L'étude et l'usage des eaux minérales naturelles occupent aujourd'hui une place si grande dans la science et dans l'art de guérir, qu'il importe de signaler les sources qui peuvent rendre d'éminents services dans la pratique médico-chirurgicale.
Depuis les temps les plus reculés, l'homme a cherché dans la nature le soulagement à ses maux, comme la satisfaction de ses besoins, de ses plaisirs et de ses passions. Partout où nous retrouvons la trace des premiers peuples civilisés et surtout des Romains, nous rencontrons les précieuses reliques des temples qu'ils élevaient à la balnéothérapie, une des branches de l'art de guérir et de l'hygiène les plus cultivées et le plus en honneur chez ce peuple conquérant; les fouilles de Plombières, du Mont-Dore et bien d'autres sont une preuve éclatante du luxe que les Romains mettaient dans la construction des bains partout où ils rencontraient des eaux minérales naturelles.
Les guerres des derniers siècles, la révolution de 1789, les préoccupations inouïes d'une société naissante, d'un état social nouveau dont la France a célébré majestueusement et triomphalement le centenaire, ont été une des causes principales du délaissement des eaux minérales naturelles à une certaine époque.
Mais bientôt les communications faciles et rapides par l'établissement des chemins de fer; l'étude clinique basée sur l'observation des faits et sur les découvertes si précieuses de la chimie, de la physique appliquées aux sciences biologiques et médicales, ont donné un nouvel essor à la pratique des eaux minérales.
La vie active et intellectuelle qui, depuis vingt ans surtout, va jusqu'au surmenage des individus et des cerveaux, la surexcitation continue dans laquelle l'homme se meut sans trêve, tout cela a fait naître la pratique des voyages et des villégiatures prescrites par l'hygiène à toutes les classes de la société.
C'est pour répondre à ce besoin social que l'on a vu utiliser partout, et surtout en France et en Allemagne, les richesses que la nature donne à la balnéothérapie. Les autres nations ne sont pas restées en arrière et je suis heureux de signaler qu'une société s'est constituée pour donner aux eaux thermales de Chaudfontaine les installations nouvelles qu'elles méritent.
Bien que les auteurs récents ne s'occupent guère des eaux de Chaudfontaine, elles ont leur histoire et leur emploi thérapeutique date du XIIIe siècle. Aussi, j'ai été assez étonné de ne pas les voir mentionnées dans le grand traité des eaux minérales d'Armand Rotureau.
M. le professeur Dujardin-Beaumetz, dans son Dictionnaire de thérapeutique et des eaux minérales, les signale, par erreur, comme ferrugineuses et voici ce qu'il en dit :
« Les eaux thermales de Chaudfontaine sont très fréquentées: situées à cinq kilomètres de Liége, elles jaillissent à la température moyenne de 33° C. Ces sources ferrugineuses, comme toutes celles de la Belgique, s'en distinguent par leur haute thermalité. L'eau de Chaudfontaine rivalise avec celle de Spa, qui est le type des eaux minérales belges (1). »
Nous établirons par les analyses que les eaux thermales de Chaudfontaine ne sont pas ferrugineuses mais bien chlorurées et bicarbonatées sodiques, calciques et magnésiques légères; la somme des sels contenus dans un litre d'eau s'élève à 0 gr, 4880 seulement. Les eaux de Chaudfontaine se rapprochent beaucoup par leur thermalité (35°C.), par leur composition chimique ou leur action thérapeutique, des eaux thermales de Néris, de Bains, de Plombières, de Luxeuil (surtout la source savonneuse) et de La Malou, en France; des eaux de Baden-baden, de Wildbad, surtout de Schlangenbad et de Téplittz en Allemagne; des eaux de Wildbad-Gastein dans le Tyrol, de Baden près de Vienne; des eaux de Buda-Pesth et de Mehadia en Hongrie, et des eaux thermales de Pfaefers et de Ragaz en Suisse, dont elles partagent l'action calmante et antispasmodique.
Une particularité des eaux de Chaudfontaine, c'est que leur température augmente progressivement :
En 1818 Lafontaine constata 32°, 5 c.
En 1837 Delvaux id. 34°, 3 c.
En 1867 Chandelon id. 35", 3 c.
En 1889 J'ai constaté 35°, 6 c.
Cette température de 35° C. environ est des plus favorables pour les bains, que l'on peut prendre sans devoir ajouter de l'eau ordinaire pour les refroidir; cette température est aussi très favorable pour les bains de piscine et à eau courante.
Chaudfontaine est un joli village, situé dans une délicieuse vallée sur les bords de la sinueuse rivière, la Vesdre, à sept kilomètres de Liège et non loin de la pittoresque vallée de l'Ourthe, si fréquentée par les touristes de tous les pays.
En 1250, une charte de l'Évêque de Verdun, où l'on appelle ce hameau: « Chauve-t'eau-fontaine » mentionne l'existence de sources d'eaux chaudes naturelles...
Au XIVe siècle il y avait un hôpital et Villenfagne rapporte dans son ouvrage sur les eaux minérales qu'un religieux du nom de Père Martène fit, par testament, un don à l'hôpital de Chaudfontaine.
En 1676 un pauvre diable nommé Simon Sauveur, s'avisa de construire une espèce de chaumière avec de petits bains pour y gagner sa vie.
Dans une brochure publiée à Leyde (Pays-Bas) en 1714, par le Docteur W. Chrouet et intitulée « La connaissance des eaux minérales d'Aix-la-Chapelle, de Chaudfontaine et de Spa », on lit à la page 23 et suivantes, à propos de Chaudfontaine. « L'endroit n'est qu'un petit hameau, portant le nom de Chaudfontaine, ce qui fait juger que la source tiède, dont l'eau est fort claire, d'un goût un peu salé et a une petite senteur de vin soufré, a été découverte depuis longtemps.
Peut-être l'a-t-on méprisée et jugée inutile pour les bains à cause de son peu de chaleur et que d'un autre côté on n'en a fait aucun cas pour l'intérieur, à cause du voisinage des eaux de Spa, auxquelles les médecins de Liége ont de tout temps fait attention.
Peut-être serait-elle encore aujourd'hui dans le mépris, sans un certain homme, Simon Sauveur, qui, accablé de pauvreté, s'avise d'en faire les éloges et d'y construire une cabane avec quelques bains, pour y gagner sa vie. »
Il attira d'abord quelques femmes crédules et comme on se plaignait que les bains n'étaient pas asset chauds, il s'avisa d'y remédier en faisant chauffer une partie de cette eau sur le feu.
Plusieurs personnes y ayant trouvé du soulagement, leur reputation s'est tellement accrue ces dernières années, que présentement on y vient de tous côtés. Il y a même apparence qu'elle ira toujours en augmentant, puisque MM. du chapitre de la Cathédrale de Liége, M. le Chancelier et MM.de la Chambre des comptes, prévoyant le bien et l'avantage qu'il en reviendra au public, ordonnèrent au mois de mai 1713, de creuser en terre pour dégager la source chaude de l'eau froide qu'on soupçonnait s'y joindre; ce qui ayant assez bien réussi fit naître l'envie à un particulier de Liège d'acquérir le droit de la Chambre, dans l'espérance qu'avec les connaissances qu'il avait du terrain il pourrait pousser l'entreprise à une plus grande perfection. En effet, ayant reconnu que cette eau venait d'une montagne voisine et traversait une prairie qui lui appartient, il la fit couper en quatre grands puits où il la trouva si chaude, si forte et si abondante qu'à l'instant il prit la résolution d'y construire une belle et magnifique maison avec quarante bains de différente grandeur, dans lesquels cette eau chaude coulera par le moyen de plusieurs pompes, qu'une roue sur un bras de la rivière fera agir. Ce qui sera avantageux en plusieurs façons parce que, sans parler de la netteté que ce renouvellement continuel apportera aux bains, on peut aisément juger, qu'elle en sera beaucoup meilleure pour l'usage, surtout voyant qu'il ne sera plus nécessaire de la réchauffer comme devait le faire Simon Sauveur. »
Par cet extrait de l'ouvrage du Dr Chrouet (1714) on voit que la découverte de ces eaux thermales avait attiré l'attention des autorités gouvernementales et médicales d'alors, et que leur efficacité et leur grande réputation furent rapidement établies malgré les plus grandes difficultés de communications, puisque, d'après les documents que j'ai consultés, on ne pouvait arriver à Chaudfontaine que par des sentiers difficiles et dangereux, accessibles seulement aux piétons et aux cavaliers et que, vu ces difficultés, les malades arrivaient de Liége à Chaudfontaine dans les barques qui faisaient le service des Forges et le transport des charbons.
Voici ce que dit le Dr Chrouet de la composition chimique des eaux de Chaudfontaine: (voir ouvrage cité plus haut).
« Pour satisfaire le bonhomme Sauveur, j'avais analysé il y a plus de vingt-cinq ans les eaux de son bain, et il me souvient très bien qu'étant alors nouvellement gradué en 1688, je me fis une espèce d'honneur et de devoir d'envoyer à nos professeurs de Leyde, ce que j'avais trouvé dans ces eaux; ils jugèrent que c'était UN SEL FIXE ALCALI TENANT BEAUCOUP DU LIXIVIEL.
Plus loin (page 30) le docteur Chrouet, après avoir décrit ses procédés d'analyse et de réactions chimiques, conclut que les eaux de Chaudfontaine ne contiennent ni soufre, ni fer, et qu'elles renferment un sel alkali fixe en très petite quantité. Nous verrons, d'après les analyses faites récemment, que le docteur Chrouet, malgré l'imperfection des méthodes de son temps, avait bien étudié la composition chimique de ces eaux thermales. Après avoir reconnu la qualité de ces eaux, le docteur Chrouet conclut qu'elles étaient bonnes « non seulement pour servir en bains, mais aussi en boissons ».
Mais, dit-il, la grande difficulté était de persuader les malades à se décider á boire l'eau thermale. Il se passa deux années avant de rencontrer une seule personne qui voulût se hasarder la première à boire de cette eau! « Une femme âgée de quarante ans, étant attaquée, dit-il, d'une espèce d'anasarque avec enflure considérable à la région hypogastrique, ayant épuisé inutilement toutes les ressources de la médecine et de la pharmacie, lui communiqua l'intention qu'elle avait .d'essayer des bains de Chaudfontaine, dans la pensée que si elle pouvait suer fortement toutes ses enflures disparaitraient.
Je pris la balle au bond, dit le docteur, et je lui répondis que ces eaux feraient merveilles; mais que pour y suer bien fort il fallait, étant dans le bain avaler, comme cela se pratique à Borcette (Aix-la-Chapelle), quelques verres d'eau prise à la source.
Elle suivit mon conseil, et dès le premier jour, cette eau fermenta tellement dans son corps qu'elle vomit plusieurs fois copieusement. Le lendemain les gens qui s'étaient baignés avec elle, lui voyant le visage, les mains et les jambes à demi-déglonflées, l'encouragèrent encore à boire et à se baigner, et ayant continué ce manège quatre ou cinq jours, elle les quitta non seulement délivrée de son anasarque, mais aussi de cette espèce d'hydropysie de matrice qu'elle y avait apportée. Cet exemple fut bientôt suivi par un grand nombre de malades qui n'auraient jamais voulu boire ces eaux, et jusqu'à présent, je ne connais ^personne qui ne se soit repenti des les avoirs bues. Il faut pourtant que j'ajoute que cette eau agit rarement par le haut, et que cela n'arrive que lorsque la matière morbifique se rencontre dans l'estomac. Elle opère plus souvent par le bas et ne manque jamais de passer abondamment par les voies urinaires, et lorsque ces parties sont chargées de viscosités hérissées d’âcretés acides, comme dans l'ISCHURIE, ses effets sont si prompts et si efficaces, que j'ai eu autrefois de la peine à croire que la petite quantité de sel qu'elle contient fût capable de produire des effets si merveilleux. Lorsqu'il y a nécessité de DETERMINER LEUR ACTION PAR LES SELLES, je charge le premier verre d'un dragme ou deux de sel POLYCHEFTE bien préparé où j'y fais fondre trente à quarante grains de l'ARCANUM DUPLICATUM, faisant boire par dessus et à diverses reprises jusques à huit livres d'eau chaude en observant les mêmes circonstances qu'on observe en buvant les eaux d'Aix-la-Chapelle ».
Cet exposé nous prouve qu'en 1689 la composition alcaline légère des eaux de Chaudfontaine, leur action sudorifique, diurétique et non purgative, leur température suffisamment élevée, après un captage assez convenable, pour servir aux bains sans les réchauffer, étaient déjà bien établies et qu'en 1713 la grande réputation de ces eaux était si bien connue qu'un grand établissement pour quarante bains avec logements fut construit par un concessionnaire d'après les plans fournis par les États et le prince évêque, après avoir pris l'avis du conseil des médecins (au nombre de neuf) de la ville de Liége. Telle est l'origine des bains de Chaudfontaine dont l'établissement thermal existe encore aujourd'hui.
La vogue des bains de Chaudfontaine devint si grande qu'en 1714 il fallut créer un service spécial de barques pour le transport exclusif des malades. En 1721 on construisit la grande route royale, allant de Liége vers Pepinster et Spa.
L'affluence des malades devint de plus en plus grande; et l'on y rencontre des personnages de haute distinction qui viennent chercher aux bains de Chaudfontaine la guérison de leurs névralgies et de leurs rhumatismes. En 1761, il fut délivré du mois de mai au mois de décembre 12,294 bains. En 1801 en quatre mois, de juin à septembre, on délivra 10,582 bains.
Napoléon Ier nomma par décret en 1803, le Dr Gueydan de Paris, médecin-inspecteur des eaux minérales de Chaudfontaine.
D'après le professeur Chandelon, de l'Université de Liege, l'eau thermale de Chaudfontaine contient sur 1,000 grammes:
Acide carbonique libre 0,0610 gr
Bicarbonate calcique 0,2013
Bicarbonate magnésique 0,0451
Bicarbonate lithique traces
Chlorure sodique 0,1073
Sulfate calcique (anhydre) 0,0440
Sulfate sodique (anhydre) 0,0093
Sulfate potassique 0,0020
Silice 0,0180
Total 0,4880 gr
Dans un travail très intéressant publié dans « Patria Belgica » (Encyclopédie nationale de la Belgique, dixième livraison, 1873), le docteur Louis Laussedat, médecin distingué de la faculté de Paris qui, après l'avènement du second empire, se réfugia à Bruxelles où il pratiqua la médecine jusqu'après 1870, époque à laquelle il rentra dans sa patrie et fut élu député, le docteur Laussedat dit que si le sol de la Belgique renferme de très nombreuses sources ferrugineuses dans les Ardennes surtout, Chaudfontaine fait exception par la composition et la thermalité de ses eaux.
Le Dr Laussedat dit que la notoriété des eaux de Chaudfontaine est très ancienne, et que c'est à cette station thermale qu'il faut rapporter plus particulièrement ce qui a été écrit par Montaigne, par le Président de Laplace, par Ambroise Paré et Philippe de Besançon, qui tous parlent des bains minéraux de Liége alors que Liége n'en a jamais possédé, et que Chaudfontaine est une localité limitrophe de Liége et sans cesse en rapport avec cette ville, dont un grand nombre d'habitants y ont leurs forges établies. C'est encore Chaudfontaine que Brantôme veut désigner quand il raconte le séjour de Marguerite de Valois aux bains de Liége. Des documents que j'ai consultés m'en ont donné la certitude.
Dans un rapport publié le 9 octobre 1716 par le collège des médecins de Liége, l'efficacité des eaux de Chaudfontaine est très bien établie dans les maladies du tube digestif, et surtout leur emploi en bains et en boissons pour la guérison des affections sous-diaphragmatiques et des maladies des nerfs.
Le docteur Laussedat fait ressortir qu'il est certain qu'en médecine comme en alimentation ce n'est pas tant à la quantité des substances ingérées qu'à leur qualité et à leur mode d'action sur l'organisme qu'il faut s'attacher. Il compare les eaux de Chaudfontaine pour leur composition, leur thermalité, et leur action thérapeutique, aux eaux thermales et aminérales (Eaux chaudes indifférentes comme on les désigne si souvent à tort) des divers pays, et dit que plaider l'action de ces sources si connues et si fréquentées en France, en Allemagne, en Autriche, etc., et que nous avons énumérées plus haut, c'est plaider la cause des eaux de Chaudfontaine, qui méritent une grande part de l'estime dont elles jouissent. Il résulte de l'observation clinique, dit Balaglivi, que les eaux de Chaudfontaine sont réellement efficaces contre la plupart des affections de l'état chronique, qui ont leur siège dans les viscères abdominaux.
L'herpès coïncidant ou alternant avec la goutte erratique y est avantageusement combattu, et si la qualification d'antirhumatismales convient à certaines eaux, nulles d'entre elles ne le méritent mieux que celles de Chaudfontaine. Mais c'est sur le système nerveux, dit encore le Dr Laussedat, que les eaux de Chaudfontaine comme les eaux similaires de Neris, Schlangenbad, Wildbad, etc., ont une action des plus marquées. Ces propriétés, constatées il y a de longues années, ne se sont point démenties; nous dirons même qu'elles se sont accrues avec l'accroissement de la température des eaux de Chaudfontaine. Les observations publiées en 1716 par le collège des médecins de Liége ont été vérifiées par tous les bons observateurs. Le Dr Etienne Kuborn, le Dr Bougard, professeur à l'université de Bruxelles, le Dr Vaust, ancien professeur à l'université de Liége, préconisaient la cure de Chaudfontaine aux névropathes, aux dyspeptiques et aux rhumatisants. Le Dr Frankinet disait que les eaux de Chaudfontaine étaient pour bien des malades nerveux une vraie panacée. Voici ce qu'en disait pour l'illustre professeur le Dr Lombard:
« Les eaux de Chaudfontaine sont du petit nombre des eaux thermales dont la chaleur uniforme est précisément la plus favorable à l'usage des bains. Ces bains conviennent à tous les âges et ne peuvent nuire à aucun malade. Leur température est celle à laquelle les bains produisent généralement les meilleurs effets thérapeutiques. Aussi ne voit-on jamais d'accident à Chaudfontaine, tandis que dans d'autres localités l'usage des bains plus chauds est fréquemment suivi de résultats fâcheux. A Aix-la-Chapelle et ailleurs il faut refroidir l'eau avant de l'employer en bain; on conçoit que l'opération du refroidissement doit nuire souvent à la régularité de la température (nous pourrions ajouter: à la composition chimique de l'eau et conséquemment à son action thérapeutique) puisqu'il suffit d'un léger abaissement de température pour précipiter, décomposer même, et par conséquent rendre inactifs les agents chimiques auxquels une eau doit ses propriétés médicamenteuses et curatives. A Chaudfontaine ni oubli, ni imprudence possible; on ne peut dépasser la température normale de l'eau thermale, et l'on se tient au bain aussi longtemps que l'on veut.
Cette uniformité de chaleur, à un degré (35° C) merveilleusement approprié aux conditions physiologiques de l'homme, est une véritable faveur qui semble acquise aux bains de Chaudfontaine. Un fait que tout le monde a constaté c'est que ces bains ne fatiguent pas lors même qu'on y reste plusieurs heures. La tête reste libre; les personnes qui ont l'haleine courte n'y souffrent pas. La peau se nettoie, des lamelles épidermiques s'en détachent, elle blanchit et devient douce; souplesse du corps au sortir du bain, activité des fonctions, réveil de l'appétit chez les faibles, exaltation de l'appétit chez les autres: tous effets produits par l'absorption d'une grande quantité d'eau chaude qui pousse vivement au dehors, et débarrase ainsi l'économie d'une foule de matériaux organiques inutiles et nuisibles.
Ajoutons les qualités tempérantes, émollientes de cette eau, et l'on comprendra comment tant de malades viennent chaque année se guérir ou améliorer leur santé à Chaudfontaine; comment les femmes nerveuses, vaporeuses viennent s'y rétablir; comment les névralgies rebelles s'y affaiblissent par degrés; comment les rhumatisants, les goutteux, les graveleux, les calculeux, etc., ne manquent guère d'atteindre le bout de la saison, sinon radicalement guéris, du moins avec une très sensible amélioration.
Mais c'est surtout contre les irritations abdominales chroniques que ces bains, suffisamment prolongés et convenablement répétés, produisent de merveilleux effets.
Depuis quelques années un médecin de Plombières combat ces affections invétérées par des bains prolongés; mais l'excessive température des eaux de cette localité ne lui permet pas d'avoir autant de succès que nous en obtenons à Chaudfontaine. Telle peut donc être la devise de nos eaux thermales: à beaucoup utiles, à personne nui- sibles. » (Extrait de Chaudfontaine Wallonnade, par le professeur Grand Gagnage, publiée en septembre 1852.)
Ce qu'écrivait en 1852 le professeur Lombard sur les eaux de Chaudfontaine est toujours vrai, et l'expérience le démontre chaque année. Depuis bientôt vingt-cinq ans nous avons recommandé la cure des eaux de Chaudfontaine, et elle nous a réussi surtout dans les affections herpétiques, rhumatismales et dans les névroses.
Dans la migraine rebelle entretenue par l'anémie et la dyspepsie, les eaux de Chaudfontaine en bains et en boissons, à la dose de quatre à huit verres par jour d'eau thermale prise une demi-heure avant les repas, nous a donné des résultats surprenants.
Les affections rénales, la gravelle urique, le diabète et l'albuminerie chez les goutteux et les rhumatisants sont susceptibles d'amélioration notable et même de guérison. Dans ces cas, la douche chaude, et la boisson dans le bain, produisent d'excellents résultats.
Nous avons traité aussi avec succès des cas d'angine rebelle et de laryngo-bronchite herpétiques et granuleuses par l'emploi de cette eau thermale, non seulement en bains et en boisson, mais aussi en gargarisme et en pulvérisation. Cette eau possède á un haut degré la propriété de donner à la peau une souplesse, une blancheur et un velouté très appréciés du beau sexe. Les affections légères de la peau ne résistent pas à l'usage rationnel et prolongé de ces bains.
Les affections organiques du coeur ou des organes de la respiration qui compliquent parfois les maladies chroniques, susceptibles d'une cure thermale, ne sont pas une contre-indication pour les eaux de Chaudfontaine, comme elles le sont parfois pour les eaux de Carlsbad, d'Ems, de Marienbad de Kreusnach, de Nauheim, d'Aix-la-Chapelle, de Vichy, etc.
La goutte calcaire et la gravelle phosphatique sont améliorées par les eaux de Chaudfontaine en boisson et en bains.
Je crois avoir démontré, par les documents historiques, par l'observation, l'expérience et les travaux de médecins distingués, l'importance et l'utilité des eaux thermales de Chaudfontaine, et je suis persuadé que si la Société qui depuis un an a fait déjà de grandes améliorations, telles que l'éclairage électrique de la localité, l'établissement d'un joli Kursaal, mettait à exécution un projet sérieux pour transformer Chaudfontaine en une vraie ville de cure thermale, à l'instar des belles stations de Vichy, de Plombières, de Cauterêts, de Wiesbaden, d'Ems, et de tant d'autres, qui attirent chaque année une foule innombrable de malades et de surmenés, les eaux de Chaudfontaine auraient bientôt reconquis leur ancienne réputation, et que cette charmante station balnéaire ne tarderait pas à attirer chez elle une nombreuse et fidèle clientèle. Mais, pour atteindre ce but auquel sont arrivées des stations moins privilégiées par la nature, telles que la Bourboule, le Mont-Dore, Saint-Sauveur, Barèges, Salies-de-Béarn, et tant d'autres; il faut avant tout réaliser quatre points essentiels:
1° Construire à Chaudfontaine des hôtels-pensions, des villas confortables et hygiéniques, à l'instar de ce qui se fait en Angleterre et en Suisse, où les malades et les familles puissent s'installer aisément dans des conditions avantageuses.
2° Construire un établissement de bains d'après toutes les règles et les progrès de la balnéothérapie actuelle, tel que j'en ai pu admirer dans les Vosges, dans les Pyrénées, dans l'Auvergne; en Allemagne, en Suisse, etc. et compléter le captage des sources.
3° Assainir la localité par des travaux hydrauliques importants, afin d'empêcher les eaux de la Vesdre, infectées par les industries, d'imprégner le sous-sol et de contaminer ainsi les eaux potables et l'atmosphère. A ce sujet le gouvernement ferait bien de rappeler les industriels á l'observation des lois sur les cours d'eau, qui les obligent à établir des bassins de décantation pour empêcher l'infection des eaux courantes; ces bassins bien organisés seraient une source nouvelle d'engrais pour l'agriculture.
4° De confier à un médecin compétent le service hydro-médical et hygiénique de la station thermale.
Si le problème, tel que nous l'indiquons sommairement ici, était réalisé, on pourrait assurer à Chaudfontaine la prospérité et une vogue inespérée. En effet, cette localité est située au centre de la Belgique, à dix minutes de Liége, deux heures de Bruxelles, sept heures de Paris et huit heures de Londres; le site est des plus pittoresques; la vallée, les coteaux offrent les plus délicieux emplacements pour l'édification d'hôtels, de villas, de sanitariums utiles aux malades et aux convalescents; la vertu curative des eaux thermales ne le cède en rien aux eaux les plus réputées de l'Europe pour le traitement des maladies de l'estomac, des affections rénales, utérines et surtout du système nerveux, hélas! trop fréquentes aujourd'hui. Voisines des eaux ferrugineuses de Spa, les eaux thermales de Chaudfontaine prépareraient bien des malades affaiblis par la dyspepsie gastro-intestinale et la névrose à supporter facilement la cure des eaux ferrugineuses de Spa et à leur assurer le plein succès. Ces deux stations minérales voisines ne pourront jamais se faire concurrence, parce que la composition chimique, la température et l'action thérapeutique de leurs eaux sont absolument différentes. (Chaudfontaine: chaudes 35 1/2°, et alcalines légères. Spa; froides 10°, ferrugineuses et chargées d'acide carbonique.) Mais la combinaison des deux cures pourra produire des résultats inespérés, même des retours complets à la santé, dans certaines affections chroniques (rhumatisme, névrose, diabète, albuminurie, hydropysie, anémie, métrite chronique, affections de la gorge et des voies respiratoires), que l'on chercherait vainement d'obtenir ailleurs.
Nous ajouterons même que si les espérances de la découverte du docteur Koch se réalisent un jour à propos de la guérison de la tuberculose, les collines boisées, bien abritées et bien orientées conviendraient parfaitement à l'établissement d'hôpitaux et de sanitariums pour les personnes atteintes de maladies des voies respiratoires. Nous avons constaté maintes fois l'efficacité des eaux de Chaudfontaine dans certaines de ces affections et leur action tonique et reconstituante.
Nous faisons donc des voeux pour que l'on se mette à l'oeuvre sans tarder, et nous croyons même que le gouvernement ferait chose utile à la prospérité du pays en favorisant par tous les moyens possibles, même par la reconnaissance d'utilité publique, l'établissement en Belgique de stations minérales et thermales, ainsi que cela se pratique sur une si grande échelle en Allemagne, en France, en Suisse, en
Italie, en Autriche, en Espagne, etc.
La Belgique est admirablement située pour attirer les étrangers, sa réputation hospitalière est connue du monde entier. Si elle possédait quelques stations d'eaux minérales bien installées, et Chaudfontaine peut devenir la plus importante de toutes avec Spa, on peut affirmer que ces stations ne tarderaient pas à être fréquentées par un grand nombre d'étrangers et qu'elles seraient une source féconde de prospérité pour le pays, ce qui par le temps qui court n'est nullement à dédaigner.
Liste des ouvrages concernant Chaudfontaine.
(Bibliographie spadoise, par M. Albin Body.)
1714. La connaissance des eaux minérales d'Aix-la-Chapelle, de Chaudfontaine et de Spa, par leurs véritables principes, envoyée à un ami par M. Chrouet, docteur en médecine. Leyde, Ve B. Schouten, in-12 de 88 pages avec une planche représentant le plan du bâtiment des bains de Chaudfontaine. Seconde édition, Liége, J.-A. Barchon, 1729, in-12 de 96 pages.
Lettre à M. Dubar, docteur en médecine à Maestrick (sic) par J.-H. Bresmal, docteur en médecine, préfet de collège des médecins de Liége, ou réplique à la lettre écrite à un ami, contre la défense des eaux minérales de Gadot, par M. Chrouet, docteur en médecine à Liége, chez Baudouin Bronckart, 1714, 180 l. in-12 de 40 pages.
1714. P. 26, La seconde lettre, relative aux eaux de Gadot a pour titre: Lettre à M. Dubar, docteur en médecine à Maestricht, par J.-F. Bresmal, docteur en médecine, professeur du collège des médecins de Liége, ou Réplique à la lettre écrite à un ami contre la défense des eaux minérales de Gadot, par M. Chrouet, docteur en médecine. Liége, Baudouin Bronkart 1714, in-12 de 40 pages. Elle n'est donc pas de 1725, ainsi que le rapporte M. Capitaine.
1714. Titre; Plan du bâtiment des bains de Chaudfontaine, près Liége. Cette gravure, assez insignifiante, représente simplement la vue isométrique (à vol d'oiseau) de l'édifice des bains. Elle figure dans la connaissance des eaux minérales d'Aix-la-Chapelle, de Chaudfontaine et de Spa de Chrouet, 1714, et dans le parallèle des eaux minérales de Bresmal, 1721.
1757. Voyage de Chaudfontaine, opéra burlesses treuz act (par Ab. M. de Cartier, Fabry, de Harlez et de Vivario) mettouis muzik par M. Hamal et exécute al maison d'voir le 23 janvier 1759. Liege, S. Bourguignon, 1757, 3 cahiers in-4° de 8, 8 et 9 pages. Voyages de Limbourg, 1766.
1801. Les délices de Chaudfontaine ou description de la promenade de Liége à cet endroit célèbre, par D. Malherbe, citoyen de Liége. Bourguignon, pet. in-12 de 5 p. 86 pp.
Cet opuscule est dédié aux dames de tous les pays.
1811. Voyage de Liége à Spa par Chaudfontaine, in-8°. Poème, par F. Rouveroy. De Villenfagne dit à propos de cet opuscule: « M. Rouveroy se propose de publier bientôt un voyage à Spa par Chaudfontaine. Cet auteur a pris pour modèle Chapelle et Bachaumont... J'ose assurer que son ouvrage pourra être placé à côté de ces deux poètes agréables ». Comme témoignage, de Villenfagne citait une vingtaine de vers de l'oeuvre projetée. Sur la foi du renseignement de Villenfagne, Dethier, Derive et la Bibliographie liégeoise, ont cité ce livre comme ayant paru. U. Capitaine croyait avec raison qu'il n'avait jamais été imprimé, ayant fait d'inutiles recherches pour découvrir le manuscrit original.
Dans l'essai bibliographique qu'il publia dans ses tablettes spadoises, Dérive signale à cette époque deux ouvrages restés manuscrits. Le premier dont il donne inexactement le titre était le suivant: Mémoires historiques et critiques sur Spa, sur ses sources minérales et sur diverses particularités de ce lieu célèbre, avec une esquisse de ce que les environs les plus rapprochés peuvent offrir d'intéressant, par Deleau-Seraing, in-folio. Ce manuscrit fut vendu par l'auteur à Giloton, libraire à Spa, qui se proposait de l'éditer; mais les circonstances peu propices du moment lui firent ajourner la réalisation de ce projet. Sur ces entrefaites Giloton mourut, le manuscrit passa aux mains de ses héritiers, qui le rendirent à M. Ed. Lavaley, à la mort duquel ilfut acquis par U. Capitaine. Aujourd'hui, il fait partie de la bibliothèque de cet écrivain, qui a été léguée à la ville de Liege. Capitaine avait manifesté l'intention d'en publier une partie; à vrai dire, il ne contient que peu de faits intéressants et la majeure partie du volume est consacrée à des dissertations surannées sur les principes chimiques de nos eaux.
1828. J. B. Leclerc. Abrégé de l'histoire de Spa ou mémoire historique et critique sur les eaux minérales et thermales de la province de Liége et spécialement sur celles de Tongres, Spa et Chaudfontaine, considérées sous le rapport de leur ancienneté et de leur célébrité. Liége, P. J. Collardin, 1818.
1824. Histoire et description d'Aix-la Chapelle, de Borcette et de Spa, ainsi que de leurs environs, par Alois Schreiber, cons. aul. et historiographe de S. A. R. le grand duc de Bade, suivi d'une instruction pour l'emploi des eaux, revue, corrigée et augmentée par le docteur Tietzel, avec un appendice orné d'une gravure et d'une carte. Heidelberg, Engelmann, in-18 de 300 pages. Spa et Chaudfontaine comprennent les pages 139 à 187 de ce volume. Voyez: Revue de la Flore, 1811, Revue du dix-neuvième siècle. Paris.
Les Ardennes belges, par Gustave Vaez (Van Nieuwenhuysen), article reproduit dans « l'Artiste » de Bruxelles, numéros de juillet et août 1837, Chaudfontaine, Spa, Malmédy, Stavelot, Coo, Remouchamps, etc.
1841. Bains d'Europe, Manuel du Voyageur aux eaux d'Allemagne, de France, de la Belgique, de la Savoie, de la Suisse, etc., etc., en partie traduit de l'ouvrage anglais du docteur Granville. Paris, Maison, in-18.
Spa et Chaudfontaine, pp. 460-486. Cet ouvrage contient deux vues de Spa, l'entrée du Bourg et le monument de Pouhon, qui porte ce titre: « Fontaine des crapauds près de Spa. »
1844. Chaudfontaine et ses environs, illustré de vues dessinées d'après nature. Bruxelles, Hauman, in-32 de 28 pages, avec 15 vues. Nouveau guide du voyageur dans Liége, Spa, Chaudfontaine et ses environs (par Rigo fils). Liége, Philippart frères (Denoel), in-18 de 162 pages, 12 planches et un plan.
Ce guide fut réimprimé la même année avec le nom de l'auteur. Règlement d'ordre et de police pour les courses de chevaux établies à Spa, S. l. n. d. Placard à deux colonnes, daté du 27 juin 1844.
1846. Une vue de Chaudfontaine figure dans l'ouvrage suivant: Ignaz Kuranda, België sedert de omwenteling in 1830. Amsterdam, 1846, 28o 1. in-8°.
1853. Chaudfontaine, Wallonade, par G. G. G. G. (J. Grandgagnage, premier président honoraire de la cour de Liége). Liége, Carmanne, in-8° de 206 pp.
Carte et musique gravées. Tiré à part du Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. 1.
1853. Carte intitulée : « Chaudfontaine et ses environs, par Th. Vandermaelen 687. Cette carte ne donne que les environs de Chaudfontaine. Largeur 0.285, hauteur 0.215. Dans: Chaudfontaine, par S. Grandgagnage. Extrait du Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. 1. p. 123.
1873. Villes d'eaux et hydrologie médicale, par M. le docteur Louis Laussedat. A paru dans Patria Belgica, encyclopédie nationale, etc., publiée sous la direction de M. Eugène Van Bemmel, Bruxelles, 1873, in-8°, 1re partie, p. 625; Spa, p. 627; Chaudfontaine, p. 636.
1888. Sources minérales de la Belgique, par le docteur Poskin, médecin consultant, à Spa. (Extrait des Mémoires de la Société Belge de Géologie, de Paléontologie et d'Hydrologie. Bruxelles, 1888).
(1) Le Dr Poskin, de Spa, a démontré que la Belgique renferme un grand nombre de sources minérales alcalines, thermales et autres, qui seraient une cause de richesse pour le pays et un grand bienfait pour l'humanité, si l'on se donnait la peine de les exploiter convenablement, à l'instar de ce qui se fait en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, etc.