ORIGINE DES SOURCES THERMALES
Les géologues sont d’accord pour estimer que la température augmente avec la profondeur de 1 degré par 33 mètres en moyenne. C’est ce phénomène qui explique la difficulté de séjourner au fond de certaines mines très profondes et de percer des tunnels sous les sommets élevés des montagnes. Souvent les ouvriers furent arrêtés par des sources d eau chaude.
C'est une température du sous-sol qui explique l'origine des courants aquifères chauds et des sources thermales.
Ces courants souterrains sont également très fréquemment en relation avec des foyers de volcanisme qui leur donnent une eau imprégnée d'acide carbonique ou de gaz sulfureux. En effet, les eaux qui traversent des terrains très divers suivant les cassures de la roche ont, à cause, de leur température, un pouvoir dissolvant très puissant.
Elles se chargent, en circulant dans le sous-sol, d'éléments très variés et donnent alors naissance à des sources minérales.
Celles-ci sont simplement minérales (Spa) ou thermo-minérales (Chaudfontaine).
Il y en a une très grande variété; les unes sont sulfureuses (Bagnères de Luchon); simplement ferrugineuses (partout dans le massif ardennais; alcalines quand elles sont chargées de soude (Spa, Vichy); siliceuses quand la silice domine, ou calcaires, comme à Chaudfontaine, quand le courant a traversé des roches calcaires.
Les sources thermales ont un débit régulier qui les distingue des sources ordinaires.
LA NAPPE DE CHAUDFONTAINE
La nappe d'eau chaude très abondante de Chaudfontaine contient surtout de l’acide carbonique ce qui semblerait permettre d’inférer qu’elle est en relation avec le massif volcanique de l’Eifel. En tout cas, elle traverse un banc de calcaire et s'imprègne de cet élément.
LES OPERATIONS D'UN SOURCIER
Jusqu'à ce jour on ignorait l'étendue et l'importance de la nappe d'eau chaude qui a donné naissance à la station thermale de Chaudfontaine. Sans doute les exploitations anciennes et aussi des sondages fréquents avaient donné des indications générales sur les courants, mais jamais encore on n'avait eu recours à la science d'un sourcier.
Or, rien n'est plus curieux que le travail de cet être mystérieux qui parvient à découvrir des courants souterrains, et à en indiquer la direction, la profondeur et l'importance.
Il utilise à cet effet plusieurs appareils des plus simples. Le premier est une baguette d'un métal spécial, qu'il tient par les deux extrémités en la bombant légèrement. Dans cette attitude le sourcier circule sur le terrain à examiner. Dès qu'il se trouve au-dessus d'un courant, la baguette mystérieuse s'agite. Un courant très fort produit une agitation fort violente de l'instrument.
Pour découvrir la quantité d'eau, la direction du courant et sa profondeur, le sourcier utilise un nouvel instrument en métal: une espèce de balancier tendu par un poids. Ce balancier, mis en mouvement, s’arrête bientôt et prend de lui-même une direction déterminée, qui est celle du courant. L'appareil « écoute » la nappe souterraine et son propriétaire peut indiquer le sens de l'eau courante avec une très grande exactitude.
Il est également très utile de connaitre la profondeur de nappe étudiée. Le sourcier alors s'écarte du courant et les oscillations du balancier diminuent, puis cessent. Ce point où le balancier reste inactif est-il distant du point ou l'activité de appareil est la plus grande, d'une longueur de 10 mètres par exemple, la profondeur du courant souterrain sera de 9 à 10 mètres.
On comprend l'utilité de pareils renseignements pour les opérations de sondages. Tous ceux qui furent faits pour vérifier les affirmations du sourcier furent probants. On a pu trouver de cette façon quatre courants successifs, dont un seul était exploité quelque temps avant la guerre par l'hôtel des bains. Un deuxième courant passe sous la Vesdre et a été recoupé par les sondages des Ponts et Chaussées, qui cherchaient l'emplacement pour reconstruire le pont de la Vesdre. Un troisième courant, le plus puissant, encore inexploité, traverse par 10 mètres de fond le parc de l'hôtel des bains. Enfin; le quatrième courant est situé en aval des trois premiers et fut jadis utilise par une très ancienne exploitation des bains, aujourd'hui transformée en maison d'habitation.
Ceci nous amène à dire un mot de
L'HISTOIRE DE LA STATION BALNEAIRE
Le plus ancien document qui en fasse mention date du XIIIe siècle. A cette époque, les évêques de Verdun possédaient en fief une portion notable du pays. (Souvenirs, sans doute, des maires du palais, ancêtres des Carolingiens.) L’un de ces évêques fit une donation à la communauté cistercienne de Robertmont, qui, naturellement, en conserva l'acte authentique. La source y est dénommée dans le langage de l'époque:« Chauteaul Fontaine »; on la dit située dans une forêt, non loin de la Fosse du Loup. C'est assez explicite! La station thermale est donc connue, quoique située dans un endroit particulierement sauvage. Elle est probablement fort peu utilisée à cette époque reculée.
Il n'en est plus de même au XIVe siècle. En effet, un testament du 3 juillet 1339, contient la disposition suivante: « Item, je laisse qu’amantes sols à l’hôpital Saint Julien à Chozfontaine. » Ce legs curieux indique qu’au commencement du XIVe siècle, la source thermale est exploitée dans un but thérapeutique par un établissement de bienfaisance qui abrite quelques malades.
Cet établissement était situé en face de l'hôtel actuel des bains, sur la rive gauche de la Vesdre, à la tête du pont suspendu emporté en 1914 par une crue de la rivière. Il a disparu depuis le XVIe siècle, mais en creusant une nouvelle canalisation, on vient de découvrir des fondations énormes et une baignoire très curieuse qui, peut être, proviennent de cette époque ancienne. Cette baignoire est formée de deux murs épais, solidement maçonnés et distants de 1m20. Le fond est rendu étanche au moyen de carreaux de terre cuite revêtus d’un enduit qui ressemble à de l’émail vert. Certains de ces carreaux, très bien conservés, sont recouverts d’une couche adhérente de dépôts calcaires, qui prouve leur longue utilisation pour des bains d’eau chaude.
Il est possible aussi que ces restes intéressants et à peine explorés d'une installation de bains plusieurs siècles soient ceux des célèbres baignoires créées par Simon Sauveur.
Simon Sauveur fut, en effet, le véritable révélateur de Chaudfontaine. Beau-frère du major de Chaudfontaine, Simon réunit diverses petites sources qui jaillissaient de divers côtés au bord de la Vesdre. Il installa des baignoires à l’usage du public et les couvrit d'un hangar.
Plusieurs cures intéressantes établirent la renommée des eaux chaudes. L'historien Villenfagne (Histoire de Spa, t. II, p. 28) raconte la guérison curieuse d’une femme « dont tous les membres étaient enflés » qui vint se baigner à l’établissement et qui but de l'eau de la source.
Mais Simon Sauveur ne put jouir longtemps des bénéfices de ce que lui rapportait son exploitation. Après la mort du major de Chaudfontaine, son parent, les héritiers de ce dernier lui contestèrent la propriété du sol où il avait installé son établissement et il en fut expulsé. La Chambre des comptes accorda la concession des bains aux héritiers du major, sous l'obligation d'une rente annuelle de « deux cents chapons ». Moyennant ces chapons, l'exploitation continua et le nombre des bains distribués augmenta de plus en plus.
Comme à cette époque on n'arrivait à Chaudfontaine que par des sentiers difficiles et dangereux, les malades étaient amenés par les barques des charbonniers qui desservaient les forges du pays. Les abbés concessionnaires des bains obtinrent du prince-évêque l'autorisation d'établir un service spécial de barque qui fonctionnait à merveille, comme le décrit la savoureuse comédie liégeoise, intitulée : li Voiège di Chaudfontaine.
C'est le moment de la pleine vogue pour la station balnéaire. Les livres de comptabilité de l'établissement signalent qu'en 1761, 12’294 bains furent distribués; en 1801, 10’582.
La ville d'eau était fréquentée par une foule cosmopolite, que Napoléon fit surveiller par un inspecteur des eaux de Chaudfontaine, nommé par décret en 1803.
Les anciens locaux, trop petits, virent naître des annexes. Finalement, on créa l'établissement actuel des bains.
Le milieu du XIXe siècle fut la période de la plus grande extension de la station thermale. En 1865 on délivrait 14’000 bains pendant la saison estivale.
Une foule d'étrangers et de Liégeois se pressaient dans le coquet vallon. Les malades affluèrent. On y traitait les maladies nerveuses, paralysies, rhumatismes, affections abdominales.
Les propriétés curatives des eaux sont dues à leur température uniforme de 37°, qui permet de les utiliser à l'état naturel, et à leur composition chimique:
Acide carbonique libre, 0.0610; bicarbonate calcique, 0.2013: bicarbonate magétique, 0.045; bicarbonate lithique, traces; chlorure sodique, 0.1073; sulfate calcique, 0.0440; sulfate sodique, 0.0093; sultate potassique, 0.0020; silice, 0.0180.
Dans la suite, vers la fin du XIXe siècle, commença la période de décadence. La foule internationale se porta vers les villes d'eau allemandes ou françaises et vers le littoral; les visiteurs illustres dédaignèrent le riant village qui avait jadis hébergé et inspiré Victor Hugo; les sources thermales furent abandonnées et les bains cessèrent d'être exploités.
La ruée et l'occupation allemande achevèrent de ruiner la station balnéaire. Rien n'est plus triste que de voir l'état actuel de l'hôtel des bains, souillé par les Teutons et tout en ruines.
Espérons qu'on ne laissera plus longtemps inexploitée cette source de richesse nationale et que les pouvoirs publics s'intéresseront au relèvement de la seule station thermale qui existe en Belgique.