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Les eaux de Chaudfontaine

LES EAUX DE SPA

LEURS VERTUS ET LEURS USAGES

par Jules LEZAAK, 1864

1725 Les bains de Chaudfontaine - Renier Reiskin
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EXTRAIT RELATIF A CHAUDFONTAINE


J'arrive maintenant à Chaudfontaine, qui est une petite commune située à deux lieues de Liége et six de Spa, sur la rive gauche de la Vesdre, et sur le chemin de fer allant de Bruxelles vers l'Allemagne. Tous les convois s'y arrêtent, sauf les express.

Les eaux de Chaudfontaine sont des eaux thermales très-peu minéralisées. Elles sont connues depuis le XIIIe siècle, comme le prouve une charte d'un évêque de Verdun, à la date de 1250, où ce village est désigné sous le nom de Chauveteaufontaine.

La tradition rapporte qu'il y existait, au XIVe siècle, un hospice pour loger les pauvres pèlerins revenant de Notre-Dame de Chèvremont, et pour les pauvres malades qui venaient chercher la guérison de leurs maux aux sources thermales. On ne trouve pas actuellement vestige de cette ancienne construction.

Pendant de longues années, des siècles, pourrait-on dire, Chaudfontaine est resté oublié et perdu au milieu des forêts qui l'entouraient de toutes parts.

En 1676, un nommé Simon Sauveur, simple paysan des environs, guidé par son intelligence, comprit que ces eaux chaudes naturelles n'étaient pas sans vertu. Il entreprit de réunir toutes les sources visibles sous une espèce de hangar, et il y installa quelques baignoires plus ou moins bien agencées. Mais cela ne suffisait pas, il fallait donner de la réputation à son établissement d'une architecture si primitive, et attirer l'attention du public sur son chétif village.

Le moyen qu'il employa fut celui qu'on emploie encore aujourd'hui, la réclame.

Il obtint d'un médecin de Liége un exposé des vertus des eaux de Chaudfontaine contre beaucoup d'affections, principalement celles de la peau. Il le fit imprimer et le distribua.

Cette publication fit son effet; les baigneurs affluèrent. Ils furent forcés de se loger dans une vieille maison voisine de la source et dans les forges environnantes.

C'est donc à Simon Sauveur que Chaudfontaine doit de ne pas être resté bien des années encore enfoui dans son obscurité; C’est cet humble paysan qui a jeté les bases de sa prospérité et de son avenir.

On va peut-être supposer que Sauveur recueillit les fruits de sa découverte, qu'il profita de son travail, s'enrichit et laissa à ses enfants cette richesse créée par lui. Il n'en fut rien.

Le nombre des visiteurs augmenta chaque année, et les bénéfices suivant la même proportion, des envieux surgirent et vinrent contester la propriété du sol sur lequel Sauveur avait édifié son modeste établissement de bains. Ils le menacèrent d'un procès et finirent par le dépouiller, si bien que le pauvre homme mourut de chagrin et de misère.

Ses persécuteurs ne jouirent pas long-temps du bénéfice de leur spoliation. Le prince évêque de Liége revendiqua à son tour la propriété des sources, et la Chambre des Comptes, par une décision en due forme, l'autorisa à en disposer à son gré.

Pour se rendre alors à Chaudfontaine, on devait faire le trajet en bateau. Il n'existait qu'un mauvais chemin à peine praticable pour les piétons, à plus forte raison pour les cavaliers. Il était d'un accès très-difficile. En 1779, on construisit une route qui permet d'arriver de Chénée à Chaudfontaine en voiture.

Malherbe rapporte, dans ses Délices de Chaudfontaine, que « c'était le premier jour du mois de mai, et au bruit d'une musique qui réveillait les échos des deux rivages, que les barques commençaient chaque année leur quotidien service.»

C'est en 1711 que la source du Gadot fut découverte. C'est celle qui alimente l'établissement de bains existant aujourd'hui.

Chaudfontaine est à présent un joli petit bourg assis sur les bords de la Vesdre, qui le sépare de la station du chemin de fer. On traverse la rivière sur un élégant pont en fer, d'un aspect très-original.

Au Nord et au Midi, de hautes montagnes couronnées de belles forêts encadrent le paysage et font de Chaudfontaine un séjour charmant. Ces montagnes sont sillonnées de promenades et de petits chemins qui aboutissent à des éclaircies ménagées entre les arbres, et par où l'on découvre des vues ravissantes, soit en amont du côté du château de la Rochette, soit en aval du côté de Chénée, qu'on aperçoit dans le lointain.

De ces hauteurs on découvre Angleur et une partie du bassin de Liége, avec ses immenses hauts fourneaux, qui, la nuit, ressemblent à une suite de petits cratères enflammés, et ses hautes cheminées qui dénotent la vie et l'activité industrielles de cette partie de la Belgique.

Les environs de Chaudfontaine méritent d'être visités. Comme lieu de promenade, on peut d'abord choisir la chapelle de Chèvremont, bâtie sur les ruines et avec les débris du château du même nom, après le massacre d'Immont par Notger, évêque de Liége, le 20 août 980.

Cette chapelle possède une vierge miraculeuse qui jouit d'une grande réputation dans les environs. Le nombre des pèlerins qui y vont chaque année est très-grand et ne tend nullement à diminuer.

On visitera encore le château de la Rochette, bâti sur une éminence où existait jadis une forteresse dont il ne reste plus que quelques débris;

Le village de Ninane, qui, il y a quelques années, fut presque entièrement détruit par un incendie;

Le plateau de Beaufays, d'où le regard embrasse un horizon d'une étendue extraordinaire.

Si on pousse jusqu'à Chénée, on y trouve le vaste établissement de la Vieille-Montagne, où le zinc arrive en minerai pour en sortir sous les formes les plus diverses. C'est le plus grand établissement de ce genre qui existe en Belgique.

Par le chemin de fer, on peut aller à Liége en vingt minutes, à Spa en une heure et demie, et à Aix-la-Chapelle en deux heures.

Les eaux de Chaudfontaine n'ont jamais été étudiées avec soin. Je ne sais si on en a fait une seule analyse sérieuse. On les emploie principalement, ou plutôt on ne les emploie qu'en bains; car il n'y existe pas de buvette.

On les conseille dans les affections de la peau, contre les rhumatismes, contre les dérangements de l'estomac et les maladies des voies urinaires.

Il existe à Chaudfontaine un établissement de bains appartenant à une société particulière et exploité par un locataire qui y tient un hôtel très-confortable avec table d'hôte. Pendant la journée, les étrangers vont faire des excursions dans les environs; le soir, après la table d'hôte, ils se réunissent dans un grand salon, où ils font de la musique; et la danse termine souvent la soirée.

La vie est très-agréable à Chaudfontaine pour les personnes qui aiment la campagne et les plaisirs tranquilles.

Vers 1827, des jeux y furent établis; mais le voisinage d'une ville manufacturière où la population ouvrière est très-nombreuse, et surtout celui de l'Université, amenèrent bientôt des réclamations qui forcèrent le gouvernement à retirer la concession accordée. Pendant ces quelques années, Chaudfontaine fut fréquenté par beaucoup de joueurs; mais il fut abandonné par sa clientèle habituelle.

Cette petite localité a perdu plutôt que gagné par l'établissement du chemin de fer. Avant l'existence du railway, les Liégeois venaient à Chaudfontaine pour s'y reposer de leurs fatigues. C'était un but de promenade pour eux; c'était la campagne commune où la société liégeoise se retrouvait tous les dimanches pendant la belle saison; et pendant la semaine, on y donnait des pique-niques , des parties de plaisir. Aujourd'hui que les distances n'existent plus, les anciens habitués de Chaudfontaine vont plus loin; Spa, Aix-la-Chapelle, Ostende et Blanckenbergh lui ont enlevé sa clientèle. Il ne lui reste plus que ceux qui vont s'y établir pour y passer une partie de la saison, loin des tracas et de la poussière des grandes villes, et qui apprécient avant tout l'air pur et vif de la campagne et le calme de la vie champêtre.

Depuis 1861, époque où la commune de Chaudfontaine a obtenu une part dans les bénéfices des jeux de Spa, elle a fait bâtir un Kursaal dans les jardins attenant à la station. Il a été inauguré en 1862, et de temps en temps, pendant les beaux jours de l'été, on y donne des bals, des fêtes musicales qui attirent l'élite de la société liégeoise et verviétoise, mais pour un jour seulement. Toute cette brillante jeunesse, ces belles et riches toilettes, ce bruit de la vie et du plaisir disparaissent avec le dernier son de la musique, comme l'hirondelle au premier souffle de l'hiver.

Une seule chose peut rendre la vie à Chaudfontaine, le relever de l'oubli où il est tombé, c'est que l'efficacité de ses eaux soit établie, qu'on fasse constater leurs vertus et surtout qu'on prouve qu'elles n'ont pas perdu de leur valeur; c'est aussi qu'on améliore l'établissement de bains existant, qu'on y installe un service d'eau à l'intérieur, des appareils à douches et surtout une piscine.

On pourrait encore y annexer un établissement hydrothérapique, comme il y en a sur les bords du Rhin,comme nous en avons un à Grammont.

Les deux genres de traitement réunis dans le même local, montés avec soin et dirigés par un médecin instruit, amèneraient bientôt la foule des malades, et avec eux la vie et la prospérité.

Avec ses eaux thermales seules Chaudfontaine ne pourra jamais lutter contre sa voisine Aix-la-Chapelle. Les eaux de cette dernière ville sont trop connues, et leur réputation trop bien établie pour que d'autres puissent jamais lui enlever un seul client.

Chaudfontaine offre cependant un avantage incontestable: c'est sa situation au milieu d'un air pur et sain, exempt des miasmes que donne toujours une grande ville, où sont agglomérées une nombreuse population ouvrière et des usines de tous genres; c'est sa position entre des montagnes couvertes complétement de forêts, qui enlèvent constamment à l'air ambiant toutes ses parties nuisibles, et y rétablissent le principe vivifiant, l'oxygène.

Mais ces circonstances, quoique très-favorables, ne suffisent pas pour constituer une médication: c'est pourquoi j'émets l'idée d'y joindre le traitement à l'eau froide, maintenant si répandu et si bien apprécié par le public. C'est à ceux qui ont mission de surveiller et de faire prospérer les intérêts de Chaudfontaine qu'il appartient d'étudier cette question; c'est à ceux qui sont propriétaires de l'établissement thermal à juger si, dans leurs intérêts, il ne serait pas convenable de mettre à exécution cette idée. On pourrait citer plusieurs endroits en Allemagne et en Suisse où un simple et modeste établissement hydrothérapique a fait d'un pauvre village une localité très-importante et très-prospère. On ne pourrait jamais choisir une situation mieux appropriée pour ce genre de traitement que Chaudfontaine; tout s'y trouve réuni, même ce qu'on n'a pas ailleurs, l'eau thermale.

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