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CHARLEMAGNE

Les quatre fils Aymon

par Ferdinand. HENAUX

Les romans de chevalerie et les traditions liégeoises font jouer un grand rôle dans notre pays tantôt à Pepin de Herstal, à Charles Martel, à Charlemagne, à Berthe aux grands pieds, aux Dodon aux six doigts, tantôt à Ogier l'Ardanois, aux Quatre fils Aymon, etc.

Il serait intéressant, ce nous semble, de savoir quand et comment ont vécu chez nous ces fameux personnages. Mais de telles recherches sont fort épineuses; car il ne s'agit de rien moins que de faire là part du vrai et de la fiction.

Si une volonté moins humble que la nôtre s'emparait de ce sujet, nul doute que l'histoire n'en retirât quelque fruit. C'est ce dont on s'apercevra aisément en parcourant cette chétive élucubration, où nous tentons de confirmer les traditions populaires sur les quatre fils Aymon, par des preuves sinon irrécusables, du moins fort vraisemblables.

Souhaitant qu'on ne se méprenne pas sur notre compte, et pour qu'on ne se plaigne point de la sécheresse de nos études nous dirons que notre intention est simplement de dresser l'inventaire de nos traditions héroïques, et de ne point franchir les limites du petit coin de terre qu'on appelait, il y aura bientôt un demi-siècle Pays de Liège. Nous prions le lecteur de ne pas l'oublier.


LES QUATRE FILS AYMON.


II existe dans le pays de Liège un grand nombre de traditions héroïques. Personne, que nous sachions, ne s'est encore occupé de les recueillir.

Tant et de si profonds changements se sont introduits dans les mœurs, les générations actuelles sont travaillées de si violents désirs, et les têtes blanches qui nous restent sont en si petit nombre, qu'il faut se hâter, croyons-nous, de confier à la lettre moulée les traditions orales, si l'on ne veut pas courir le risque de les voir disparaître à jamais. Combien déjà ne revivront plus, mortes et ensevelies dans la mémoire de nos pères tombés depuis la révolution? Combien, déjà, qui sont mutilées, incomplètes et gâtées dans leur naïveté par ceux qui se sont mêlés de nous les dire depuis la même époque! Hélas, où irions-nous les entendre! Où les raconte-t-on encore? Où y a-t-il un rouet qu'on entoure? Avant 1800, c'est-à-dire quand il n'y avait pas encore de machines dans nos campagnes, filer à la main était l'occupation favorite de toutes les veillées. Comme au temps où la reine Berthe filait, la ménagère, avec sa quenouille de bois, la douairière avec sa quenouille d'argent, filaient, l'une en écoutant le crédule bouvier, et l'autre un vieux bourgeois tout chenu, et les conteurs, en déroulant la série des merveilleuses aventures de nos gnomes et de nos sylphes, ou celles des paladins de Charlemagne, déroulaient eux-mêmes leurs fuseaux. - Aujourd'hui, qu'il n'y a plus de veillées, il est donc difficile de recueillir les traditions dans leur entier. Aussi, notre intention n'est-elle ici que d'en rassembler les débris épars, pour les empêcher de s'anéantir dans un complet oubli (1), laissant à d'autres plus heureux ou plus habiles le soin de mieux ordonner ou d'embellir ces matériaux pour en faire des récits capables d'intéresser et de charmer le lecteur.

Parmi toutes ces figures héroïques, les quatre fils Aymon sont, sans contredit, les plus populaires (2). Il n'est pas de Liégeois qui n'ait lu ou du moins entendu raconter leurs périlleuses aventures et qui ne puisse indiquer les lieux de notre contrée qu'ils ont habités. Le souvenir de ces preux s'est toujours conservé dans la mémoire du peuple, grâce en particulier aux traditions et aux ruines féodales qui peuplent nos campagnes.

Pour peu que l'on ait étudié l'histoire des temps mérovingiens, on est conduit à admettre que les principaux personnages qui figurent dans le roman des quatre fils Aymon étaient originaires du pays de Liège ou y avaient leur résidence habituelle.

Et d'abord, nous citerons comme prenant place dans l'une ou l'autre de ces catégories: Charlemagne, le sage duc Naymes (3), le perfide Ganelon, Ogier l'Ardennais, puis Beuves d'Aigremont et l'enchanteur Maugis, son fils, et enfin Aymon et ses quatre fils.

Il faut observer, ensuite, que l'exactitude des détails que le romancier donne sur les lieux est telle, qu'il n'est pas un de nous, Liégeois, qui ne reconnaisse soit la plaine, soit la vallée où s'est passé quelque fait d'armes remarquable de ces paladins. Montez sur la cime de cette colline et orientez-vous. Là-bas, dans le lointain, s'élève le manoir où Aymon aiguise sa hache et où Edwige file sa quenouille au milieu de ses chambrières; plus loin, à l'ouest, surplombant la Meuse, apparaît la forteresse d'Aigrement, où veille Beuves. Le plus bel épisode du roman est sans contredit le siège de Montfort, château situé à trois lieues et demie de Liège. Questionnez le herdier (berger) des bords de l'Ourthe, il vous montrera, à quelques traits d'arbalète du château, l'endroit où Charlemagne avait dressé sa tente.

Tout ne démontre-t-il pas que les héros du roman des quatre fils Aymon sont Liégeois? Les premiers chapitres de cette épopée parlent de faits qui se sont accomplis dans les environs de la bonne cité de Liège. De son côté, que ne nous redit pas cette cité du règne brillant de l'empereur Charles? C'était dans ses murs, où il avait reçu le jour, que le vaillant roi aimait à venir passer les fêtes de Pâques et de Noël près de l'évêque Agilfride, son neveu, à qui il confia la garde de Didier, dernier roi des Lombards.

En présence de semblables souvenirs, qui, dans notre contrée, parlent si vivement à la raison la plus froide, il est impossible de ne pas considérer le roman des quatre fils Aymon, non pas, il est vrai, comme un monument incontestable dans son entier, mais certainement comme une riche paraphrase de textes authentiques. La fiction a une large part dans les détails, mais elle n'en recouvre pas moins un fond de vérité qu'on ne peut méconnaître.

Ce fond de vérité, c'est d'abord la réalité des personnages. D'un autre côté, la lutte entre Charlemagne et ses feudataires est loin d'être tout à fait fictive. Si l'histoire n'en a tenu compte, c'est qu'elle était occupée à retracer des événements bien autrement grandioses. Charlemagne, on le sait, se plaignait souvent des téméraires vassaux qui refusaient de lui rendre l'hommage lige, c'est-à-dire, de le servir en cour, en plaids et en ost, et qui ne voulaient prêter que l'hommage de fidélité: ce qui heurtait ses prérogatives de suzerain et l'obligeait à user de la force pour faire plier les genoux à ces orgueilleux seigneurs (4). Aussi, dans ces temps reculés, les conflits à main armée de suzerain à feudataire et de seigneur à seigneur ne sont-ils point un anachronisme. Pour tomber dans des exemples faciles à vérifier, nous citerons la guerre entre les Dodon d'Avroy et Saint-Lambert, et celle de Plandris, comte de Looz et Charles Martel, qui se sont élevées dans ce même VIIIe siècle.

Revenons à la généalogie des quatre fils Aymon. Elle mettra dans tout son jour la nécessité d'admettre au nombre des vieilles gloires éburonnes ces quatre illustrations guerrières: en prouvant jusqu'à l'évidence que leurs ancêtres étaient Liégeois, est-ce être trop rigoureux que de vouloir continuer aux fils la qualité reconnue aux pères? Or, nous allons voir que cette longue descendance de chefs célèbres a pris racine et s'est perpétuée sur le sol wallon.

Parmi les familles liégeoises chez qui l'esprit guerrier était porté à un haut degré, on ne passe jamais sous silence celle des Dodon ou Doon aux six doigts (5). Ses principaux domaines consistaient dans la baronnie libre d'Avroy (6). Cette famille joua un grand rôle sous les Mérovingiens et les Carolingiens. On s'en fera facilement une idée quand on se rappellera que les Dodon étaient frères de la vindicative Alpaïde, femme de Pépin de Herstal et mère de Charles Martel. Grâce à leur sœur, ils obtinrent les plus hauts emplois dans le gouvernement.

C'est cette grande puissance des Dodon à la cour d'Austrasie qui nous fait avancer que le fameux Dodon ou Doon, qui fut pendant quelque temps comte de Mayence, sortait de ce lignage. Ce seigneur, célébré par les trouvères et les jongleurs, eut une progéniture nombreuse, et l'on croit même qu'il était père de Beuves et d'Aymon. Quoi qu'il en soit, ces deux enfants surent montrer en toute occasion qu'ils étaient de bonne et noble race.

Beuves, l'un des fils de Dodon de Mayence, eut en partage la seigneurie d'Aigremont, où il voulut s'ériger en seigneur indépendant. D'une intrépidité extrême, de mœurs sauvages, il ne songea pas à assurer l'avenir de sa famille, et son fils, Maugis, que sa profonde science fit regarder comme enchanteur, passa son âge mûr et sa vieillesse loin du foyer paternel, vendant son courage et son expérience au seigneur assez riche pour les payer.

Aymon, frère de Beuves, se distingua par un rare sentiment d'honneur chevaleresque. Il eut en héritage, le château d'Amblève, situé près de la forêt des Ardennes, ce qui le fit surnommer par les romanciers prince d'Ardennes. Parvenu à l'âge d'avoir femme, Aymon épousa Edwige au corps gent, et de ce mariage naquirent nos quatre héros: Renaud, Alard, Guichard et Richard, tous les quatre remarquables par leur haute stature, leur courage, leur force, leur courtoisie, et qui devinrent, comme personne ne l'ignore, de véritables modèles de parfaits chevaliers, célébrés dans les poèmes héroïques du Boïardo et de l'Arioste et de tous leurs imitateurs (7).

Pour savoir quand florissaient ces enfants célèbres, on n'a qu'à s'adresser aux trouvères, aux chroniqueurs et aux légendaires, qui sont unanimes pour s'écrier: sous Charlemagne! Le contraire, en effet, serait impossible à prouver. Pour nous, nous maintenons cette date, et un court examen suffira pour faire justice de l'opinion de ceux qui ont donné le VIe siècle comme l'époque la plus probable (8).

D'abord, comme nous venons de le dire, toutes les chansons de gestes, composées pour la plupart dans le XIIe et le XIIIe siècles, font nos héros contemporains de Charlemagne. Ces témoignages, nous croyons superflu de les citer. - Mais il en est un que nous ne pouvons passer sous silence. Un auteur, né en 1201, chez lequel l'amour du merveilleux chevaleresque ne paraît pas dominer, Thomas de Cantimpré, religieux de l'ordre de Saint Dominique, apostrophant, dans un de ses ouvrages, les amateurs de tournois et les chevaliers errants, leur demande s'ils acquerront jamais par leurs prouesses autant de réputation que le cheval Bayard, Bayard, qui vivait du temps de Charlemagne... (9)

Ce mouvement oratoire du pieux dominicain est un document précieux: s'il atteste l'existence de Bayard sous Charlemagne, il démontre en même temps celle de ses maîtres, car les Aymon et Bayard ne peuvent être séparés les uns des autres: ils sont, comme les représentent nos enseignes, indivisibles.

Ce qui vient en quelque sorte fortifier l'assertion des chroniqueurs, c'est un capitulaire du successeur de Charlemagne, publié vers 819, et dans lequel apparaît un Aymon. Dans cet acte, on désigne les lieux où doivent résider des missi, et l'on y trace les délimitations de leurs départements. Le quatrième département est celui de Cologne: ses deux missi sont Hadalbold, archevêque de cette ville, et Eimon, comte (10). - Les missi étaient des administrateurs temporaires; les rois nommaient à cet emploi des seigneurs de leur cour très expérimentés dans les affaires, ou au moins d'un âge à le faire supposer. Cet Eimon, ne serait-il pas le fameux Aymon des trouvères?...

Si le comte Aymon vivait encore en 819, on peut supposer que la lutte de ses enfants contre Charlemagne eut lieu dans les dernières années du VIIIe siècle. Serait-ce avant la mémorable bataille de Roncevaux (802), à laquelle seulement deux fils d'Aymon prirent part (11)? A cette époque, saturés des plaisirs et des peines du monde, Renaud et Alard avaient probablement embrassé la vie du cloître, autre champ de bataille où il n'était pas moins difficile de se distinguer dans ce temps d'enthousiasme religieux, et où cependant nos deux paladins surent encore se faire remarquer. Renaud surtout s'y conduisit avec tant de dévotion, tant d'humilité, qu'ayant été assassiné par des maçons qui réparaient son monastère, celui de St-Pantaléon à Cologne, on l'honora aussitôt comme saint. - Guichard et Richard, lors de la défaite de Roncevaux, n'avaient donc pas encore renoncé à la vie des camps: ils n'étaient sans doute pas assez chenus ou assez mutilés pour aspirer à revêtir le cilice, selon l'usage de ces siècles pieux.

Nos chroniqueurs vulgaires indiquent assez bien la date de la rébellion des Aymon. C'est, disent-ils, lorsque Charlemagne alla guerroyer contre Gérard de Rousillon (12), ce qui a dû avoir lieu avant la journée de Roncevaux. Les Aymon saisirent peut-être le moment où l'empereur était occupé à réduire son fougueux feudataire, pour hisser leur bannière indépendante sur les tours de Montfort (13). Cette rébellion, les romanciers s'en sont emparés et ils l'ont rendue presque méconnaissable en y introduisant leurs fictions. Il faudrait aujourd'hui une sagacité rare et une érudition profonde pour démêler les vérités historiques au milieu des nombreux ornements sous lesquels les trouvères se sont plu à les obscurcir.

(Note du webmestre: Voir sur cette date le manuscrit de Louis Abry, Les seigneurs d'Aigremont transcrit sur ce site.)

A défaut d'érudition, le bon sens est là pour prêter assistance aux chroniqueurs. Dégagez simplement des fictions le récit de la rébellion de Beuves et des fils Aymon, il reste le fait positif que des feudataires contestaient à Charlemagne les prérogatives que lui conférait la suzeraineté; ce fait, personne ne peut en nier l'authenticité. Nous en déduirons, et on nous le permettra, la conséquence que Beuves et les Aymon ont réellement existé et ne sont pas des personnages fabuleux. C'est avec cette idée que nous analysons le drame où les Aymon jouent le principal rôle, et dont le théâtre n'est autre que notre province.

Dans le roman, on voit, dès le début, l'empereur Charles rassembler à Paris, le jour de la Pentecôte, ses douze pairs, ses chevaliers et ses barons, et leur exposer ses projets. Parmi les seigneurs qui refusent d'assister à cette fête, on compte le duc Beuves d'Aigremont. Précédemment encore, Beuves n'avait pas répondu à l'appel de Charles, quand il réclamait le service de guerre dû par ses feudataires. L'empereur, assis sur son trône, harangue l'assemblée, et annonce que pour punir cet audacieux seigneur, qui ose se révolter contre son autorité, il ira, le fer et la flamme à la main, assiéger Aigremont et arracher la vie à tous ses habitants.

Le bon duc Naymes arrête cette juste colère par ses sages raisonnements: il propose, et tous les paladins sont de son avis, d'envoyer à Beuves un brave chevalier pour lui faire comprendre ses devoirs de feudataire et discuter ses objections. Beuves est si redouté, que personne ne se présente pour remplir ce rôle d'ambassadeur. A la fin, Lothaire, fils de l'empereur, se charge d'aller demander raison de sa révolte à ce fier sujet, pourvu qu'il ait une escorte de cent chevaliers.

Beuves, qui a des parents à la cour, entre autres son frère le duc Aymon et ses fils, apprend bientôt que Lothaire va arriver à Aigremont. Il assemble son conseil, non pour en obtenir un avis sage, mais plutôt pour lui faire approuver ses desseins pervers. En effet, il démontre qu'il ne doit que le serment de fidélité à Charlemagne, et que c'est un abus de puissance de sa part, que d'exiger le service militaire: or, ne le devant point, il est résolu à défendre l'intégrité de ses droits par tous les moyens. De vieux et braves chevaliers ont beau dire que c'est folie de résister à un ordre de Charles; la duchesse même « la larme à l'œil » le conjure de prêter l'oreille aux conseils de ses vénérables amis, et de faire tous ses efforts pour obtenir le pardon de sa félonie: Beuves, que ce mot de pardon irrite encore, ne veut rien entendre.

Le château d'Aigremont, entouré de murs épais fortement bastionnés, s'élève sur un rocher presque inaccessible de toutes parts; à l'ouest, la Meuse blanchit les remparts de son écume. Telle est sa force, qu'on ne peut le prendre que par famine; il a vu pâlir à ses pieds ses ennemis les plus intrépides. Lothaire est frappé d'étonnement à l'aspect de cette forteresse redoutable: il approuve l'avis prudent de ses chevaliers, d'affaiblir l'amertume de ses reproches; car, dès qu'ils seront entrés dans le château, Beuves ne sera-t-il pas le maître de leurs destinées? Il ajoute cependant qu'il ne souffrira point impunément qu'un feudataire fasse outrage à la dignité royale.

Lothaire, introduit avec son escorte dans Aigremont, se présente devant Beuves, qui est assis sur un siège fort élevé, ayant à ses côtés sa femme et son fils. En exposant le but de sa mission, il s'échauffe par degrés; et oubliant tout ménagement et toute prudence, il traite Beuves de rebelle et lui annonce que le roi son père est prêt à le châtier de sa foi mentie. Le duc frémit de colère et réplique que, loin d'obéir à Charlemagne, il lui déclare la guerre. — Lothaire, le regardant avec un sourire méprisant, lui demande s'il oublie qu'il n'est qu'un vassal. Alors Beuves, qui ne se contient plus, s'écrie d'une voix altérée: « Malheureux, tu ne rendras jamais compte de ta mission à ton père! »

Le duc ordonne d'arrêter Lothaire et ses compagnons; ceux-ci lui répondent en mettant tous l'épée à la main. Une scène sanglante se passe alors dans la vaste salle: une lutte acharnée s'engage. Beuves jette son cri d'armes dès qu'il a tué le fils de son suzerain. Des cent chevaliers composant l'escorte, dix seulement ont la vie sauve, à condition de reporter à Charlemagne le corps de Lothaire.

Quoiqu'entouré d'une cour brillante, Charlemagne est soucieux. Connaissant le caractère intraitable de Beuves, il se reproche parfois d'avoir été mettre son fils chéri à la merci de ce méchant baron. Le duc Aymon le réconforte, en disant que si son frère Beuves est violent, il n'en sait pas moins le respect qu'il doit au fils de son suzerain. L'empereur, pour faire illusion à son cœur le plus longtemps possible, ou pour s'attacher plus étroitement Aymon, veut armer chevaliers ses quatre fils. Il leur ceint lui-même l'épée et leur donne l'accolade, et Ogier « l'ardennais » leur chausse les éperons (14). A l'occasion de cette cérémonie, un tournoi se donne, et Renaud, le fils aîné d'Aymon, en est proclamé le vainqueur. Ce triomphe, Renaud le doit à deux choses merveilleuses, dons de son cousin Maugis; à savoir: le fameux cheval Bayard, qui fait dix lieues d'un trait; et Flamberge, cette épée formidable forgée par Veland.

Charlemagne se promène sur les bords de la Seine avec le duc Naymes, en devisant de l'ambassade de Lothaire, quand il voit de loin un chevalier couvert de deuil. Pâlissant tout à coup, et se tournant vers son vieil ami: « Ah, Naymes, dit-il, mon fils n'est plus! Malheureux, c'est moi qui l'ai assassiné, c'était à moi à prévoir la perfidie de d'Aigremont! » Le chevalier, le visage encore couvert de sang, la voix entrecoupée par des sanglots, raconte dolemment la mort de Lothaire. La douleur de Charles est des plus amères; soudain, essuyant ses pleurs, il ordonne à ses chevaliers de prendre les armes pour venger la mort de son fils bien-aimé.

La position d'Aymon devient difficile: défendre Beuves, c'est se faire parjure et rompre son serment de fidélité; obéir à Charlemagne, c'est s'engager à combattre un frère. Dans cette perplexité douloureuse, il quitte la cour avec ses fils et déclare vouloir rester neutre dans ce nouveau conflit. - A la vue de son époux et de ses enfants, Edwige est transportée de joie. Elle ne peut comprendre cependant leur arrivée subite, au moment où ils viennent de recevoir du roi tant de témoignages d'amitié. Aymon lui raconte la déloyauté de Beuve: et la colère de Charles; et, malgré les conseils et les pleurs d'Edwige, cousine de l'empereur, il refuse de retourner à la cour.

Charlemagne, informé de ce départ et de cette résolution, s'exaspère de nouveau: il confond les Aymon dans la haine qu'il porte à Beuves et fait des préparatifs immenses pour en tirer une terrible vengeance. Beuves fait tête à l'orage qui s'amoncelle sur sa tête. Prenant même l'initiative, il se jette sur la Champagne et la ravage complètement. Il assiège Troyes quand l'armée royale arrive et lui offre la bataille. Beuves l'accepte. Dès le premier choc, les rangs sont rompus, et, dans la mêlée, chacun peut choisir son ennemi. Richard de Neustrie se trouve un instant face à face avec Beuves et l'attaque. Beuves a son cheval tué sous lui; secouru, il se relève et recommence le combat. La lutte continue indécise jusqu'à la nuit, qui sépare les combattants.

Retiré dans sa tente, Beuves assemble son conseil: on y décide la retraite. Le duc, au grand étonnement des assistants, va plus loin encore: il propose de faire sa soumission à Charles, ne désespérant pas d'obtenir son pardon de son généreux adversaire. Et de fait, l'empereur se montre clément, mais en s'écriant la voix entrecoupée de larmes: « O Lothaire, à mains jointes, je te requiers de pardonner à celuy qui t'a si piteusement navré! (15) »

Pour cimenter la réconciliation, Beuves promet à Charles de conduire 10.000 vassaux armés à Paris, et de le servir loyalement dans toutes ses guerres. Par reconnaissance, il porte son contingent à 15.000 hommes, et il en prend les devants avec deux cents chevaliers. Il n'est pas bien loin de Paris, quand il rencontre un corps de quatre mille soldats, commandé par le perfide Ganelon, qui est mécontent de ce que Beuves, son ennemi personnel, a obtenu son pardon de Charles. Le duc, surpris par cette brusque attaque, se défend comme un lion; mais il est bientôt enveloppé par ses nombreux adversaires, et Ganelon le transperce de sa lance. Croyant plaire à son suzerain, ce lâche courtisan fait épargner dix chevaliers, qui sont chargés de porter au château d'Aigrement le corps de leur malheureux chef.

Il faut renoncer à peindre la douleur de sa pauvre dame, quand elle aperçoit le cadavre sanglant de son baron. Elle fait jurer à Maugis de venger cet assassinat, et, en fils soumis, il en fait le serment; il prend du sang de son père, et le jetant en l'air: « Qu'il retombe, dit-il, sur ses ennemis! » II se met ensuite à chevaucher par toute l'Ardenne et la Hesbaye pour voir ses parents et les associer à sa vengeance. Elle est différée, mais elle n'en sera que plus terrible.

Charlemagne est tout dolent de la mort de Beuves, le plus indisciplinable de ses paladins peut-être, mais aussi le plus courageux. Il envoie vers sa veuve un messager pour l'assurer que le meurtre a eu lieu à son insu, et pour l'inviter à venir à la cour avec son fils Maugis. La bonne dame répond qu'elle n'y mettra jamais les pieds, ne voulant pas diminuer la haine qu'elle avait pour lui, ni se priver du plaisir de la vengeance.

Aymon rentre à la cour avec ses quatre fils, mais plutôt en médiateur qu'en courtisan. Charlemagne ne veut point sacrifier Ganelon aux mânes de Beuves. Les Aymon dissimulent leur ressentiment. L'occasion se présente bientôt de le faire éclater. Un soir, le neveu du roi, Berthelot, jouait aux échecs avec Renaud. Celui-ci est distrait, en songeant à la douleur de Maugis et de sa tante. Berthelot, au lieu d'en profiter, s'offense de ses fautes; il accueille avec aigreur les excuses de Renaud, qui, répliquant avec vivacité, reçoit un soufflet en présence de plusieurs chevaliers. Hors de lui, Renaud saisit l'échiquier d'or massif et le lance à la tête de Berthelot, qui tombe baigné dans son sang. - Grande colère de Charlemagne; les pairs et les barons tirent et brandissent l'un l'épée, l'autre la francisque. Les Aymon se défendent, s'ouvrent un passage, traversent la ville par des rues détournées, et prennent le chemin des Ardennes, abandonnant leur vieux père à la clémence et à la courtoisie de Charlemagne.

La nuit suivante, ils font leur entrée dans le manoir paternel, et Renaud raconte à sa mère sa dispute, la mort de Berthelot, et leur fuite précipitée du palais. Edwige, effrayée, supplie ses enfants de chercher une autre retraite, pour ne pas l'exposer à la fureur de Charlemagne. Ils suivent ce sage conseil; ils se chargent de tout l'or qui se trouve au manoir et partent au point du jour. Ils s'arrêtent à deux lieues de distance, vis-à-vis d'un rocher escarpé, dont les pieds sont baignés par l'Ourthe, la rivière torrentueuse. C'est là qu'ils élèvent un château formidable. Du côté de la plaine, les forts et les murailles sont entourés d'un fossé large et profond. Ce château est si bien fortifié qu'ils lui donnent le nom de Montfort.

Si Charlemagne a pardonné le meurtre de Lothaire, il ne veut cependant pas se montrer débonnaire jusqu'à laisser impuni celui de Berthelot. Il lui tarde, d'ailleurs, de donner à ses barons un exemple sévère de sa justice, pour leur faire sentir son pouvoir de suzerain. Il convoque ses douze pairs et tous les chevaliers de ses vastes états, pour aller mettre le siège devant Montfort. Dix mille hommes sont d'abord dirigés vers ce château: les Aymon, à force de ruses, les mettent en déroute. Charles est extrêmement surpris en apprenant cet échec. Pour déguiser son embarras, et ne pas avoir l'air de plier devant des feudataires rebelles, il déclare qu'il ira en personne détruire leur nid. Montfort est investi par des troupes nombreuses. En examinant les défenses extérieures, l'Empereur reconnaît que le siège sera long, qu'un assaut sera dangereux ou même impossible; cependant, emporté par la fougue, il jure en présence de ses seigneurs, qu'il ne reprendra le chemin de sa capitale que lorsque Montfort sera en son pouvoir. Il fait camper son armée autour du château. Pour lui, il s'établit sur la rive gauche de l'Ourthe, vis-à-vis de Monfort. Voulant se mettre à l'abri de toute attaque imprévue, il fait élever une haute tour crénelée, qu'il habite. La nuit, on entretient un fanal sur la plate-forme: ce qui encourage grandement l'armée, qui sait qu'elle possède son empereur (16).

Le siège dure treize mois entiers. Parmi les assiégeants, se trouvent les seigneurs les plus renommés que compte la France. Dans le château, les quatre fils Aymon, Maugis et d'autres guerriers fameux soutiennent les assauts avec une ardeur inouïe. Des deux côtés enfin, on rivalise d'audace, d'efforts et de courage. Il ne se passe pas de semaine qu'un combat n'ensanglante les bords de l'Ourthe. Nous ne pouvons donc redire les prouesses et les hauts-faits d'armes qui rendent ce siège à tout jamais célèbre. Trop longue serait la liste qui contiendrait les noms des braves que Maugis, avec des philtres magiques, rend sains et saufs aux combats en médicinant promptement leurs plaies. -Pour donner une idée de l'acharnement avec lequel on se bat, nous noterons que, dans une sortie, Renaud, monté sur l'intrépide Bayard, tue ou blesse de sa propre main plus de trois cents hommes.

Dans le camp, on commence à désespérer de s'emparer de Montfort. Telle était aussi la pensée de Charlemagne, mais il ne veut pas en convenir, de peur de se parjurer. Heureusement, la trahison vient à son aide. Un chevalier nommé Hernier, feignant d'être poursuivi par les assiégeants, se dirige vers un des ponts-levis du château et implore l'assistance de ses défenseurs. On le reçoit. Par de fallacieuses paroles, nouveau Sinon, il surprend l'amitié des quatre fils Aymon. - Hernier leur apprend que Charlemagne, désespéré, va lever le camp. - Cette nouvelle comble de joie toute la garnison: le cellier est presque vidé en l'honneur de la bonne nouvelle. Comme on avait escarmouché toute la journée, on s'empresse enfin, après les libations, d'aller se livrer au repos. La nuit est noire; pas de bruit: soldats et chevaliers dorment. Hernier quitte sa demeure en silence, se dirige vers une poterne et l'ouvre après avoir poignardé la sentinelle. A un signal, une troupe de guerriers se glisse dans Montfort. On égorge quelques postes: les principales avenues sont occupées par les assaillants. C'en est fait des Aymon et de la garnison sans la miraculeuse négligence des palefreniers de Renaud. Alourdis par de trop copieuses rasades, ils ont laissé les chevaux à l'abandon: celui d'Alard, plus vif que les autres, les tourmente; Bayard s'échappe et ses hennissements réveillent Alard et Renaud. Ceux-ci écoutent, et entendent un murmure confus d'armes et de voix: ils se doutent de quelque trahison. L'alarme est jetée: les Aymon s'élancent sur la place du château. Là s'engage une sanglante mêlée. Pour épouvanter les assiégés, le feu est mis au manoir. Mais c'est en vain: il n'arrive aucun secours et les assaillants sont tous passés au fil de l'épée. Si Hernier et douze des siens sont seuls faits prisonniers, c'est pour mourir de la mort des traîtres: ils sont pendus à un gibet.

Mais l'incendie continue: aucun magasin, aucune provision n'échappent à ses ravages. Après le combat, on se compte. D'une garnison la veille si forte et si florissante, il ne reste plus que cinq cents soldats. Les Aymon jugent la défense désormais impossible: il faut effectuer une retraite à la faveur de la nuit, Guichard et Richard, avec cent hommes, forment l'avant-garde; l'arrière-garde, composée aussi de cent hommes, est commandée par Alard et Renaud. Quoique cette petite armée soit divisée en trois corps, elle n'en forme réellement qu'un, tant leur marche est serrée. Dans le plus profond silence, elle sort enfin du château. Les Aymon, à quelque distance, tournent leurs yeux, gonflés de larmes, vers Montfort embrasé, et lui font de tristes et touchants adieux. Renaud surtout est très abattu; c'est à peine s'il écoute les paroles de son frère Alard, qui, pour le consoler, lui répète toujours que les cendres du manoir abandonné sont plus glorieuses pour les Aymon que des palais qu'ils auraient acquis par une lâcheté.

Ils traversèrent le camp ennemi comme un torrent, renversant, frappant, tuant tout ce qui s'oppose à leur marche rapide. Charlemagne se rue avec toutes ses forces contre cette poignée de braves, qu'on ne peut entamer. Dans sa colère, l'Empereur fait raser, en sa présence, les murs et les, tours de Monfort.

Pendant ce temps, les quatre fils Aymon chevauchent vers le château paternel. Ils se hâtent d'embrasser leur vieille mère et de recevoir sa bénédiction; puis ils s'enfoncent dans la forêt des Ardennes (17). Ils s'acheminent à travers la Champagne et la Brie dans l'intention de se rendre en Espagne, quand ils apprennent à Poitiers que vingt mille Sarrasins vont envahir l'Aquitaine. Ils se présentent au roi du pays menacé, qui accueille avec empressement leurs offres de service. Mille occasions s'offrent à nos preux et à leurs hommes d'armes d'utiliser leur courage et de se distinguer. Pour récompense, les Aymon demandent une étendue de terrain situé sur les bords de la Dordogne: le roi le leur octroie généreusement. Un château y est bâti. Les Aymon le font construire sur le plan de celui de Montfort: ils l'appellent Montauban.

De ce moment, l'histoire des quatre fils Aymon n'appartient plus au pays de Liège: l'Aquitaine réclame leurs périlleuses aventures, leurs exploits héroïques. Notre sol a cependant le droit de les revendiquer, et comme berceau de leur jeunesse et comme théâtre de leurs premiers faits d'armes. Leur renommée est restée entière parmi nous: elle est entrée dam les mœurs et dans le langage: c'est l'emblème de l'amitié fidèle, de la communauté de courage et de malheur. Les Aymon sont au nombre de quatre; et leur nom n'est jamais prononcé sans cette particule numérative.

Il est cependant une autre gloire qui se rapporte à ce souvenir, un autre emblème de la force et de l'attachement: c'est l'intrépide Bayard. Cet intelligent coursier, comme ses maîtres, mérite une biographie.

Le lieu de ça naissance est un problème historique fort difficile à éclaircir: les trouvères, qui tiennent tant, comme on sait, à l'exactitude, sont en désaccord sur ce point. Les uns le font naître et lui font passer ses premières années dans le Brisgaw, les autres dans l'île de Boucquant (18). Quoi qu'il en soit, ils sont tous unanimes pour dire que Bayard était un cheval vigoureux, hardi, ardent, infatigable, si bon coureur qu'il faisait avec grande vitesse dix lieues sans s'abattre, et si fier qu'il ne souffrait d'autre cavalier qu'un Aymon. Charlemagne cependant parvint à s'en rendre maître, et le fit conduire à Liège: car il paraît que c'était dans notre ville que l'Empereur déposait tout ce qu'il avait de précieux. Un jour, suivi de sa cour, il se promenait sur un quai, et un de ses écuyers menait le cheval de Renaud à la main. Tout à coup, Charles se retourne, et voyant arriver le fier coursier: « Ah ! Bayard, dit-il, tu m'as bien des fois courroucé, mais je suis venu à bout de me venger. » Alors, il lui fit lier une pierre au col, et commanda de le jeter par-dessus le Pont-des-Arches dans la Meuse. Bayard alla au fond. Quand Charles vit cela, il en eut une grande joie et dit: « J'ai tout ce que j'ai demandé; enfin, le voilà mort! » Mais Bayard travailla si bien des quatre pieds qu'il rompit ses liens; se sentant libre, il nage, arrive sur la rive droite, s'arrête, hennit, rue avec force (19), part comme un éclair et disparaît aux yeux des spectateurs. On ne le revit plus. On dit cependant, ajoute le romancier, que ce superbe coursier vit encore dans notre province, mais qu'il ne se laisse approcher de personne. Il fait entendre parfois de longs hennissements, dans l'espérance qu'un des Aymon l'entendra...

Tel est l'aride extrait des cinq premiers chapitres (il y en a vingt-six) d'un roman curieux, où brille une vigoureuse imagination et qui n'est pas dénué de tout mérite poétique. Les assauts et les combats livrés pendant le mémorable siège de Montfort y sont minutieusement racontés, on y découvre une telle connaissance de la topographie du pays, qu'il a souvent plus l'air d'une chronique que d'une composition épique et romanesque. Ces diverses qualités, l'auteur ne peut les avoir acquises que par un long séjour dans notre pays: il y est peut-être né. Un autre indice rend probable cette assertion: en ajoutant à son récit que Bayard vit encore dans notre contrée, c'est dire assez que le romancier répète des traditions. Qui pouvait les connaître? Ce n'était point certes un étranger. Des érudits (20) ont attribué cette chanson de gestes à Huon de Ville Noeve, mais nous ne savons trop pour quelle raison. Peut-être en ont-ils doté Huon à la manière du vieux Fauchet (21), qui, trouvant avec le poème de Renaud de Montauban d'autres poèmes cousus l'un après l'autre, en reconnut généreusement Huon pour l'auteur. - Quoi qu'il en soit, son poème fut de bonne heure, au XVIe siècle, translaté de rimes en prose. Cette traduction fut une des premières que publièrent les presses françaises dans les premiers temps qui suivirent la découverte de l'imprimerie. La plus ancienne édition du roman des Quatre fils Aymon dont il soit fait mention, est celle qui a dû paraître à Lyon vers 1480, sous le titre de: Les Quatre fils Aymon. C'est un in-folio gothique de deux cent vingt-six feuillets, à longues lignes, au nombre de trente-deux sur les pages entières (22).

En commençant cette dissertation, nous avons dit que la scène où se passent les aventures des quatre fils Aymon est notre province. Les traditions, d'accord avec le roman et les chansons de gestes, sont là pour appuyer notre assertion, que des antiquités placées à nos portes doivent faire regarder, sans contredit, comme assez fondée.

En effet, à quatre lieues sud-est de Liège se trouvent les ruines du château d'Amblève, appelé quelquefois, au moyen âge, Neuf Chastel (novum Castellum), mais vulgairement désigné sous le nom de Château des quatre fils Aymon. L'origine de cette forteresse est inconnue. On a conjecturé que les Romains égorgèrent sur le plateau où elle s'élevait, les bardes qui, par leurs hymnes, encourageaient les Eburons à défendre le sol natal; on a aussi conjecturé que ce plateau devint une redoute romaine (23): mais les chênes séculaires qui ombragent les bords de l’Amblève, les substructions antiques que l'on découvre dans les environs, rien ne nous parle de ces temps éloignés. - L'histoire rapporte cependant que ce château servit de prison, en 741, à Griffon, qui, excité par sa mère, voulait contester à Carloman et à Pépin, ses frères consanguins, les états que leur avait légués Charles Martel. En 747, Pépin lui rendit la liberté et le combla de biens: mais le jeune ambitieux leva de nouveau l'étendart de la révolte, perdit plusieurs batailles et enfin la vie en 752 (24). - D'après le nom que porte ce manoir, on pourrait avancer, sans trop abuser des traditions, que dans ce château sont nés les quatre fils Aymon; mais ses ruines sont muettes là-dessus; c'est en vain qu'on s'écrie:

O berceau des Aymon, dis-moi, de leurs faits d'armes,

De leurs amours peut-être, et souvent de leurs larmes,

Dis-moi, n'as-tu rien retenu? (25)

Après avoir été le repaire du Sanglier des Ardennes, il fut démantelé vers 1590.

De toutes nos ruines féodales, ce sont celles du château des quatre fils Aymon qui sont les plus remarquables par leur majestueuse étendue. Sur la crête d'un rocher élevé et taillé à pic, et dont la rive droite de l'Amblève baigne le pied, se trouvait juché le manoir. Du côté de la campagne, un rude et étroit chemin conduisait au pont-levis, défendu par un donjon dont le temps a dédaigné de broyer, de sa large main, les débris hauts encore de plus de trente pieds. De distance en distance, des pans de murailles, de dix pieds d’épaisseur, sont restés debout; vus de loin, ils sont d'un effet vraiment pittoresque. — Assis sur ces ruines si riches de souvenirs, et que les églantiers et l'aubépine cherchent à dérober aux regards, on jouit d'une vue admirable. La rivière tantôt se resserrant entre des roches énormes, tantôt s'élargissant, serpente à travers les plus gracieux paysages. On éprouve un vif sentiment d'effroi, quand les regards plongent perpendiculairement pour voir l'Amblève se briser écumeuse contre le pied du rocher. De ce côté, il serait même dangereux de se tenir debout.

Rapprochons-nous de Liège. A trois lieues et demie sud de cette ville, quelles sont ces ruines, les unes sur la rive droite de l'Ourthe, les autres sur la rive gauche? C'est Montfort, c'est la Tour de Charlemagne.

Montfort a été construit par les quatre fils Aymon, selon les trouvères et les traditions. Il était élevé sur le haut d'une colline; l'Ourthe coule à ses pieds. Son histoire est trop curieuse pour être résumée succinctement, comme notre cadre l'exige aujourd'hui; nous prendrons notre revanche une autre fois.

Après le départ des fils Aymon, le château fut certainement restauré. Il était encore redouté des barons voisins et des routiers, quand d'ingrats manants le renversèrent (1495), oubliant que, dans les temps de calamité, Montfort était un asile où ils s'abritaient, eux et leur pécule. — Maintenant, il ne reste plus du vieux manoir que des débris de tours et deux pans de murailles d'une épaisseur extraordinaire; les souterrains sont obstrués par les éboulements. - Dans les ruines de la demeure des Aymon, on a trouvé des morceaux d'armures: nous possédons un fragment de ces reliques: c'est une vingtaine de mailles d'un haubert, rongées par la rouille. Ce haubert, quelle poitrine a-t-il protégée?

En face de Montfort, sur la rive gauche de l'Ourdie, s'élève orgueilleuse — elle n'est pas tout en ruines — une tour carrée: c'est la Tour de Charlemagne, véritable témoin des vieux âges. C'est là que se reposait l'Empereur pendant le siège de Montfort; c'est là qu'il délibérait avec ses pairs et ses barons pour réduire ses rebelles sujets. Ce n'était pas un palais. Selon les règles de l'architecture féodale, il est bâti sur une élévation du sol. Il forme un édifice carré, ayant en tous sens quarante pieds de diamètre et environ quatre vingt dix pieds de hauteur. Outre le rez-de-chaussée, il devait avoir quatre étages. Chaque façade est encore percée de deux ou trois machecoulis; les deux portes sont parallèles l'une à l'autre, au sud et au nord. Les murs ont presque sept pieds d'épaisseur (26).

Sur la rive gauche de la Meuse, à trois lieues sud-ouest de Liège, s'élève Aigremont. Il est impossible d'imaginer une position plus forte, et l'art en secondant ainsi la nature, devait en réalité faire de ce château une forteresse formidable dans les temps antiques. Aucune chronique ne dit à quelle époque il a été construit: mais ce qui atteste son antiquité, c'est que le farouche Beuves l'habitait du temps de Charlemagne (27). Son fils, l'enchanteur Maugis, ne paraît pas avoir laissé de grands souvenirs dans cette demeure.

Par la suite, elle tomba au pouvoir du Sanglier des Ardennes. Il y entretint ses marcassins et désola les environs. Louis de Bourbon, évêque de Liège, avec ses milices, assiégea Aigremont, l'emporta d'assaut le 8 octobre 1474, et le démantela.

Il y a un siècle, un autre Aigremont fut reconstruit, mais sur d'autres fondements que ceux du château de Beuves.

Il reste encore debout, non des ruines, mais un nom qui rappelle les paladins de Charlemagne: c'est celui de Bayard. La célébrité de ce cheval est telle à Liège, que chez les charretiers, Bayard est synonyme d'infatigable. C'est un Bayard, disent-ils en parlant d'un cheval à la forte encolure, à l'œil de feu, aux naseaux frémissants. Par affection, de pauvres charretiers donnent à leur haridelle le beau nom de Baya, et l'animal efflanqué en paraît tout fier. Cette flatteuse caresse semble lui rendre quelque force: c'est surtout dans les moments difficiles, dans les pénibles montées, dans les chemins bourbeux, que ce nom sonore retentit à ses oreilles tendues: « hue, Bayard ! » A cette exclamation, la pauvre bête tente un effort victorieux, la voiture s'ébranle et marche. Un coup de fouet a été épargné.

Ainsi vivent encore chez nous tous les personnages célèbres du roman des Quatre fils Aymon: et Renaud et Maudis, et Bayard, et leurs demeures féodales. Quoi qu'on en dise, ce sont là d'impérissables souvenirs, et on leur appartient du moment qu'on parcourt notre province. On a beau s'accuser de puérilité et d'enfantillage en se sentant tressaillir à l'écho de ces traditions naïves: malgré soi, l'on est ému, et le cœur touché ne raisonne point.

En parcourant le sol jonché de ces débris, on est invinciblement porté à les peupler de nouveau des fantômes qu'ils évoquent: et le rêve enfantant le rêve, la pensée multipliant la pensée, on trouve que le voyage a été si court, que l'envie vous reprend de le refaire encore.



(1) Dans ces recherches, nous ne franchirons pas les limites du Pays de Liège; ce théâtre est étroit, mais il est encore trop vaste pour résoudre avec soin certaines questions historiques.

(2) M. le baron de Reiffenberg, que l'on rencontre chaque fois qu'il s'agit d'un point obscur ou intéressant de notre histoire, a dirigé aussi, avec sa supériorité habituelle, ses recherches vers les quatre fils Aymon; glaner les quelques épis que ce spirituel savant a oubliés, c'est là toute notre ambition. Voy. son « Introduction » à la « Chronique de Philippe Mouskes », t. II, p. CCIII et suiv. — Paquot s'est occupé du Roman des quatre fils Aymon en bibliographie, dans ses « Mémoires pour servir à l'histoire littéraire des Pays-Bas et de la principauté de Liège », t. XVI, p. 435.

(3) Naymes, commandant (dux) d'un corps bavarois, fut créé comte de Namur par Charlemagne, ainsi que le content Grammaye, Namurcum, édit. ult., p. 14; Galliot, Hist. de la prov. de Namur, t. I, p. 56, et Dewez, Hist. partie, des provinces belgiques, t. I, p. 70.

(4) Capitulaire de l'an 802, dans Baluze Capitularia Regum Francorum, édition de Chiniac, t. 2, p. 363.

(5) Toutes nos chroniques peignent cette famille comme pleine de morgue et d'ambition, et par conséquent riche et puissante, ainsi que le dit Roberti, dans sa Vita Sti-Lamberti, cap. XVII, p. 112. Une persévérante tradition se plaît à donner aux Dodons l'épithète Aux six doigts. Il paraît que les membres de cette famille eurent un doigt surnuméraire à la main droite, et qu'ils tiraient vanité de cette difformité.

(6) Cette baronnie libre passa ensuite à l'évêque de Liège, qui y plaçait un mayeur et sept échevins; cette cour scabinale est mentionnée dans titre de l'an 1034: placitum Avroti, et dans un autre de 1107: placitum Avriti. L'église de Saint-Martin (aujourd'hui Sainte-Véronique) ayant été rebâtie en 1034 par l'évêque Reginard, il en fit donation à l'abbaye de Saint-Laurent, en y joignant le présent de quatre maisons situées aussi sur Avroy. Dans cet alleu se trouvait une prison et, qui plus est, un château et un hôtel des monnaies. On ignore l'endroit où s'élevaient ces édifices. On connaît un petit tournois d'argent qui a été frappé dans cet hôtel vers 1330: le revers porte moneta Avroti. Aujourd'hui, cette baronnie est enclavée dans la ville de Liège.

(7) Dans le prologue de son poème des Quatre fils Aymon, le trouvère établit ainsi l'origine de la famille Aymon:

Seigneurs, or faites pais, chevaliers et barons

Et rois et dus et contes et princes de renons,

Et prélats et bourgois, gens de religion,

Dames et demoiselles et petits enfançons,

Clers et lais, toutes gens vivans fois et raisons...

Or faites pais, seigneurs, ne faites cris ne sons

Et je vous chanteray une bonne chansons.

Oncque meilleur n'oïstes, bien dire le puet-hons

Car c'est du vaillans hoirs du preux conte Doons,

Cil qu'on dist de Mayence, qui tant fu vaillans hons.

D'un de ses douze fils qu'on appela Aymons

Issy quatre biaus frères desquels orrés les noms:

Regnault fut le premier. Allais fu le seconds.

Et Guichars et Richards aussi furent les noms...

Voy. l'Hist littéraire de France, t. XVIII, p. 724 et M. le baron de Reiffenberg, Chronique de Ph. de Mouskes t. 1, p. 209.

(8) Cette dernière assertion n'est basée que sur un texte mal compris. Dans ses Antiquités de la Gaule Belgique, Paris, 1549, feuillet Ixviij verso, en parlant de Charles, duc de Brabant en 524, Richard de Wassebourg raconte que la sœur de ce duc, « nommée Veraya fut maryée à un grant prince d'Ardenne, desquelz descendirent les quatre fils Aymon. » Les écrivains postérieurs, en répétant cette curieuse anecdote, traduisirent par " sont nés " le mot " descendirent ", et cette erreur grammaticale a suffi pour faire exister les fils Aymon au VIe siècle, tandis que c'est seulement l'origine de leur famille, comme dit Wassebourg dans une note marginale, qui remonte à ce siècle. Cette explication est une réfutation de ce qu'avancent Locrius, Chonicon Belgicum, p. 37; De Vaddère, Traité de l'origine des Ducs de Brabant, t. I, p. 21; Foullon, Compendium hist. Leod., p. 24, et dans son Historia Episc. Leod., t. I, p. 95, etc.

(9) Beyardus vero equus tempore Caroli viguil... - Thomas de Cantimpré, Bonum universale De Apibus; Douai, 1605, p. 444. - Paquot, Mém. pour servir à l'hist. litt. des Pays-Bas et de la principauté de Liège, t. XVI, p. 440. - Au XIIe siècle, dans le Pays de Liège, la tradition des hauts faits de Charlemagne et de ses paladins remplissaient encore toutes les imaginations, comme s'ils eussent été récents. A la bataille de Steppes, où les Liégeois battirent les Brabançons, le comte Louis de Looz, feudataire liégeois, fut renversé de cheval. L'effort des ennemis se dirigea alors vers lui: on voulait le faire prisonnier ou le tuer: Sed Cornes non dissimilis Rolando vel Olivero, se tuebatur clypeo et gladio: mais le comte, pareil à Roland et à Olivier, se défendit avec l'épée et le bouclier jusqu'à ce que son frère Henri vint le secourir. Voy. le Chronicon Leodiense de Reynier, moine de Saint-Laurent, né à Liège en 1155, inséré dans l'Amplissima Collectio de Martène et Durant, t. V, p. 46.

(10) Goldast, Constitutions impériales (1713), t. III, p. 246; Duchesne, Hist. Franc. Scriptor., t. III, p. 661; Baluze, Capitularia Rég. Franc, t. I, p. 640. - Charlemagne, après la défaite de Roncevaux, créa des comtes dans l'Aquitaine. A Alby, il plaça " Aimon, qui doit estre le père de Renault, Allart, Guichard et Richard, renommez par les romans ", dit Fauchel dans ses Antiquités Gauloises et Françoises, t. II, ch. XV, folio 230.

(11) Du moins, c'est ce que dit un Chronicon Leodiense MS: In Roncevalle contra Saracenos pugnani Caroli Magni duces duo filii Arduenani comitis prognati. — Les historiens ne sont pas d'accord sur la date de la bataille de Roncevaux, les uns donnant l'an 802, les autres (les Français), adoptant l'année 778. Voy. au reste Conde et Marles, Hist. de la Domination des Arabes en Espagne, t. I, p. 234.

(12) Parmi les Chroniques liégeoises MSS. que nous avons dans notre petite collection, deux parlent ainsi de cet événement: « Géra de Rossillon fils Doolin qui ne voloit relever ses terres du Roy pour cause il en morut bien X mil noms. En ce temps Charles avoit grand gère à Rinar de Montabant et Ogèr en fit la pais et après Rinar s'en allât oultre mère et puis vint morir à Colong où fut murdry et son corps enteré come S. à Termoing. » - « En celuy temps Charlemaigne lempereur menoit la guerre à Renard de Montaban et à ses autres frères assayoir Alard, Guichard et Richard, dont à la longuer de temps Ogier et les douze pères de France en feirent la paix. »

Gérard de Roussillon n'est pas un être fabuleux, et c'est ce que démontrent le président Renault, Abrégé Chronol. de l'hist. de France» (1789), t. I, pp. 59 et 67; Hist. littéraire de la France, t. VII, Avert.», p. Ixxvj, et M. de Reiffenberg, Chronique de Ph. Mouskes, t. II, introd., p. ccxlv.

(13) Au reste, comme le remarque Sismondi, Hist. De France, t. II, p. 264, les traditions ne sauraient conserver une bonne chronologie mais il est bien rare et bien étrange qu'un nom devienne populaire, si la gloire n'a pas quelque réalité. Aussi, en fait de traditions, est-il prudent de ne pas se prononcer trop hardiment dit Daniel, Hist. de France (1755), t. II, p. 42.

(14) Cette cérémonie n'est point une hérésie historique. V. Lacurne de Sainte-Palaye, Mém. sur l'ancienne chevalerie, (1826), t. I, p. 94: et « Mém. de l'Acad. des Inscriptions, tome XX, pp. 597 et suiv.

(15) Cet épisode a de la vraisemblance. Charlemagne eut en effet un fils nommé Lothaire, né en 778, qui mourut dans un âge très peu avancé. — Voy. le père Anselme, Hist. généal. de la maison royale de France, t. I, p. 22.

(16) Dans sa Chronique, publiée par M. de Reiffenberg, t. I, p. 382, Philippe Mouskes mentionne en ces termes la guerre de Charlemagne contre les Aymon:

Puis ot li rois en moult de lius
Guerre u il fut moult ententius.
Et dans Rainnaus, li fius Aimon,
Dont encore moult l'Hestore aimon,
II et si frère sour Baiart
Le guerroiièrentempre et tart.

(17) L'ancien château du village Dhuy, à 2 1/2 lieues de Namur, était nommé le Château Bavard parce que les Aymon, fuyant en France, s'y arrêtèrent: de plus, ajoute Grammaye, les annales (?) rapportent que c'est depuis cette époque que ce château est un fief relevant du duché de Brabant: « undè castrum hodièque est Brabanti Ducis beneficium ». Ce texte est incompréhensible pour nous, au reste Cf. Grammaye Namurcum, edit. ult. p. 60; Paquot Mém. pour servir à l'hist. litt. des Pays-Bas et de la princ. de Liège, t. XVI, p. 441, et Saumery, Délices du pays de Liège, t. IV, p. 333.

(18) C'est ce que Maugis fait entendre dans le roman en vers des Quatre fils Aymon, quand il dit:

Je parlerais au Deable, qui vous ira pourtant
Là ou je prins Bayart, en l'yle de Boucquant.

(19) L'Arioste dit, qu'il aurait brisé une montagne métallique d'une de ses ruades:

Che ne' calci tal-possa avea il cavallo,
Ch'avria spezzato un monte di métallo.

(Cant. 1. stanza LXXIV.)

(20) Amaury Duval, dans l'Histoire littéraire de la France, t. XVIII, p. 724. La Croix du Maine, dans sa bibliothèque française, édit. de Rigoley de Juvigny, t. I, p. 384, qui est aussi une autorité en histoire littéraire, n'attribue point à Huon de Villeneuve le roman des quatre fils Aymon. M. Baron, dans son Hist. de la littérature française », t. I, p. 290, parle des œuvres de Huon d'une manière confuse.

(21) Recueil de l'origine de la langue et poésie françoise, dans ses Œuvres, Paris, 1610, p. 562.

(22) Voy. Brunet, Nouvelles Recherches bibliographiques, t. III, p. 122, et Cailleau, Dict. bibliogr. des livres rares, t. III, p. 250. — Paquot Mém. pour servir à l’hist. littéraire, etc. t. XVI, p. 448, croit inutile de citer toutes les éditions, attendu que nos provinces ne sont nullement menacées de manquer d'exemplaires d'un si merveilleux ouvrage. En effet, il en a encore paru dernièrement à Liège, en 1840, une édition tirée à un grand nombre d'exemplaires. C'est un in-18 de 304 pages. L'éditeur a fait précéder cette incorrecte édition de recherches sur ce roman de M, le baron de Reiffenberg, insérées dans la Chronique de Ph. Mouskes.

(23) C'est ce que pense Dethier, dans son Itinéraire curieux des environs de Spa, édition de 1816. Notice III, p. 9.

(24) Carlomanus Grifonem sumens fratrem in Novo Castello, quod juxta Arduennam situm est, custodiri fecit. In quâ custodiâ usque ad tempus quo idem Carlomannus profectus est, dicitur permansisse. — Aimoin, dans Duchesne, Hist. Franc. Script., t. II, p. 233.

(25) Le frère de l'auteur de cet article, Etienne Hénaux, a célébré en vers les châteaux d'Amblève, de Montfort et d'Aigremont, dans son Mal du pays, pp. 106, 130 et 219.

(26) Cette tour est située dans la commune de Poulseur et bâtie sur une hauteur nommée Renastienne. Ce nom, quelques savants l'ont traduit par Reinout's steen, pour en faire la demeure de Renaud. Renastienne signifie tout simplement la borne d'Etienne, des mots wallons Stienne et Rend, élévation de terrain marquant les limites des propriétés. — Dethier, Guide des curieux qui visitent les eaux de Spa , seconde édition, p. 52; Ernst, histoire du Limbourg, t. I, p. 338. Dans le Grand Calendrier de Hervé pour l'année 1794, p. 51, on promet pour 1795 des notices sur les châteaux de Montfort, de Poulseur, de Chanxhe, d'Amblève, etc. Nous ne savons si cet intéressant annuaire a paru en 1795.

(27) En reconnaissant qu'Aigremont a été habité par des preux du temps de Charlemagne, Villenfagne admet l'existence de la famille Aymon. Voy. ses Essais critiques sur l'histoire de Liège, t. I, p. 236, et ses Recherches sur l'histoire de la principauté de Liège, t. I, pp. 420, 471.


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