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Les eaux de Chaudfontaine

Bulletin de la Société Belge de Géographie

1880

XI. Route de Liége à Chaudfontaine, par la vallée de la Vesdre.

Au commencement du XVIIIe siècle, il n'existait d'autre moyen de transport pour se rendre de Liége à Chaudfontaine, que les petites barques qui remontaient le cours de la Vesdre.

C'était un moyen peu commode et fort incertain, car le service était fréquemment interrompu, soit par manque d'eau, ce qui arrivait souvent en été, soit à cause des crues se produisant à la suite des pluies ou du dégel. Du reste, en toute saison, la navigation était difficile et même dangereuse, car le lit de la rivière était embarrassé par des rochers et par des barrages artificiels construits par les usines établies le long des rives. Un mandement publié au perron de Liége, au son de trompette, le 14 juin 1751 (1), rappelle aux usiniers qu'il leur est défendu d'entraver le cours de la rivière. « Il en est - dit l'édit - qui font des retenues d'eau, et poussent la témérité jusqu'à placer en travers des planches qu'ils appellent Hamendes à la tête de leur venne, qui coupent le fil de l'eau et la jettent ainsi sur leur moulin, au grand préjudice de la navigation et danger imminent des bateliers. »

Mais comme, d'un autre côté, sans retenue d'eau, il était impossible aux usiniers de travailler, le mandement de 1751 prescrivit les règles à observer. Il disait que les ventats, ou vannes, seraient haussés seulement deux fois par jour: « que les bateliers de Fraipont et la barque de Chaudfontaine devraient partir et retourner régulièrement chez eux tous ensemble et à la même heure, tant en hiver qu'en été; qu'une personne de leur part serait envoyée en avant pour avertir chaque maître d'usine de lâcher les eaux et lever les écluses, qui resteront ouvertes aussi longtemps que les bateaux soient entièrement passés, ce qu'il sera obligé de faire à l'instant même de l'avertissement, à peine de dix florins d'or d'amende, applicables, moitié à l'officier, moitié au profit des bateliers. »

Les marchands et particuliers voulant naviguer sur la Vesdre devaient partir en même temps que les bateliers, « afin, dit le mandement, d'aller tous ensemble à la même peine ».

Grâce à ces précautions, on préservait à la fois les intérêts de la navigation et ceux des usiniers, qui n'étaient plus obligés de lever leurs vannes et d'interrompre leur travail à chaque passage de bateau. On voit, d'après cela, qu'à cette époque, les communications entre Liége et Chaudfontaine n'étaient ni fréquentes, ni commodes.

Dans une pétition adressée aux États-Députés, les riverains du chemin vers Chaudfontaine avaient demandé qu'il fût rendu praticable. Nous avons vu qu'un décret, rendu en 1717, avait décidé le pavage de la chaussée depuis le pont d'Amercœur jusqu'au pont de Chênée. Le même décret disait que le pavage serait continué jusqu'au village de Vaux-sous-Chèvremont. Ce chemin devait donc suivre la rive droite de la Vesdre. Il se continuait ensuite par Ster, et descendait vis-à-vis de Chaudfontaine, où se trouvait un passage d'eau. Quelques années plus tard, un entrepreneur construisit un pont en ce point; mais il dut être démoli au bout de peu de temps, car il menaçait ruine par suite de vices de construction.

« Les États ayant demandé, dit un édit de l'époque, que le chemin de Chaudfontaine serait rendu praticable et en état d'y pouvoir aller en voiture, de nouvelles études furent faites et il fut décidé que la route partirait du pont de Chênée et suivrait la rive gauche de la Vesdre.

La construction fut longue et coûteuse. Il fallut surmonter des difficultés de tous genres. En beaucoup d'endroits, on dut entailler le rocher et exécuter des travaux considérables. On avança fort lentement, et ce ne fut qu'en 1779 que la route de Chênée à Chaudfontaine fut inaugurée. A partir de ce moment , les bains de Chaudfontaine devinrent en grande faveur, et, non-seulement les Liégeois, mais des personnes habitant des pays fort éloignés y accoururent en foule pour jouir de l'action curative et bienfaisante de ses eaux.

La route de la vallée de la Vesdre s'arrêtait donc à Chaudfontaine, et ce n'est que cinquante ans plus tard que les travaux furent repris et continués jusqu'à Verviers. Un arrêté royal du 22 juillet 1820 décida que la route serait prolongée et passerait par Prayon, Trooz, Pepinster et Ensival. Un embranchement de Pepinster à Theux, où il se reliait à la route de Liége à Spa, fut construit en même temps. Le tout fut terminé dans le courant de l'année 1827.


(1) Louvrex, Recueil, etc., t. III,p. 243.

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