Par M. le docteur LOUIS LAUSSEDAT
Membre honoraire de l'Académie de médecine de Belgique,
correspondant de la Société d'hydrologie médicale de Paris.
La Belgique, comme la plupart des contrées du nord de l'Europe, ne possède pas les nombreuses variétés d'eaux minérales répandues en France, en Allemagne, en Autriche, en Suisse, et qui se rencontrent, en général, dans le voisinage des montagnes. Le sol de la Belgique, dans la plus grande partie de son étendue, est peu élevé, si ce n'est dans la région méridionale, dite ardennaise, où le niveau des terres s'élève jusqu'au delà de 650 mètres. Aussi est-ce dans cette direction que se trouvent les principales sources d'eau minérale.
Ces sources sont plus nombreuses qu'on ne le croit généralement; mais elles sont à peu près toutes caractérisées par la prédominance des mêmes principes minéraux, les sels ferrugineux, et elles ont une température peu élevée: Chaudfontaine cependant fait exсерtion, et par la composition de ses eaux et par leur thermalité.
On trouve, en outre, aux environs de Liége, quelques sources sulfureuses froides.
Quant aux sources ferrugineuses, on en connaît plus de trente dans le pays, parmi lesquelles nous citerons celles de Chokier, Flémalle-Grande, Huy, Mariemont, Saint-Trond, Tongres, etc. Ces diverses sources rendent de grands services à la médecine pratiquée dans leur voisinage; mais leur réputation n'y appelle pas les malades éloignés: ceux-ci se dirigent de préférence vers Spa, qui jouit, à juste titre, d'une célébrité remontant à plusieurs siècles.
On se tromperait si l'on croyait les ressources hydro-minérales de la Belgique limitées à celles que nous venons de citer; on méconnaîtrait la mer, dont l'eau est la plus essentiellement, la plus richement minéralisée, puisqu'elle renferme environ 32 grammes de sels par litre. Le chlorure de sodium y entre, sans doute, dans la plus grande proportion; mais elle contient, en outre, quantité d'autres sels à bases alcalines, plus l'iode, le brome et tous les éléments de l'ordre organique qui vivent et meurent dans son sein.
Le littoral de la mer du Nord en Belgique offre une étendue de 68 kilomètres; sur ce littoral, se trouvent des plages magnifiques et de nombreux établissements de bains :nous les décrirons plus loin.
L'eau de mer est plus spécialement employée sous la forme balnéaire; personne n'ignore que ce mode d'administration des eaux minérales est l'un des plus puissants moyens thérapeutiques; mais il suffit de faire subir à l'eau marine certaines préparations facilesd'épuration et, au besoin, de l'étendre convenablement d'eau simple, pour en tirer, dans certains cas, un parti très-utile, en l'administrant sous différentes formes et même en boisson.
Toujours est-il que si la Belgique est tributaire des autres pays pour les eaux minérales thermales, alcalines, sulfureuses, salines, elle possède en revanche les eaux ferrugineuses les plus efficaces, et les eaux de la mer dans les conditions les meilleures.
Aussi les étrangers qui viennent chaque année chercher la santé auprès des eaux dont dispose la Belgique ne le cèdent pas en nombre aux Belges forcés de recourir aux eaux minérales de l'étranger.
Signalons une considération importante en ce qui concerne les habitants de la Belgique: les tempéraments dominant dans ce pays où la température est très-variable, où le degré hygrométrique de l'atmosphère est fort prononcé, réclament, plus que d'autres, les eaux toniques, excitantes même et surtout reconstituantes: catégorie à laquelle appartiennent essentiellement les eaux ferrugineuses et les eaux marines. Il est donc permis de dire que là, comme en beaucoup d'autres circonstances, le remède est auprès du mal.
A tous ces titres, il est intéressant d'exposer les ressources hydro-minérales de la Belgique et de parler des établissements où l'on a pu les appliquer.
La station qui occupe le premier rang en Belgique est, sans contredit, Spa; elle se recommande, avant tout,par les propriétés de ses eaux et par leurs divers modes d'administration. La contrée jouit, en outre, de conditions climatériques d'une remarquable salubrité: Spa a eu l'heureux et rare privilége d'échapper aux diverses épidémies de choléra, alors même que le fléau sévissait sur toutes les localités avoisinantes.
Placée au centre de lapartie la plus pittoresque de la Belgique, cette petite ville dépendait autrefois du marquisat de Franchimont; elle appartient aujourd'hui à la province de Liége. Elle est située au 3°29′5′′ de longitude orientale de Paris, et au 50°31′20′′ de latitude septentrionale. La source du Pouhon, au centre de la ville, est à 250 mètres environ au-dessus du niveau de la mer.
L'origine de Spa a été l'objet de récits et de commentaires très-variés. L'amour du merveilleux, plus puissant en tous temps, en tous lieux, que celui de la vérité dépouillée d'artifice, a créé des légendes autour de la plupart des villes d'eaux. Jadis, c'étaient des naïades, des nymphes de tous les noms qui, dans les libations aquatiques, distribuaient leurs bienfaits aux mortels; puis, la réputation de ces divinités subit peu à peu de graves atteintes; toutefois la mythologie, avant de céder la place à la science, a eu à subir une autre concurrence presque aussi redoutable: il devint de mode d'attribuer à la protection spéciale de saints ou de saintes les vertus curatives des eaux.
On ne s'étonnera donc pas qu'il ait été imaginé ainsi de nombreuses légendes païennes ou mystiques: Spa, on n'en saurait douter, a sa légende propre. Suivant celle-ci, saint Remacle, évêque de l'église de Tongres, l'apôtre des Ardennes, poursuivant dans ces contrées les restes du paganisme, aurait découvert, au VIIe siècle, la première source à Spa (le Pouhon de la Sauvenière); il y aurait laissé l'empreinte de ses pas, dotant la fontaine d'un privilége très-envié: sur l'une des dalles de la galerie qui l'entoure, on fait voir, en effet, une entaille profonde ayant la forme d'un pied gigantesque: c'est l'empreinte du pied de saint Remacle. Toute femme qui désire devenir mère n'a qu'à boire, pendant neuf jours consécutifs, un verre d'eau de la fontaine miraculeuse, le pied droit placé dans l'entaille de la dalle: l'année ne se passera pas sans que le but désiré soit atteint.
Laissant les légendes et cherchant l'origine historique de Spa, on trouve chez divers écrivains des indications qui font remonter aux Romains la connaissance de ces eaux. Cette opinion s'appuie particulièrement sur la trouvaille faite auprès du Pouhon d'une médaille assez bien conservée de l'empereur Nerva, ainsi que sur la découverte des vestiges d'une ancienne chaussée allant de Trèves à Cologne, et qu'on retrouve dans un village non loin de la Sauvenière; plusieurs auteurs attribuent également à Spa certains passages de Pline.
Sans s'arrêter plus qu'il ne convient à ces données toujours vagues, c'est à partir du XIVe siècle qu'on commence à trouver les traces certaines de la fréquentation de Spa par les malades: celui d'entre eux dont le nom est le plus anciennement cité est Collin Leloup (Wolf). Ayant trouvé aux sources ardennaises une guérison inespérée, ce malade reconnaissant quitta Bréda, où il possédait des forges, et vint s'établir à Spa. Il y fit, en 1326, construire la première maison dans le grand pré qui entourait le Pouhon.
Une étude spéciale pourrait seule faire connaître les phases de développement, de transformations successives subies par Spa; Mais, pour prouver l'ancienne réputation de cette charmante localité et l'attrait qu'elle n'a cessé d'exercer, il suffit d'enregistrer ici quelques noms pris au hasard dans la série des personnages, célèbres à différents titres, qui, depuis le XIVe siècle jusqu'à nos jours, y sont venus chercher le repos ou la santé.
Dans cette longue liste, on trouve des princes de tous les pays: Henri III, Charles II, Gustave III, le czar Pierre, Joseph II, la reine Marguerite, la reine Christine avec son Monaldeschi; parmi les hommes de guerre, on cite Louis de Gonzague, le fougueux duc de Nevers, Alexandre Farnèse, le lieutenant de Philippe II; le duc d'Épernon, l'un des mignons d'Henri III; le maréchal de Richelieu, académicien à vingt-quatre ans, bien qu'il connût peu l'orthographe.
Ceux qui préfèrent les illustrations d'un autre ordre salueront avec respect les noms glorieux de Juste Lipse, des philosophes Saint-Évremond et Raynal, du savant Monge, du grand botaniste de Candolle.
Les beaux-esprits n'ont pas manqué, eux aussi, de visiter Spa: les plus remarqués sont de Soumaise et le marquis de Bièvre, ces deux princes du calembour; l'un d'eux, voyant sa fin prochaine, s'écriait: Il faut donc, hélas! partir de Spa.
L'ensemble de ces noms représente à l'esprit, suivant la façon dont on veut les envisager, une sorte de Panthéon ou de Pandémonium, peut-être l'un et l'autre.
Les mœurs dont cette ville d'eaux a été le théâtre et le témoin se devinent à la lecture seule du nom des personnages qui ont hanté ces lieux. Le caractère présenté par la société qui fréquentait Spa, peu avant la révolution de 89, est tracé de main de maître par le prince de Ligne. On ne saurait mieux faire connaître le monde du Spa de ce temps-là qu'en reproduisant une page des Mémoires de cet écrivain belge, dont le tour d'esprit aussi fin qu'original ne le cède en rien aux meilleurs écrivains français. Le prince de Ligne parle de la Redoute en ces termes:
J'arrive dans une grande salle où je vois des manchots faire les beaux bras, des boiteux faire la belle jambe; des noms, des titres et des visages ridicules; des animaux amphibies de l'Église et du monde sauter ou courir une colonne anglaise; des milords hypocondres se promener tristement; des filles de Paris entrer avec de grands éclats de rire, pour qu'on les croie aimables et à leur aise, mais espérant par là le devenir; des jeunes gens de tous les pays, se croyant et faisant les Anglais, parlant les dents serrées et mis en palefreniers, cheveux ronds, noirs et crasseux, et deux barbes de juif qui enferment de sales oreilles; des évêques français, avec leurs nièces; un accoucheur, avec l'ordre de Saint-Michel; un dentiste, avec celui de l'Éperon; des maîtres à danser ou à chanter, avec l'uniforme de major russe; des Italiens, avec celui de colonel au service de Pologne, promenant de jeunes ours de ce pays-là; des Hollandais cherchant dans les gazettes les cours du change; trente soi-disant chevaliers de Malte; des cordons de toutes couleurs, de droite et de gauche et à la boutonnière; des plaques de toutes les formes, grandeurs, et des deux côtés; cinquante chevaliers de Saint-Louis; de vieilles duchesses revenant de la promenade, avec un grand bâton à la Vendôme et trois doigts de blanc et de rouge; quelques marquises faisant des parolis de campagne; des visages atroces et soupçonneux au milieu d'une montagne de ducats, dévorant tous ceux qu'on mettait en tremblant sur un grand tapis vert; un ou deux Électeurs habillés en chasseurs, petit galon d'or et couteau de chasse; quelques princes incognito, qui ne feraient pas plus d'effet sous leur vrai nom; quelques vieux généraux et officiers retirés pour des blessures qu'ils n'ont jamais eues; quelques princesses russes, avec leurs médecins; et palatines ou castellanes, avec leur jeune aumônier; des Américains, des bourgmestres de tous les environs; des échappés de toutes les prisons de l'Europe; des charlatans de tous les genres; des aventuriers de toutes les espèces; des abbés de tous les pays; quelques pauvres prêtres hibernois, précepteurs de jeunes Liégeois; quelques archevêques anglais, avec leurs femmes; vingt malades qui dansent comme des perdus pour leur santé; quarante amants, ou qui font semblant de l'être, suant et s'agitant; et soixante valseuses, avec plus ou moins de beauté et d'innocence, d'adresse et de coquetterie, de modestie et de volupté.
Tout cela s'appelait un déjeuner dansant. Le bruit, le bourdonnement des conversations, le tapage de la musique, la monotonie enivrante de la valse, le passage et repassage des oisifs, les blasphèmes des joueurs, les sanglots des joueuses, et la lassitude de cette lanterne magique, me firent sortir de la salle. Dans l’instant, je suis culbuté par une course anglaise sur un mauvais pavé; je me ramasse; j'évite de l'être par une vingtaine de polissons, grands et petits seigneurs, au galop sur de petits chevaux qu'on appelle des escalins. Je m'assieds, et je vois quelques buveurs d'eau compter régulièrement leurs verres et leurs pas, et s'applaudir, cependant un peu tristement, des progrès de leur estomac. Quelques femmes viennent les joindre, j'écoute. « Les eaux vous passent-elles, madame ? dit un vieux président. - Oui, monsieur, depuis hier, répond celle-là. Votre Excellence commence-t-elle à digérer? dit-elle à un ministre d'une cour ecclésiastique. J'aurai l'honneur de répondre à Votre Excellence, dit celui-ci, que je transpire depuis huit heures du soir jusqu'à dix, et que je sue tout à fait depuis dix jusqu'à minuit; et si je n'avais pas tant d'affaires pour Monseigneur, je me trouverais bien tout à fait de ma cure.» Un Français fait le gentil sur le mot de cure, et lui dit: « Je vous croyais au moins vicaire général. Goddam! vos Géronstères et vos Pouhons..., dit un lord. Comment, mes poumons? reprend un demi-sourd. - Je ne dis pas cela, répond le très-honorable membre: j'ai quitté ici tous les bills de mon pays, qui mettaient ma bile en mouvement, pour ne plus entendre parler de notre infernale et mercantile politique; et au lieu d'eau, je bois du punch comme un diable; buvez tous au moins du clairet comme moi. Nous étions hier dix ou douze Anglais bien ivres; nous nous portons tous à merveille aujourd'hui. »
Si j'étais venu à Spa par curiosité, j'en aurais eu déjà assez; car, dans une demi-heure, je l'avais connu, et toute l'Europe et presque l'Amérique aussi; il n'y a pas de meilleur observatoire que les bains et les eaux. Mais comme les observations ne guérissent pas les coups de sabre, je me proposai de m'y arrêter; et, pour reposer mes yeux et mes oreilles, je pris le chemin des montagnes.
Est-ilun tableau plus saisissant d'unmonde pris et peint en flagrant délit? Et quand on songe que, sauf quelques variantes dans les individualités, cette sorte de monde interlope a joué le principal
rôle à Spa jusqu'à nos jours, combien ne doit-on pas applaudir à la suppression, bien que tardive, d'une des causes qui appelaient et alimentaient cette tourbe malsaine!
Spa, rendu enfin à ses destinées propres, rentre en libre possession des dons précieux dont la nature a été prodigue envers lui; Spa, redevenu une véritable ville d'eaux, purgée de toutes les souillures morales qui la flétrissaient, offre aujourd'hui un accès tranquille, un séjour plein de charmes et de ressources d'un prix inestimable, pour réparer les désordres de la santé, pour rendre le calme aux tributaires des agitations sociales.
Si nous avons cru devoir donner tout d'abord un aperçu de Spa au point de vue légendaire, historique, anecdotique, c'est pour qu'il nous soit permis de parler d'une manière plus suivie de ses eaux, n'ayant plus à les envisager que dans l'ordre d'idées qui est mieux de notre compétence.
Les sources d'eaux ferrugineuses sont répandues, pour ainsi dire, à l'infini, dans cette contrée où le minerai de fer entre en si notable proportion dans la constitution du sol. Nous négligerons les divers petits cours d'eau, à dépôts rougeâtres, qui se rencontrent à chaque pas dans la campagne; nous nous contenterons de citer les véritables sources dont l'eau est généralement employée. Ce sont le Pouhon, la Géronstère, la Sauvenière, le Groesbeck, ces deux dernières presque contiguës, le Tonnelet, le Barisart, puis la source Marie-Henriette, dont le captage est récent. Nous devons mentionner aussi la source dite le Pouhon de Condé. Cette dernière, située non loin du grand Pouhon, est une propriété privée, exploitée par une société; toutes les autres appartiennent à la commune de Spa; il faut y ajouter les sources de Nivezé, qui alimentent aujourd'hui l'établissement des bains.
Ces différentes sources different fort peu entre elles, quant à leurs caractères physiques; elle sont limpides, laissent dégager une quantité plus ou moins marquée d'acide carbonique qui, chez plusieurs d'entre elles, s'échappe en une sorte de bouillonnement. Leur température varie de 7°55 à 8° R .; leur densité, de 1,0008 à 1,00998; leur saveur est agréable, piquante et ferrugineuse; la plupart de ces sources dégagent une odeur sulfureuse: la Géronstère est celle où ce phénomène est le plus accusé.
La composition chimique des eaux de Spa a été l'objet d'études nombreuses. Les analyses anciennes se ressentent nécessairement de l'état de la science correspondant aux époques où elles ont été pratiquées; nous rappelons cependant que Nessel, John Lucas, de Limbourg, Bergman, Ash, Jones s'étaient appliqués, avec beaucoup de soin, à rechercher la composition de ces eaux, et en avaient déterminé les agents principaux; plus récemment, M M. Plateau, Fontan, Dewalque se sont livrés à de nouvelles analyses; ils ne sont pas arrivés à des résultats absolument identiques, mais il importe de dire que les variantes remarquées dans ce genre d'opérations proviennent fréquemment des influences subies par les eaux minérales, suivant les conditions atmosphériques et le moment même de l'année où elles sont examinées.
Si l'on veut avoir les renseignements fournis par l'état actuel de la science, qui a fait de grands progrès, surtout depuis l'application aux eaux minérales de l'analyse spectrale, on trouvera les indications les plus précises exposées dans le remarquable rapport fait, en 1872, au conseil communal de Spa par une commission composée de MM . les professeurs Chandelon, Donny, Kupfferschlæger et Swarts. Ces savants ont procédé, avec un soin infini, à l'analyse de la composition des eaux de Spa; ils y ont trouvé les substances suivantes:
Acide carbonique,
Acide chlorhydrique,
Acide sulfurique,
Acide silicique,
Acide phosphorique (traces),
Acide nitrique (traces),
Potasse,
Soude,
Chaux,
Magnésie,
Fer,
Manganèse,
Alumine,
Lithine (traces).
Ces substances n'existent certainement pas toutes isolées et libres dans les eaux de Spa; elles forment, le plus généralement, des composés où l'acide carbonique, indépendamment de la partie notable tenue en suspension, est combiné avec les alcalis ou avec les oxydes métalliques, et forme des bicarbonates, parmi lesquels prédomine le bicarbonate de fer.
Ces eaux contiennent, en outre, une quantité sensible de substances organiques indéterminables, de l'oxygène, de l'azote et des traces intermittentes d'hydrogène sulfuré.
L'hydrologie médicale range les eaux de Spa dans la classe des eaux ferrugineuses acidules.
Les documents fournis par la chimie contribuent beaucoup à faire connaître les propriétés principales qui doivent appartenir à une classe d'eaux minérales. Mais le médecin, tout en tenant compte de la composition chimique des eaux, doit être guidé, dans leur administration, par d'autres considérations encore, celles qu'il puise dans l'observation clinique; l'expérience a démontré, en effet, que des eaux d'une composition chimique à peu près identique exerçaient parfois sur l'économie des influences très-différentes. Ceci doit faire comprendre que l'usage des eaux minérales ne peut, en aucun cas, être tenté sans un grave danger, par une personne saine ou malade, en dehors du conseil et de la surveillance du médecin.
Les eaux de Spa ont été plus particulièrement employées en boisson; elles sont fort utiles et d'une efficacité remarquable, administrées sous cette forme, mais ce n'est pas la seule qui leur convienne; on l'avait pressenti depuis longtemps, et on avait songé, à diverses époques, à prescrire les eaux en bains: la chronique de Spa fait connaître les procédés, les établissements plus ou moins bizarres et tous impuissants, institués à cet effet, puis abandonnés.
L'une des difficultés qu'on ne parvenait pas à vaincre était d'amener, sans la décomposer, l'eau dont la température normale est 8°, un degré convenable pour le bain. Cette eau était invariablement chauffée dans une chaudière à ciel ouvert, et l'on ne manquait jamais ainsi de la décomposer: l'acide carbonique, combiné avec le protoxyde de fer, abandonnait celui-ci, qui se précipitait, et l'eau, perdant de la sorte ses éléments essentiels, présentait une sorte de bouillie, couleur sauce tomate qui, comme on l'a dit, n'était ni chair ni poisson, et n'était certainement pas l'eau qui convenait pour des bains médicamenteux.
Pendant ce temps, la balnéothérapie faisait chaque jour des conquêtes nouvelles; elle perfectionnait et diversifiait à l'infini ses appareils, et parvenait ainsi à faire les applications les plus avantageuses des diverses sortes d'eaux minérales, même de celles qui sont froides à leur émergence. Disons que, dans la presque généralité des sources ferrugineuses, les bains sont peu usités pour deux raisons: 1° presque toutes sont froides (sur les quatre-vingts sources principales de cet ordre connues, douze seulement sont thermales); 2° le débit de ces sources, habituellement peu considérable, en permet difficilement l'usage externe sur une grande échelle. On a obvié au premier inconvénient. A l'aide de jets de vapeur distribués dans un double fond adapté à la baignoire contenant l'eau du bain, on porte aujourd'hui l'eau ferrugineuse, sans lui faire subir d'altération sensible, à la température convenable. Depuis plus de vingt ans, nous avions vu fonctionner ce procédé à Kreuznach et aussi à Schwalbach, station qui a la plus grande analogie avec celle de Spa. Nous avions souvent entretenu les médecins qui pratiquent dans cette dernière ville du procédé suivi à Schwalbach.
Il était sans doute facile d'importer la méthode à Spa; mais une autre difficulté plus sérieuse devait être vaincue: avoir une quantité d'eau suffisante pour alimenter un établissement balnéaire complet, qui permît de mettre en pratique tous les modes d'administration d'eaux propres à ce procédé. Après plusieurs années ou d'inertie ou de tâtonnements, Spa a trouvé enfin le moyen de résoudre le problème.
Il existe à trois kilomètres de la ville, au milieu de prairies isolées, des sources autrefois employées, mais abandonnées depuis longues années: elles portent le nom de sources de Nivezé. Le savant et habile ingénieur M. François, appelé par l'administration communale de Spa à examiner le pays et à se rendre compte du moyen de fonder et d'alimenter un établissement balnéaire, fixa son attention sur les sources de Nivezé; il y trouva vingt-trois griffons fournissant une eau ferrugineuse d'excellente qualité, des fouilles pratiquées démontrèrent qu'il y avait en cet endroit une abondance d'eau aussi considérable qu'on pouvait le désirer. Un puits artésien fut foré, à l'aide duquel tous les griffons furent réunis, et c'est de là que, par un système de conduits parfaitement entendu, l'eau est amenée, sans variation dans sa température, sans altération dans sa composition, à l'établissement magnifique construit au centre de Spa. Ici, l'eau est recueillie dans des bâches installées sous les combles; elle porte avec elle une force de pression de cinq atmosphères et demie, grâce à la différence de niveau de 55 mètres qui existe entre les sources de Nivezé et l'établissement qu'elles alimentent.
Le débit de ces sources se fait par un tuyau de conduite de 14 centimètres de diamètre intérieur, toujours plein, et l'eau, arrivant sous la pression indiquée, remplit en trente-six minutes les quatre bâches, dont la capacité est de 28,800 litres. Le procédé que nous avons dit être employé à Schwalbach est appliqué, perfectionné encore, pour chauffer à Spa l'eau des bains: une baignoire d'une contenance de 400 litres est chauffée, en six minutes, sans que l'eau subisse de décomposition ou d'altération.
Nous ne décrirons pas l'édifice de ce grand établissement balnéaire. Disons seulement qu'il contient cinquante-deux cabinets renfermant cinquante-quatre baignoires, des salles spéciales pour les douches minérales sous toutes les formes et d'autres destinées à l'hydrothérapie non minérale, à l'aide de l'eau simple provenant en abondance du ruisseau qui arrose la promenade des Artistes: cette eau, elle aussi, a été aménagée dans des bâchettes particulières. Ajoutons enfin qu'on a établi des plongeurs ou grands bassins d'immersion, de 6 mètres de longueur sur 3 mètres 25 de largeur, et 1 mètre40 de profondeur. La natation peut se pratiquer dans ces bassins, qui sont alimentés à volonté par l'eau minérale ou par l'eau douce.
Lorsque l'eau employée pour les douches, minérale ou simple, doit être chauffée, elle passe du réservoir dans des bâches métalliques, où elle est rapidement élevée à la température voulue, au moyen d'un serpentin qui ici fait l'office du coffre à vapeur de la baignoire. Un service complet de bains fonctionne donc à Spa; il a été inauguré en 1868, et il a fait toutes ses preuves; on y administre les bains russes avec douche de vapeur et douche en pluie, l'étuve à gradins, les fumigations sèches ou humides, la pulvérisation. L'acide carbonique surabondant permet son usage sous les diverses formes et dans les circonstances nombreuses où son efficacité a été reconnue depuis plusieurs années. Nous sommes convaincu qu'on pourra aussi utiliser pour certaines cures, notamment contre le rachitisme et la scrofulose, les boues ferrugineuses si abondantes et si riches que dépose le ruisseau voisin de la source de Nivezé.
Sans vouloir faire ici un traité de thérapeutique hydro-minérale, nous ne pouvons cependant nous dispenser de rappeler que Spa convient essentiellement aux affections où se reconnaît l'altération des éléments globulaires du sang; seulement, comme l'anémie et la chlorose sont tantôt les causes, tantôt les effets de désordres dans les diverses fonctions de l'économie, il faut au médecin un grand discernement dans l'appréciation de l'état pathologique d'abord, puis dans
l'administration du traitement; car, on ne saurait trop le redire, suivant que la chlorose ou la chloro-anémie sont accidentelles ou constitutionnelles, il y a nécessité de procéder différemment, de recourir parfois à des auxiliaires spéciaux, pour obtenir l'assimilation du fer propre à reconstituer le sang: le remède est quelque chose, mais la médication est tout.
Quoi qu'il en soit, il faut hautement reconnaître que, lorsque l'administration du fer est clairement indiquée, les eaux minérales naturelles contenant cette substance, sous une forme et avec un degré de perfection qu'on chercherait en vain dans toutes les préparations ferrugineuses artificielles, parviendront mieux que tout autre moyen à rétablir la santé.
Loin de nous la pensée de faire des eaux de Spa une panacée; mais il faut reconnaître que, dans notre état social, l'organisme pèche généralement par les altérations du sang; que celles-ci proviennent, soit de causes congéniales et d'insuffisance des forces de la nature, soit de maladies contractées laissant après elles un affaiblissement de l'économie, soit encore de l'influence dépressive déterminée par le séjour prolongé dans les grandes villes et engendrant cet état de langueur appelé par le docteur Bertillon la cachexie urbaine, et par le docteur Bourguignon la malaria urbana. Contre tous ces états fàcheux, il faut se rappeler sans cesse que le fer est, comme l'a si bien dit Herpin, le quinquina du règne minéral.
Ces réflexions et ces rapprochements suffiront pour faire apprécier les ressources précieuses offertes, pour une cure bien entendue, à Spa. Ceux-là mêmes qui, sans recourir aux eaux, voudraient, comme villégiature, faire un simple séjour à Spa, y trouveront tout à la fois les agréments d'un pays des plus pittoresques qui offre des sites charmants à visiter, à des distances très-facilement abordables, et l'air pur qui, respiré dans cette contrée, ranime tout l'organisme.
Un dernier mot sur les eaux de Spa. Non-seulement ces eaux sont employées sur place, mais on les transporte en grande quantité: embouteillées avec soin, elles peuvent être fréquemment utilisées loin des sources, à la condition toutefois que leur mode d'administration soit modifié.
Les eaux minérales froides sont transportables avec le moins d'inconvénient. Il faut noter cependant que si les eaux de Spa conservent, sans altération notable, leurs éléments sous la forme et dans la proportion qui existent au griffon, on ne peut songer à y retrouver l'acide carbonique tenu en suspension, et qui, quelque précaution qu'on prenne, se perd au moment où on puise l'eau.
La faveur qui appartient aux eaux de Spa transportées, ainsi qu'à plusieurs autres eaux minérales froides, ne saurait être reconnue au même degré, il s'en faut, pour les eaux thermales: nous n'hésitons pas à dire que ces dernières voient disparaître, par le fait de leur transport, une grande partie de leurs propriétés, ne fût-ce qu'à cause des modifications déterminées, par leur refroidissement, dans l'état constitutif, dans l'agrégation des éléments que la nature a agencés, à sa manière, dans son laboratoire souterrain.
Nous ne serons contredit par personne en disant hautement que, de toutes les stations d'eaux ferrugineuses plus ou moins recommandables, nulle ne le dispute à la station de Spa.
La valeur de cette station, au point de vue médical et hygiénique, est incontestée. Quant à l'autre genre de célébrité que lui avait faite un certain monde et qui doit nécessairement disparaître, les médecins et les malades n'auront certes pas à la regretter.
La station thermale de Chaudfontaine est située à deux lieues de Liége, à six lieues de Spa, sur les bords de la Vesdre, dans un charmant vallon abrité par des montagnes couvertes de chênes et de sapins.
Le chemin de fer de Liège à Aix-la-Chapelle côtoie Chaudfontaine et permet de descendre au seuil même de cette délicieuse localité, où l'on pénètre en passant sur un pont suspendu. Jadis, l'accès était moins facile; des chemins mal construits, mal entretenus rendaient la route très-fatigante; aussi, pendant de longues années, c'était de préférence en bateau que l'on allait de Liège à Chaudfontaine; dans la belle saison, le voyage par cette voie constituait les trains de plaisir de l'époque: Malherbe rapporte dans ses Délices de Chaudfontaine, que « c'était le premier jour du mois de mai et au bruit d'une musique qui réveillait les échos des deux rivages, que les barques annonçaient chaque année leur service quotidien. »
L'isolement de Chaudfontaine dut nuire à son développement et à la fréquentation de ses eaux. Elles étaient connues cependant, suivant divers documents, dès le XIIIe siècle: le Dr Bovy cite une charte d'un évêque de Verdun, de l'an1250, qui concerne les eaux de Chauveteau-Fontaine; une donation de quarante sols faite, en 1339, à l'hôpital Saint-Julien, où devaient être abrités les pèlerins venant de Notre-Dame de Chèvremont, s'applique à la même localité, appelée alors Choz-Fontaine. Ces deux noms ont été d'abord employés pour désigner les sources thermales des bords de la Vesdre.
L'histoire de Chaudfontaine, pour la plupart des écrivains modernes, semble ne présenter d'intérêt sérieux qu'à partir de l'année 1676, époque où un certain Simon Sauveur imagina le profit qui pourrait être tiré d'une exploitation de ces eaux et conçut la pensée d'instituer quelques baignoires sous une sorte de hangar. Les baigneurs arrivèrent bientôt, plus nombreux chaque année; des logements durent être appropriés. Mais Sauveur ne jouit pas longtemps de sa bonne fortune: la propriété des eaux lui fut disputée avec acharnement par de nombreux compétiteurs; le prince-évêque de Liége intervint, et, pour mettre d'accord les plaideurs, il s'adjugea la propriété des sources et fit consacrer sa prise de possession par la chambre des comptes.
Nous pensons que, sans se compromettre, il est permis de reconnaître aux eaux de Chaudfontaine une notoriété antérieure à la date où Simon Sauveur en fit l'exploitation; nous sommes convaincu, en effet, que c'est à Chaudfontaine qu'on doit rapporter plus particulièrement ce qui a été écrit par Montaigne, le président de Laplace, Ambroise Paré, Philippe Besançon, qui tous parlent des bains minéraux de Liége, de leurs pratiques, de leurs vertus. Or, Liége n'ayant jamais possédé des bains minéraux, il est plus que probable que c'est de Chaudfontaine qu'il s'agit dans ces écrits,et de même, dans ceux de Brantôme, lorsqu'il raconte le séjour de Marguerite de Valois aux bains de Liége.
Toutefois, c'est en 1713 seulement que Chaudfontaine a vu élever un hôtel pour recevoir les baigneurs et y administrer les bains; cet hotel est celui-là même qui porte aujourd'hui le nom d'Hôtel desBains. Des aménagements et des embellissements successifs ont été pratiqués dans cet établissement, qui renferme trente-deux salles de bains, avec des baignoires larges et commodes: l'une de ces salles contient tous les appareils pour l'administration des diverses sortes de douches. Il existe, en outre, une sorte de piscine qui, un peu agrandie, pourrait permettre la natation. Les eaux et l'établissement sont une propriété privée.
Malgré ses bonnes conditions balnéaires, Chaudfontaine, est loin de jouir du crédit auquel il a droit comme station thermale.
Les traités les plus complets sur les eaux minérales en parlent à peine, plusieurs ne la mentionnent même pas, et, chose plus étrange, les quelques écrivains qui, en Belgique, ont publié des notices sur Chaudfontaine, l'ont fait en des termes plus propres à lui faire dénier des propriétés thérapeutiques qu'à appeler vers cette localité et l'attention des hommes compétents et les malades qui devraient, suivant nous, y aller chercher la santé.
D'où vient cet oubli ou cette injustice envers Chaudfontaine? Il y a à cela plusieurs causes qu'il est inutile d'examiner ici.
Nous serions heureux si nous contribuions, pour notre part, à la réhabilitation d'une station thermale appelée, quoi qu'on en dise, à prendre une place honorable dans la classe d'eaux qui, peu minéralisées comme elles, n'en rendent pas moins de très-grands services.
Bien que les eaux de Chaudfontaine n'aient point été le sujet de traités spéciaux convenablement faits, leur efficacité a été appréciée depuis fort longtemps; elle se trouve établie dans un Rapport présenté, le 9 octobre 1716, par le collége des médecins de Liége. Ce Rapport est intéressant à plusieurs points de vue: il contient l'analyse des eaux telle qu'on la pratiquait alors, et il se termine par l'indication des maladies contre lesquelles leur emploi en boisson et en bains est reconnu favorable. Nous y remarquons notamment l'énumération des affections sous-diaphragmatiques et des maladies de nerfs.
Une analyse fut faite deux ans plus tard (1718) par un chimiste de Liége, M. Lafontaine. De ce travail encore imparfait, sans doute, mais mieux raisonné que le précédent, nous retiendrons les qualités physiques indiquées par l'auteur: l’eau est limpide et inodore, sans saveur particulière; elle n'est pas sensiblement d'une densité supérieure à celle de l'eau commune, et sa température, notons ce fait, est de 26° R., soit 31°centigrades.
Pour avoir une analyse un peu plus concluante sur la composition de ces eaux, il faut consulter le travail de M. Delvaux en 1837. Les mêmes caractères physiques sont indiqués par cet analyste; seulement la température constatée est de 34° cent., trois degrés de plus que lors de l'analyse du chimiste Lafontaine.
Enfin, nous avons l'analyse, plus récente encore, faite par l'habile et savant professeur de chimie de Liége, M. Chandelon, qui, en 1867, indique une température de 35°,3.
Nous insistons sur le fait de l'accroissement de température constaté successivement dans les eaux de Chaudfontaine. Ce fait doit fixer l'attention des géologues: il révèle un travail intime dans l'origine et la provenance de ces eaux. L'accroissement de température a été observé dans un petit nombre de sources minérales; par contre, on a observé une diminution notable chez plusieurs, et notamment dans les sources de Tongres; nous aurons occasion d'en reparler.
La thermalité est une propriété essentielle, particulièrement pour les eaux peu minéralisées; elle joue un grand rôle au point de vue de leur thérapeutique: il est donc important de bien établir ce qui s'observe, à cet égard, à Chaudfontaine. Chacun sait que le degré de température apporté par des eaux à leur émergence est en rapport avec les profondeurs d'où elles proviennent. Les divers milieux traversés dans leur parcours influent nécessairement sur la composition intime de ces eaux .
Nous guidant toujours sur l'analyse de M. Chandelon, nous trouvons que les eaux de Chaudfontaine sont composées de la manière suivante:
Acide carbonique libre.
Bicarbonate calcique
Bicarbonate magnésique
Bicarbonate lithique
Chlorure sodique
Sulfate calcique (anhydre).
Sulfate sodique ( id. )
Sulfate potassique
Silice
|
Grammes
0,0610
0,2013
0,0451
traces.
0,1073
0,0440
0,0093
0,0020
0,0180
|
Total des substances minérales constatées |
0,4880 |
La minéralisation,on le voit, est peu considérable; sauf le bicarbonate calcique et le chlorure sodique, les autres substances indiquées sont en minime proportion; aussi les eaux de Chaudfontaine sont-elles classées parmi les eaux dites faibles, dans le langage des hydrologues français; les Allemands appellent ces sortes d'eaux, indifférentes. Pour qu'on n'attache pas à ces dénominations un sens défavorable, hâtons-nous de dire que la même qualification est appliquée aux eaux de Neuhaus, de Gastein et de Tuffer, en Autriche; de Pfeffers et de Ragatz, en Suisse; de Wildbad, dans le Wurtemberg; de Daravar, en Esclavonie; de Schlangenbad, dans le Nassau; et, en France, aux eaux de Bains (Provence), de Foncaues, de Néris et de Plombières. Toutes ces sources sont trop connues, trop efficaces, pour que Chaudfontaine, appartenant à la même catégorie, n'ait pas le droit de réclamer, en aussi bonne compagnie, une part de l'estime dont elles jouissent.
Les eaux minérales ne sauraient être, en effet, jugées uniquement par la quantité de substances qu'elles contiennent. Nous répétons ici ce que nous disions, en parlant de Spa: à côté des lumières fournies par la chimie, c'est l'observation clinique qui doit surtout guider le médecin dans l'étude des eaux minérales et dans leur administration.
Nous ferons observer d'abord que la thermalité naturelle des eaux a sur l'économie une influence physiologique et thérapeutique dont la médecine moderne ne tient peut-être pas suffisamment compte. Les anciens savaient mieux l'apprécier, ils usaient principalement des eaux minérales chaudes: de là vient le nom de thermes, qu'on retrouve non-seulement dans le langage des Grecs et des Romains, mais qui est devenu la dénomination générique des sources médicamenteuses. Ajoutons que la durée des bains chauds était autrement prolongée qu'on ne le pratique généralement aujourd'hui. Sans remonter à des temps très-reculés, nous rappellerons qu'à Pfeffers (Saint-Gall), les malades restaient plongés pendant plusieurs jours et plusieurs nuits de suite dans l'eau à 36°; il y a peu d'années encore, on les y faisait séjourner, en moyenne, dix heures par jour. La tradition n'est pas complétement abandonnée à ces eaux, et elle a conservé son empire en Suisse; ainsi, à Baden (Argovie), on reste en général, dans le bain à 36°, trois heures le matin et deux heures le soir; à Louesche (Valais), la durée des bains, à la température de 35°à 37°, va jusqu'à cinq heures dans la matinée et trois heures l'après-midi. Enfin, dans l'asile d'aliénés de Waldau, près de Berne, le principal traitement consiste dans l'emploi de bains prolongés pendant plusieurs heures.
En Allemagne, on procédait de la même façon, au temps de Montaigne, car on lit, dans ses Voyages, le passage suivant: « Les Allemands se baignent et sont à grenouiller dans l'eau quasi d'un soleil à l'autre. »
En Hongrie, les bains de Raitzen, à Bude, voient arriver chaque année des familles entières de paysans qui, moyennant quelques kreutzers, passent la journée entière dans les piscines, où l'eau a une température de 35°.
En France, il y a peu d'années encore, au mont Dore, le célèbre docteur Bertrand attachait une grande importance à la température élevée des bains; il faisait baigner certains malades dans l'eau du Puits Saint-Jean à 38°, et il obtint ainsi des cures remarquables: aujourd'hui, on n'ose plus au mont Dore administrer les bains à cette haute température, et le Puits Saint-Jean ou du Pavillon ne sert plus qu'aux bains de pieds.
En exposant ces faits,nous ne nous éloignons pas de notre sujet: plaider la cause des eaux chaudes peu minéralisées, c'est plaider la cause de Chaudfontaine.
Il est certain qu'en médecine comme en alimentation, ce n'est pas tant à la quantité des substances ingérées qu'à leur qualité et à leur mode d'action sur l'organisme qu'il faut s'attacher.
Nous ne méconnaissons certes pas les précieuses ressources apportées par la chimie dans la connaissance des eaux; mais cette science, essentiellement progressive, est loin d'avoir dit son dernier mot, d'avoir tout découvert, tout démontré; chaque jour même, elle nous révèle, à l'aide de nouveaux procédés, l'existence de principes inconnus dans les eaux. Ainsi, en 1849, Thénard reconnaît, par l'appareil de Marsh, l'arsenic dans les eaux du mont Dore et de la Bourboule; M. Lefort et d'autres chimistes continuent ces expériences, et ils constatent la présence de ce puissant agent dans un grand nombre d'eaux minérales, en particulier à Plombières, de la classe des eaux indifférentes; en 1859, Kirchoffet Bunsen imaginent l'analyse spectrale, et peu d'années après, l'un d'eux, Bunsen, appliquant la spectroscopie au résidu de l'eau minérale de Durckheim (Bavière), observe dans le spectre qu'il obtient avec ces sels, certaines raies colorées, n'appartenant à aucun des alcalis déjà connus, potasse, soude ou lithine; ces raies provenaient de deux corps inconnus jusque-là: c'étaient deux nouveaux métaux, que Bunsen appela rubidium et casium: la présence de ces deux métaux a été, depuis lors, constatée, en petite quantité, dans un nombre considérable de minéraux et d'eaux minérales.
L'analyse spectrale a fait reconnaître,dans plusieurs eaux minérales,d'autres agents qu'on n'y avait pas soupçonnés, par exemple la lithine dans les eaux de Vals.
Tout récemment, M. de Gouvenain, étudiant les eaux de Néris, source également indifférente, y a signalé une certaine quantité de fluor, et déjà l'inspecteur des eaux, M. Bonnet de Malherbe, attribue à l'influence des fluorures certains effets des eaux de Néris.
Combien d'autres agents plus ou moins saisissables les eaux minérales thermales ne contiennent-elles pas! L'électricité était indiquée, il y a quelques années, par M. Scoutteten, comme l'une de leurs propriétés spéciales: cette opinion, qui a été combattue, est peut-être digne de quelque considération.
Les phénomènes remarquables observés près de certains thermes ont donné cours aux produits de l'imagination les plus étranges: ne pouvant pas se rendre compte des faits, l'esprit s'est parfois égaré jusque dans les régions du surnaturel.
Paracelse a passé des années de sa vie à Pfeffers, ayant la prétention de trouver l'esprit du feu dans la source dite la Chaudière. Sans doute, l'homme de la pierre philosophale et de la panacée universelle n'est pas un modèle à suivre; mais ce fait et d'autres analogues montrent quel attrait infini exerce la recherche de l'inconnu, dans les eaux comme ailleurs. Cet inconnu se dégagera peu à peu, espérons-le, mais, en attendant des explications satisfaisantes, servons- nous des enseignements que fournit l'expérience.
La médecine ne peut ni progresser ni être utile si elle ne s'appuie sur l'observation. Tota medicina in observatione, dit Baglivi.
L'observation, en ce qui concerne Chaudfontaine, a démontré l'efficacité réelle de ces eaux contre la plupart des affections, à l'état chronique, qui ont leur siége dans les viscères abdominaux. Les maladies herpétiques coïncidant ou alternant avec les accès de goutte erratique y sont très-avantageusement combattues; si la qualification d'antirhumatismale convient à certaines eaux, nulles d'entre elles ne le méritent mieux que celles de Chaudfontaine.
Cette propriété est d'une grande valeur dans un pays où les rhumatismes sont si communs et où, par suite, la diathèse rhumatismale imprime si souvent son cachet aux diverses autres affections. Il est habituel d'entendre en Belgique les malades dire tout d'abord et en toutes circonstances à leur médecin: J'ai gagné un froid. Les variations dans la température expliquent et justifient cette locution: c'est l'analogue de l'expression una rhumatica, si usitée en Italie.
Mais c'est sur le système nerveux que les eaux de Chaudfontaine ont, comme les eaux similaires, Néris, Schlangenbad, etc., une action des plus marquées. Ces propriétés, constatées il y a de longues années, nous en avons donné la preuve plus haut, ne se sont pas démenties; nous dirions même qu'elles se sont accrues avec l'accroissement de la température des eaux de Chaudfontaine. Les observations publiées en 1716 par le collége des médecins de Liége ont été vérifiées depuis par tous les bons observateurs. Nous les trouvons confirmées dans l'opinion que nous avons recueillie auprès de nos confrères qui, exerçant à cette station thermale ou dans son voisinage, en font les plus fréquentes applications, spécialement le docteur Étienne et le docteur Kuborn. Ce dernier insiste sur les résultats les plus satisfaisants obtenus par lui en employant les eaux de Chaudfontaine dans les différents genres de névroses et dans plusieurs affections organiques du cœur sans anasarque; M. Kuborn ajoute que ces eaux sont contre-indiquées dans les cas d'anasarque, quelle qu'en soit la cause, et dans les affections des voies respiratoires.
Constater les contre-indications de certaines eaux est le vrai moyen de leur constituer et de leur conserver un crédit mérité: c'est rendre service à la science et à l'humanité.
Que les médecins, surtout les médecins belges, n'hésitent donc plus à envoyer des malades à Chaudfontaine, et que ceux-ci sachent profiter du voisinage de ces eaux, au lieu d'aller au loin s'exposer à ne pas trouver mieux ni même aussi bien. Le plus grand nombre des malades ne peuvent ni ne doivent se transformer en touristes: plus le lieu de la cure est rapproché de chez soi, plus celle-ci est convenable à tous égards.
Quant au mode d'administration des eaux de Chaudfontaine, nous croyons devoir insister sur les avantages qu'on trouvera à user, dans nombre de cas, des bains prolongés et maintenus à la température native: la chose est très-facile, car le débit des sources est considérable. Ces sources n'arrivent pas, il est vrai, au niveau du sol; mais une machine bien entendue les élève, et elle fonctionne de façon à ne leur rien faire perdre de leurs qualités et à suffire à tous les besoins de la balnéothérapie.
Les douches, sous les différentes formes, sont des auxiliaires dont on tirera un grand parti dans le traitement des engorgements articulaires.
On a peut-être un peu trop négligé jusqu'à présent l'administration de ces eaux en boisson.
Il est important de noter l'existence d'une source ferrugineuse très-riche, située dans la charmante vallée de Gloury, à vingt minutes de l'établissement des bains; on l'appelle la Fontaine d'Amour ou de l'Émigré: captée avec soin, cette source sera un précieux voisinage pour diriger certaines cures à Chaudfontaine.
Nous ne voudrions pas paraître insister trop en faveur de cette station et nous voir accuser d'en exagérer la valeur; nous ne pouvons cependant manquer d'appeler l'attention publique, et celle des médecins spécialement, sur les applications à faire de Chaudfontaine comme complément d'autres cures d'eaux, de celles de Spa notamment. Les Allemands prescrivent généralement, après une saison passée dans une station déterminée, la pratique dite Nach-Cur, dans une autre station appropriée; ainsi, après Schwalbach, on va fréquemment à Schlangenbad; Chaudfontaine est exactement dans la même condition par rapport à Spa.
Que ne pourrait-on pas faire encore à Chaudfontaine avec la volonté d'élever cette station au niveau qui lui appartient de droit! Nous sommes certain que là aussi serait très-avantageusement instituée la cure de petit-lait, si usitée en Suisse et en Allemagne.
Nous répéterons: Pourquoi aller chercher au loin ce que l'on a, pour ainsi dire, sous la main?
Que tout le monde, propriétaires des eaux, médecins, malades, y apporte la bonne volonté ,le zèle, l'intelligence; et bientôt Chaudfontaine n'aura plus rien à envier aux autres nymphes ses sœurs, allemandes, françaises, suisses, dont l'indifférence n'existe que pour ceux qui ne savent pas apprécier leurs vertus, ni rechercher et mériter leurs faveurs.
Tongres est situé dans la province de Limbourg, à 17 kilomètres de Maestricht et 22 de Liége. A une petite distance de cette ville, dans un vallon, existe une source ferrugineuse appelée fontaine de Pline.
Les habitants de Tongres n'hésitent pas à appliquer à cette source le passage suivant des écrits du grand naturaliste, passage revendiqué par les gens de Spa en faveur de leurs eaux :Tungri, civitas Galliæ, fontem habet insignem, multis bullis stillantem, ferruginei saporis, quod ipsum non nisi in fine potus intelligitur: purgat hic corpora, tertianas febres discutit, calculorumque vitia.
Ces eaux auraient donc été, au temps de Pline, tout à la fois toniques, purgatives, fébrifuges et lithontriptiques.
Nous devons ajouter, d'après l'historien de Villenfagne, qu'en 1700, trois docteurs de l'université de Louvain et vingt-sept autres médecins de différents endroits, rassemblés à Tongres, jugèrent unanimement, après plusieurs expériences et ayant examiné attentivement la fontaine de cette ancienne ville, qu'elle avait les mêmes propriétés que la fontaine dont Pline a fait la description.
Déjà vers 1570, la même opinion avait été professée par un médécin italien de grande réputation, Andre Baccio; il citait e nombreuses guérisons obtenues à Tongres, dans des cas de gravelle notamment.
Sans attribuer d'une façon absolue à la fontaine dite de Pline les quatre grandes vertus dont elle aurait joui autrefois, il est incontestable que cette source minérale rend de très-grands services
dans les cas où convient l'emploi des eaux ferrugineuses, et qu'elle conserve encore aujourd'hui ses propriétés fébrifuges, grâce sans doute à l'arsenic dont la présence y a été positivement constatée.
La fontaine de Tongres a perdu, comme nous l'avons dit, plusieurs degrés de son ancienne température, en même temps que sa minéralisation diminuait notablement: coïncidence importante à signaler, parce qu'elle indique le changement de régime de ces eaux, et dans la profondeur de leur origine et dans les milieux qu'elles traversent.
L'analyse faite par le docteur Bresmal, en 1700, lui avait fourni un scrupule de substance fixe par bouteille, poids équivalent à 1gr,666: les analyses récentes ne donnent plus que 0gr,344.
Cette différence considérable, à deux époques relativement rapprochées, doit faire admettre qu'au temps de Pline, les eaux de Tongres devaient posséder une très-forte minéralisation.
C'est à tort que plusieurs savants persistent à déclarer une composition constante dans les eaux minérales, tout tend à prouver le contraire, et de la sorte s'expliquent, en partie au moins, les différences, souvent très-grandes, entre les propriétés attribuées autrefois à certaines eaux et celles qu'elles présentent aujourd'hui. Si l'on tient compte des modifications opérées dans notre atmosphère, on comprendra mieux encore les changements observés auprès de certaines eaux minérales. La conclusion est qu'il faut, au point de vue de la science, connaître le passé des eaux, leur tradition, mais, dans la pratique, prendre les choses telles qu'elles se présentent, les étudier avec soin et en faire une application judicieuse et raisonnée.
Après avoir signalé ce que les eaux de Tongres, bien que fort utiles encore, ont perdu en propriétés physiques et chimiques et aussi, un peu injustement, en réputation, nous sommes heureux d'avoir à faire connaître des sources très-récemment découvertes à Dinant, à proximité de l'établissement hydrothérapique fondé il y a quelques années.
Les sources de Dinant méritent d'autant plus qu'on s'en occupe que leur composition diffère beaucoup de celle des autres eaux minérales de la Belgique. Ces sources fournissent un débit abondant; l'eau est d'une admirable limpidité et d'une saveur fort agréable. Des études se font en ce moment pour fixer exactement leur densité, leur température et leurs autres qualités physiques; mais nous avons déjà l'analyse chimique faite par M. Ghislain, pharmacien militaire à Namur. Cette analyse a trouvé dans un litre d'eau:
Bicarbonate de chaux
Bicarbonate de fer
Sulfate de chaux
Chlorure divers
Acide carbonique libre
Manganèse et arsenic. |
Grammes
0,400
0,080
0,090
0,200
non encore dosé.
non encore dosés. |
Cette source mérite donc d'être appelée calcaro-ferrugineuse. Sa richesse en sels calciques etferrugineux n'offre, d'ailleurs, rien de surprenant, la région dinantaise appartient à l'assise calcaire carbonifère du pays.
On comprend tout le parti à tirer de ces eaux, venant sourdre au milieu d'une nature privilégiée, pour la cure des affections chroniques liées plus ou moins au rachitisme et aux scrofules: il est probable que des applications heureuses en seront faites contre les premières manifestations de la phthisie pulmonaire. La convalescence de diverses maladies trouvera aussi dans ces eaux un auxiliaire précieux.
Dinant ne sera plus seulement le but des promenades des touristes et des recherches des naturalistes; il deviendra un séjour aussi agréable que salutaire pour les malades et les convalescents. Nulle contrée peut-être en Belgique ne peut le disputer à celle-ci en pittoresque et, ajoutons, en souvenirs historiques dont le caractère et la trace se trouvent à chaque pas. La ville de Dinant, située dans la province de Namur, s'élève à 250 mètres au-dessus du niveau de la mer: surplombée de rochers gigantesques aux pointes menaçantes, elle est bâtie au fond d'une de ces vallées créées par des eaux dont le cours impétueux ne connaissait pas d'obstacle, et présente l'un des premiers et des plus concluants témoignages du passage de la Meuse à travers le massif des Ardennes.
La nature, qui semble avoir voulu distribuer à cette contrée des faveurs de toutes sortes, l'a dotée de plusieurs de ces palais merveilleux aux voûtes diamantées, hantés par des génies, des fées, des géants, objets des superstitions et des terreurs des habitants. Nous voulons parler des splendides grottes de Han-sur-Lesse, de Freyr, de Mont-Fat, situées non loin de Dinant.
Nous indiquons tous ces côtés attrayants du pays en vue d'y attirer davantage encore les visiteurs. Dans le nombre, il s'en trouvera, nous l'espérons, qui porteront aussi leur attention sur les eaux vraiment précieuses qu'on vient d'y découvrir: ils aideront à les mieux faire connaître. Toutes les sources minérales ne justifient pas, il est trop vrai, la notoriété qui leur est créée par des procédés factices; mais les sources de Dinant nous semblent dignes ,à tous égards, de culture, de fréquentation et d'applications thérapeutiques. Nous répéterons qu'elles offrent à la Belgique un ordre d'eaux qui n'y avait point été rencontré jusqu'à ce jour.
Si nous devions faire l'histoire de toutes les sources minérales qui se rencontrent sur le territoire de la Belgique, il faudrait consacrer un volume entier à ce travail. Après avoir signalé les eaux et les localités les plus importantes, nous devons nous contenter d'indiquer ici quelques sources dignes d'attention, ne fût-ce qu'en raison de leur ancienne réputation.
Brée (Limbourg) possède, à peu de distance, deux sources ferrugineuses froides, depuis longtemps connues, mais peu employées aujourd'hui.
Huy (province de Liège). La fontaine Sainte-Catherine, analysée par M. Delvaux, est située à un quart de lieue de cette ville. Elle aussi a joui autrefois d'une réputation qui se perd chaque jour.
Mariemont (Hainaut), Harre (Luxembourg), Bra et Harzé dans la province de Liége, sont autant de sources provenant des terrains schisteux de l'Ardenne et du calcaire anthraxifère: elles sont ferrugineuses acidules.
Il n'existe en Belgique que trois sources sulfureuses.Toutes trois sont près de Liége: l'une, à Basse-Wez, commune de Grivegnée; l'autre, dans la vallée de Sclessin, et la troisième, à la station du chemin de fer. Ces eaux, sans être très-minéralisées, pourraient être utilisées; elles le sont fort peu.
On a récemment découvert, dans les Flandres, des sources qui paraissent de nature à rendre de nouveaux services à la médecine, dans des contrées où les eaux minérales sont rares. M. Burggraeve a fait sur ces nouvelles eaux un rapport à la Société de médecine de Gand.
Les considérations auxquelles nous nous sommes livré à l'égard des eaux minérales de la Belgique, nos indications sommaires touchant la thérapeutique hydro-minérale, sont de nature, nous le pensons, à faire pressentir quels puissants auxiliaires la médecine peut trouver dans les eaux. Souvent elles sont la meilleure et, il faut le dire, la dernière ressource contre les maladies rebelles aux procédés de la thérapeutique ordinaire.
Quant aux eaux artificielles destinées, suivant certains chimistes, à remplacer les eaux minérales naturelles, on ne saurait protester avec trop d'énergie contre cette prétention: en cette matière moins qu'en aucune autre, il n'est permis d'imiter la nature. Si les médecins veulent employer certaines substances minérales qui se trouvent dans les eaux, ils doivent les prescrire sous leur forme propre et ne se fier jamais aux propriétés qu'on a voulu attribuer aux eaux artificielles.
Il est des personnes, certains médecins même, qui ont peu de foi, nous les avons, dans l'efficacité des eaux minérales: cela provient ou de trop grandes exigences envers elles, ou d'un manque d'étude des indications et des contre-indications propres à chaque source, nous dirions presque à chacune des stations.
Ces études ne peuvent se faire bien, on le conçoit, ni dans les universités, ni dans les livres. Pour connaître les eaux minérales, pour bien les apprécier et savoir les manier, il faut en avoir observé les effets aux sources mêmes.
L'hydrothérapie proprement dite, où l'on se sert de l'eau simple à température faible, compte en Belgique plusieurs établissements possédant les appareils et appliquant les procédés que la science n'a cessé de perfectionner.
Nous avons indiqué l'hydrothérapie spéciale instituée dans l'établissement même des bains de Spa. A Grammont, l'hydrothérapie est pratiquée depuis un grand nombre d'années. L'établissement hydrothérapique et hydro-sudopathique de Dinant, fondé par le Dr Williaume, paraît appelé à un bel avenir.
Non transcrit