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Les eaux de Chaudfontaine

A PROPOS DES EAUX THERMALES
DE CHAUDFONTAINE

par Mr le Professeur AD FIRKET, 1898

Messieurs, j'ai demandé la parole pour dire quelques mots seulement au sujet de l'excursion que certains congressistes ont faite samedi dernier, 1er octobre, à Chaudfontaine.

Après réception par le Collège des Bourgmestre et Echevins, nous nous sommes rendus immédiatement à la source thermale, qui jaillit dans un petit puits de 4 m. de profondeur, situé à l'intérieur de l'établissement des bains contre la grille longeant la route, laquelle suit le cours principal de la Vesdre. L'eau, dansce puits, étaità 3m 25 sous le sol et l'altitude de celui-ci est 80 mètres environ.

Derrière l'établissement des bains se trouve un second bras de la rivière, de sorte que l'établissement, comme la source elle-même, se trouve pour ainsi dire dans une île formée par les deux bras de la Vesdre.

Notre principale opération a été la détermination de la température de la source thermale, que j'ai faite avec le concours de M. Delaite, d'abord au moyen d'un thermomètre de précision appartenant à M. le professeur G. Dewalque.

Nous avons opéré deux fois successivement avec ce thermomètre et les deux observations, corrigées d'après les indications de M. Dewalque, nous ont donné le même résultat 34°8.

Un des congressistes, M. Niessen de Neuenahr, avait un thermomètre médical à maxima de construction récente; nous avons pu le faire descendre dans la source même et il a marqué 35°1 soit 3/10 de degré de différence. Nous admettrons c mme terme moyen, en chiffre rond, 35° pour la température de la source; celle de l'air était alors de 13°7.

A une centaine de mètres de la source thermale, au delà du second bras de la Vesdre, il existe une source froide sortant du versant gauche de la vallée, vers Ninane, laquelle a la réputation d'être d'une température constante et alimente ce que l'on nomme la « Belle fontaine». A l'aide du thermomètre de M. Dewalque, nous avons trouvé 9°7 pour sa température.

Je me permettrai d'ajouter que l'eau thermale de Chaufontaine étant très faiblement minéralisée, il ne me paraît pas possible d'expliquer sa température autrement que par la profondeur à laquelle elle circule avant de s'élever vers la surface.

Si l'on admet 31 mètres comme degré géothermique, c'est-à-dire un degré centigrade d'accroissement pour 31 mètres de profondeur à partir de la zone de température constante, que l'on peut estimer se trouver à environ 25 mètres de profondeur et avoir à peu près 10°, ce qui diffère peu de la température moyenne du lieu, on trouve que la profondeur de la source est de 800 mètres au moins, sans tenir compte du léger refroidissement que l'eau minérale doit éprouver en s'élevant vers la surface.

M. DEWALQUE. J'estime qu'il faudrait multiplier les observations avant d’être fixé définitivement sur la thermalité de l'eau de Chaudfontaine. Il y a trois semaines, j'ai trouvé 34°4. La température serait donc assez variable.

M. AD. FIRKET. Nous avons opéré avec le plus grand soin, avec l'aide de M. Delaite.

M. DEWALQUE. Je n'ai pas contesté votre détermination, au contraire.

M. AD. FIRKET. Pour les deux premières observations, la température a été mesurée en plongeant le thermomètre dans un seau que l'on avait rempli et laissé séjourner dans le puisard au moins pendant cinq minutes, puis retiré rapidement. Pour la troisième, le thermomètre à maxima de M. Niessen a été placé dans le seau et descendu dans la source. Il se conçoit facilement qu'il ait donné une température un peu plus élevée.

M. DUHOURCAU. Les variations de température d'une même source à quelques jours de distance, ne me surprennent nullement. J'ai relevé la température des sources de Cauterets, très bien captées, exemptes de tout mélange, et à l'abri des influences extérieures. Au cours d'un mois, j'ai constaté des variations d'un et jusque quatre dixièmes de degré, sans que rien puisse expliquer la chose. La source de Chaudfontaine, qui n'est pas aussi bien captée, doit donner des variations un peu plus étendues.

M. AD. FIRKET. fait remarquer que l'observation de M. Dewalque est du 2 septembre, les siennes du 1er octobre. Si l'on tient compte de celles faites avec le même instrument, la différence est de quatre dixièmes de degré.

M. MALVOZ. A l'assemblée générale de 11 heures, M. Jorissenne doit faire connaître le résultat de nos travaux et les vœux qui ont été proposés dans les sections. J'en ai un à présenter, qui est la conséquence des discussions très importantes qui ont eu lieu ici.

Les géologues et les hydrologues ont attiré l'attention sur le danger des calcaires carbonifères. Il y a dix ans, on était hypnotisé par le prestige des sources; on ne voyait de solution au problème de l'alimentation publique, que dans leur captage. Aussi, sur la foi des médecins, on en a capté un grand nombre qui ne sont que de fausses sources, puisqu'elles ne sont pas suffisamment filtrées.

Les médecins ayant proclamé par de nombreux traités d'hygiène que la meilleure solution du problème des eaux d'alimentation était la captation des sources, on voit constamment des villages, des communes assez importantes, des commissaires voyers, proposer la captation de sources émergeant de terrains calcaires, sans faire examiner les conditions géologiques de la région et sans faire analyser l'eau, chimiquement et bactériologiquement. Il y a là une situation dangereuse sur laquelle il conviendrait d'appeler l'attention des pouvoirs publics. C'est pourquoi je propose d'émettre un vœux.

Vous direz peut-être qu'il est inutile, puisque nos comptes-rendus résumeront les débats du Congrès. Je vous ferai observer que les bourgmestres, les autorités gouvernementales ou provinciales, ne les liront peut-être pas, tandis qu'un vœux en quatre lignes sera plus propre à frapper leur attention. Voici ce vœu:

« Le Congrès émet le vœu que les eaux des calcaires ne soient utilisées et ne continuent à être employées pour l'alimentation qu'après une étude approfondie des conditions géologiques de la région, et des analyses chimiques et bactériologiques, faites périodiquement, pour démontrer leur protection contre la pénétration des microorganismes. »

M. DEWALQUE. Vous dites qu'il y a des gens hypnotisés par les sources. N'y en a-t-il pas aussi qui sont hypnotisés par les microbes?

M. MALVOZ. Je me base sur ce que les géologues ont déclaré dans les différentes sections du Congrès. Ils ont dit qu'il fallait examiner tout spécialement les conditions géologiques de la région et apporter à cet examen beaucoup plus d'attention quand il s'agit d'eaux de calcaires que dans tous les autres cas.

M. BOULOUMIÉ. On nous a démontré, en effet, que certaines eaux paraissaient être des eaux de source et ne présentaient pas les garanties qu'on leur attribuait, qu'il y avait des infiltrations qui pouvaient devenir très dangereuses. On a cité le cas d'un chantoir où l'on avait trouvé un chien crevé. Les eaux disparaissaient pour ressortir plus loin. La source pouvait donc être contaminée. Des eaux de l'espèce présentent de sérieux dangers pour la santé publique et je crois avec M. Malvoz qu'il y a quelque chose à faire. On doit savoir s'il s'agit d'une vraie source ou de ce que l'on a appelé une fausse source, c'est-à-dire d'une eau qui jaillit en forme de source après avoir été en communication ailleurs avec l'air et qui n'est donc pas à l'abri de la contagion. J'appuie le vœu de M. Malvoz.

M. DUHOURCAU. Non seulement j'appuie le vœu en tant que s'appliquant à des eaux provenant de calcaires carbonifères, mais en tant que s'appliquant également à d'autres eaux. C'est ainsi que, dans les environs de Cauterets, il y a une eau d'un gave situé à quelques centaines de mètres et qui peut être contaminée puisqu'il est entouré de prés où paissent les bestiaux et où l'on jette des détritus. Je demande qu'on étende le vœu de M. Malvoz à toute espèce d'eau et que, avant de la livrer à la consommation, on examine tout au moins le terrain et que, autant que possible, on fasse des analyses chimiques ou bactériologiques.

M. DEWALQUE. L'analyse chimique et bactériologique suffit. Nous pourrions étendre le vœu de M. Malvoz par l'addition des mots dans les calcaires et autres roches.

M. BOURSIER, président. Toutes les eaux utilisées pour l'alimentation devraient être de temps en temps soumises à l'examen chimique et bactériologique. C'est une nécessité.

M. DEWALQUE. Alors supprimons les mots calcaires et parlons des eaux en général.

M. AD .FIRKET. C'est le moyen de donner satisfaction à tout le monde.

M. MALVOZ. Je crains qu'en généralisant trop mon vœu, on n'en détruise la portée. Sans doute je ne demanderais pas mieux que de voir analyser toutes les eaux destinées à l'alimentation, mais on a signalé comme particulièrement dangereuses celles qui proviennent des calcaires. C'est pour cela que je les ai visées spécialement.

Si un géologue peut me donner la coupe de toute une région, je me charge de lui dire, sans analyse chimique ou bactériologique, si l'eau sera bonne ou non. L'examen des conditions locales, lorsqu'il s'agit de roches sans fissures, à Liége, par exemple, doit faire prévoir qu'il est impossible que l'eau soit souillée, parce que ces conditions ne permettent pas la pénétration des germes. Mais dans les terrains calcaires, il est impossible de dire, d'après les conditions locales, si le calcaire est suffisamment fissuré pour que le microbe passe.

Il eût été impossible, par exemple, à un géologue de se prononcer à l'avance sur la qualité des eaux du tréfonds près de Barse. Ce sont des analyses, faites pendant un an, qui donnent toute sécurité à cet égard.

Si vous démontrez qu'il y a au dessus des galeries une couche épaisse de terre arable, de silex, de gravier, il devient inutile de faire des analyses bactériologiques.

M. DEWALQUE. Cela n'est pas toujours vrai.

M. MALVOZ. Evidemment, à cause des puits.

M. BOURSIER, président. Il y aurait intérêt à ce que les analyses chimiques et bactériologiques fussent renouvelées pour savoir si une eau reste bonne ou non pour l'alimentation. Il ne s'agit pas des eaux des calcaires mais de toutes les eaux en général.

M. BOULOUMIÉ. C'est tout-à-fait mon avis. L'examen géologique doit rester le point de départ.

M. BOURSIER, président. En conséquence, je proposerai de voter le vœu de M. Malvoz avec une légère modification:

« La Section d'hydrologie émet le vœu que les eaux ne soient utilisées et ne continuent à être employées pour l'alimentation qu'après une étude approfondie des conditions géologiques de la région et que des analyses chimiques et bactériologiques soient faites périodiquement pour démontrer leur protection contre la pénétration des micro-organismes. »

- Adopté.

M. MALVOZ. J'ai voté en faveur du vœu, parce qu'on demande encore plus que je ne le faisais moi-même. Qui veut le moins veut le plus.

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