés, beaucoup sont proscrits. Nos chartes, nos armes, nos bannières, nos monuments, et le perron (59), symbole de nos libertés, tout est transporté à Bruges, où le duc en fait élever un trophée, comme signe de la gloire qu'il vient d'acquérir en vainquant les Liége.

1468. - Imbercourt, nommé régent du pays pour le duc de Bourgogne, se loge à l'hôtel-de-ville; il gouverne ou plutôt il tyrannise en son nom. Ministre insolent, vexateur cruel, il se rend odieux aux habitants. Redoutant leur désespoir, il va occuper la maison d'un nommé Cloes d'Amagne située au Pont-d'Ile (60). A l'aide d'un pont de bois qu'il fait construire, il communique du jardin de cette maison à l'église des Dominicains, où il va chaque jour entendre la messe (61) ... Une foule de personnes assiégeait habituellement la porte de ce monstre, sans pouvoir parvenir jusqu'à lui. Il y avait des mères, des femmes, des soeurs, des amantes peut-être, allant solliciter une pitié qui n'existait pas, demandant des grâces à qui n'ordonnait que des supplices. Des sicaires farouches repoussaient le groupe infortuné, dans lequel on voyait à peine deux ou trois hommes; car les vieux Liége dédaignaient de supplier leur tyran. La plupart quittaient la cité pour aller rejoindre les proscrits réfugiés en France. Enfin d'Imbercourt est rappelé par le duc; l'Evéque, qui le remplace, ne rend pas son administration plus douce. Alors que l'on n'entendait que des pleurs, que l'on ne voyait que des visages éteints, pâles et hâves, que la douleur et le désespoir étaient dans tous les coeurs, Bourbon se livrait aux écarts d'un libertinage effréné. - Il fait élégamment pavoiser un yacht, qu'il charge de musiciens; il y monte et va chercher de nouveaux plaisirs à Maestricht, où il étale un luxe insultant en face des maux de la nation.

Les proscrits, conduits par Jean de Villers (62), rentrent dans la ville; le peuple, excité par les députés de Louis XI (63), s'unit à eux. Le 8 octobre 1468, ils marchent sur Tongres, où ils arrivent à onze heures du soir. Ils surprennent l'Évêque, le légat du pape et leur plus implacable ennemi, Guy d'Imbercourt.

De Villers a la courtoisie de rendre la liberté à ce dernier, après en avoir obtenu la promesse de ne plus porter les armes contre les Liége; mais la parole d'un traître est­elle autre chose qu'une perfidie? Bourbon et le légat sont ramenés à Liège avec tous les égards possibles; ce retour y cause une joie générale. Le peuple ne demandait que le rétablissement de ses lois, que la paix avec son prince, instruit qu'il était par le malheur et l'expérience, ces grands maîtres des hommes. Bourbon s'attendrit, il reconnaît que la tranquillité de l'âme et le bonheur ne peuvent lui venir que de l'amour mérité de la nation qu'il gouverne. Il lui demande sa foi: on ne lui répond que par l'expression de la reconnaissance. Tous les coeurs sont à lui, l'Évêque s’écrie: « Mes enfants, il n'y a que trop longtemps que les querelles domestiques nous désunissent; j'ai prêté trop légèrement l'oreille à certaines gens qui me déguisaient les choses ou les controuvaient. Je veux désormais être plus circonspect, plus modéré: je ferai tout mon possible pour prendre les voies de douceur et de paix. Reposez-vous sur la parole de votre Évêque, qui proteste qu'il est résolu de vivre et de mourir avec vous (64).

Ces paroles remarquables, sorties de la bouche d'un prince dont le règne jusqu'à cette heure n'avait été qu'un détestable despotisme, durent produire une grande sensation; aussi plurent-elles tant au peuple que bientôt Liège parut ne plus faire qu'une même famille. Mais hélas! ce repentir, cet aveu, si honorable pour Bourbon, ne saurait empêcher la ruine des Liége; le sanguinaire Bourguignon arrive; bientôt notre grande et opulente cité aura vécu!

Charles-le-Téméraire, furieux de ce que les Liége veulent se soustraire à sa puissance, se promet d'en tirer une vengeance mémorable. Il approche avec toutes ses forces, traînant après lui le roi de France qui vient contempler le supplice de ses victimes. Le déloyal d'Imbercourt, commandant l'avant-garde, s'empare de Tongres, qu'il livre au pillage. Un petit corps de Liége s'avance jusqu'à la fatale plaine d'Othée (65); il est défait et poursuivi jusqu'aux portes de la ville, qui est à l'instant investie.

L'évêque, le légat du pape, le bourgmestre, Amel de Velroux, accompagnés de plusieurs notables, implorer la pitié du duc et lui demander la paix. Il reste inexorable; il accueille le premier, retient le second et fait trancher la tête aux autres (66).

Que peuvent les Liége? Ils sont sans chef, sans soldats, sans autres fortifications que quelques palissades élevées à la hâte. Mais ils sont braves, ils ne prennent conseil que de leur valeur. Sous la conduite de de Villers, ils se glissent à la faveur de la nuit le long des remparts démantelés, descendent par les sentiers du vignoble qui domine le faubourg Vivegnis, attaquent avec furie les Bourguignons postés dans les vergers, où est actuellement le magasin à poudre des Bayards (67), et en tuent huit cents, parmi lesquels se trouvent cent hommes d'armes (68). Deux mille archers sont mis en fuite, le prince d'Orange et d'Imbercourt sont blessés; toute l'avant-garde ébranlée est poursuivie jusqu'aux quatre tourettes (69).

Ce bâtiment sert de refuge aux fuyards qui s'y défendent; mais les Liége y mettent le feu imprudemment: cet incendie devient un fanal sauveur pour les Bourguignons. A la lueur des flammes, ils se rallient sous leurs, bannières, fondent sur cette poignée d'hommes intrépides et la forcent de se retirer, ce qu'elle fait en bon ordre avec deux drapeaux arrachés à l'ennemi. Mais, par une imprévoyance inconcevable, la porte du vieux Vivegnis (70) était barricadée en dedans. En escaladant les remparts, de Villers se fit une blessure grave dont il mourut le lendemain. Ainsi finit ce grand citoyen, dont la noble et glorieuse carrière vivra éternellement dans la mémoire des vrais Liége.

En apprenant l'échec que venait d'essuyer son avant­garde, le duc se hâta de faire avancer son armée forte de quarante mille hommes, et lui fit occuper le circuit compris entre la porte Ste-Marguerite et celle de St­Léonard; il se logea lui-même au faubourg Ste-Walburge au lieu dit Vieille voie de Tongres, dans une ferme remplacée maintenant par la maison Fouarge, qui longtemps conserva le nom delle cour de Duc (71).

« Le roy vint loger en une petite maisonnette rasibus de celle où était logé le duc de Bourgogne (72) ».

Tandis que Charles prend ses dispositions pour donner l'assaut à une ville ouverte sur tous les point, les Liége s'assemblent; tous jurent de sauver la patrie ou de mourir pour elle. Six cents Franchimontois, animés du même zèle et du même courage, donnent l'exemple d'un héroïsme dont l'histoire des plus grands empires offre peu de modèles; ils se dévouent tous également à une mort certaine.

Dirai-je, en célébrant la valeur des Liége,

Le noble dévouement de ces Franchimontois

Qui firent (du trépas victimes volontaires)

L'offrande de leur sang pour affranchir leurs frères,

Surpassant d'autant plus les Décius mourants,

Qu'au lieu de trois héros, Liège eu compte six cents (73)?

Favorisés par une nuit profonde, commandés par George Strayle et guidés par les hôtes chez lesquels sont logés les deux princes, le 29 octobre à 10 heures du soir, ils descendent en silence, à travers les ruines des remparts, vers la partie nord de la citadelle, où aboutissaient les 600 degrés (74). Ils gagnent le fond des Tawes, ravin formé par un ruisseau qui faisait alors tourner un moulin (75). Ils gravissent le côteau et parviennent près du quartier du duc et du roi avec l'intention de les enlever et de sauver la patrie par ce coup hardi.

Ils surprennent les sentinelles et, les, poignardent; « et croy, dit Commines, qu'il n'étoit pas dix heures du soir: et attrapèrent la pluspart des escoutes, et les tuèrent: et entre les autres y moururent trois gentils-hommes de la maison du duc de Bourgogne; et s'ils eussent tiré tout droit sans eux faire oyir jusques à ce qu'ils eussent esté là où ils vouloient aller, sans nulle difficulté ils eussent tué ces deux princes, couchez sur leurs lits, et croy qu'ils eussent aussi desconfit le demeurant de l'ost. »

La surprise de cette attaque jette le désordre parmi les Bourguignons et les Français; les Liége pénètrent jusque dans la chambre de Louis XI. Encore un instant, et leurs deux implacables ennemis sont faits prisonniers, et la cité est sauvée; mais l'aveugle fortune ne seconde pas toujours les braves! Comme les Spartiates aux Thermopyles, nos six cents héros, accablés par le nombre, périssent tous avec leur illustre chef. La sortie opérée par la porte Ste-Walburge, pour faire diversion à ce coup de main, avait eu lieu trop tard; elle fut repoussée avec perte.

Tant de prodiges de vaillance et de brûlant amour de, la patrie ne firent que retarder le dénouement du drame à peine commencé. Le lendemain dimanche (30 octobre 1468), à huit heures du matin, Charles, semblable à un tigre altéré de sang, entre dans la cité par la porte Ste-Walburge, tandis que 40,000 hommes de ses troupes y pénètrent par divers autres endroits. Arrivé vis-à-vis de l'hôtel-de-ville, le duc tire son glaive du fourreau et crie: vive Bourgogne! c'est le cri du carnage et de la dévastation; la faulx de la mort se lève et moissonne tout sans distinction d'âge ni de sexe. Heureux ceux qui tombent les premiers sous le fer du Bourguignon! ceux qui leur succèdent périssent de mille morts; la soldatesque fouille jusque dans les entrailles de la terre pour assouvir la rapacité qui la dévore. Les vierges sacrées (76), les femmes deviennent les victimes de leur brutalité. Ces cannibales forcent les pères à égorger leurs enfants, ils foulent aux pieds ces innocentes créatures et, les écrasent contre les piliers des temples, où les prêtres avaient exposé l'hostie sainte, dans l'espérance que l'aspect de leur Dieu leur imposerait; ils pénètrent dans l'église del freyres Cordeliets (77) (frères Mineurs). On y célébrait la messe, les malheureux qui y tenaient les mains levées vers l'Éternel y sont égorgés; « le calice même est arraché des mains du prêtre, l'hostie sainte est jetée par terre » (78), et pourtant « le roi monstroit signe de grande joie de cette prise. Après le disner, le duc et luy se virent en grande chère. (79) »

Ils dînent, ils font grande chère! et les accents des infortunés que l'on égorge parviennent jusqu'à eux! Honte éternelle à la mémoire de pareils monstres! malédiction sur les puissants de la terre qui boivent le sang des peuples!

Les scènes de meurtre et d'extermination se continuent bien avant dans la nuit, pour recommencer avec le jour naissant: elles se poursuivent jusqu'au lendemain. Elles cessent enfin, mais c'est à défaut de victimes ! Douze cents personnes furent liées les unes aux autres et précipitées dans la Meuse; quarante mille hommes furent massacrés, douze mille femmes et enfants furent noyés (80).

Liège n'offrant plus dans ses rues que des monceaux de cadavres, Charles ne peut plus exercer de vengeances; ce fut alors qu'il demanda à Louis XI son opinion sur ce qu'il devait faire de la ville de Liège? Le fourbe monarque lui répondit que « pour détruire un nid, le plus sûr moyen est de couper l'arbre... » Après cette allégorie, si bien d'accord avec les intentions du duc, le Néron français eut la permission de retourner dans ses états.

Immédiatement après son départ, Charles fait mettre le feu à la ville par 4,000 Limbourgeois; et, le monstre! il ose penser à Dieu en recommandant d'épargner ses temples! Les soldats, la torche à la main, allument l'incendie dans tous les quartiers â la fois. Les édifices, les maisons s'écroulent sur les membres encore palpitants de ceux qui les habitent; Charles s'embarque pour Maestricht, mais il s'arrête près de Coronmeuse pour repaitre ses yeux de l'embrasement général de la cité.

Sept jours après, on apercevoit encore, des hauteurs d'Aix-la-Chapelle, les tourbillons de flammes qui s'élevaient dans les airs (81).

La plupart des malheureux qui s'étaient sauvés dans les bois y périrent de froid et de misère. Ceux qui échappèrent au fer des Bourguignons furent traqués par de nobles barons, qui les dépouillaient de ce qu'ils possédaient et qui, pour plaire au vainqueur, faisaient un trophée de ces dépouilles (82).

Enfin la rigueur excessive de la saison fait cesser cette chasse aux hommes: le duc retourne à Bruxelles. Imbercourt, assisté de Frédéric de Withe, emploie 20,000 hommes pour terminer l'entière démolition de la ville: « et mit ly syr de Himbercourt moult delligence que ci après son département ne restoit rues ne vinables maisonnés (83). » En effet, ces hommes exécutèrent si fidèlement les ordres de leur maitre, dit l'historien Bouille, qu'à peine pouvait-on compter dans cette ville, un peu auparavant si magnifique et si riche en édifices, plus de six maisons du peuple restées debout; encore étaient-elles à demi ruinées.

Le despotisme le plus affreux pesait sur les infortunés qui avaient échappé au glaive. Imbercourt, ou plutôt la terreur régnait sur eux. Un mot, un geste était puni de mort. Les hobereaux des campagnes étaient autant de petits brigands qui, sûrs d'être approuvés par le duc, tyrannisaient impitoyablement les pauvres villageois.

1469. - Cependant les fugitifs, dominés parle désir insurmontable de revoir la ville natale, dont le nom seul leur rappelait tant de doux souvenirs, reviennent habiter ses ruines moyennant une rétribution payée au duc. Des huttes en planches furent construites sur le vieux marché, en face de l'entrée orientale du palais de justice actuel; c'est là que furent logés les ouvriers. Leur diligence fut telle qu'en moins de six mois cinq cents maisons furent reconstruites. Pour chacune d'elles on devait payer au fisc un lion d'or et deux chapons de revenu annuel. Les ouvriers avaient pris l'habitude de se réunir chaque soir chez un cabaretier, très jovial nommé Minet et s'amusaient beaucoup de ses facéties; de là l'origine du mot estaminet (84)(85).

1477. - Enfin, les Suisses vengent les Liége; Charles­le-Téméraire fuit devant eux déguisé en paysan; il tombe dans un étang près de Nancy, et y est tué le 5 janvier; il n'avait que 40 ans.

Il est digne de remarque que les principaux auteurs de la destruction de Liège périrent de mort violente. Imbercourt fut décapité à Gand le 11 avril suivant, après avoir été appliqué à la question. « Il y fut si maltraité qu'il ne pouvait se tenir debout ni se mettre à genoux; on lui abattit la tête étant assis. » Louis de Bourbon, notre évêque, fut assassiné près de la porte du pont d'Amercœur par Guillaume de la Marck (86). Quant à Louis XI, il mourut dans son lit de la manière la plus misérable, le 21 août 1483, à l’âge de 60 ans, assailli par toutes les angoisses de la terreur, compagnes inséparables de la fin des grands criminels. Inquiet, perfide et cruel, sa dévotion n'était qu'une crainte superstitieuse et pusillanime. Loin d'implorer Dieu en lavant ses mains souillées de sang, il ne lui demandait que la prolongation de sa vie.

A la nouvelle de la mort du duc de Bourgogne, les Liége commencèrent à respirer. Bourbon se rendit incontinent à Gand, près de la princesse Marie: il en obtint une renonciation aux droits que Charles son père avait acquis sur les Liége par la force des armes. Le perron, nos chartes et nos titres nous furent restitués. Cette princesse, apprenant que le peuple avait rejeté avec indignation les nouvelles tentatives faites prés de lui par le roi de France pour l'entraîner dans son parti, en témoigna toute sa satisfaction et rendit à nos ancêtres l'indépendance et la liberté qui leur étaient si précieuses.

Le gouvernement se réorganise sur ses anciennes bases; les règlements de Hinsberg sont rétablis; le nom de bourgmestre, si flatteur à l'oreille des Liége, se fait entendre de nouveau (87). Les corps, de métiers reprennent leurs biens et leurs droits; les exilés reviennent; les impôts disparaissent; le signe révéré de nos libertés, le perron, est rétabli: il orne encore la place du grand marché; le peuple le contemple avec ravissement. Il en célèbre le retour par les plus vives démonstrations de joie; il a presque oublié ses malheurs. Chacun se met à l'oeuvre. Liège semble renaître de ses cendres; mais on la réédifie sans plan et sans ordre, « ce qui fait qu'encore aujourd'hui les rues de cette grande ville sont étroites et pour la plupart mal alignées. (88) »

1479. - La magistrature décrète une ordonnance pour la réparation des remparts, et établit à cet effet un péage sur le pont des Arches. On commence les travaux du côté de la porte Ste-Walburge, ce point étant considéré comme le plus important. Les, tours qui faisaient partie des remparts entre les portes Ste-Marguerite et St-Laurent, ne furent terminées qu'en 1483. Sur l'une d'elles on grava les vers suivants, que je ne rapporte que pour donner une idée du talent et du faire de nos versificateurs d'alors.

Je suis nommée la tour, Moxhon,

Qui fut démolie et détruitte

Par Charle le Bourguignon.

L'an mille quat cent soixante huitt.

Et suis refaits, que bien me duit,

L'an huittants troye en vérité,

Par le moën de bon conduit

Des fermetiers de la cité (89).

1485. - Guillaume de la March, sanglier des Ardennes, vient de perdre la tête sur un échafaud (90); les partisans de cette puissante maison accusent l'évêque de Horne, successeur de Bourbon, d'avoir contribué à sa mort. Les factions renaissent. Ghuy de Canne, seigneur, de Spawen, homme pétri pour la sédition, cruel jusqu'à la férocité mais adroit et éloquent, est créé chef d'un corps d'Allemands que l'on fait venir pour la sûreté de la ville. Bientôt le peuple, séduit par ses paroles, lui accorde une autorité dictatoriale; Jean de Horne est contraint de se sauver de Liège.

Ghuy, avec un ramas de forcenés, dévaste St-Trond et Curenge; pille, brûle le comté de Horne, tandis que les La Marck ravagent le comté de Looz. Chargé de vols et de rapines, Ghuy rentre dans Liège avec ses soldats; il poignarde Pierre Rockar, bailli du Condroz, son digne émule, qui pendant son absence avait pris de l'ascendant sur le peuple. Après s'être défait de son rival, il se livre sans aucune retenue à ses passions sanguinaires, il accumule crimes sur crimes. Pour mieux asservir la ville, il établit un château fort sur la montagne Ste-Walburge, et le remplit d'instruments de guerre.

Les habitants consternés gémissaient sous le despotisme de cet insolent étranger. La jeunesse Liégee en frémit d'indignation: elle pousse un cri de vengeance, monte à la citadelle, la prend et se met en devoir de la renverser. Ghuy de Canne fait monter de la troupe contre les assaillants; mais cette troupe est reçue à coups de fronde et de pierres et repoussée jusque dans la ville. Ces courageux jeunes gens n'abandonnent leur entreprise que lorsqu'elle est achevée. Ghuy, transporté de rage, donne des ordres pour rassembler ses Allemands; en attendant, il croit que sa présence et la terreur qu'il inspire suffiront pour dissiper le soulèvement: il se place sur les degrés de St-Lambert pour haranguer la multitude; mais bientôt il est précipité de cette tribune, son corps est à l'instant percé de mille coups. Le mayeur, de Montegnée, autre scélérat de même espèce, est tué également, sur la place. Plus heureux, Robert de la Marek, poursuivi jusqu'à Hocheporte avec quelques-uns des siens, parvient à se sauver.

Le lendemain, pour rendre grâces à Dieu de cette délivrance, on célébra dans l'église St-Lambert, une messe solennelle, à la suite de laquelle on fit une procession qui a continue d'avoir lieu chaque année le vendredi de la semaine sainte jusqu'en 1794. Le vers suivant fut gravé sur une pierre du portique des degrés de la cathédrale:

Ante gradus templi cecidit qui tot malafecit.

1491. - Les La Marck excitent les Liége contre leur prince et deviennent la cause de mille maux. Ils sont absolus dans la cité. Le duc de Saxe, général de l'archiduc Philippe, marche sur Liège avec de nombreuses troupes. II se fait précéder d'un trompette qui somme la ville de se rendre. Le peuple ne répond qu'en prenant les armes et court se ranger sous ses enseignes. Le duc de Saxe fait mettre le feu au faubourg Ste-Walburge et applique ses échelles aux remparts de ce côté. Les Liége s'y précipitent à l'envi, les assaillants sont repoussés avec perte et lèvent le siège; mais la guerre civile éclate, la famine en est la suite. D'affreux orages surviennent, des torrents de pluie forment des inondations qui couvrent les prairies et les plaines. C'était au mois de juillet: l'herbe et les grains sont entraînés ou pourrissent sur pied; le peuple n'a plus pour nourriture qu'un peu de favettes; une maladie contagieuse se déclare et vient mettre le comble cette déplorable situation. L'épouvante et le découragement sont dans tous les coeurs, la paix est demandée à grands cris. Jacques de Croy s'y opposait de tout son pouvoir; mais « asteur qu'il voit ses desseins aller de mal-en-pis, il escampe de Liège... N'ayant plus que lui qui contrariast la paix, elle se fist absolument entre l'evesque et ledits d'Aremberg, par, le moyen que le fils de messire Evrard de la Marche espouseroit la fille du comte de Horne, ce qui se fist et cela fut le gage de la réconciliation (91). »

1492. - Jean de home rentre à Liège; sa présence y produit une allégresse poussée jusqu'au délire. Dans la foule empressée de jouir de la vue de son prince, quantité de personnes, et de ce nombre deux officiers de la suite de l'évêque, furent étouffées.

1505. - Erard de la Marck succède à Jean de Horne. C'est sous son règne que Charles-Quint, vint à Liège (92). L'évêque, Richard de Mérode et Arnould de Bavier, nos deux bourgmestres, toute la noblesse et une innombrable quantité de bourgeois allèrent l'attendre à la porte Ste-Walburge, que l'on avait ornée de fleurs et décorée de brillantes tentures. L'empereur fut reçu au bruit de salves d'artillerie et aux acclamations de tous; de riches présents lui furent offerts au nom des trois corps des États. Il vint loger au palais du prince (93).

« Le lendemain (94), l'Évêque officia pontificalement, il y eut ensuite une procession (95), à laquelle Charles­Quint assista, portant un flambeau; le 17, il partit pour Maëstricht, où Erard de la Marck l'accompagna. »

1511. - Le prix du grain étant devenu excessif, les habitants de Montegnée, d'Ans, de Tilleur et de Jemeppe se réunissent tumultueusement au son du tambour, que battait un nommé Deschamps. L'esprit d'insurrection se propage rapidement le long des rives de la Meuse. Le nombre des factieux grossit et devient inquiétant pour la ville. A peine a-t-on doublé les gardes aux portes que les rivageois (96) se présentent à celle de Ste-Marguerite au nombre de 3,000 hommes armés, tambour battant et étendards déployés; ils attaquent cette porte avec furie, animés qu'ils sont par l'espoir de prendre la cité et de la piller; « stichans, lansans et donnans assaux par violence et forces... et sans la résistance que firent les bons bourgeoys, les repoussans et rebouttans, la cité fust esté prinse, perdue et destruite. »

Grâce à la fermeté et à la présence d'esprit de Richard de Mérode, qui entra en pourparler avec eux, « les entretenans par doux et beaux parlées comme bien faire sçavoit, et ce faisoit-il afin qu'il ne montassent vers Sainte Walburghe, là ils euissent facilement entré dans la cité par les bresses des murailles qui estoient abattues pour les refaire. » (97)

Les rivageois remettent à Richard de Mérode, bourgmestre de Liège, une pétition par laquelle ils demandaient le redressement de certains griefs, notamment « qu'on observât le dernier mandement sur le prix des grains (98).» En attendant, ils se logent dans les faubourgs, où ils commettent mille violences. On leur fait quelques. concessions qui paraissent les apaiser, et ils se retirent. Erard de la Marck revient de Bruxelles; une enquête est faite contre les rebelles; ils sont jugés selon les lois du pays. Neuf de leurs chefs sont condamnés à être décapités; l'exécution a lieu, et leurs têtes, plantées sur des piques, sont exposées aux portes Ste-Marguerite, Ste-Walburge, et d'Avroy.

1527. - L'évêque, sentant que la sécurité de la ville dépend de la bonté de ses murailles, les fait réparer avec soin. On construit deux nouveaux boulevards pour la défense des portes St-Laurent et Ste-Marguerite. La porte Ste-Walburge est fortifiée d'un bastion dit du clergé (99), parce que ce corps contribua pour quelque chose dans la dépense, et d'un ouvrage en maçonnerie d'une épaisseur extrême, que l'on appelait le baloir; la porte elle-même fut rebâtie à neuf.

1528. - Erard de la Mark meurt le 16 février. Sa perte frappe de deuil la population entière; Liège verse des larmes de regret en accompagnant les restes d'Erard, qui furent déposés dans le magnifique et riche mausolée qu'il s'était fait préparer au milieu du choeur de la cathédrale.

Le 30 avril suivant, Corneille de Bergue fit sa joyeuse entrée par la porte Ste-Walburge avec une suite de 300 cavaliers. Tous les ordres de l'État, la bourgeoisie armée et une garde d'honneur prise dans son sein, allèrent à sa rencontre jusqu'à la hauteur du faubourg et l'accompagnèrent au son des timbales, des clairons et du canon jusqu'au palais.

Le nouvel évêque apporta toute son attention à faire terminer les travaux des remparts. De plus, il fit cons­truire la porte d'Amercœur, qui a été démolie il y a peu d'années, et dont la belle ordonnance était admirée des connaisseurs.

1543. - Corneille de Bergue abdique; Georges d'Autriche le remplace sur le siège épiscopal. La montagne Ste­Walburge demeure étrangère aux événements de son règne.

1557. - Robert de Bergue est proclamé évêque de Liège; ce prince, ayant été surpris par un orage affreux, est frappé tout-à-coup d'aliénation mentale (99). Dans un de ses moments de lucidité, il abdique en faveur de Gérard Groesbeck, qui prend les rênes de l'État le 11 avril 1564, à la satisfaction générale. C'était un homme juste, bon, affabl , plein de talent et de connaissances pour l'époque.

1564. - Le premier de ses soins fut de s'occuper de la sûreté de la ville en faisant réparer les remparts. Par une tolérance impardonnable, les magistrats avaient laissé bâtir autour des fortifications. Le grand baloir de la porte Ste­Walburge (100) s'était insensiblement couvert de maisons. Elles furent édictées avec la plus grande justice et les travaux, remis à la surveillance de douze bourgeois, commencèrent aussitôt. « Chaque ouvrier étoit payé à raison de quinse liards par jour, c'estoit plaisir de les voir les uns conduire les fossez, les autres porter la hotte, bescher, et berwetter la terre, où l'evesque se trouvoit souvent, les payant même et les caressant. »

1568. - Grâce à l'active prévoyance du prélat, ces ouvrages furent achevés en peu de temps; mais à peine l'étaient-ils que les Pays-Bas se soulevèrent. Les rigoureux édits publiés contre les partisans des doctrines de Luther et de Calvin et la partialité inique que montrait Philippe II en faveur des Espagnols au détriment des Flamands lui avaient aliéné tous les coeurs. La révolte devient générale, le duc d'Albe crée un tribunal de sang à Bruxelles. On reçoit à Liège un mandement impérial qui défend sous peine de mort de prendre parti pour les Brabançons insurgés. Le prince d'Orange, avec une forte armée, passe la Meuse près de Maseyck, et fait demander aux Liége la permission de traverser par leur ville avec ses troupes. Tandis que l'Évêque s'occupe de lui répondre, il marche sur St-Trond, où il s'est ménagé des intelligences; il s'en empare, et se saisit de tout le matériel de guerre qui se trouvait dans la place; il pille les édifices religieux, ainsi que les maisons des riches bourgeois. Celles des traîtres qui avaient favorisé son entrée ne sont pas même épargnées. L'antique et riche abbaye de St-Trond est entièrement dévastée, il n'est point d'horreurs que les soldats du prince d'Orange n'y commettent.

L'abbé, qui s'était caché dans un souterrain humide, est forcé d'en sortir: il est pris et fait prisonnier avec les plus notables de la ville, et mulcté à grosse rançon (101). Catherine de Goor, la jeune et jolie abbesse de Herkenrode, que le hasard avait amenée dans cette ville, échappe au danger qui la menaçait en s'habillant en garçon meunier: elle monte sur une charette et sort ainsi de ce lieu dangereux. Le dommage fait à St-Trond dans cette triste journée fut évalué à 800,000 écus (102).

Après avoir porté la désolation dans plusieurs cantons de la Hesbaye, le prince d'Orange se dirige sur Liège avec dix mille chevaux et dix-huit mille fantassins. Son avant-garde arrive le 18 octobre au faubourg Ste-Walburge, qu'il livre aux flammes après en avoir pillé les maisons (103). Un héraut-d'armes se présente à la porte, demandant impérativement au nom de son maitre le passage par Liège. On lui répond par un refus. Un autre héraut se présente; le message dont il est porteur est écrit avec le fer et le sang. Pour cette fois, on ne lui réplique que par les apprêts d'une vigoureuse résistance.

« Pendant le pourparlement, les ennemis fossirent, font des retranchemens et taudis, dressent des forts et platteforme por leurs canons, prins leurs eskelles et font tempester et fondre la furie de ces bouches à feu contre les remparts, que tous les bourgeois armez bordoyent, délibérez de leur faire des salues de mousquetades drues comme gresles. »

En effet, une seule pensée anime les Liége; enfants, vieillards, riches, pauvres, femmes, filles, de toutes conditions, volent aux remparts de Ste-Walburge et y luttent de courage et d'héroïsme.

L'évêque, présent partout où le danger est le plus imminent, anime les uns par la parole, exalte les autres par l'exemple de la valeur et du travail. Une pluie de traits et de matières combustibles est lancée sur les assiégeants. Mais tout-à-coup un bruit nouveau se fait entendre dans Liège; ce sont les braves Franchimontois et les Lognards (104) sous le commandement du capitaine Mondragon qui viennent au secours de la capitale. Leurs tambours battent la marche espagnole; le prince d'Orange, qui s'imagine que c'est le duc d'Albe lui-même qui arrive, se hâte de lever le siege. La direction de sa retraite est indiquée par les flammes; il incendie les abbayes de St-Laurent, de St-Gilles, du Val-Benoit, ainsi que les faubourgs et les maisons de campagne situés à l'ouest et au sud de la ville. Les Liége se mettent à sa poursuite; ceux de ses soldats qui sont pris sont tués sur place et jetés dans les houillères.

Béatrix Delvaux, belle et grande personne, fille d'un paysan de Vottem fut .surprise par un cavalier de cette armée (bourguignon de naissance) dans un chemin écarté. Seule, abandonnée à la brutalité de ce soldat, elle eut l'adresse de le faire passer près d'une bure découverte (105), où elle le précipita, et qui depuis retint le nom de fosse au bourguignon. La jeune fille revint triomphante montée sur le cheval de son ravisseur (105).

1613. La chapelle de Ste-Walburge bâtie par Ste­Begge et l'hôpital St-Guillaume qui lui était adjacent, tombant en ruine, et les habitants de ce faubourg se plaignant de ne pouvoir assister à l'office divin comme étant trop éloignés de leur paroisse (St-Servais), Pierre Stewart, grand-vicaire de Liège, fit abattre ces vieux édifices et construire en leur place l'église que nous y voyons maintenant; il la dota de ses deniers. Neuf ans après, le même Stewart fonda un couvent de sépulcrines pour l'instruction de la jeunesse à côté de cette nouvelle église, qui devint commune aux religieuses et aux habitants (107).

A ce couvent de Ste-Walburge se rattache une histoire tragique que j'ai souvent ouï raconter dans rua jeunesse. On en avait fait le sujet d'une légende qui se chantait sur un ton lamentable. Je ne me rappelle que les premiers vers de cette légende, qui commençait ainsi:

Houté terto, brickteux et itou houyeux

L'complainfe del beguenne di Saint-Wabeux;

Kom maliehgnant pér fi retroelé,

Po lamour d'on jônai di Borlé.

Un jeune homme de Borlé vint un jour à Liège, près de son oncle, qui avait amassé quelque fortune dans son emploi de préposé à la douane. Celui-ci étant célibataire, fournit à l'éducation de ce neveu qui, doué d'heureuses dispositions, répondit par de rapides progrès aux bontés de son parent. Après avoir terminé ses humanités comme on les faisait alors, il entra en qualité de clerc chez l'échevin N............ Cet homme, dur, et hautain, inflexible comme un juge criminel, était père d'une fille intéressante, nommée Lambertiné. Elle n’avait pu voir le jeune clerc sans être sensible à son mérite; mais non moins sage que modeste, Borlé (ainsi le nommerai-je) ne se doutait pas même de l'impression qu'il avait produite; cependant son coeur ne resta pas toujours indifférent. Bientôt les deux jeunes gens brûlèrent en secret l'un pour l'autre sans oser se le dire; mais la facilité de se voir et de se parler amena enfin des aveux réciproques; l'amour le plus violent embrasa leurs âmes, et il ne fut plus un mystère. L'austère échevin chassa son clerc, accabla sa fille de reproches et la confina dans sa chambre. Entier dans ses volontés, il lui offrit l'alternative d'épouser l'homme qu'il venait de lui choisir ou de prendre le voile. Lambertine aima mieux s'ensevelir vivante dans un cloître que de parjurer son amour; elle alla donc chez les sépulcrines de Ste-Walburge.

Mais tandis que, retirée dans sa cellule, elle arrosait de larmes sa couche solitaire, tandis qu'elle regrettait son amant et la funeste précipitation qu'elle avait mise à s'en séparer pour jamais, Borlé, sombre et mélancolique, ne sortait de la maison de son oncle que pour parcourir les environs de l'asile où respirait celle qu'il n'osait nommer, mais qui lui était plus chère que la vie. Seul et toujours plonge dans la rêverie, il n'aimait que les lieux les plus déserts. Là, loin du commerce des hommes, il consumait ses jours en pleurs et en regrets, quand enfin, poussé par un désir irrésistible, il conçoit le hardi projet de revoir encore une fois celle qu'il aime. II s'informe de la chambre qu'elle habite, il franchit les murs de l'enceinte du couvent, il est sous les fenêtres de Lambertine. La jeune récluse a entendu la voix de son amant, elle y répond par des paroles d'amour. Fuir, quitter ce séjour de douleur, vivre l'un pour l'autre, est le serment que fait ce couple malheureux. Le lendemain, Borlé revient avec des limes; il les attache à un cordon que Lambertine a laissé descendre. La cellule de celle-ci n'est entourée que de vieilles religieuses qui d'ailleurs n'ont aucun soupçon. Après huit jours de travail, les barreaux de la fenêtre sont sciés; le moment de la fuite est arrivé, une nuit obscure semble favoriser la téméraire entreprise des amants. Borlé place une échelle contre le mur: hélas! elle est trop courte, elle n'arrive pas jusqu'à la fenêtre. La nécessité rend inventif; il a aperçu de grosses pierres dans le jardin, il les roule au pied du mur, il établit son échelle sur cet appui. O bonheur! elle arrive à la hauteur voulue.

Lambertine quitte sa cellule; les battements de son coeur lui disent qu'elle va se réunir à son amant, les ténèbres l'empêchent d'apercevoir le danger qu'elle court. Ses pieds atteignent le premier échelon; déjà elle en a descendu deux.., trois... Soit émotion, soit défaillance, ses mains lâchent les montants... elle chancelle, elle jette un cri perçant, elle tombe.., et sa tête vient se briser sur les pierres amoncelées! Son amant la relève. Hélas! elle n'a plus même un soupir à lui donner!

Quelle épouvantable situation que celle de Borlé! Le cadavre mutilé de sa maîtresse est gisant à ses pieds; s'il ne fuit, une mort infâme l'attend; l'asile des vierges sacrées profané par le rapt de l'une d'elles, c'est un crime qui ne peut être expié que par la roue! Il songe à son oncle, à sa famille: il s'éloigne rapidement de ce lieu d'horreur.

On ignore comment cet infortuné finit ses jours; les uns disent qu'il alla se précipiter dans une bure; les autres, qu'il s'embarqua pour, les pays lointains. La version la plus accréditée est qu'il se réfugia chez les trapistes. Ce qui semble le confirmer, c'est que deux ans après l'évènement, on vit ses frères et soeurs prendre le deuil sans que l'on eût appris la mort d'aucun de leurs parents, et qu'à l'église de Borlé on célébra une messe pour, le repos de son âme.

La complainte dont j'ai parlé plus haut se terminait ainsi :

D'hans por lu Pater, ave:

Requiescat in pace

1613. Les jésuites anglais viennent à Liège; ils établissent leur superbe et célèbre collège près des remparts de la citadelle, au lieu dit Fanen-champ ou Fané-champs. Des nobles anglais et le prince régnant, Ferdinand de Bavière, en font les frais.

Pendant 61 ans, la montagne Ste-Walburge n'est plus le théâtre d'aucun fait remarquable. L'étude des beaux arts, que l'on enseigne à l'académie anglaise, l'exploitation des mines de charbon de terre, la culture des champs et des vignobles ont remplacé les scènes de désolation qui trop souvent en avaient ensanglanté le sol.

Vers la fin de 1620, un jeune homme d'Utrecht, nommé Hersin, vient habiter Liège. Couvert du manteau de l'hypocrisie, il y sème la discorde par des accusations qui inculpent Maurice, prince d'Orange, Justin, comte de Nassau, le prince de Sedan, le comte de Bellejoyeuse, Etienne Strecheis, évêque de Dionisi, suffragant de Liège (108), et quelques notabilités bourgeoises. A l'entendre, il ne s'agissait de rien moins que de faire main-basse sur les principaux patriciens de la ville et d'y introduire le nouveau culte. Les hauts personnages que je viens de citer repoussaient cette accusation avec mépris; pourtant un nommé Bassinier et Hardy en furent les victimes. Les délations de Hersin étant reconnues mensongères, le peuple, qui passe si facilement d'une extrémité à l'autre, le cherche pour le sacrifier aux mânes des deux innocents. Il s'était réfugié dans le couvent des Croisiers, où il avait demandé qu'on lui donnât l'habit de l'ordre; on l'en arrache. Conduit devant les magistrats, il avoue que les accusations étaient fausses et qu'elles lui avaient été suggérées. Il est condamné à être décapité sur un échafaud, vis-à-vis la rue Neuvice; sa tête est exposée sur une perche au-dessus de la porte de Sainte­Walburge (109).

Je passe sous silence le règne de Ferdinand de Bavière, qui ne fut qu'un long orage. Son coadjuteur, Maximilien-Henri, arrive sur la scène politique; la montagne Ste-Walburge en tressaille; le génie de la guerre va convertir ses côteaux fertiles en fossés, sa cime fleurie en place forte.

1650. - Les Liége voient accroître leurs maux par un réglement militaire de l'Évêque, qui leur impose l'obligation de nourrir, de loger et de payer les soldats étrangers qu'il avait pris à son service. Il conçoit le projet de bâtir une citadelle. Sa volonté est un ordre. Par pure forme, il consulte les États; la noblesse seule fait des objections, qu'il repousse avec dédain et hauteur; de plus, il fait interdire aux nobles l'entrée de la cité et ordonne de faire feu sur eux en cas de résistance. Le grand prévôt du chapitre, qui désapprouvait la construction de la citadelle et le grand nombre d'impôts dont on accablait le peuple, est arrêté et conduit prisonnier à cette même citadelle, puis exilé au delà du Rhin. « Telle était sa manière d'applanir les difficultés. Ce prince avait le despotisme dans la tête et des milliers de bras à son service. (110) ».

L'exécution des travaux de la citadelle se poursuit; les paysans de la banlieue sont contraints d'y travailler; la moisson les rappelle aux champs, les bourgeois pliés sous la tyrannie les remplacent dans cet humiliant travail. La ville gémit et se plaint des exactions des troupes étrangères; Maximilien répond à ces plaintes par une ordonnance qui enjoint de suspendre le payement des rentes et de verser dans sa caisse l'argent dû aux créanciers. Les habitants crient vainement à l'injustice; les soldats allemands, qui ne reçoivent pas leur solde, se mutinent et pillent les maisons; le prince en fait arrêter neuf, que l'on promène sur les places publiques un écriteau au dos. - Le lendemain, au point du jour, on trouva les corps de ces pillards pendus aux grillages de fer d'une fenêtre (111).

1650. - Les ouvrages de la citadelle se continuent avec la plus grande activité. Au mois de juin de l'année suivante, les casernes sont achevées, les soldats mercenaires vont s'y établir; le lieutenant-colonel Amand est nommé commandant de la place.

1651. - Pierre de Bex, issu d'une famille patricienne, élu pour la quatrième fois bourgmestre en 1647 (112), était chéri du peuple, dont il avait toujours été le plus ferme appui sous le règne précédent; cette popularité avait été pour lui un titre de proscription. Le vieillard octogénaire passait les derniers jours de son honorable vie à Herstal. Le 4 de février, au mépris des lois, il est amené à Liège chargé de chaînes. Bex pouvait obtenir sa grâce; mais Maximilien voulait qu'il la lui demandât. Bex résista aux larmes, aux supplications de ses enfants et de ses amis; il aurait cru flétrir son grand caractère en demandant pardon d'un crime qu'il n'avait pas commis: il tendit héroïquement la tête sur les degrés de St-Lambert, vingt-deux jours après son arrestation. Avec lui expirèrent en quelque sorte toutes nos libertés publiques (113).

1658. - Ainsi que nous l'avons déjà dit, les Liége souffraient impatiemment une forteresse qui était pour ainsi dire suspendue comme un glaive au-dessus de leur tête, et qui n'avait été élevée que pour les opprimer, quand, au mois de septembre, le seigneur De Marets, chanoine de l'église d'Aix-la-Chapelle, forma le dessein de surprendre la citadelle. II associa à son projet deux hommes de caractère et de resolution, Léonardi et Barazet. Leurs conférences se tenaient chez un nommé Libert, « al taverne de l'agasse aux pieds des vignes à l'opposiste de Sainct Thomas (114). » Les conjures se confient à leur hôte; mais celui-ci court les dénoncer à l'abbé de St-Gilles son parent. La maison est cernée; on y trouve quinze individus à moitié ivres, jouant aux cartes. Ils se défendent néanmoins; le fils du traître cabaretier tombe sous leurs coups. De Marets, le chef de la conjuration, s'était caché chez le trésorier du prince, le sieur de Coninck: il y est saisi, puis mis à la torture, et décapité sur le marché; sa tête, plantée sur une pique, est placée sur le rempart de la citadelle donnant sur la ville. Léonardi est décelé par deux femmes perfides prés desquelles il s'était réfugié rue Table de Pierre. Le mayeur Germeau investit sa retraite; Léonardi se défend et blesse le mayeur d'un coup de dague; celui-ci riposte en lui plongeant sôn épée dans le coeur; mais enfin Léonardi succombe. Son cadavre est porté sur un échafaud; on en sépare la tête et un bras; le tronc est accroché par un pied à un gibet près de la porte Ste-Walburge; la tête est mise au-dessus de la porte d'Amercoeur (115). Non moins malheureux, Barazet, qui s'était caché dans la tour de l'église St-Jacques, sous la protection du portier de cette abbaye, y est découvert et porte également sa tête sous la hache du bourreau.

Ainsi se termina cette conjuration à l'occasion de laquelle les partisans du prince firent le chronogramme suivant:

LA CONSPIRATION DV TRAITRE MARETS (116).

1659. - Le 6 juin, toute la ville est en émoi: les portes restent fermées jusqu'à dix heures du matin: les postes sont doublés; les canonniers de la citadelle, mèche allumée, braquent leurs canons sur la cité. Chacun se demande le motif de cet appareil militaire. Était-on menacé d'un danger imminent? Non; mais les Carmes-en-île se battaient entre eux: leurs cris, leurs vociférations avaient porté l'alarme dans tout le voisinage. Sans doute ces religieux étaient d'humeur belliqueuse car quatre ans auparavant, ils s'étaient battus à outrance et leur combat avait donné lieu au chronogramme qui suit:

LE GRAND VACARME.

Mais la mêlée fut plus sérieuse cette dernière fois; grand nombre des combattants furent grièvement blessés.

1672. - Les événements du règne de Louis XIV, qui s'amoncellent et qui courent comme les eaux d'un torrent, nous conduisent à une époque désastreuse pour notre pays et dont le souvenir seul rappelle l'orgueil insatiable du prince qui fut nommé le grand roi. La Hollande, qui se reposait sur la foi des traités, est envahie par les troupes françaises. Louis XIV en commence la conquête en pirate; ses armées pénètrent dans les Pays-Bas; la Campine, la Hesbaye, le Condroz sont mis à contribution; nos villes fortes sont démantelées aux frais de leurs habitants; les Français incendient les propriétés que l'on ne peut racheter à prix d'argent (117). Ils font sauter les fortifications de Tongres et brûlent cette ville après l'avoir pillée, (le 21 novembre 1673) (118).

Tandis que ces cruels étrangers exercent ainsi leur rapine et leur brigandage jusque dans nos faubourgs, l'égoïste Maximilien, par le conseil du comte de Berloo, fait abattre la plus grande partie du magnifique boulevard de Ste-Walburge, sous prétexte que l'on pourrait y établir une batterie contre la citadelle. Malgré les supplications des bourgeois, cette partie de la ville demeure exposée à la première agression de l'ennemi: on ne laisse à cette porte que la voûte; mais en revanche on augmente les ouvrages extérieurs de la citadelle, et on la fait contreminer (119).

1675. - Ainsi que nous l'avons dit, le commandement de la place était confié au colonel Amand; on le lui ôte pour en investir le baron de Vierset, qui se déshonore en livrant la forteresse aux Français. Ceux-ci y entrèrent dans la nuit du 25 Mars 1676, à la lueur des flambeaux, au nombre de 1500.

La fermentation fut grande à Liège quand on apprit la trahison de Vierset. Le bourgmestre d'Ans fait des efforts pour engager la bourgeoisie à prendre les armes afin d'expulser les Francais; mais, énervée par le malheur, la cité ne répond pas à cet appel. Le baron de Vierset, pour colorer sa perfidie, prétendit qu'il n'avait eu d'autre but que le bien-être du pays, et la conservation de sa neutralité; mais au même moment, il parut un écrit déclamatoire commençant par ces mots:

ô neutralité! mot dont on fit ainsi l'anagramme: ruine totale (120).

Jamais on ne vit de pays plus à plaindre que celui de Liège à cette époque; au dehors, pillé, volé, brûlé, exposé à toutes les violences des soldats de Louis-le-Grand: dans la ville, déchiré par l'anarchie, accablé par la multiplicité des impôts et par l'affreuse disette des grains (121). L'ordre équestre vient mettre le comble à la misère en se refusant à supporter sa cote-part des contributions. Le clergé suit cet exemple et s'obstine à ne point payer comme les autres le 20e denier. Il ne veut pas même acquitter la faible taxe de neuf sous imposée sur la tonne de bierre; il en charge le peuple, et le peuple paye tout!

A la fin, les magistrats, honteux de leur pusillanimité, rougissent de laisser peser sur la classe travailleuse toutes les charges de l'État; ils déclarent au clergé que, s'il persiste.à ne point vouloir les partager dorénavant, ils sauront le forcer à cet acte équitable.

L'alarme est grande dans ce corps privilégié; il s'assemble au monastère de Saint-Laurent, et après une délibération, il décide que l'on excommuniera les bourgmestres s'ils persévèrent dans leur résolution. En conséquence, il députe deux des siens à la maison-de-ville, pour y communiquer sa sentence. Non seulement on rit au liez de ces deux envoyés, mais on les arrête et on les conduit en prison. Telle était pourtant, la puissance du clergé qu'ils furent mis en liberté le lendemain. Les magistrats ne furent point excommuniés, il est vrai; mais le peuple continua à être seul chargé des impôts (122).

1676. - Les Français se mettent en devoir de démolir la citadelle; Maximilien se hâte d'écrire à Louis XIV: il le supplie de considérer combien la perte de cette forteresse nuira à son autorité sur les Liége. Le roi, qui n'avait plus besoin de lui, ne daigna pas même lui répondre (123).

Le 31 avril, le comte d'Estrade, maréchal de camp, fit sortir de la place la garnison composée de 3,500 hommes; et après l'avoir fait ranger en bataille sur la campagne des Trixhes, il ordonna de mettre le feu aux mines préparées; les fortifications sautèrent avec une partie des vieux remparts. Ensuite, il fit mettre le feu aux casernes et s'empara de toute l'artillerie qui s'y trouvait appartenant au prince, prétendant qu'un pays neutre n'avait pas besoin de canons.

Grande fut la joie des Liége quand ils virent leur HACELDAMA (124) détruit. Ils manifestèrent leur joie par des illuminations. Maximilien envoya trois compagnies de ses troupes pour prendre possession des ruines de la citadelle. Le peuple, à qui la force peut ravir la liberté, sans lui ôter le désir d'être libre, crut l'être alors. Son ancienne énergie se réveille, il chasse de ces débris la cohorte étrangère; toutes les classes de concert, et le clergé lui-même, travaillent à en raser les moindres vestiges (125).

Les Français n'en continuaient pas moins leurs exactions dans la Hesbaye. Ils portèrent même l'épouvante dans la ville, en venant piller les faubourgs Ste-Walburge et Saint-Léonard. C'est ainsi qu'en agissaient ces protecteurs prétendus à l'égard d'un pays neutre. Les excès qu'ils commirent furent si cruels, pendant l'hiver de 1676 à 1677, que les Liége avaient pris la résolution désespérée de transporter leurs pénates en Hongrie (126). Les magistrats parvinrent à les apaiser, en leur faisant espérer un meilleur avenir (127).

Le prince ne se montrait guère à Liège que pour y demander de l'argent, ou pour y frapper de nouveaux impôts. Les sommes qu'il y extorqua sont si exorbitantes que l'on pourrait croire qu'elles sont exagérées, si tous les mémoires de l'époque n'étaient d'accord sur le chiffre (128).

1677. - Liège continuait à être la proie des troubles et de la dissension. Les Français y mettent le comble. Dans la nuit du 27 août 1677, ils sortent de Mastricht pour aIler piller de nouveau la malheureuse ville de Tongres. Avant d'en sortir, ils la livrent aux flammes (129).

1678. - Au mois de Janvier 1678, la garnison hollandaise de Hasseit vient piller et incendier le faubourg Ste-Walburge (130). Les Liége volent au secours de leurs concitoyens et repoussent l'ennemi.

Les Hollandais imposent sur notre clergé une contribution de 9,500 patacons. Cet argent était à peine compté que les Français de Maëstricht sommèrent le même clergé de leur payer 20,000 écus. Ils ne pouvaient plus imposer les bourgeois ni les paysans, auxquels il ne restait rien (131).

Du sein de ces calamités, des hommes pervers, regardant les misères publiques comme le meilleur moyen de sortir de leur obscurité, sèment la discorde et la division dans les esprits. Les ministres du prince attisent en secret le feu de la révolte, pour que leur maître soit dégagé de l'obligation d'accepter un traité de paix qui lui est désavantageux (132).

La division est portée à ce point que les deux partis en viennent aux mains: le pavé de Liège est teint du sang de ses citoyens. Le bourgmestre Remouchamps est brutalement dépouillé de sa magistrature sous le prétexte qu'il est célibataire, et l'on en revêt Henri-Pompée de Macors, seigneur des Trois Fontaines (133), jurisconsulte profond, d'une probité exemplaire, mais d'une bonté portée jusqu'à la faiblesse. Des intrigants surent profiter des ces dispositions pour l'entraîner dans une démarche répréhensible sans doute, mais dont la pureté de ses intentions l'avait empêché de calculer les suites.

1684. - Guillaume-François Renardi, docteur en droit, et Henri-Paul Gilotton, jurisconsulte (134), furent les deux autres chefs des mécontents. Le 17 juin, les deux factions se battirent l'une contre l'autre avec animosité et laissèrent beaucoup de monde sur la place.

Ces trois chefs sentirent enfin la nécessité d'entrer en négociation avec Maximilien. Ils s'adressèrent à cet effet à son premier ministre, Egon de Furchtenberg; mais celui-ci­ne voulut point écouter leurs propositions.

Le peuple, fatigué de cet état anarchique, inconstant par nature et toujours prêt à sacrifier sans miséricorde celui qu'il a déifié la veille, arrête lui-même Macors, Renardi et les autres chefs de l'insurrection, et les livre sans remords aux justiciers du prince. Gilotton et six autres des siens furent assez heureux pour s'échapper par une brêche des remparts de Gravioul.

Macors, retenu prisonnier chez lui, pouvait aussi s'évader; il lui restait une issue libre donnant dans son jardin. On le presse d'en profiter; je ne suis point coupable, dit-il, ma conscience, ne me reproche rien. A l'instant des soldats entrent dans sa maison: il est chargé de fers (135).

Les dignitaires ecclésiastiques, les personnes de la plus haute distinction, demandent la grâce de Macors et de Renardi. Démarches inutiles: Maximilien-Henri est inaccessible à la clémence, leur arrêt de mort est prononcé; le 9 octobre, ces deux magistrats marchent au supplice au milieu d'un bataillon hérissé de bayonnettes; jusqu'au pied de l'échafaud, leurs traits ne laissent paraître qu'une tranquille résignation. Cette exécution répandit un sombre effroi dans Liège. Sans croire les condamnés exempts de reproches, chacun reconnaissait au fond de son âme qu'il n'y avait point de proportion entre le délit et la peine, et frappé de consternation, on se demandait quand finirait ce règne de sang (136).

Le même jour, dans l'après-dînée, Maximilien quitta Visé et fit son entrée à Liège. Ses partisans se hâtèrent d'aller à sa rencontre pour le complimenter. Partout on avait allumé des feux de réjouissance, (ardent undique ignes festivi), tandis que les parents et les nombreux amis des deux infortunés bourgmestres pleuraient leur mort, lugentibus parentibus et amicis proefatorum, dit l'abbé Bouxhon, auteur contemporain (137).

1685. - Maximilien, ne rêvant que moyens coercitifs à employer contre les Liége, n'écoute ni les représentations ni les prières des divers corps de l'État; il s'empresse de faire relever la citadelle comme elle était avant sa demolition. Non content de cela, il fait bâtir, au milieu du pont des Arches, un fortin armé de canons, qui commandait aux deux grandes parties de la ville que sépare la Meuse.

On donnait à cette petite forteresse, qui n'a été abattue qu'en 1789, le nom de Dardanelle. On en fermait la porte aux mêmes heures que les autres portes de la ville, et l'on interrompait ainsi pendant la nuit la circulation d'un quartier à un autre. Le guichet seul restait ouvert jusqu'à 11 heures du soir.

Sur une pierre incrustée au-dessus de l'arceau de la voûte de la porte, on lisait ce distique en lettres d'or

Discite pacalo sub principe vivere, cives;

Seditio culpa nulla carere potest.

1688. - Henri-Maximilien de Bavière meurt enfin (138); son successeur, Jean-Louis d'Elderen, réintègre la veuve de Pompée Macors dans les prérogatives accordées aux veuves des bourgmestres.

1689. - Le bon, le vénérable Louis d'Elderen apporte le plus grand zèle à soulager le pays et à le délivrer des persévérantes exactions des Français. A cet effet, il députe le comte de Groesbeck près du cabinet de Versailles et parvient à conclure avec le marquis de Louvois un traité dans lequel il est arrêté:

« Que la citadelle de Liège sera rasée; que les bastions et courtines qui sont du côté de la campagne seront démolies. Qu'à l'égard du côté de la ville, les bastions, courtines, demi-lunes et chemins couverts, seront entièrement raz-de-terre, à la réserve d'un de ces bastions qui pourra demeurer de ce côté là, fermé par la gorge pour servir de réduit aux troupes de monsieur de Liège. »

Aussitôt, y est-il dit encore, que l'on aura fait jouer les fourneaux sous les quatre bastions de la citadelle, les troupes du roi se retireront de Huy et des autres places qu'elles occupent dans le pays de Liège (139)... »

Quinze jours après, la citadelle, pour la construction de laquelle on avait ravi le denier du pauvre et de l'orphelin, fut en effet rasée suivant les clauses du traité.

Tandis que Louis XIV fait un désert du Palatinat (140); qu'il ordonne à ses généraux d'y réduire tout en cendres; qu'on en détruit les villes, les châteaux, les villages; que les vieillards, les femmes et les enfants, errants et fugitifs, sont poursuivis par le fer et la flamme; que les murailles de Besançon s'écroulent, l'Alsace et la Lorraine sont aussi la proie de l'incendie (141); les princes de l'empire, justement alarmés, et révoltés de ces horribles attentats, prennent unanimement le parti de déclarer la guerre à la France. L'empereur donne ordre à tous les princes de la publier dans leurs États. Malgré les remontrances des Liége, qui, avec raison, démontrent qu'ils en seront les premières victimes, ils sont forcés à cette déclaration par les Hollandais, qui, maîtres de la Chartreuse, menacent de bombarder leur ville, s'ils n'obtempèrent pas à la volonté de l'empereur. Louis XIV accable le malheureux pays de Liège du poids de son courroux: il confisque partout les biens de ses habitants et frappe d'énormes contributions: les villes et les villages qui ne peuvent les payer sont livrés aux flammes.

1691. - A l'approche des armées françaises, quelques régiments de troupes alliées se jettent dans Liège. Le marquis de Boufflers traverse le Condroz et prend position à la Chartreuse, après en avoir renversé les murailles à coups de canon. Il bombarde la ville: toutes les maisons comprises depuis la rue Hongrée, en suivant la Meuse, jusqu'au pont des Jésuites (142), et à partir du grand marché jusqu'au pré St­Barthélemi (143) sont culbutées, ainsi que l'hôtel-de-ville et l'église Ste-Catherine. D'autres quartiers eurent également beaucoup à souffrir, et entre autres les deux hospices du Coignon, Beaufraipont, la Boverie et toutes les maisons de campagne d'Angleur et de Chênée (144).

Jean-Louis s'était retiré dans le bastion de la citadelle. Ce fut une chose bien douloureuse pour ce bon prince que d'avoir ainsi sous les yeux le triste spectacle de la ruine de sa capitale et de ses habitants.

Le comte de Lippe vient au secours de Liège; les Français en abandonnent les remparts ébréchés, qui sont tout de suite réparés sous la direction de l'ingénieur hollandais Cohorne.

Les troupes alliées viennent établir leur quartier d'hiver dans la ville et mettent le comble à sa misère.

1694. - Notre bon évêque d'Elderen meurt (145). Joseph-Clément de Bavière monte sur le siège épiscopal de Liège.

1701. - La guerre se rallume; les Liége, qui se rappellent avec effroi leurs calamités dernières, supplient leur nouveau prince de demeurer neutre. Il ne leur répond que d'une manière évasive, et bientôt il reçoit les Français dans son électorat de Cologne. Le 21 novembre, ils sont introduits dans notre citadelle; et le lendemain, ils occupent les postes de la ville. Le baron de Méan, doyen de la cathédrale, homme de grand sens, de probité, et jouissant d'une haute influence sur l'esprit de ses compatriotes, se récrie contre cette violation du droit des gens. Les Liége commençaient à murmurer, quand, à l'issue des vêpres, un officier de police, escorté d'un peloton de grenadiers français, arrête Méan et le conduit à la citadelle, où il est lié et garotté sur un cheval. Dans cet état, on le fait partir sans pitié au grand trot pour Namur; de là, il est transféré dans une des tours du château d'Avignon, où il est gardé à vue pendant huit mois. Après bien des aventures qui ne sont point de mon sujet, sa santé étant altérée au point que l'on craignait pour ses jours, il lui fut permis de venir mourir à son château d'Atrin en Condroz (146).

1702. - Le 20 septembre, le duc du Maine et le maréchal de Boufflers viennent passer la revue de la garnison de la citadelle; ils y ordonnent quelques nouveaux ouvrages de défense, et en confèrent le commandement au chevalier de Violaine.

Le 13 octobre, le duc de Malborough, généralissime de l'armée des alliés, se présente devant la ville; les Français se renferment dans la citadelle et dans la Chartreuse fortifiée; les bourgmestres s'empressent d'envoyer une députation au duc pour solliciter une capitulation, qui est accordée le lendemain (147).

Mais, tandis que l'on rédigeait cette capitulation, le chevalier de Violaine brûlait le faubourg Ste-Walburge, et le commandant du fort de la Chartreuse, celui d'Amercœur.

Le 21, à deux heures du matin, les alliés entrèrent dans Liège sans faire aucun acte de violence contre les habitants; la citadelle fut à l'instant investie et canonnée avec vigueur. La tranchée étant ouverte, une attaque simulée fut faite vers Sainte-Walburge, pendant quoe l'on montait à l'assaut à la contre-escarpe du côté du Péry. Cette place fut prise le 24 à trois heures après-midi; le fort de la Chartreuse se rendit au premier coup de canon (148).

1704. - Un corps de troupes françaises, commandé par le général Villeroi, pénètre dans la Hesbaye, prend Huy et vient se montrer sur les hauteurs de Liège; il y entre, mais il n'ose attaquer la citadelle, où se trouvait une garnison nombreuse.

1712. - Les Hollandais, sous les ordres du comte de la Leek, commandant la place de Liège, prennent possession de la citadelle. Contrairement à toute espèce de droit, ils s'obstinent à s'y maintenir. Mais après beaucoup de pourparlers et de mémoires adressés à l'empereur, les États-généraux abandonnent enfin leurs prétentions, ils évacuent la place dans le courant de l'année 1714, et n'y laissent qu'un petit détachement pour la garde des effets militaires.

1718. - Les fortifications extérieures de la citadelle sont entièrement démolies (149). Elle ne fut plus occupée dès lors que par le régiment national Liége, qui en prit possession le 1er septembre 1718.


(1) Manuscrit N° 5, pag. 86.- Bouille, Histoire de Liège, tom. 1, pag. 36.

(2) Annales du pays de Liège, pag. 19.

(3) Bouille, Hist.de Liège, tom. 1, pag. 142.

(4) Loyens, histoire héraldique, etc., pag. 42.

(5) Villenfagne. (Inédil)

(6) Dictionnaire géographique de la province de Liège. Bruxelles, 1831.

(7) Manuscrit N° 1, pag. 184,

(8) Miroir des nobles de la Hesbaye, première édit. pag. 312.

(9) Loyens, Recueil héraldique, pag. 541.

(10) Depas. clerc des 12 seigneurs, continuateur de jean dt Slavelot. (inédit)

(11) Les Delices du pays de Liège, tom, 4 p, 141,

(12) Loyens, pag. 540.

(13) Edition de Jalheau, pag. 169.

(14) Foullon, Iibr, 5 ,N° 11.

(15) Hocsem. cap. 3.

(16) Foullon. lib. 5. cap. 4. n° 18.

* On appelait ainsi la cloche militaire.

** Nom que portait l'Évêque jusqu'à ce qu'il prit les ordres.

(17) Manuscrit n°5, pag. 207

II fut maitre de la cité en 1253 avec Jean Germeau, Loyens, Rec. Herald. P. 17.

(18) Paix de Bierset.

(19) Manuscrit n° 5, p. 285.

(20) Histoire de Liège, tom. 2, pag. 283.

Ils furent aussi enterrés dans les jardins, dans les champs; quantité de cadavres furent même abandonnés sans sépulture aucune, ce qui engendra de grandes maladies. Manusc. N° 5, p 290.

(21) Melart, histoire de Huy, pag. 150.

(22) Hemricourt, Miroir des nobles de la Hesbaye. pag. 343; et Loyen pag 19

(23) Gône: abréviation d'Aldegonde,

(24) Manus, de Depas, Melart, Foullon, Bouille et autres histor. Liége.

(25) Wilhelme delle cange fondat l’ospital delle porte Ste-Walburge. Hemricourt, Miroir des nobles, p. 214.

(26) L'hospice des coquins fut fondé l'an 1133 par trois frères issus de la famille connue sous le nom de Coquin, qui portait un coq sur la cime de ses armes. - Supplément à l'histoire du pays de Liège, par Ernst curé d'Afden.

(27) Martène, Ampliss. collect, t. 4, p. 1112.

(28) « En 1263, on vit à Liège, dit l'historien Bouille (t. 1. p. 293), un événement singulier. L'Évêque (Henri de Gueldre) étant tombé malade, les échevins qui étaient en autorité s'émancipèrent (on ignore par s quel mouvement) de lever quelques impôts, sans l'intervention de l'Évêque ni des États. Ils avaient recueilli une somme considérable, et s s'étaient retirés à quatre pour la répartit entre eux dans une maison à une petite distance du pont d'Avroy, lorsque, ayant vuidé les bourses il survint tout-à-coup un orage accompagné d'éclairs et de foudres dont ils furent écrasés sans que l'argent fût touché. Cela étant venu â la connaissance de l'Évêque, il se saisit des deniers, qu'il employa à faire bâtir l'Hopital dit Tirrebourse, qui sert aujourd'hui à retirer les anciennes et infirmes béguines de St-Christophe. »

(29) Il est un autre testament de la même époque, c'est à dire de 1336, que la commission des hospices a fait imprimer comme un monument curieux du langage que l'on parlait alors à Liège; c'est celui de la fondation de l'hopital de la Mère-Dieu, dit Mostard, en la rue du Pont; il commence par ces mots: « A tous féables en Jesus-Christ qui verront cette présente escripte, Johan Mostard citain de Liège, et Maroy sa neeche, damme Magrey jadis sa sereure, salut .... avons de nos biens desseur escripte, fondeit et fondons perpétuellement de premier fondement un hospitale, voir, je Johan Mostard de ma maison quonsdit delle Hamale seante en la paroche St-Andrier en Liège en la rue quonsdit del Pont, joindant allé postiche delle maison quonsdit delle belle coisse, d'une parte et la maison messir Johan de Lardier, chevalier eschevin de Liège d'autre parte, est l'honneur de Dieu le père Omnipotent, et la pieuse Mère nostre damme sainte Marie, por ens hesberger de nut tous pauvres trespassans, deuentrains et afforains et faire à eaux oeuvres de piteit et misericorde et cariteit selon la possibiliteit du lieu et de ses biens, a quelc hospitale qui sera appellé le hospitale la Mère-Dieu delle rue du Pont, etc. »

(30) Abrégé chronologique de l'histoire de Liège, p. 67.

(31) Le 10 juillet 1390.

(32) Voyez Promenade à Russon.

(33) Depas. - Règne de Jean de Bavière.

(34) Histoire de Liège, tom. 2, pag. 46.

(35) Fisen. Historia Ecclesiae Leodiensis part. 2. lib XII.

(36) Voyez Piccolomini.

(37) Bouille , tom. 2, pag. 52.

(38) Fisen, Hist. eccl. Leodiensis. Part. 2, lib. XII.

(39) Heinsberg, Évêque de Liège, qui avait abdiqué l'épiscopat en faveur de Louis de Bourbon, était un homme de plaisirs et d'un grand luxe. Il passa une partie de sa vie à la cour de Bourgogne, la plus magnifique et la plus galante du siècle. La médisance avait, à Liège, porté fort loin ses soupçons sur le compte de ce prélat et d'Isabelle de Portugal, troisième femme de Philippe-le-hardi; et la naissance de Charles-le-téméraire, deux ans après, n'y fit point diminuer ces soupçons. (Annales du pays de Liège, p. 197.)

(40) Melart, Histoire de Huy, pag. 254.

(41) Le 1 août 1466.

(42) Philippe de Commine, tom. 2, pag. 77.

(43) De Barante, Hist. des ducs de Bourgogne, tom. 16, pag,, 317.

(44) Louvrex, tom. 1, p.34.

(45) Bouille, Hist. de Liège, t. 2, pag. 114.

(46) « Messire Raës de la Rivière, seigneur de Hers , Lintre, etc. chevalier, fut créé maître de la cité de Liège en 1463. C'est sur cette famille que s'est entée celle des comtes d'Arschot d'aujourd'hui.

(47) Bouille, tom 2, page 122.

(48) Manuscrit N° 2, pag. 300.

(49) Melart, Hist. de Huy, p. 256.

(50) Loyens, Recueil herald, pages 165 et 175.

(51) Ou le nommait ainsi parce qu'il était gardé par le collége des chanoines. Lovens. pag. 5.

(52) Philippe de Commines, tom, 1. pag. 85.

(53) Bouille, Hist, de Liège, tom. 2, pag. 132.

(54) Villenfagne, Recherches sur l'histoire de la principauté de Liège tom. 2, pag. 172.

(55) Le principal agent de nos malheurs (I), Raës de Hers, quitta les champs de Brusthem pour se réfugier à Montjoie, et de là en France, où sa famille alla le retrouver. Pentecôte d'Arkel, son épouse, partageait toutes ses idées révolutionnaires. Douée d'un courage mâle, on la vit souvent, à la tête des partis, affronter les plus grands dangers. Le château de Hers qui lui appartenait fut réduit en cendres par les Bourguignons. La majeure partie des terres de cette seigneurie fut donnée au sire d'Imbercourt leur général. Après un an et demi d'exil, Raës de Hers revint au pays de Liège, ayant à sa suite un grand nombre d'expatriés et de troupes francaises. Guillaume de la Marck, qui venait de faire sa paix avec Bourbon, marcha à sa rencontre avec un corps d'hommes armés à la hâte. De Hers protesta qu'il n'avait aucune intention hostile, qu'il désirait simplement rentrer dans ses propriétés et y vivre paisiblement (II). Sa demande lui fut accordée à condition que lui et les siens quitteraient leurs armes, et que lui de Hers demanderait pardon à genoux à l'Évêque. « Ce qu'il fit, considérant que quereller estoit sotisse; par ce moïen, fut rétabli, repatrié et remis dans ses biens (III). » De hers, désenchanté des vanités du monde, revint dans sa maison, place St-Pierre (IV). Il ne jouit pas longtemps de la douceur de ses pénates: le chagrin que lui donna une fille adorée, en se mésalliant avec un parisien, mauvais homme et de machination (V), le précipita dans la tombe presque subitement, le 8 décembre 1477 (VI). Ses restes furent transportés avec éclat dans la chapelle seigneuriale de l'église de Hers, sépulture de ses ancêtres.

(I) Melart, Hist. de Huy, p. 259.

(II) Melart, pag. 271 et suivantes.

(III) Melart, pag. 272.

(IV) Maison appartenant aujourd'hui à Mde veuve Duckers, d'après ce que m'a assuré feu son mari.

(V) Manuscrit N. 5, Pag. 170.

(VI) Loyens, Recueil héraIdique, pag. 595.

(56) Fisen, part. 2, libr. 12, N° 4.

(57) « Couvert d'un riche halecret et armé tout d'or, monté sur un cheval pompant sous lui. »

(58)Le duc ne voulut pas entrer à Liège par la porte, il fit démolir vingt brasses de mur et combler le fossé pour passer par la brèche. Il était en grand appareil de guerre, et portait par dessus son armure un manteau couvert de pierreries. II tenait l'épée nue et marchait au petit pas. Chaque habitant avait commandement de se tenir devant la porte de sa maison, la tête découverte, et une torche à la main... » - De Barante, Hist. des ducs de Bourgogne, tom. 17, pay. 86.

(59) Pin rond, (Pinus rotunda), armoiries de la ville.

Recta, rotunda, tenaxque boni fert Legia pinum - Annales du pays de Liège.

Sur un socle, formé de plusieurs marches en pierres, s'élevait une colonne en cuivre soutenue par quatre lions et couronnée d'une pomme de pin surmontée d'une croix épiscopale.

L'origine du perron a donné lieu à différentes opinions dont il serait trop long de discuter ici le plus ou moins de justesse. Les lettres initiales L. G., que l'on y remarquait, signifiaient, selon quelques uns: Libertas Gentis, tandis que les autres les expliquent par le mot Leqia. La première opinion est celle de la plupart de nos historiens. Dans les temps de troubles, le perron fut souvent érigé par le peuple comme le symbole de sa liberté. » - Annuaire de la province de Limbourg, de 1829.

« Ce perron, qui était des plus artistement faits, avait un pied de diamètre; au-dessus était une balustrade où il y avait une pomme de pin surmontée d'une croix, autour de laquelle paraissaient trois figures nues, représentant des paillards des deux sexes, pour marquer la juridiction qu'avait pour lors le magistrat de faire punir par les verges ceux qui l'avaient mérité. Ces verges que l'on y voyait y avaient été ajoutées l'an 1433.

Il est à remarquer que la balustrade, la croix et la pomme de pin, avec les figures de cette colonne, étaient ci-devant toutes de pierre, et qu'on les transforma en cuivre. »

Rapporté de Bruges dans les premiers jours de juin 1478, on s'occupa à l'instant de le replacer sur la fontaine du marché où il resta jusqu'au 9 janvier 1693 qu'il fut renversé.

En 1696, les bourgmestres firent réparer la fontaine et le perron, sur le dessin de notre célèbre Delcour, comme nous le voyons de nos jours. - Loyens, Recueil héraldique.

(60) Elle fut possédée ensuite par l'échevin Masset, qui la vendit à la fa mille Gouverneur. Je lis dans un de nos manuscrits (I), que « l'an 1667, le 15 mars, environ une heure et demie après minuit, un feu de mêches s'étant pris au foin qui était sur un bateau sous le Pont d'Ile, embrasa les deux maisons de l'un et de l'autre côté du pont et cinq ou six voisines avec grande perte de meubles et marchandises. Toutes les personnes s'étant sauvées, Toussaint Gouverneur rentra dans sa maison pour en vuider quelques tonnes de poudre, et fut envolé de l'autre côté de la rivière. »

En reconstruisant cette maison, on l'a réunie sans doute à d'autres qui lui étaient contiguës. Quoi qu'il en soit, elle était encore habitée par deux demoiselles Gouverneur en 1720 (II). Elle devint ensuite la propriété du marchand d'armes Niquet, père de l'ancien receveur de la ville, mort en 1823, à l'âge de 81 ans (III), à qui le père de M. l'imprimeur Latour d'aujourd'hui l'acheta.

(I) Manuscrit signe de José, pag. 448.

(II) Loyens, Rec. héraId. p. 177.

(III) C'est de ce vieiIlard que je tiens ces renseignements.

(61) Loyens, Rec. Herald. pag. 177.

(62) Villanus insigni prudentiâ et fortitudine vir militiae Tungrorum... Foullon

(63) Les dits ambassadeurs avoient si bien diligenté qu'ils avoient ja fait un grand amas et vindrent d'emblé prendre la ville de Tongres où estoit l'évêque de Liège et le seigneur d'Imbercourt. - Philippe de Commines, tom. 2, p. 106.

(64) Voyez Promenade à Russon.

(65) Bouille, Histoire de Liège, pag. 150.

(66) Le légat conjura le duc avec larmes d'épargner la ville, il ne lui fit d'autre réponse que de lui dire: que les biens et la vie des Liége étaient entre ses mains. » Bouille, Hist., de Liège, tom. 2, pag. 154.

(67) Hôpital St.-Georges dit Bayard, bâti en 1726, - où on plaçait les vauriens et les mauvais sujets, que l'on faisait travailler à confectionner des étoffes de laine.

(68) Philippe de Commines, tom. I, pag. 120.

(69) Cette maison des quatre tourettes existe encore, et donne son nom au chemin qui passe à côté et qui conduit aux petites Roches.

(70) A côté de celle qui existe, encore aujourd'hui plus vers les vignes.

(71) Né très près de ces lieux, j'ai recueilli de bonne heure quantité de renseignements historiques qui s'y rapportent et qui sont demeurés inconnus à nos chroniqueurs, ceux-ci ne s'étant guère donné la peine d'aller les chercher sur place. Vers la fin du siècle dernier, on remarquait encore cher nous un caractère de nationalité qui distinguait les Liége des habitants de toutes les provinces voisines. Les vieillards se plaisaient à raconter les faits et gestes de nos ayeux, qui leur avaient été transmis de génération en génération. On les écoutait avec respect; l'amour de la patrie échauffait les jeunes coeurs, électrisait toutes les âmes; mais depuis 40 à 50 ans, nous n'avons plus de patrie! Les Liége ont payé bien chèrement quelques commodités et quelques agréments de la vie; en est-il un seul parmi eux qui n'ait pas pleuré la perte de l'indépendance de son pays et regretté l'époque heureuse où, jouissant en paix du fruit de ses travaux, il n'était pas forcé d'en abandonner la plus grande partie aux exigences toujours croissantes du fisc?

(72) Philippe de Commines, tom. 1 pas. 124.

(73) Le Mayeur, Gloire Belgique , tom. 2, chant 8, pag. 313.

(74) Voyez leur marche indiquée sur le plan ci-contre.

(75) Ce ravin est aujourd'hui le chemin qui porte le nom de ruelle du Rouwa. Ce ruisseau coulait encore an commencement du 17e siècle. Il a été tari par les ouvrages souterrains des houillères, ainsi que l'attestent de vieux titres qui se trouvent entre les mains d'un propriétaire voisin.

(76) Sed nec sacrilcgae parcunt vestalibus illâ

Dextrae heorâ; capiunt et, virginitati remota

Subducunt sacros habitus, etc., etc.

Angelus de Curribus, - poème latin sur le sac de la ville de Liège par Charles duc de Bourgogne manuscrit tiré de l’abbaye de St-Laurent et qui se trouve dans l'ampliss. coll, de dom Martène. - Villenfagne, mélanges historiques, pag. 338.

(77) Manuscrit, n° 3, pag. 500.

(78) Bouille, Hist, de Liège , tom. 2, pag 160.

(79) Commines, tom. 1, pag. 132.

(80) Rausin, dans son Leodium etc., dit qu'il ne périt que 50,000 âmes. Le cardinal Picolomini, Fisen et autres portent la population de Liège, avant le sac, à 120 mille habitants.

Cujus ante, has calamitates is animarum numerus ut, censu habito, centum et viginti millia infra muros tantum continere inventa sit.

(81) Manuscrit n° 3, pag. 540.

(82) Voyez Promenade au bords de la Vesdre.

(83) Manuscrit appartenant à M. C. S...

(84) Pour bien comprendre cette étymologie, il faut savoir qu'aujourd'hui encore, le peuple de Liège, et surtout celui des faubourgs, a conservé l'habitude de crier « à sta », pour appeler le marchand à sa boutique ou à son comptoir; aussi sta est-il synonyme de l'un et de l'autre. Quant au mot staminette, il est encore en usage en guise de plaisanterie.

(85) Le Mayeur - La gloire belgique, tom. 1, pag. 202.

(86) Voyez Promenade aux bords de la Vesdre.

(87) Histoire de l'État de Liège, pag. 167,

(88) Le Mayeur, La gloire belgique, tom. 1, pag, 202.

(89) Loyens, Rec. hérald pag. 194.

(90) Voyez Première promenade aux bords de la Meuse.

(91) Mélart, Hist. de Huy, pag. 296.

(92) Le 12 octobre 1520.

(93) Erard avait recommencé à bâtir son palais en 1508; cet édifice fut achevé en 1526 tel qu'il se voit maintenant, si ce n'est qu'il a été défiguré, au siècle dernier, par de malencontreuses réparations.

(94) « Le jour suivant, fut célébrée la messe au grand autel de St­Lambert; y assistèrent musique parfaite et concert agréable et vinte cinq abbez en procession avec le clergé et grand nombre de noblesse. » LA PLUS BELLE BANDE DU MONDE.» - Mélart, pag. 301.

(95) Bouille, Hist, de Liège, t. 2 , pag. 302.

(96) Rivageois, ou riverains de la Meuse.

(97) La mutinerie des rivageois. par Guillaume de Meeff, dit du champion. (Inédit.)

(97) Bouille, Hist, de Liège, tom. 2, p. 316.

(98) Manuscrit.

(99) Manuscrit.

(100) Manuscrit.

(101) Melart, Histoire de Huy, p. 407.

(102) Manuscrit n° 5, p. 366.

(103) Bouille, Hist. de Liège, tom. 2, p. 444.

(104) Voyez Promenade aux bords de l'Ourte

(105) Ces petites hures découvertes étaient très-communes dans les environs de Liège avant l'arrivée des Français dans notre pays. Ce fut le préfet Demonceau qui les fit boucher.

(106) Manuscrit N° 3, p. 367.

(107) Ernst, Histoire de suffragants, pag. 198.

(108) Ernst Hist, des suff. pag. 186.

(109) Manuscrit du temps.

(110) Hist. de l'état de Liège, pag. 222.

(111) Manuscrit du temps.

(112) Loyens, Rec. hérald, pag. 352.

(113) Histoire des revolutions Liégees , pag. 317.

(114) Manuscrit du temps.

(115) Bouille, Histoire de Liège. tom. 3, p. 352.

(116) Manuscrit du temps.

(117) Bouille, Histoire de Liège, tom. 3, p. 392.

(118) Voyez, à ce sujet, un volume in-12, contenant: La sauce-au-verjus, la France intrigante, les sentimens d'un franc et véritable Liége, etc. Ces trois ouvrages rares sont très intéressants pour l'histoire du temps.

(119) Manuscrit du temps, pas. 418.

(120) Manuscrit du temps,

(121) « Une pauvre veuve, qui manquait de pain pour donner à ses enfants , coupa la gorge au plus jeune pour en nourrir les autres, puis elle eut une telle horreur de sort crime qu'elle se tua elle-même. » Bouille, tom. 3, pag. 404.

(122) Histoire des révolutions Liégees, pag. 139.

(123) Manuscrit du temps.

(124) Haceldam, id est ager sanguinis (champ de sang, langage biblique); c'est ainsi que communément les Liége appelaient la citadelle. Un chronogramme avait constaté l'année de sa construction; à l'occasion de sa démolition, ils firent les suivants

HACELDAMA RASÉ EBVRONS, VOVS VIVREZ.

ARX HACELDAMA SVBVERTITVR.

On fit aussi cette épigramme

Arx Leodina sacram Balbine substitit aedem

Ast arcem festo diruit illa suo. (I)

Non seulement la bourgeoisie demeura en possession de la hauteur de a citadelle; mais elle chassa toutes les troupes allemandes de la ville et en occupa tous les postes. Les remparts de la cité du coté de Ste-Walburge, ayant sauté en même temps que les fortifications dé la citadelle, les riches habitants firent des avances gratuites pour les faire réparer; cet ouvrage fut poussé avec tant d'activité qu'il fut achevé eu trois mois. « Le clergé, voulant avoir part à l'honneur et à l'utilité publique, avança une somme de 20,000 francs (II) »

(I) Manuscrit du temps.

(II) Bouille, Histoire de Liège, tom. 3, pag. 412.

(125) Bouille, tom. 3, pag. 410.

(126) Manuscrit du temps.

(127) Bouille, Histoire de Liège ,tom. 3, pag. 416.

(128) Histoire de l'État de Liège, pag. 227.

(129) Relation des violences commises par les Français en la ville de Tongres, pag. 17.

(130) « Le premier janvier 1678, Magis Hazenne, chanoine, et Tilman Gouverneur, marchand, alants à la notre-dame de Saint-Remi, furent enlevez dans la cite par neuf soldats de Hasque, (Hasselt) et emmenez par la postice appelé le rivage Rosein (Hasinel) où ils furent obligez par ces soldats et leurs complices au nombre de 25, de passer l'eau sur une nasselle qui les attendoit, mais à l'assistance de ceux d'Avroix, ils furent délivrez des mains des soldats qui s'enfuirent au plus vite, à la réserve de 9, dont 3 furent pendus le 4 suivant au lieu même où ils avoient passé la rivière, quoique le gouverneur de Hasque, qui avoit donné ordre de saisir les ecclésiastiques dans la cité même, les eut redemandés avec menace en cas de refus de rendre aux bourgeois de Liège le pareil traitement qu'on leur feroit. Il ne manqua pas de venir avec les Hollandois mettre le feu à la pointe du jour dans le faubourg Ste-Walburge, où ils brûlèrent 70 maisons, avant que le bourgeoisie fust sous les armes. Après, s'estant retirez d'une lieue, ils pendirent le lendemain à Lantin deux chartiers, habitans du même faubourg, dont l'un était âgé de plus de 60 ans. Ensuitte de ce glorieux exploit ils s'en retournèrent à Hasque. » Manuscrit du temps.

(131) Voyez: Suite des pièces curieuses concernantes la neutralité du pays de Liège.

(132) Plusieurs historiens Liége attribuent cette accusation aux mal­intentionnés. Ce qui prouve qu'elle est fondée, c'est que ni le prince ni son ministre n'ont jamais cherché à la démentir.

(133) Loyens, Rec. hérald., pag. 478.

(134) Loyens, Rec. hérald. pag. 179.

(135) Cet illustre magistrat était de l'ancienne famille des Macors dont parle Hemricourt. Il en reste encore deux rejetons, dont l'un habite Liège, l'autre la France. Il sont sans enfants.

(136) Manuscrit du temps.

(137) Villenfagne, Recherches sur l'histoire de Liège, tom. 2 pag. 146, et Mélanges historiques, pag. 311.

(138) « Il mourut le 3 juin 1688 dans son palais de Bonn. Ce prince a eu ses apologistes; il en est un que j'ai beaucoup connu; c'est le baron de Villenfagne d'Ingihoul, dont la bonne foi pleine de candeur se révèle dans de nombreux écrits. Je sais qu'il était l'ennemi des révolutions; mais pouvait-il raisonnablement faire l'apologie du règne de Maximilien et de celui de son prédécesseur?

(139) Bouille, Hist, de Liège, tom. 3, pag, 488.

(140) Voltaire, Siècle de Louis XIV.

(141) Tableau philosophique du règne de Louis XIV.

(142) Vis-à-vis la maison Cockeriil.

(143) Place St-Barthélemi

(144) Voyez Promenade à Angleur.

(145) Le 1er février 1694.

(146) Cette arrestation inique, exercée contre tout principe de droit, approuvée par le roi de France, tolérée par Clément XI, fut entourée d'un mystère impénétrable. Je tiens de M. le comte César de Méan, frère de l'archevêque de Malines, une belle médaille en bronze qui rappelle ce fait et qui n'est point mentionnée dans l'histoire numismatique du pays de Liège, du comte de Renesse.

(147) Loyens, Rec, hérald. pag. 529.

(148) Manuscrit du temps, et Bouille, tom. 3, pag. 519.

(149) Les bourgmestres, conjointement avec les trois États en corps, « dressèrent les conditions pour la démolition de la citadelle. Ce qui fut exécuté avec toute la diligence possible: tellement que le quatre avril 1718, Jean Herman de Stockhem, chanoine de Liège, archidiacre du Brabant, l'un des seigneurs du conseil privé, et le général baron de Dobblestein, suivis d'un détachement de cent hommes des troupes de S. A. S. C. notre évêque et prince, furent au nom de sadite A. S. C. et du chapitre reprendre possession de la citadelle. Ensuite de quoi, Paul Brunet de Rochebrun, commandant hollandais, leur remit les clefs, et prit là même, avec sa garnison, la route de Maestricht (I).

(I) Loyens, Rec. hérald., pag. 566.

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