Pour une exposition, il est certain que la réussite des effets de nuit est d'une importance capitale. Quand l'architecte compose l'oeuvre à réaliser, il doit compter sur l'effet de nuit comme sur l'effet de jour. Des éléments nouveaux, les tubes luminescents ou fluorescents, dus à la technique moderne, permettent de tracer, dans la nuit, les grandes lignes architecturales. Le nombre et la finesse des coloris dont on dispose font de la décoration nocturne un vrai plaisir des yeux. L'Exposition de Liège 1939 marqua l'épanouissement de ce nouveau mode d'éclairage. Tous les grands palais, en plus de leur illumination par projecteurs, eurent leurs grandes lignes dessinées dans la nuit par les tubes luminescents. Par des traits féeriques, les grands édifices, les splendides perspectives se recréaient ainsi sous nos yeux, semblant sortir du rêve.
Tous les motifs décoratifs, tous les jardins dans leurs moindres détails étaient habilement mis en valeur par les jeux de lumière.
Les berges de la Meuse étaient nettement accusées par deux longues rampes lumineuses dont les feux se réfléchissaient dans les eaux du fleuve, diminuant ainsi l'opacité trop envahissante de cette large nappe. Le « Grand Jet », violemment éclairé par ses soixante-quatre grands projecteurs, formait un trait d'union lumineux entre les deux rives. Les bassins, les fontaines, et les jets d'eau étaient baignés de lumière. Les fontaines de l'esplanade avaient quatre jeux de lumière, celle du Lido était éclairée par seize projecteurs. Dans le « jardin d'eau », le tunnel était équipé de deux cent quatre-vingt-huit lampes et de soixante mètres de tubes luminescents dont les combinaisons composaient les tons vert et bleu, et créaient finalement une voûte argentée du plus bel effet. La gerbe splendide du motif central semblait être un long fantôme environné de cercles de feu. Deux couronnes de douze et seize projecteurs, une multitude de tubes luminescents alimentaient cet ensemble. Le massif d'eau et les fleurs de verre réalisaient un délicat pastel dont les tons, d'une finesse incomparable, se fondaient dans une atmosphère vaporeuse. Dans le fond, le théâtre d'eau, magnifiquement éclairé, scintillait de tous ses feux. N'oublions pas la « lune » du Village mosan un disque en tôle de 6 mètres de diamètre, érigé à 50 mètres de hauteur. D'un poids de 6.000 kilos, il renfermait une trentaine de projecteurs d'une puissance totale de 100 KW.
La nuit, l'art continuait d'exercer sa mission, d'agir sur la pensée, sur l'imagination, sur les sentiments des hommes...
Georges DEDOYARD,
Architecte au Commissariat généraldu Gouvernement.