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Hôpital de Bavière à Liège

Les Augustines de l'Hôpital de Bavière

par Maurice MEULEMEESTER C. SS. R.

Les Augustines de l'Hôpital de Bavière à Liège
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AVANT-PROPOS.


Ce livre ne prétend pas donner une histoire complète de l'Hôpital de Bavière, à Liège.

Cette institution trois fois séculaire, avec son organisalion compliquée, son, vaste patrimoine, ses transformations multiples, devrait être étudiée dans un travail qui dépasserait notablement les limites fixées pour cette notice et les loisirs restreints que nous pouvons y consacrer.

Nous offrons ici une simple esquisse du passé de la communauté religieuse qui, depuis 1602, se prodigue auprès des malades de cet hôpital.

A celles qui aujourd'hui continuent ce grand oeuvre de charité, nous voulons rappeler la générosité et la vaillance de leurs devancières, ainsi que les maternelles attentions de la Providence pour leur famille religieuse. Ce leur sera, espérons-nous, un stimulant et un réconfort si ces pages tombent sous les yeux de jeunes chrétiennes, éprises d'idéal, elles y trouveront peut-être une invitation à partager cette noble vie d'oubli de soi dans l'exercice de la miséricorde envers les membres souffrants du Christ.

Ce but d'édification n'exclut pas toutefois le désir de faire ici oeuvre historique et il ne nous dispense pas du souci d'assurer à cet ouvrage une base solide de documentation. A cet effet, nous avons compulsé avec soin les archives, hélas bien pauvres, de la communauté et celles de l'hôpital gardées fort abondantes au dépôt de l'Etat à Liège; également celles de l'hôpital d'Ath, qui fournit des fondatrices aux Augustines de la maison de Bavière. Ces sources seront sommairement mais fidèlement indiquées et les documents originaux les plus importants seront publiés en annexe avec la bibliographie du sujet qui nous occupe.

Ainsi ce travail pourra, peut-être, malgré ses tendances vulgarisatrices, apporter une modeste contribution à l'histoire si intéressante des institutions religieuses et charitables de la ville de Liège.



CHAPITRE I.

L'HOPITAL DE BAVIERE.

Cour de l'Ancien Hopital de Bavière à Liège

Les origines de l'institution dont nous esquissons l'histoire remontent au règne du Prince-Evêque Ernest de Bavière.

La situation de la principauté de Liège semble, à première vue, extraordinairement florissante à cette époque. « Liége », écrit Pirenne (1), « était devenu un centre industriel d'une activité peut-être unique dans l'occident de I'Europe. Ses houillères poussaient déjà si loin leurs galeries qu'en 1573, on les accusait de tarir les sources alimentant les fontaines de la ville. Le nombre de ses forgerons et de ses armuriers s'augmentait d'année en année. Une foule de réfugiés, venus des Pays-Bas, augmentait encore la population. En 1577 Marguerite de Valois la mettait au dessus de Lyon pour l'étendue et le chiffre de ses habitants et en 1601 on projetait de porter de cinq à neuf le chiffre de ses quartiers. Par ses faubourgs ouvriers de Sainte­Marguerite, de Sainte-Walburge, de Sainte-Véronique, de Saint-Vincent, de Sainte-Foi et de Saint­Remacle, elle débordait tout autour de son enceinte se répandant à la lois le long de la Meuse et escaladant les collines qui bordent le fleuve. Sa banlieue était parsemée d'usines à forer les arquebuses, de charbonnages et de hauts-fourneaux.»

Une quasi-autonomie politique épargnait aux Liégeois le fléau de la guerre qui sévissait à l'état endémique dans les provinces environnantes et, comme le fait encore remarquer Pirenne, « tandis que la Belgique se dépeuplait et s'appauvrissait, la principauté de Liège présentait le spectacle d'un petit peuple laborieux dont les étrangers admiraient l'ardeur.»

Qu'on ne s'y méprenne cependant pas! Ce riant tableau a des ombres; tous ne trouvent pas place à la table du festin somptueux; en ces débuts du XVIIe siècle, ici comme ailleurs, reste vraie la parole du Christ: « Vous aurez toujours des pauvres parmi vous. »

L'appât des gros salaires attirait beaucoup d'étrangers dont la main-d'oeuvre constituait pour les ouvriers liégeois une concurrence ruineuse.

Les corporations, plus préoccupées de politique que soucieuses des intérêts économiques de leurs concitoyens, accordaient avec une facilité extrême à ces nouveaux venus, la « rate » du métier et leur permettait de la sorte de s'installer dans la ville avec leurs familles et d'accaparer une grosse part des profits de l'industrie locale.

L'évolution des trente-deux métiers en collèges politiques les avait dépouillés de leur juridiction corporative d'autrefois et laissait le champ libre à une organisation capitaliste de l'industrie. Il en résultait des conditions de travail toute nouvelles et le sort des ouvriers ne s'en trouvait certes pas amélioré.

En outre les menées démagogiques de quelques fauteurs de désordre creusaient insensiblement un large fossé entre le peuple et la haute bourgeoisie et disposait celle-ci à se désintéresser du sort de la classe populaire et à ne plus s'apitoyer sur les épreuves et le dénuement des pauvres.

Ajoutons encore que si la principauté échappa généralement aux horreurs de la guerre elle eut néanmoins à endurer des incursions de la soldatesque qui bataillait près de ses frontières et les franchissait par intervalles pour piller, ravager, pressurer.

Il n'y a donc plus à s'étonner quand, dans un documnent que nous aurons à citer tantôt, Ernest de Bavière déclare, en 1602, qu'il voit autour de lui la pauvreté et la misère chez un grand nombre de ses sujets, plurimorum inopam et egestatem.

Chez beaucoup cette indigence est d'autant plus pénible qu'ils sont des « pauvres honteux », victimes de ces brusques sautes de fortune, fréquentes en des temps de fiévreuse lutte économique. «Plusieurs », assure l'historien Loyens (2) « auraient souffert plus patiemment la mort que de se faire inscrire parmi les pauvres de la paroisse. »

L'on vit alors se reproduire un phénomène coutumier dans les annales de la charité chrétienne: un ou deux prêtres groupant autour d'eux une élite pour voler au secours de la détresse gémissant à leurs côtés.

A Liège, ces prêtres furent le Père Damase, gardien du couvent des capucins, et Maître Martin Diddens, doyen de la collégiale de Saint Pierre.

Le premier, un Athois, qui de son nom séculier s'appelait Henri Bousrau (ou Bonsrau), comptait parmi les hommes les plus distingués de son ordre en Belgique. Après avoir professé pendant quelques années la vie religieuse chez les franciscains observants de sa ville natale il s'éprit de l'austérité ses capucins et prit leur habit en 1596 (3). Deux ans après il devient supérieur à Mons, en 1600 il est élu quatrième définiteur (4) et en 1602 nous le trouvons à la tête de la communauté de Liège.

Quelques jours lui suffirent pour se rendre compte de la situation extrêmement pénible d'une partie de la population. Il s'en émut et s'employa, sans retard, à soulager la misère de ses nouveaux concitoyens. « Ses nombreux sermons dont le thème favori était la compassion pour les pauvres, ses colloques privés sur le même objet avec des personnes influentes, engagèrent celles-ci à assister les familles les plus nécessiteuses; bientôt après il les réunit en une confrérie pour laquelle il élabora de sages règlements.»

Ce texte est emprunte à la chronique des capucins belges du Père Philippe de Cambrai (5), qui revendique énergiquement pour le Père Damase l'initiative de l'association dont il narre les débuts. Il a pris la précaution d'interroger à ce sujet un des membres les plus anciens de la société et d'insérer, dans le corps même de son travail ce temoignage, signé par le Père Marcel de Mons, présent à l'entretien. (6)

Pourquoi cette insistance ? Quand, en 1612, Philippe de Cambrai, rédige son travail, commence-t­on déjà à oublier le rôle capital de son confrère dans la création de cette oeuvre charitable!

On est tenté de le croire en constatant le silence général des historiens liégeois du XVIIe et XVIIIe siècle (7). Tous mentionnent comme seul initiateur de cette institution le doyen Diddens. C'est lui qui, d'après eux, suscite aux environs de 1602 le mouvement de générosité envers les pauvres qui aboutit à la constitution d'une « Compagnie de la Miséricorde » érigée sur le modèle d'associations semblables déjà organisées dans d'autres localités.

Leurs affirmations, à première vue en opposition avec celles du chroniqueur des capucins, ne les contredisent pas. L'oubli rapide du Père Damase s'explique aisément par le fait que ce religieux distingué mourut déjà en 1605 au couvent d'Aire­sur-la-Lys. Il ne put s'occuper longtemps de l'oeuvre liégeoise et la rigueur de la pauvreté franciscaine l'empêchant dans bien des cas d'intervenir dans la constitution d'actes officiels, son nom ne se retrouve guère dans les archives de la confrérie tandis que celui de Diddens y paraît fréquemment et au premier plan. Dès lors seul le doyen de Saint­Pierre retient l'attention des historiens et se voit attribuer par eux le titre de fondateur.

La vérité complète semble être celle-ci: les efforts de ces deux prêtres entreprenants et zélés se conjuguèrent harmonieusement pour réaliser cette oeuvre en faveur des pauvres du Christ, l'un y apportant l'appoint de ses influences apostoliques chez les personnes charitables, l'autre mettant au Service de la même cause le prestige et les ressoures matérielles que lui valait sa haute situation éccIésiastique.

En mars 1602 la « Compagnie de la Miséricorde » était fondée et, déjà le 15 de ce mois, le Prince-Evêque en approuvait les statuts (8) dont voici les principales stipulations.

Pour être admis il faut jouir d'une bonne réputation et être prêt à secourir les pauvres selon les indications données par les maîtres. Une confession générale est requise avant d'être affilié à la société pour bénéficier des faveurs spirituelles accordées aux associés.

L'administration est aux mains de quatre maîtres, deux ecclésiastiques et deux séculiers, élus pour un an. Dix assistants, choisis deux par deux dans les cinq quartiers de la ville, seront chargés de s'informer auprès des curés des ménages nécessiteux des diverses paroisses; ils seront appelés à donner leur avis pour les affaires les plus importantes. Un procureur doit garder et gérer les biens de l'association, un notaire se chargera des écritures et de la conservation des archives.

Deux associés, au moins, sont chargés de la délicate tâche d'aller dépister et secourir les misères cachées, d'autres visiteront les « maladeries » et les prisons; enfin quelques uns se chargent de recueillir les aumônes des fidèles à la porte des églises le dimanche et aux grands jours de fête.

Cette activité charitable, devra être complétée, aussitôt que faire se pourra, par l'érection d'un hôpital appelé Maison de Charité ou de Miséricorde, pou y accueillir et soigner les pauvres gravement malades.

Afin d'entretenir l'esprit qui doit animer la société, les maîtres doivent choisir une église où ils convoqueront régulièrement tous les confrères pour y assister aux offices et entendre des exhortations; ils les réuniront aussi pour s'entretenir des intérêts et des besoins de l'oeuvre. Cinq fois l'an, le quatrième dimanche après la Pentecôte et au début de chacune des saisons, ces réunions sont obligatoires pour tous. On y célébrera l'office divin avec solennité, il y aura procession avec le Saint-Sacrement, au chant des litanies, et chaque confrère offrira une obole de quatre florins.

Non content d'approuver ces statuts, Ernest de Bavière voulut encore témoigner de sa haute estime pour l'entreprise en se laissant inscrire avec sa maison en tête de la liste des confrères. Il offrit mille florins pour, l'érection de l'hôpital, chargea son trésorier de payer au procureur vingt florins à chacune des cinq réunions prescrites par le règlement et à tous ceux qui y assistent, il accorde des indulgences spéciales. Il engagea vivement les prélats, les nobles, les magistrats de la cité à s'inscrire comme lui dans la pieuse association, qui déclare-t-il, a déjà acquis la sympathie de l'élite liégeoise. De fait, le chiffre considérable d'officiers prévu par ce règlement semble insinuer que dès les débuts les confrères de la Miséricorde étaient nombreux et se recrutaient parmi les citoyens les plus distingués.

Ernest de Bavière

Tout engageait donc a donner sans tarder à l'oeuvre son plein développement par la création de l'hôpital prévu par les statuts.

Ceci fut spécialement l'oeuvre de Martin Diddens. Pourvu d'une riche prébende et se trouvant en possession d'une fortune personnelle considérable, le charitable doyen consacra tout son avoir à la réalisation de la grande pensée qui semble avoir dominé sa vie; il légua à la Maison de Miséricorde un revenu annuel de 1100 florins et l'institua aussi héritière du reste de son patrimoine. A l'acte de donation étaient annexées trois clauses: l'hôpital devra payer annuellement 120 florins pour deux bourses d'études en faveur de parents du bienfaiteur; une messe hebdomadaire sera célébrée à son intention dans la chapelle et l'on doit admettre les malades pauvres de la paroisse de Liers. (9)

Par ces largesses la compagnie disposait d'un fonds solide mais néanmoins insuffisant pour parer aux dépenses considérables exigées par l'acquisition d'un terrain et la construction de bâtiments assez spacieux pour y recevoir les grands malades miséreux de Liège. On résolut d'adresser un nouvel appel à Son Altesse qui déjà par le legs de 1000 florins, octroyé lors de l'approbation des statuts, avait affirmé sa haute sympathie pour l'oeuvre.

Les circonstances étaient favorables. L'émeute avait éclaté à Liège en décembre 1602 et le prince, par d'énergiques édits, publiés en février et en avril 1603, avait usé de représailles envers le parti démocratique en restreignant considérablement les pouvoirs de ses représentants. Ne se ferait-il pas pardonner plus facilement ces mesures de rigueur par un grand geste de générosité en faveur d'une institution destinée à secourir les détresses de la classe populaire ?

Quoiqu'il en soit de cette hypothèse, il reste que l'on obtint de l'évêque un don vraiment princier.

Depuis 1584 il possédait dans le quartier d'Outre-Meuse une vaste habitation construite sur une large prairie, baignée par les eaux du biez de Saucy. Il avait acheté cette résidence qui comprenait « maison, édifices, caves, scailhes (cour couverte), places, jardins, appendices et appartenances, » aux héritiers du lombard Bernardin Porquin pour 24 mille florins de Brabant, plus une rente annuelle de 10 à 12 florins à payer aux cinq filles de ce richissime financier. En 1589, cette propriété s'était encore agrandie par l’achat du jardin des « Vieux Arbalétriers » qui le cédèrent pour 3.600 florins de Brabant avec Ieur « maison, cave et assiez ».

Situation de l'ancien Hôpital de Bavière à Liège d'après le plan de Maire Situation de l'ancien Hôpital de Bavière à Liège d'après la carte de Ferraris
1720 Plan de Maire 1777 Carte de Ferraris
Situation de l'ancien Hôpital de Bavière dans le Palais Porquin

Il parait que le prince, très cultivé et épris de recherches scientifiques, songeait à établir dans ces vastes locaux un laboratoire pour expériences de chimie, une branche qui l'attirait plus spécialement, ou, en tout cas, en faire une maison de plaisance agréablement située en dehors du bruit de la cité. L'aménagement de l'ancien hôtel Porquin ne satisfit-t-il pas il l'attente de l'évêque? Voulut-t-il à tout prix conquérir la popularité de son peuple par une munificence extraordinaire? Son coeur s'émut-t-il devant la misère de ses sujets au point de le décider à un vrai sacrifice? Quoi qu'il en soit de ces dispositions intimes, il fit don de sa splendide demeure d'Outre-Meuse à la Confrérie de la Miséricorde, « afin que le tout se puisse acheminer, faire et accomplir à la gloire de Pieu et au salut des âmes et aussi pour la prospérité spirituelle et temporelle, tant de sa personne que de sa dite Cité. »

Restitution de la Maison Porquin futur Hopital de Bavière - P Jaspar

L'oeuvre étendant son action, le local ne tarda pas à être insuffisant. Or, à ce moment, le chanoine Didden était le confesseur du prince Ernest. Il arriva que certain jour où Didden lui rendait visite, le Prince lui fit part des ennuis d'argent que lui causait sa belle demeure d'Outre-Meuse. Ernest, qui avait acquis cette maison bâtie par Bernardin Porquin, ne parvenait pas, grâce au gaspillage qui régnait à sa Cour, à payer les rentes constituées sur cette maison et les créanciers hypothécaires menaçaient de la faire deminer, c'est-à-dire saisir et vendre.

Didden lui proposa de payer, à la décharge du Prince, tout l'arriéré et les rentes, à condition qu'Ernest lui cédât, pour y bâtir un hôpital, un terrain auprès de la maison du Prince. Celui-ci accepta et c'est dans le jardin de la maison de Porquin et sur le pré des Arbalétriers que l'on éleva les premiers bâtiments de ce qu'on appela tout d'abord la Maison de la Miséricorde.

La vie à Liège sous Ernest de Bavière (1581-112) - E POLAIN

L'acte de donation est daté du 16 septembre 1603 et il fut passé devant le notaire Simon Murets en la demeure de Martin Diddens. Une seule clause est apposée: la Compagnie devra acquitter les charges dont la propriété est grevée. Grâce à la rente de 1100 florins, donnée par le doyen de St-Pierre cette obligation onéreuse se trouva rapidement allégée et éteinte.

Le nom du donateur princier passa à l'hôpital favorisé par ses largesses. Déjà habitués à appeler « Palais de Bavière » la résidence seigneuriale d'Outre-Meuse, les Liégeois appelèrent « Hôpital de Bavière » ou même simplement « Bavière » la nouvelle Maison de Miséricorde. Le vieux pont de Saint-Nicolas, qui de la ville donnait accès à l'établissement, s'appela communément, depuis lors dans la bouche du peuple et dans les documents « Pont de Bavière » (10). Ainsi, selon la judicieuse remarque de Pirenne, ce fut précisément cette institution charitable qui sauva de l'oubli le nom d'eu prince dont la popularité connut tant de vicissitudes.(11)


CHAPITRE II

LES SOEURS DE L'HOPITAL DE BAVIERE.

Un coin de Ancien Hopital de Bavière à Liège - Une augustine à la fenetre

Quand le 16 septembre 1603 fut passé, dans la demeure du doyen Diddens, l’acte qui cédait à la Compagnie de la Miséricorde le palais de Bavière, le voeu exprimé dans ses statuts de 1602 était réalisé. La confrérie possédait un immeuble pour y recevoir les malades pauvres de la cité.

Tout permet de croire que l'on ne dût même pas attendre jusqu'à cette date pour entrer en jouissance du don princier (12) et que, avant la fin de 1603, on commença de nouvelles constructions d'un corps de bâtiment assez considérable à côté de l'ancienne maison Porquin. Celle-ci, en effet, malgré ses vastes proportions, exigeait des agrandissements pour répondre à sa destination nouvelle. (13)

L'acquisition et l'aménagement de cette somptueuse demeure réclamait cependant un complément; l'organisation d'une communauté de seours hospitalières.

Il semble probable qu'on ne songea même pas à des infirmières séculières quand il fut décidé de faire choix « de personnes propres et idoines pour les exercices convenables de telle charité en la dite Maison de Miséricorde. » (14) D'emblée il fut décidé de confier le « service des pauvres malades » à des personnes ayant contracté des engagements de religion. mais on répugnait à choisir à cet effet de véritables moniales à voeux perpétuels.

Jaloux de leur autorité, les maîtres redoutaient de la voir échapper en partie auprès de religieuses dont la règle, canoniquement approuvée par l'Eglise, remet tous les pouvoirs entre les mains des supérieurs réguliers. Ils entendaient aussi garder la liberté de renvoyer les soeurs dont les services ne donneraient pas satisfaction ou peut-être même ne sembleraient plus indispensables, faculté exclue par le fait même de la profession perpétuelle.

On s'arrêta donc au projet de recruter un personnel de filles honnêtes, portant un habit religieux et ne s'engageant que par des voeux temporels dont elles seraient affranchies dès qu'elles quitteraient la maison, soit par libre choix de leur volonté, soit par renvoi de la part des maîtres.

Au Père Damase, l’initiateur de l'oeuvre princiale, fut confiée l'exécution de ce plan.

La ligne de conduite à suivre lui était suggérée par les circonstances. Puisqu'on désirait des soeurs, revêtues d'un habit religieux sans être liées par les veux de religion, le zélé capucin, devait naturellement songer à les rattacher au Tiers-Ordre franciscain, d'autant plus que le terrain se trouvait déjà préparé pour cette agrégation. En effet, dès le 2 octobre 1602, le général des capucins, Frère Laurent de Brindes (15), avait donné à la confrérie des lettres d'affiliation a son institut. Il y recevait tous les confrères et consoeurs de la Compagnie de la Miséricorde en la charité de Jésus-Christ pour être enfants spirituels de l'ordre, les faisant participants de toutes les messes, oraisons, jeûnes, indulgences, prédications, disciplines, mortifications, bons exemples et autres biens que la Bonté divine daignera opérer et accepter en icelle. Par cet acte le seuil était franchi; un pas seulement restait à faire pour transformer des oblates en tertiaires.

Quant aux statuts et à la manière de vivre qu'adopteraient les hospitalières, le Père Damase eut vite fait de les trouver.

Dans sa ville natale fleurissait depuis cieux siècles une intstitution qui répondait parfaitement au desiderata des maîtres. Fondé en 1449 par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, l'hôpital de Sainte-Marie-Madeleine de Ath avait adopté les constitutions de l'Hôtel-Dieu de Valenciennes (16) desservi par des soeurs à engagements temporaires, comme on les voulait à Liège. Elles promettaient de vivre en communauté, de déposer entre les mains de la « maîtresse » ce qu'elles recevaient à titre de salaire ou d'aumône, et de reconnaître l'autorité de cette supérieure qui avait le droit de répartir entre elles le travail, de les admonester et de changer les offices. D'excellents règlements relatifs aux exercices de piété, à la modestie, aux conversations, à l'hospitalité, complétaient ces prescriptions et avaient fait fleurir la discipline et le dévouement à Ath comme à Valenciennes.

Le renom de régularité et de bienfaisance des sœurs de la Madeleine, leur avait valu déjà à plusieurs reprises l'honneur d'être appelées à reformer où à fonder ailleurs des établissements similaires; en 1518 elles organisèrent l'hôpital Saint­Nicolas à Mons et en 1600 celui de Sainte-Elisabeth à Saint- Ghislain. (17)

Le Père Damase, à l'époque de son séjour chez les Franciscains de l'Observance dans sa ville natale, (18) eut sans doute plus d'une fois l'occasion d'exercer son ministère à la Madeleine; il ne pouvait mieux s'adresser pour trouver des auxiliaires pour l'organisation de l'hôpital de Bavière.

Il fut donc décidé en novembre 1602 de demander aux hospitalières de Ath quelques soeurs pour former, à leur genre de vie, les jeunes filles qui s'offriraient pour le soin des malades à la Maison de Miséricorde. La négociation fut confiée à l'un des maîtres, Jean Pirquini, marchand, bourgeois de la cité, qui partit, muni de lettres de créance destinées à la « maîtresse » de la Madeleine.

Les pourparlers aboutirent rapidement. Dès le 4 décembre 1602 (19) Pirquini amenait à Liège trois soeurs de Ath, Barbe Breuket (20), Vincienne de Bois et Isabeau Chaussée. A la première était confiée avec le nom de Mater (21) la charge de diriger la nouvelle communauté.

Quel genre de vie religieuse les soeurs hospitalières de Ath introduisent-elles à Liège? (22) Le prince-évêque Ernest qui avait consenti à l'établissement de cette nouvelle communauté avait-il aussi rédigé pour elle une règle ou des statuts ?

Plusieurs l'ont affirmé et, à lire le prologue des Règles promulguées en 1707 par le prince-évêque Joseph-Clément, on est tenté de le croire puisque le prélat y parle des « Règles et Statuts dressez et ordonnez par le Sérénissime prince Erneste Dux des deux Bavières, Evêque et Prince de Liège, notre prédécesseur en l'An 1602. » (23)

Toutefois quand on songe que le texte de ces statuts pour les religieuses, soi-disant rédigés en 1602, ne se retrouve nulle part, on peut conjecturer que les règles dont parle le prince Joseph-Clément de Bavière sont uniquement le règlement donné pour toute la confrérie et nullement un texte spécial pour les religieuses. Cette hypothèse est confirmée par un acte de l'évêque Maximilien-Henri qui, en 1652, déclare que les statuts de 1602, que l'on voulait à cette époque réintroduire pour les soeurs, (24) avaient été donnés pour des servantes séculières et non pour des religieuses.

Il est donc probable que les fondatrices, venues de Ath, tinrent simplement en vigueur à Liège leurs usages, empruntés aux constitutions de Valenciennes, les adaptant tant bien que mal pour le spirituel à la règle du Tiers-Ordre franciscain et pour le temporel, organisation du travail et administration, aux règles de la Compagnie de la Miséricorde.

Si elles ne transportèrent pas à Liège leurs statuts, les hospitalières de Ath y amenèrent néanmoins leur costume.

Depuis environ deux ans elles avaient abandonné la robe grise portée à Valenciennes pour la remplacer « par une robe brune tirant sur le noir. » (25)

C'est celle-là que nous voyons portée à l'hôpital de Bavière malgré « l'avis et les sentiments des maîtres et assistants » qui approuvées par Son Altesse, avaient décidé que les soeurs porteraient un habit « d'un noir gris draps. » (26)

L'installation de la petite colonie athoise se fit assez rapidement pour que déjà cinq semaines après leur arrivée, elles puissent ouvrir la porte de leur maison aux jeunes Liégeoises qui viendraient partager leurs travaux. Il avait été stipulé qu'on ne prendrait que les filles « honnêtes d'extraction, de vie et de moeurs, procréées de mariage légitime, âgées de dix-huit ans au moins et non plus de trente. » (27)

Le 11 janvier 1603 se présentèrent les deux premières postulantes, Marie Bassenge et Elisabeth Henrard, (28) qui selon une décision des maîtres eurent à faire « preuve et essais de leur capacité et conduite l'espace d'un an entier. »

Ce statut fut appliqué dans toute sa rigueur; elles durent attendre le 15 février de l'année suivante pour recevoir l'habit du Tiers-Ordre, et prononcer en même temps leurs voeux temporaires. L'hôpital n'ayant pas encore de chapelle propre, cette cérémonie eut lieu dans l'église de Saint Nicolas; elle fut présidée par le doyen Diddens que le prince-évêque venait d'établir surintendant de la Compagnie. (29)

Pendant l'année de probation des deux nouvelles professes une seule postulante, Catherine Cheratte, dite Fréchon, s'était offerte. Une des trois soeurs venues de Ath, Isabeau Chaussée, étant déjà rentrée dans sa communauté, il se fit que, en ce 15 février 1604, on n'était encore que cinq. C'était bien peu; assez néanmoins pour que les deux autres hospitalières athoises ne se crurent plus indispensables; dès le 20 avril suivant elles aussi retournèrent vers leur maison d'origine. (30)

Force fut donc de choisir comme Mater une des deux soeurs, à peine professes depuis deux mois; le choix tomba sur Marie Bassenge. La tâche était lourde, mais se trouva toutefois allégée par l'entrée de trois postulantes. Avant la fin de l'année, le personnel se trouvait doublé; il monta jusqu'à huit en juillet 1607. Progrès notable, mais grande restait la surcharge des hospitalières en face de l'oeuvre qui leur était confiée.

La Mater succomba-t-elle au surmenage

Le registre des professions annote son décès, dès le 12 novembre 1607 et apprend qu'elle fut remplacée par Catherine d'Avroit, entrée la quatrième depuis la fondation.

Sous cette nouvelle supérieure une amélioration notable se manifeste dans le recrutement; dans l'espace de deux ans et demi, on admet six nouvelles soeurs. Malheureusement la mort vint faucher cruellement dans les rangs en ces premières années; avant la fin de 1610 il y eut cinq décès, et la communauté se vit derechef réduite à neuf membres.

La direction spirituelle fut dans les débuts confiée aux Franciscains de l'Observance dit Piédechaux (31). Les soeurs pouvaient aussi profiter des nombreux sermons prêchés aux membres de la Compagnie pendant les « congrégations » qui se tenaient le premiers dimanches de chaque mois à huit heures. Les statuts de 1603 prescrivaient pour chacune de ces réunions une exhortation « tantôt d'un Père de la Société, (32) maintenant d'un Cordelier, Capucin, Augustin ou autre selon que les maîtres ordonneront ». Elles eurent ainsi, sans doute, l'occasion d'entendre les prédications que le récollet Nicolas Gazet publia en 1606 sous le titre Le grand Palais de la Miséricorde (33).

En dehors de ces moyens de fortune, les soeurs eurent à partir de juillet 1604 une direction spirituelle plus régulière. On décida en effet à cette date d'établir, comme les statuts le décrétèrent plus tard, un prêtre « pour servir la maison touchant la spiritualité tant aux malades qu'aux soeurs religieuses » (34). Il devait être élu par le surintendant, les maîtres et assistants, portait le titre de Pater, et en dehors des soins spirituels à donner aux malades il devait « ouïr les confessions et les dimanches et festes sous la messe ou a autre heure mieux commode catéchiser les Religieuses » (35). Le premier titulaire de cette charge fut maître Robert Hubart de Lantremange.

Le 1er mai 1606, fut dédiée et consacrée la chapelle de l'hôpital (36) que le prince-évêque avait fait construire en l’honneur de Notre-Dame.

A cette occasion le doyen Diddens eut encore de nouvelles largesses en faveur de son oeuvre de prédilection; il pourvut le sanctuaire de quelques bonnes rentes et fit don de deux grands chandeliers en argent portant ses armes et encore conservés à présent dans la sacristie de Bavière.

Maître Robert Hubart ne fonctionna pas longtemps dans la nouvelle chapelle; en 1607 il quitta Liège pour entrer dans l'ordre des capucins et il fut remplacé par le chanoine Grégoire Gaut (37).

Vers la fin de 1610 se trouvait écoulé le triennat fixé par les statuts pour le gouvernement de la Mater (38) La soeur Elisabeth Henrard, une des ouvrières de la première heure, qui avait émis ses voeux en même temps que la Mère Bassenge, fut cette fois appelée à diriger la communauté. Pendant dix-huit ans les suffrages de ses soeurs et la faveur des maîtres la retiendront dans cette charge; la suite des événements montrera qu'elle méritait cette confiance.

Elle eut d'ailleurs la bonne fortune de pouvoir admettre onze postulantes et de n'avoir à enregistrer que deux décès pendant ces dix-huit années; en 1621, quand elle dirigeait depuis dix ans la communauté, le nombre des soeurs s'élevait à seize. C'était à peu près le double de ce qu'elle avait trouvé en débutant comme supérieure.

Le grand registre (39) note que le 21 avril de l'an 1613 le scapulaire fut donné pour la première fois aux soeurs de la Maison de Miséricorde. Comme il avait été stipulé, en termes exprès, que les hospitalières porteraient l'habit du Tiers-Ordre « sans scapulaire », cette innovation est significative. L'initiative que prenait la Mater, à l'encontre des prescriptions des « maîtres », révèle ses tendances vers une organisation régulière de plus en plus accentuée et prélude à une transformation substantielle de la situation des hospitalières.


CHAPITRE III

LES AUGUSTINES DE L'HOPITAL DE BAVIERE.


Après une douzaine d'années la communauté de la Maison de Miséricorde semble être sortie victorieuse de la crise initiale: une pénurie de personnel qui devenait compromettante pour son existence.

Néanmoins, à ce point de vue, la situation reste peu brillante. N'enregistrer que dix-neuf entrées, après douze ans d'existence, dans une maison comblée des paveurs de Son Altesse, incorporée dans une oeuvre groupant l'élite du clergé et de l'aristocratie liégeoise, n'étaient-ce pas de pauvres résultats ?

Ces ecclésiastiques haut placés, ce gentilshommes, ces bourgeois opulents, surintendants, maîtres, assistants de la « Compagnie » n'auraient ils pas dû décider un grand nombre de filles pieuses, à se dévouer pour leur entreprise de « Miséricorde » ?

En fait leurs influences contrarièrent le recrutement du personnel hospitalier. Pour sauvegarder leur autorité plénière, pour garder les mains libres dans l'admission et le renvoi de ces indispensables collaboratrices, les hauts fonctionnaires de la confrérie avaient décrété une de ces demi-mesures qui conduisent habituellement à des échecs. Ils avaient voulu pour leur hôpital des « Soeurs » qui ne seraient pas vraiment des « religieuses »; et avaient créé ainsi une situation anormale dont les inconvénients se faisaient sentir chaque jour davantage.

La clause odieuse qui assurait aux « maîtres » le droit exorbitant de renvoyer les soeurs « s'ils trouvaient ainsi convenir » effrayait, on le comprend, les candidates et aussi les familles qui hésitaient à céder leurs enfants à une institution offrant si peu de garanties de stabilité. Les jeunes filles qui se sentaient attirées vers le soin des infirmes saisissaient vite que l'absence de voeux perpétuels exposait la vocation à des tentations d'inconstance et d'infidélité. Leurs aspirations intimes les poussant vers une donation totale, qui rendrait plus aisée la pratique de la perfection et plus méritoire l'exercice de la charité, elles renonçaient à leurs projets d'entrer à la Maison de Miséricorde et s'en allaient vers des couvents plus solidement organisés.

Cet état de chose provoquait même des désertions. Plus d'une soeur, entrée de confiance, se trouvait profondément déçue. L'habit que portaient les hospitalières lui avait fait croire qu'elle trouverait parmi elles la vie religieuse intégrale; elle l'y trouvait incomplète et tronquée. De là naissaient le malaise, le mécontentement, quelquefois le désir et la résolution d'aller chercher ailleurs ce qu'on avait espéré trouver ici.

La chronique du couvent est formelle à ce sujet. « Quelques soeurs », écrit-elle commençaient à se dégouter de telle vocation et chercher ailleurs d'autres cloîtres afin de n'être plus agitées de telle inquétude qui pouvait préjudicier à leur première volonté et propos. Soeur Marguerite Lasseaux se tansporta à Maestricht à l'hôpital Saint-Servais et Soeur Barbe Cheratte, dit Fréchon, à Tirlemont, où l'une et l'autre ont heureusement vécu et décédé. II y avait encore d'autres qui auraient suivi l'exemple. » (40)

Avec un personnel si restreint pouvait-on continuer à faire face à toutes les besognes d'un hôpital qui ouvrait ses portes aux nombreux malades de la grande cité? Quand en 1626, le prince-évêque Ferdinand, dans un acte officiel que nous aurons à citer, parle de l'activité des soeurs auprès des infirmes, il est obligé de mettre une sourdine aux louanges qu'il leur adresse: « hucusque satis fideliter et laudabiliter muneri suo satisfecerint », « elles ont jusqu'à présent », dit-il, « rempli assez louablement cette tâche ». Il leur était matériellement impossible de s'en acquitter parfaitement, tant qu'elles seraient si peu nombreuses.

La Mère Elisabeth Henrard et ses religieuses avaient depuis longtemps compris que le salut de leur communauté gisait dans un perfectionnement de leur vie régulière. L'acceptation de la règle d'un ordre canoniquement approuvé par l'Eglise et l'émission de vrais voeux de religion étaient seuls capables de donner à leur maison la stabilité nécessaire.

Tout naturellement leurs pensées se portèrent vers cette règle de saint Augustin dont saint François de Sales venait décrire quatre ans auparavant: « La grande authorité de saint Augustin, méritée par la très excellente sainteté de sa vie et par l'incomparable doctrine dont il a orné l'Eglise, a fait qu'entre tous les législateurs des religieux il a este, le plus suivy. Aussi « nostre Sauveur habitant en luy », comme parle S. Hierosme, « luy inspira cette Règle tellement animée de l'esprit de charité qu'en tout et partout elle ne respire que douceur, suavité et bénignité et par ce moyen est propre à toute sorte de personnes, de nations et de complexions » (41). Des centaines d'établissements similaires à la Maison de Bavière professaient la vie religieuse selon cette règle; la plupart des hôpitaux du pays étaient, depuis des siècles, desservis par des Augustines.

En 1622 on se décida à des démarches auprès du prince-évêque.

Les circonstances étaient propices. Le siège épiscopal de Liège était occupé par Ferdinand de Bavière qui en 1612 avait succédé à son oncle Ernest. Ancien élève des Jésuites d'Ingolstadt, il avait bénéficié largement de cette solide formation chrétienne et on a pu écrire à son sujet « qu'il appliquait avec rigorisme jusque dans les détails de sa vie privée les principes ascétiques de son idéal religieux ». (42) Plus que son prédécesseur, qui était davantage prince qu'évêque, il se trouvait disposé à consentir à un changement dont les effets salutaires rejailliraient sur l'ensemble de cette entreprise charitable.

Dans leur entourage immédiat, les soeurs trouvaient aussi des dispositions favorables à leur dessein.

Au doyen Martin Diddens, décédé le 27 juillet 1610, avait succédé comme surintendant Don Oger de Loncin, prélat de l'abbaye de Saint Laurent. Ce prélat bénédictin, dont les historiens vantent la ferveur religieuse, (43) et qui avait fait fleurir dans son monastère un excellent esprit de discipline (44) devait efficacement seconder les efforts des soeurs dans l'évolution de leur communauté vers la vie monastique.

Les négociations avec la curie épiscopale prirent néanmoins du temps à aboutir. Il fallut diverses instances et prières. « Saepius in eam rem apud nos eum proecipuis dietae Societatis membris supplices fuerint », déclare le prince Ferdinand quand enfin, le 8 janvier 1626, ii signe, en son château de Bruhl, l'indult qui permet aux religieuses d'émettre les trois voeux de religion à perpétuité, « sous la Règle Saint Augustin et l'habit religieux et les constitutions approuvées par lui ».

Le Grand-Vicaire, Jean de Chokier, fut chargé de notifier cette décision aux maîtres et assistants et de s'entendre avec eux sur le mode d'exécution de l'arrêt de Son Altesse.

Deux réunions se tinrent; la première le 13 février, la deuxième le 28 du même mois. L'abbé de Saint Laurent, les présidait comme surintendant. Le chanoine Rave, scôlastre de la chatédrale, Théodore de Fléron et Jacques Gill, maîtres de la confrérie (45) y étaient présents ainsi que plusieurs assistants. A la question du mandataire de l'évêque « si Messieurs de la Compagnie voulaient obtempérer à la volonté de Son Altesse » tous répondirent a affirmativement, mais on formula deux réserves. Aux voeux ordinaires de religion, les soeurs devraient ajouter celui de servir perpétuellement les malades à l'hôpital; en outre elles demeuraient sous la conduite et l'autorité du surintendant et des maîtres pour autant que cela ne portait pas préjudice au droit de l'Ordinaire et comme le statuaient les règles primitives qui devaient rester en vigueur.

L'évêque tint compte de ces desiderata relativement au voeu de servir les malades qui, dans la formule de profession, fut placé « comme principal » en tête des engagements que contractaient les soeurs. (46)

Quant au maintien des anciens statuts le prince stipula que dans la Maison de Miséricorde érigée dorénavant « en assemblée de Religieuses parfaites avec les voeux ordinaires » on observera les Règles données par feu Son Altesse Ernest.

En réalité les modifications profondes résultant l'introduction des voeux perpétuels réclamaient des remaniements et des ajoutes d'où sortit une règle nouvelle ou pour mieux dire la première règle de la communauté qui vint se juxtaposer au statuts primitifs.

C’est un code complet d'administration et de discipline que Ferdinand de Bavière donne aux religieuses de l'hôpital en 1626. La plus ancienne copie, conservée à présent au couvent des hospitalières remplit vingt pages d'un volume in-f° écrit vers 1660.

Vingt six chapitres déterminent successivement les droits de l'autorité, l'activité des soeurs, la formation des sujets, la pratique de la vie régulière.

En tête, la constitution du surintendant, prélat de religion, présenté à Son Altesse par les maîtres et qui, une fois agréé par le prince, devient son représentant à la Maison de Miséricorde avec des pouvoirs très étendus. C'est lui qui nomme le Pater, préside l'élection de la supérieure, décide l'admission des sujets et reçoit leurs voeux.

Trois chapitres, qui suivent immédiatement, ont trait aux soins des malades, cinq autres à la direction spirituelle par le Pater et au gouvernement et à l'organisation domestique par la Mère et les officières principales telles que la boursière et la dispensière (ch. 5-9).

Viennent ensuite les statuts concernant l'admission des sujets (ch. 10-13). Ils stipulent que « nulle fille sera reçue avant l'âge de seize ans accomplis n'y encore après les vingt quatre ans » et que, les candidates devront pouvoir donner « asseurance de soissante florins Brabant pour leur dépens pour chaque an de leur probation » payement dont elles seront libérées si elles persévèrent. Cette probation durera deux ans; après six mois tout en continuant à être en « raisonnable habit séculier, elles recevront le béguin d'humilité »; après un an, elles recevront l'habit; après deux ans elles émettront les voeux.

Les douze derniers chapitres concernent la pauvreté et les exercices quotidiens de la religion, (ordre du jour, prière, mortification, travail, rapports avec l'extérieur, etc.).

Le plan, caressé depuis des années par les dévouées hospitalières; la transformation de leur petite société de filles dévotes en un couvent, rattaché à la grande famille religieuse de Saint Augustin, pouvait donc enfin s'exécuter.

Un délai s'imposait néanmoins encore pour l'accomplissement intégral de leurs désirs, l'évêque il ayant stipulé que les religieuses devaient se préparer par une année de noviciat à l'émission des voeux. Ce temps d'épreuve fut réduit de moitié pour la supérieure et les trois soeurs les plus anciennes, qui firent profession le 1 juin 1626. Le 25 août suivant toutes les autres soeurs, dont le temps deprobation était écoulé, s'engagèrent à leur tour par les voeux perpétuels. (47) La communauté entière s’était ralliée d'enthousiasme au projet de transformation (48). Ce fut « le Révérend Seigneur Abbé de Saint Laurent », qui, en sa qualité de surintendant, reçut l'oblation des soeurs. Devant l'autel, où il avait pris place, elles vinrent toutes lire cette formule au préalable écrite de leur propre main: « Je, Soeur X..., promets à Dieu Tout-Puissant, à la Vierge Marie sa glorieuse Mère, à tous les Saints, et à vous, Sire, tenant la place de Notre Révérendissime et Sérénissime Evêque de Liège, et à la Mater présente et future, de servir en cette maison les malades, tant que les forces me permettront; item, chasteté perpétuelle, pauvreté volontaire et obédience jusqu'à la mort et de vivre selon la Règle de notre Père Saint Augustin et les Statuts de cette maison. »

Grandes salles de l'Ancien Hopital de Bavière à Liège

Cette émission de voeux n'entraîna pas à l'hôpital de Bavière un changement d'habit.

Généralement les hospitalières augustines portent, il est vrai, l'habit blanc comme le portent aussi la plupart des chanoines et chanoinesses régulières augustiniennes. Mais cet habit n'est nullement de rigueur (49); le chapitre VIII de la règle, extraite des écrits du grand évêque d'Hippone, en traitant des vêtements ne fait aucune mention ni de leur couleur ni de leur forme; il se contente de revendiquer à ce propos les droits de l'humilité et de la pauvreté parfaite.

A la Maison de Miséricorde Ferdinand de Baviè­re avait stipulé, dans son induit du 8 janvier 1626, que les trois voeux de religion seraient émis: sub habitu religioso et constitutionibus per nos datis, c'est-à-dire sous l'habit régulier tel que le décrivaient ces statuts. C'était, à peu de choses près, l'habit des tertiaires franciscaines adopté dès le début de l'institution.

De la sorte, la transformation de la communauté passa presque inaperçue pour le public et fut aussi ignorée de la plupart des historiens. Le jésuite Fisen dans sa Sancta Legia Romanae Ecclesiae Filia de 1696 appelle le couvent de Bavière qynecaeum hospitalararum e tertio ordine S. Francisci, (50) Loyens dans le Recueil héraldique des Bourgmestres de la noble cité de Liege (51), appelle les soeurs, en 1720, « Religieuses hospitalières ou Soeurs de Saint François », le carme Bouille, dans son Histoire de la Ville et Pays de Liege, écrit en 1732 que « l'on bâtit près de l'ancien château de Bavière d'Outre-Meuse un logement pour des Soeurs du Tiers-Ordre franciscain chargées du soin des malades » (52); et l'auteur des Délices du Pays de Liège imprimés en 1738, déclare en parlant de l'hôpital que « les personnes malades y sont soignées par des Soeurs du Tiers Ordre franciscain » (53).

Ce silence s'explique par le fait que des hauts fonctionnaires de la Compagnie, mécontents de voir s'échapper les droits exorbitants que leur concédaient les statuts primitifs, affectaient d'ignorer la qualité de moniales augustines de leurs dévouées collaboratrices. Ils sont comme obsédés par leur crainte chimérique que « l'hôpital au lieu d'une maison de malades, ne soit fait un Monastère de Religieuses contre la première intention des fondateurs » (54)

Le texte des statuts, tout en prescrivant la profession religieuse, semble tenir compte, lui-aussi, de cette mentalité anti-monastique. On y garde un silence absolu au sujet de l'acceptation de la règle de Saint Augustin dont le nom paraît uniquement dans la formule de profession qui s'y trouve consignée.

On comprend dès lors que les soeurs n'usèrent que discrètement de leur titre d'Augustines afin de ne pas éveiller sans nécessité des susceptibilités ombrageuses.

Des motifs d'ordre plus général les y engageaient à leur tour.

An moment où elles voient se réaliser leurs désirs, Liège traverse une crise aiguë au point de vue religieux. Une partie de la population, quoique chrétienne d'éducation et de pratique, commence à se laisser gagner par des influences nettement anti-cléricales. Le clergé régulier a sa part de choix aux calomnies et satires de ces mécontents, surtout à cause des sympathies que lui avaient vouées les deux derniers princes et l'élite de la population. Sous Ernest et Ferdinand de Bavière de nombreux couvents s'étaient installés à Liège; les jésuites en 1581, les capucins en 1582, les jésuites anglais en 1614, les minimes et les carmes déchaussés en 1617, les ursulines en 1619, les sépulchrines en 1624.

« La faveur », écrit Pirenne (55), « dont ils jouissaient auprès de l'évêque, des chanoines, de la noblesse, des familles les plus opulentes de la bourgeoisie, ainsi que les biens souvent très considérables qu'ils tenaient de la générosité de leurs protecteurs eurent bien vite fait de soulever contre eux la défiance et l'envie du petit peuple... L'impopularité du prince rejaillissait sur les ordres religieux auquels il témoignait sa bienveillance ».

Cette disposition hostile aux religieuses n'expliquerait-elle pas aussi le mouvement si lent des vocations chez les religieuses de l'hôpital à cette époque? Pendant les dix premières années qui suivirent la profession générale de la communauté il n'y eut que sept entrées.

Humainement parlant, c'était la faillite des légitimes espérances des moniales. Elles avaient cru fermement que leur vie religieuse nouvelle aurait davantage orienté vers elles de nombreuses postulantes! Désillusion pénible, mais la Providence ne les abandonnait pas. Le nombre des ouvrières était restreint, mais la plupart gardaient les forces nécessaires pour rester longtemps à la tâche. Malgré les rares entrées elles sont dix-sept en 1630 et la liste des religieuses à cette date montre que les jeunes filles les plus distinguées venaient partager leur dévouement. Nous y retrouvons une Catherine Winant de Mellin, une Elisabeth Delbrouck, une Jeanne de Salme, une Marie d'Heur, autant de noms qui apparaissent en bonne place dans les listes nobiliaires de l'époque. (56) Des vases sacrés et des argenteries, donnés par des religieuses pour la chapelle de l'hôpital et portant des écussons, attestent aussi les origines aristocratiques de plusieurs d'entre-elles.

Pendant plusieurs années encore les soeurs eurent à subir dans leur recrutement, les conséquences fâcheuses de la situation troublée de leur époque; cependant elles n'en estimèrent pas moins l'insigne faveur d'appartenir dorénavant à la grande famille religieuse de saint Augustin, d'être vraies moniales et de se voir assurer tous les avantages spirituels et canoniques des réguliers.

Les annales du couvent sont d'un laconisme décourageant pour l'historien jusque vers le milieu du XVIIe siècle.

On est tenté d'en conclure que les Augustines de l'hôpital formèrent alors un de ces petits peuples heureux qui n'ont pas d'histoire. Leur existence, sans relief apparent, s'écoulait toute entière calme et féconde, dans l'exercice de la miséricorde dont elles s'étaient éprises et dont bénéficiaient des centaines d'infirmes et de malheureux.

En retour elles jouissaient de l'estime d'un grand nombre d'habitants de la ville et de la principauté qui leur témoignaient volontiers leur bienveillance par des legs et des fondations. Dans l'Extrait et abréqé contenant les messes septennales (57), commencé en 1631, paraissent les noms de plusieurs hauts dignitaires ecclésiastiques et civils qui tiennent à avoir leur anniversaire célébré dans la chapelle des religieuses. Citons Gisbert Achel, chanoine de Sainte-Croix, Thomas Merlier lieutenant-gouverneur de Kerpe, Jacques Favarge, procureur de la vénérable cour de Liège.

La sympathie pour les soeurs s'affirme souvent explicitement dans les documents par des clauses stipulant qu'une partie de la somme affectée à la fondation doit servir à défrayer une « récréation » les hospitalières. En 1621 Agnès Beuvrez veut qu'on y emploie tout ce qui reste de la somme léguée pour son anniversaire après qu'on aura payé le célébrant et les assistants (58); en 1632 Nicolas Janjan désire qu'à la fête de la décollation de saint Jean-Baptiste chaque soeur reçoive « un pain blang d'ung pastar et une chopine de fort vin. » (59)

Dans l'entretemps d'autres contribuent généreusement à l'ornementation du sanctuaire des religieuses. Vers 1620 elles reçoivent les deux jolis autels latéraux avec une « Déposition de la Croix, » et une « Sainte Famille, » ainsi que les six grandes statues de Notre-Dame, saint Augustin, sainte Elisabeth, sainte Barbe, sainte Catherine et l'Ange gardien qui se trouvent encore à présent dans leur élise entre les fenêtres du choeur. (60) En 1641 un bienfaiteur leur donna une belle statue de saint Lambert, dans une niche richement sculptée en style Louis XIII, puis en 1645 un autre leur offre les groupes artistiques de saint Roch et de sainte Geneviève.

Des générosités plus grandes encore se révèlent en ces années pour enrichir le trésor de la sacristie. De ce premier quart du XVIIe siècle date un bon nombre de vases sacrés, calices, encensoir, reliquaires, plateaux, chandeliers, dont quelques-uns portent des noms, d'autres des armoiries qui permettent d'identifier les donateurs.

En dehors de ces largesses des amis de la maison on n'a guère annoté dans les documents de l'époque d'autres faits saillants. Les registres de la communauté se contentent de mentionner les prises d'habit, professions et décès, les nominations des directeurs spirituels et les élections des supérieures.

Relevons y les noms de ces dernières: Elisabeth Henrard qui gouverna la commaunauté jusqu'en 1635, sauf un triennat (1629-1632) pendant lequel elle fut remplacée par Marie Pirard; Catherine Delvaux restée en fonctions jusqu'à son trépas survenu le 19 octobre 1641 et Jennekenne Houtart qui dirigea la communauté pendant dix ans, c'est-à­dire, jusqu'au 13 février 1651.

Cette date doit être retenue; après de belles années de calme et de paix elle amena des jours de trouble et de crise.


CHAPITRE IV

LA CRISE


Que se passa-t-il à l'hôpital de Bavière en ce 13 février 1651 ?

Les chroniques nous disent seulement qu'en ce jour « Soeur Véronne Borret a esté dénomée et choysie Mater de la Maison » et que à l'occasion de ce changement quelques confrères de la Compagnie furent gravement offensés. (61)

Le motif de leur mécontentement n'est pas indiqué et nous en sommes réduits à des conjectures;

Si la liste des surintendants, conservée parmi les archives des soeurs, est complète, cette charge en ce moment était vacante. Les religieuses en auraient-elles profité pour se passer du contrôle des autres dignitaires de la Compagnie en cette circonstance ? Un texte de leurs statuts qui confèrent au seul surintendant le droit «d'ouïr les voix» tandis que les maîtres doivent uniquement l'assister, (62) justifiait peut-être à leurs yeux cette manière d'agir.

Ou bien se seraient-elles, prévalu de l'induit de 1626 par lequel le prince-évêque Ferdinand, en concédant la profession perpétuelle, déclarait qu'à l'avenir elles relèveraient de l'autorité épiscopale, pour tout ce qui regarde leur vie religieuse? (63)

On est incliné à se rallier à cette dernière supposition quand on lit dans la chronique que les malcontents en appelèrent à Son Altesse. Ils lui « repésentèrent les règles et statuts qu'Ernest, de bonne mémoire, avait données aux filles qui se voulaient dédier au service des malades, vivant en personnes libres, sans être astreintes aux voeux solennels de religion, afin de les faire approuver et rafraîchir de nouveau, et par ainsi ramener les soeurs de la maison au premier pied, au préjudice de la grâce que Son Altesse Ferdinand leur avait faite, en les érigeant en assemblée et couvent de religieuses avec les voeux solennels de Pauvreté, Chasteté et Obéissance. » Ils ne demandaient rien moins que l'annulation de l'induit de 1626 et le retour pur et simple à la situation religieuse si précaire et si incomplète des débuts.

Le moment paraissait bien choisi pour tenter cette oeuvre de destruction. Le prince-évêque Ferdinand venait de mourir quelques mois auparavant et son neveu et successeur Maximilien-Henri était « de tempérament maladif et de caractère timide et nonchalant » (64), tout disposé a se laisser influencer. De fait, circonvenu par les rapports malveillants du petit clan anti-monastique de la Compagnie de la Miséricorde, il signa, le 2 décembre 1651, en son palais de Liège, un acte qui remettait en vigueur le règlement donné en 1602 par Ernest de Bavière.

Cet acte aux veux de ceux qui avaient monté cette cabale révoquait implicitement la permission d'émettre les voeux perpétuels, octroyée en 1626, puisque c'était « au préjudice de la grâce que Son Altesse Ferdinand avait faite » qu'on demandait de « rafraîchir » les anciens statuts.

Dans la crainte de voir s'échapper les fruits de leur facile victoire, ils se hâtèrent de faire réimprimer l'ancien règlement chez Léonard Streel, imprimeur juré de la cité, et ils le distribuèrent à leurs collègues de la Compagnie. Apparemment c'était une catastrophe pour la petite communauté, mais la Providence veillait sur elle. Si le décret arraché à Maximilien Henri était susceptible d'interprétations compromettantes pour la vie régulière des hospitalières, ses termes restaient néanmoins assez vagues pour permettre au prince mieux informé de laisser debout l’oeuvre de son prédécesseur, sans se dédire.

De nombreux confrères de la Compagnie, pleins d'estime pour le dévouement des soeurs et persuadés qu'elles puisaient surtout leur esprit d'immolation dans une vie religieuse intégrale, se décidérent à présenter de justes remontrances au prince afin de réfuter les accusations de quelques frondeurs. Cette démarche éveilla l'attention de Maximilien-Henri, qui, la chronique l'assure, avait « sans autres informations… accédé aux réclamations des malcontents. » Il confia une nouvelle enquête à « un commissaire spécialement député à cet effet » et le résultat fut entièrement favorable aux religieuses.

Six semaines après la publication de l'édit qui avait failli anéantir la vie régulière à la Maison de Bavière, le 19 janvier 1652, Son Altesse signait dans son château de Bruhl un nouveau document 41 qui réduisait à néant la victoire des adversaires des moniales. (65) Il y déclarait que, en approuvant derechef les statuts donnés par le prince Ernest, il l'avait pas eu l'intention de déroger aux règles données par le prince Ferdinand, puisque les statuts de 1602 ne concernent que des « servantes séculières employèes aux soins des malades, » tandis que les ordonnances de 1626 concernent des religieuses ayant fait profession perpétuelle. La déclaration était précieuse; elle ne laissait pas seulement subsister les avantages acquis, elle contenait une déclaration formelle au sujet de la condition canonique des soeurs qui y sont appelées de « vraies religieuses professant les trois voeux de religion sous la règle de Saint-Augustin. » (66)

A l'instar des orages, qui enracinent davantage les grands arbres secoués par les vents, cette machination ourdie contre la petite communauté avait renforcé ses positions et fixé plus nettement ses droits et ses prérogatives.

L'évêque Maximilien- Henri ne se contenta pas de régler la question de principe. Son édit porte également remède aux difficultés qui donnèrent occasion au conflit. Il approuve l'élection de la Mère Borret, confirme dans sa charge le Pater, Thomas Fabri, et transfère à une autre communauté une des religieuses dont la présence était nuisible à la paix. L'exécution de toutes ces mesures était confiée au doyen de Saint-Pierre, Léonard Stockis. (67)

Ainsi se termina heureusement « ce rencontre qui était suffisant pour mettre en désordre l'état de la maison » (68) et ruiner entièrement une transformation obtenue après tant d'efforts et de démarches.

Le décret du 18 Janvier 1652, en confirmant l'élection contestée de la Mère Borret, inaugurait une longue administration; la nouvelle supérieure resta en charge pendant trente-huit ans. Pendant ces années elle admit vingt-trois religieuses à la Maison de Miséricorde.

A qui trouve ce chiffre peu élevé il faut rappeler que la principauté traverse en ce moment une époque fort troublée et par des mouvements séditieux du parti démocratique et par les incursions des armées étrangères.

Ces événements ont inévitablement une répercussion sur le mouvement des vocations. Pendant les orageuses années 1651 et 1652, quand le prince « doit lever des milices pour courir sus aux pillards et étouffer les commencements d'une guerre civile » (69), pas une seule postulante ne viendra se présenter. Dès que le calme renaît, entre 1656 et 1658, cinq jeunes filles sollicitent leur admission, mais quand de 1672 à 1677 la guerre recommence et que les troupes françaises s'installent dans la citadelle, les portes du noviciat de la Maison de Miséricorde restent de nouveau closes pendant cinq ans.

L'insécurité des routes, qui raréfie les rapports avec l'extérieur, oblige aussi la communauté à se recruter presque exclusivement dans les familles de Liege; huit seulement des soeurs entrées sous l'administration de la Mère Borret appartiennent à d'autres localités.

Cependant ces temps calamiteux n'étaient pas de nature à alléger la tâche des hospitalières. La misère, grandissante avec la durée de l'épreuve, faisait aussi monter le nombre d'infirmes pauvres amenés à l'hôpital de Bavière et l'on s'effraie devant la somme de travail énorme que les religieuses avaient à fournir. N'allaient-elles pas succomber sous le poids de cette besogne?

Un charitable « homme de loix » de cet époque, le Sieur Guillaume Coelmont « jurisconsul et advocat de la vénérable Court de Liège, » semble avoir partagé ces appréhensions.

En 1670 il fit construire à Ougrée, une maison « pour donner aux Religieuses la commodité d'y aller séjourner quelques jours, lors quelles seraient affaiblies en servant les malades, pour y reprendre des nouvelles forces et en retourner plus alaigres à leurs devoirs. » En même temps ce serait un lieu de retraite « pour y réfugier en cas de contagion qui s'y (70) peut aisément glisser, estant exposée aux continuels reflux de tant de malades qui y entrent et sortent à tous temps. » (71)

Cette donation fut agréée par le surintendant et les maîtres qui dressèrent un règlement spécial à observer dans cette maison de repos; de son côté le prince-évêque témoigna de la faveur avec laquelle il accueillait les largesses de ce charitable advocat en accordant « la permission de célébrer la messe sur un autel portatif dans la susdite maison ou chapelle. lorsqu'il conviendiait d'y aller pour cause de santé. » (72)

Guillaume Coelmont complète ses largesses par son testament du 4 juin 1670. II y stipule que l'on doit célébrer son anniversaire dans l'église de Bavière au jour de sa fête patronale et qu'à cette occasion on doit donner aux religieuses une récréation pour laquelle il laisse vingt-cinq florins Brabant. En retour les soeurs doivent dire pour lui chaque jour un Pater et un Ave quand leurs occupations le permettent. (73)

De nombreuses familles liégeoises prodiguèrent à cette époque aux soeurs les marques de leur bienveillant intérêt.

Plusieurs tiennent à s'assurer une sépulture dans l'église de l'hôpital comme l'attestent encore de nombreuses dalles funéraires qui furent transportées en 1895 dans la chapelle du nouvel hôpital. (74)

Beaucoup témoignent de leur sympathie par des legs ou par des dons. Une liste des bienfaiteurs, conservée parmi les archives des religieuses, mentionne pour le XVIIe siècle, outre l'advocat Guillaume Coelmont, la dame Elisabeth de Mollin, l'honorable Arnould Pirkin, les chanoines Gaut, Ab Angelo et Fabri. Le nécrologie des Franciscains du couvent de Jérualem à Liège fait connaître comme amis de la communauté hospitalière Jean Francotte et son épouse Elisabeth Libert. (75)

Les traces de ces générosités se retrouvent surtout à la chapelle. Telles les belles portes en cuivre ouvragé qui se trouvent au bas de l'escalier qui mène au sanctuaire, données par Nicolas de Stockhem, doyen de la collégiale de St. Jean, qui légua aussi aux religieuses un calice, un plateau et des burettes en argent ornés de ses armoiries. De la même époque datent un bel ostensoir en argent, forme soleil avec une lunelle entourée de chérubins, confectionné en 1667, et une belle aiguière en argent repoussé, ciselé, orné de feuilles d'acanthe dont le poinçon porte cette même année. (76)

Ces dons multiples et souvent considérables en faveur de la chapelle étaient doublement précieux aux yeux des soeurs. N'est-ce pas là, près du tabernacle, qu'elles allaient refaire leurs énergies pour reprendre chaque jour les mêmes fardeaux! N'avaient-elles pas le droit de le désirer aussi riche que possible ce petit sanctuaire, où leurs heures de prière devaient les reposer de leurs heures de service dans les salles et des pénibles veillées de nuit auprès de leurs nombreux infirmes

Pour celles qui, pendant les offices, étaient retenues au chevet des malades ce fut une grande consolation de voir consacrer en 1666 un autel « sous l'invocation de la B. V. Marie » dans la chambre des femmes. Un prêtre y célébra depuis lors régulièrement la messe. (77)

Le 20 mars de cette même année le pape Alexandre VII accordait une indulgence plénière à tous les associés de la Confrérie de la Miséricorde qui visiteraient la chapelle des moniales le cinquième dimanche après la Pentecôte et des indulgences partielles chaque fois qu'ils y assisteraient aux messes et aux offices qui s'y célébraient. Le vicaire­général Jean de Surlet donna le 16 avril son Placet pour la publication de ce bref qui fut imprimé sur une grande feuille in plano destinée à être propagée parmi les fidèles.

Les archives de la communauté ne nous disent pas d'avantage sur les destinées, des soeurs en cette deuxième moitié du XVIIe siècle.

Notons toutefois ici un souvenir de cette époque conservé dans le grand ouvrage de Gobert sur Les Rues de Liège.

Pendant l'hiver de 1685, des glaçons, chariés par la Meuse, endommagèrent gravement la vôute d'une rivelette qui s'avançait en dessous des constructions de l'hôpital. Personne ne se rendait compte du danger que créait cette crue du fleuve pour les bâtiments, quand un jour, vers une heure du matin, une partie de cette vôute s'effondra tout-à-coup, dans une des salles, sous les pieds d'une religieuse qui veillait près d'un malade. La soeur fut précipitée avec les décombres dans le fleuve et on ne parvint qu'avec peine à la sauver au moment où le courant impétueux allait l'emporter. (78)

Cet incident tragique se place vers la fin de l'administration de la Mère Véronne Borret, qui mourut le 27 février 1689. Marie Agnès d'Esne qui fut appelée à lui succéder en cette même année allait aussi longtemps qu'elle diriger la petite communauté hospitalière.

Nous étudierons l'administration de cette supérieure remarquable dans un chapitre spécial.


CHAPITRE V

MERE MARIE AGNES D'ESNE

Soeur Marie Agnès Desne

Les premières années de l'administration de la Mère Marie Agnès d'Esne furent lourdes d'épreuves.

Mentionnons seulement le bombardement de Liège en 1691, quand les boulets de l'artillerie française incendièrent, ou endommagèrent plus de quinze-cents maisons (79). Nous savons que le quartier d'Outre-Meuse eut particulièrement à souffrir; un chroniqueur a écrit qu'il fut ravagé par les boulets du marquis de Boufflers. On devine dès lors par quelles angoisses passèrent les soeurs et pour elles-mêmes et plus encore pour leurs malades que l’on ne pouvait rapidement évacuer. (80)

L'orage passé on se disposait à amener à l'hôpital un si grand nombre de blessés et d'infirmes que les maîtres se virent forcés de limiter le nombre de ceux qui seraient admis, (81) par crainte d'accabler la Maison de Miséricorde de grosses dettes. Cette décision, inspirée par des motifs d'ordre économique, était heureuse pour les soeurs qui sans cela eussent été débordées.

Durant les onze dernières années du XVIIe siècle quatre jeunes filles seulement se trouvèrent assez généreuses pour venir, malgré les cruelles incertitudes du lendemain, partager la vie pénible des Augustines. Il faut attendre l'avènement du nouveau siècle pour voir s'améliorer cette situation. A partir de 1701 la liste des prises d'habit et des professions redevient plus serrée; pendant les vingt-cinq dernières années de la direction de la Mère d'Esne il y aura trente-trois entrées ce qui permettra de maintenir habituellement sur pied un personnel d'environ trente religieuses.

La vie intime des hospitalières se ressent peu de l'atmosphère politique agitée dans laquelle la principauté continue à vivre à cette époque.

La paix règne si parfaitement parmi elles que à partir de 1701 il devient superflu de recueillir leurs suffrages pour l'élection de la Mater. Les triennats successifs sont renouvelés, dit la chronique, Via Spiritus Sancti. Ce mode d'institution d'une supérieure, admis par les canonistes, consiste dans l'adhésion spontanée d'une communauté à une candidature unique, acclamée avec une unanimité qui ressemble à une inspiration d'En-Haut.

Le fait que ce procédé significatif restera en vigueur à l'hôpital pendant tout le reste de la carrière de Mère Marie-Agnès montre quel véritable esprit de famille, de mutuelle estime et d'affection y régnait entre supérieure et sujets.

La chose était connue au dehors. Quand, vers cette même année 1701, le baron Jean Ernest de Chokier Surlet, archidiacre de la cathédrale de Saint­Lambert, lègue une somme considérable à l'Hospice des Incurables, c'est à condition qu'on y établisse « treize soeurs hospitalières à l'instar de celle de la Maison de Miséricorde dite « de Bavière » (82). Ce généreux chanoine voulait assurer à cette maison, qu'il prenait sous sa protection, les heureux fruits que la vie religieuse augustinienne avait produits à l'hôpital. (83)

Tout entières à leur oeuvre de miséricorde, heureuses dans la sécurité de leur vie conventuelle, les hospitalières de Bavière semblent à peine savoir que de graves évènements politiques tiennent leur prince-évêque éloigné de ses sujets, exilé dans les domaines du roi de France dont il s'est fait l'allié à la grande colère de l'empereur et des confédérés. Comme si Joseph-Clément de Bavière résidait en son palais de Liège, les Augustines lui demandent et, chose plus curieuse encore, elles obtiennent une révision de leurs Rèqles et Statut de 1626.

Il faut croire que l'opportunité de ces remaniements ne s'était pas tait sentir dans les premières années du XVIIIe siècle puisque, en 1700, elles avaient fait exécuter une copie calligraphique des constitutions données par Ferdinand de Bavière. On possède encore ce joli petit registre solidement relié en cuir noir, avec ses beaux caractères rouges et noirs. C'est l'oeuvre patiente d'un chanoine prémontré (84) de l'abbaye de Beaurepart, dont le prélat Henri Jullin était en ce moment surintendant de la Maison de la Miséricorde. Les bouleversements dont Liège fut le théâtre en ces années créèrent ils peut-être des situations nouvelles qui rendaient désirables certains changements aux anciens statuts? Toujours est-il que dans l'approbation le prince-évêque déclare que les administrateurs de la Compagnie avaient jugé nécessaire de corriger selon les usages et pratiques modernes certains points et articles « des dites Règles et Statuts » et cela précisément pour la tranquillité des consciences des soeurs.

De fait les développements qu'avait pris l'oeuvre réclamait certaines simplifications de formalités surannées, des modifications dans l'horaire des exercices qui ne laissaient pas le temps voulu pour vaquer aux soins des malades toujours plus nombreux, l'adjonction d'officières subalternes pour l'administration.

Un Cahier corrigé avec les ajoutes désirées fut donc envoyé à l'administration épiscopale et en revint 20 juin 1707 dûment approuvé et précédé d'un décret du prince Joseph Clément signé par le vicaire-général, Guillaume Bernard de Hinnisdael (85). Outre l'approbation des statuts, il concédait aussi la permission de les faire imprimer. Ce travail fut confié à Guillaume Henry Streel, imprimeur de Son Altesse Sérénissime.

Ces premières règles imprimées remplissent 62 pages in 4° dont la première porte les armes de la maison de Bavière. On a choisi à dessein le même format que celui de « La Règle de nostre Bienheureux Père Saint Augustin » publiée par le Père Léonard Bilkin des Ermites de Saint Augustin chez le même imprimeur en 1623, afin de pouvoir les relier en un volume à l'usage des soeurs.

Une comparaison du nouveau texte avec celui de 1626 permet de constater sans peine d'assez nombreuses et heureuses innovations.

Notons une extension des pouvoirs de la Mater qui voit passer entre ses mains une partie de la comptabilité autrefois réservée aux maîtres. (86) Il en est de même pour la portière dont les fonctions sont importantes; elle doit préparer les médecines, drogues, distillations pour les malades et pour toutes les personnes qui viendront les acheter. On crée les nouvelles charges de la sacristine, de la jardinière et de la boulangère. Cette dernière doit remplir des tâches plus étendues qui ne le laisse supposer son nom. Elle dirige la brasserie, une des principales sources de revenus pour l'hôpital, et elle doit annoter « les grains qu'on livrera sur les rentes comme aussi tout autre chose en déduction des rentes et donner billets afin d'être porté au Receveur des dites rentes. » (ch. IX, III, p. 28-29).

Avec ses cadres rajeunis la communauté poursuit à partir de cette date une existence bienfaisante et édifiante qui lui concilie toujours plus l'estime de la population. Loyens, dans son Recueil Héraldique des Bourgmestres de la noble cité de Liège, écrit à propos de l'hôpital de Bavière qu' « il n'en est pas de mieux réglé dans notre cité pour le service du Public. » (87)

Sous l'administration de la Mère Marie-Agnès la petite église de la Maison de Miséricorde subit de fort heureux remaniements.

Depuis longtemps on s'y sentait à l'étroit et l'on avait suggéré divers projets d’aggrandissement. En 1715 les maitres confièrent au Frère Guillaume Cramion, de l'ordre des Minimes, le soin de dresser un plan pour les transformations qui s'imposaient. (88) Ce moine architecte trouva le moyen d'augmenter notablement le nombre des places sans toucher à la construction en établissant tout le long de la chapelle à la hauteur du jubé une galerie qui servirait de choeur aux religieuses.

En 1716 ce travail fut exécuté et en même temps d'autres embellissements notables furent apportés à l'édifice. C'est de ce temps que date le magnifique escalier de granit, avec ses rampes en marbre de Saint-Remi, relevés de balustres en cuivre, qui conduit au sanctuaire. Les portes en cuivre finement ouvragées qui en ferment l'entrée, portent les armes de Stoekhem et sur le socle on lit ces deux chronogrammes

HV J V s Ce Po M V s reCtores...

stILObatas ColVMnasqVe DonarVnt (1716)

Le maître-autel fut aussi renouvelé et orné d'une « Annonciation » que les uns attribuent à Fayen, d'autres à Jean Latour. (89) Cet autel fut consacré le 14 septembre 1718 par Louis Francois Bassins de Liboy, évêque de Thermopole, suffragant de Liège, qui y plaça les reliques des saints Boniface et Vital, martyrs, « avec indulgence dans l'église pendant un an et ensuite le jour de la bénédiction a toujours de 40 jours. » Les petits autels furent consacrés en même temps. Celui du côté de l'évangile fut dédié à la T S Trinité, l'autre à Jésus, Marie et Joseph. (90)

Le Pater Gérard Jamar de Maillen fit don de la nouvelle chaire de vérité qui termine la galerie du côté de l'épître et porte le blason de sa famille. (91) Un joli banc de communion, orné de bas-reliefs représentant des chutes d'instruments de musique, fut placé à l'entrée du choeur.

En même temps de généreux donateurs se chargeaient d'enrichir le trésor de la chapelle en donnant de précieuses argenteries pour le service divin. On possède encore aujourd'hui un beau calice en argent repoussé et un plateau avec burettes en argent ciselé donné en 1725 par Jean Wilkin; un autre calice, avec quatre médaillons représentant les instruments de la passion, de la même époque; six girandoles en argent repoussé, ornées de godrons et de feuilles d'acanthe, qui portent la date de 1718 et un joli «Thabor», avec décor Louis XIV, offert en 1724.

Dans l'oratoire, agrandi à leurs frais et embelli par de nombreux bienfaiteurs, les maîtres s'assemblèrent à partir de 1720 pour leurs congrégations qui depuis plusieurs années s'étaient tenues, nous ignorons pour quel motif, au palais. (92) Son Altesse avant donné ordre de se transporter ailleurs pour ces réunions, les confrères décidèrent de se réunir derechef dans la chapelle de Bavière, ne croyant pas qu'il y en ait une qui conviendrait mieux que l'église de cette Maison de Miséricorde où « les indulgences accordées par la bulle d'Alexandre VII (93) sont taxativement et limitativement attachées les cinq jours des cinq congrégations annuelles. »

Cette résolution procurait aussi quelques ressources supplémentaires pour l'exercice du culte car les maîtres décrétèrent dans leurs arrêts que l'on paierait dorénavant à la sacristie de l'hôpital ce que l'on payait aux Frères-Mineurs quand on y faisait congrégation. (94)

En d'autres circonstances encore ces hauts fonctionnaires témoignent de leur intérêt et de leur estime pour les religieuses.

En 1720, ils s'opposent à ce que l'on leur impose un travail au dessus de leurs forces en les surchargeant de malades. On avait amené à l'hôpital quelques gardes du corps du prince pour les y faire soigner, ils font remarquer que ces infirmes ne remplissent par les conditions d'admission requises par les statuts primitifs et peu de temps après ils font la même observation au sujet des domestiques, en service chez des bourgeois de Liège, mais originaires de l'étranger.

En 1723 ils rendent un hommage public au désintéressement des soeurs. Le conseil de la cité avait porté un arrêt défendant de laisser user des particuliers des brassines des communautés religieuses et il avait voulu l'appliquer aussi à Bavière. Les maîtres envoyèrent aussitôt une longue requête pour protester contre cette mesure. Les religieuses y disent-ils, n'ont aucun profit de ces brassins; elles en versent tout le produit dans la caisse des pauvres malades et si ce gain était supprimé il faudrait réduire le nombre des infirmes. (95)

Tandis que se poursuivaient ces évènements la Mère Marie-Agnès approchait du terme de sa vie; le 4 septembre 1727 elle mourut au milieu de ses consoeurs. Elle avait atteint l'âge de soixante-treize ans, dont cinquante-six avaient été dépensées au service des membres souffrants du Christ dans la Maison de Miséricorde où elle était entrée à l'âge de dix-sept ans. Devenue supérieure à quarante­cinq ans elle eut à porter le poids de cette charge, en des temps souvent troublés, pendant trente-neuf ans. Elle est une des figures les plus remarquables parmi celles qui gouvernèrent la maison de Bavière.

Son souvenir y est resté auréolé de merveilleux. C'est chez les hospitalières de Liège une tradition constante qu'en un temps de disette la Mère d'Esne obtint par ses prières une multiplication merveilleuse de la provision de froment qui se trouvait dans les greniers de la communauté. Il nous est impossible de contrôler l'exactitude de cette assertion; elle prouve l'estime profonde vouée à cette grande âme dans sa famille religieuse.

A son décès les soeurs firent peindre son portrait avec cette inscription « Soeur Marie Agnès Desne âgée de 73 ans, professe de 55, jubilaire de 7, Mère zélée douce et humble pendant 39 ans, quelle a été continuée, décédée le 4 7bre 1727. »

Soeur Marie Agnès Desne

Sa dépouille mortelle fut inhumée dans l'église de l'hôpital sous une pierre tumulaire en marbre noir, qui lors du transfert de 1895, a été placée dans une annexe de la nouvelle chapelle. On y lit cette épitaphe: « DesoVb Cet eCrIteaV, gIst VertVeVse Mère, soeur Marie Agnies Desne, âgée de 73 ans, de profession 55, de maternité 39, jubilaire de 7. Le SelgneVr De ses traVaVx soit La réCoMpense. Décédée le 4 spt. 1727. »


CHAPITRE VI

AU XVIIIe SIECLE

Eglise de l'Ancien Hopital de Bavière à Liège

L'ancien registre des professions après avoir noté le décès de la Mère d'Esne donne ce compte rendu détaillé de l'élection de la nouvelle supérieure :

« Le 6 septembre suivant (1727), après la Messe du St. Esprit, chantée par Monsieur le Réverendissime Abbé de St. Laurent, Grégoir Lembor, surintendant, assisté de Messieurs Goswin chanoine, le baron de Moreau et Niset, maîtres regents, ont procédez à l'Election d'une nouvelle Mère et ayant recueillys les suffrages des soeurs ont choisis et dénomez pour Mère soeur Marie Jeune Pondant, confirmément au chapitre premier et 12 et là meme les soeurs sont allée au choeur pour y chanter le Te Deum en action de grace.

L'Election s'est faite de cette manière. Monsieur le Surintendant a distribué à chacune des sœurs votantes une liste des noms de toutes les soeurs écrittes de sa main dans laquelle le nom de celle qui l'avait n'y était point escritte, pour couper dehors le nom pour quy elles voulaient voter et ainsi l'une après l'autre elles ont donnez leur billet dans une boitte sur la table en présence des seigneurs maîtres et du pater de la maison. » (96)

Mère Marie Jeanne Pondant avait reçu l'habit des Augustines, le 13 février 1695, et se dévouait auprès des infirmes depuis trente-deux ans lors de son élection. Elle trouva la communauté dans une situation excellente qu'elle sut maintenir et parfaire.

La population liégeoise continue à vouer en ces années une estime reconnaissante aux hospitalières. On en trouve un indice assez significatif dans le grand nombre de fondations de messes à cette époque dans la chapelle des religieuses. Beaucoup désirent y avoir leur anniversaire et, dans bien des cas, le document stipule que outre les offices liturgiques à célébrer on réclame aussi des prières à réciter par les soeurs. Dans les listes des messes fondées au XVIIIe siècle se rencontrent à côté des noms aristocratiques du vicomte de Montenaken et de Marie de Vaux, douairière du bourgmestre liégeois de Stockhem, ceux de beaucoup d'écclésiastiques Claude Provin, chanoine de S. Martin, Jean de Looz écolâtre de Sainte Croix, André Perie chanoine de S. Pierre, Jacques Dalpenne, chanoine de Hougaerde. (97)

Ces fondations intensifiaient le culte dans la petite église. Le Registre des ordonnances et arrêt des maîtres apprend en 1734 que, à cette époque, un grand nombre de prêtres y célébraient quotidiennement. (98)

Les hauts fonctionnaires de la Compagnie s'intéressaient d'ailleurs efficacement à tout ce qui concernait la chapelle de Bavière. Nous les voyons intervenir énergiquement en cette même année 1734 pour assurer la régularité des offices. Comme il était arrivé à plusieurs reprises que les prêtres attachés au service religieux de la maison ne s'étaient pas présentés, à l'heure voulue, pour donner la bénédieton du Saint-Sacrement, ils prennent dans une de leurs assemblées des mesures pour que ce fait ne se reproduise plus. (99) Ils approuvent aussi volontiers les legs pour rehausser la splendeur du culte. Tel, pal exemple, une rente à payer pendant quarante ans au trésorier par les héritiers d'Elisabeth d'Heur, aux fins de faire brûler deux chandelles de cire devant le Saint-Sacrement, exposé le dimanche et aux jours de fête pendant les vêpres et complies. (100)

L'administration de la Mère Pondant fut paisible et fructueuse. Pendant les dix-sept ans qu'elle fut en charge elle reçut dix-neuf postulantes et ses soeurs lui continuèrent leur confiance jusque sa mort survenue en 1745.

Le même procédé est suivi pendant toute la suite du XVIIIe siècle; les supérieures qui succèdent à la Mère Marie-Jeanne restent toutes en fonctions jusqu'à la fin de leur vie; la Mère Marie-Marguerite Fraiteur pendant seize ans (1745-1761), la Mère Anne-Joseph Delcommune pendant quinze ans (1761­1777), la Mère Marie-Hélène Libar (101) pendant six ans (1777-1783), la Mère Marie-Thérèse Lahaye pendant quinze ans (1783-1797).

Sous la direction des trois premières la communauté poursuit tranquillement ses destinées et semble jouir d'une aisance qui permet quelques dépenses somptuaires comme l'attestent plusieurs tableaux, encore conservés à présent soit à l'hôpital, soit dans la maison du noviciat. Parmi eux citons, un « Christ en croix avec la Vierge, Saint Jean et Madeleine » d'Aubé (1770) et une « Suzanne et les vieillards » du même artiste; un « Sacrifice d'Abraham », un « Saint Augustin » et une « Sainte Elisabeth » et trois « Evangélistes » tableaux de grande dimension d'auteurs inconnus de la même époque.

A côté de ces toiles et de quelques sculptures on retrouve aussi un bon nombre de meubles d'art; bahuts et commodes en style Louis XIV, Louis XV, et Louis XVI, des chaises finement sculptées, des lambris en faïence de Delft à sujets historiés, une caisse d'horloge en style Régence avec cadran gravé en Louis XV, etc.

Ce mobilier, un peu luxueux, laisse soupçonner que en cette dernière moitié du XVIIIe siècle la pauvreté religieuse était interprétée assez largement chez les Augustines, comme il parait d'ailleurs aussi dans le recès d'une visite canonique faite en 1777 par le chanoine Antoine Limbourg, intendant substitué de l'Abbé de St. Laurent, Grégoire Bicquet, surintendant de l'époque. Aucun abus grave n’est signalé, mais une réglementation pus serrée des récréations des religieuses dans leur maison de repos d'Ougrée fait croire qu'il y avait de côté une porte ouverte à quelque relâchement ou du moins à des dépenses superflues. Ces préoccupations se manifestent d'ailleurs encore dans les décisions prises dans une autre visite canonique faite en 1788. Hâtons-nous de dire que ces légères défectuosités sont largement râchetées par le dévouement constant des soeurs à leurs lourdes tâches d'hospitalières et aussi par leur sincère tendance vers la piété.

Les rares pièces qui ont échappé à la destruction révèlent leurs constantes préoccupations pour ce qui touche au culte et à la vie de prière.

Elles obtiennent de leurs bienfaiteurs des dons précieux pour le service des autels ou paient de leurs biens patrimoniaux de superbes reliquaires (102) pour y enchasser les restes précieux de leurs saints les plus vénérés, commue leur législateur Saint Augustin et les patrons des hôpitaux, Saint Blaise et Sainte Elisabeth. (103)

Elles sollicitent aussi assidûment des faveurs spirituelles pour leur sanctuaire. Notons par exemple les lettres patentes par lesquelles Guillaume le Febvre, général des Trinitaires, pour reconnaitre leur charité « envers nos fières chrétiens esclaves dans les fers des infidèles », leur accorde en 1756, l'autorisation de recevoir dans leur église les absolutions générales de son Ordre. Deux brefs de Pie VI de 1784, et de 1791, accordent des indulgences aux fêtes principales de Notre-Dame et à celle de sainte Lucie, â condition de visiter les sept autels érigés dans l'hôpital.

En 1769 elles avaient obtenu de la part des maîtres la décision d'attacher un deuxième prêtre d'une manière permanente au service de l'hôpital « parce qu'il ne peut être trop solidement pourvu à l'administration des sacrements et autres devoirs concernant le spirituel. » (104) Outre ces deux prêtres chargés du service divin à l'église, un troisième, à partir de 1775 était engagé pour une messe journalière à dire dans la salle des hommes ce qui permettait à plusieurs soeurs de bénéficier encore de cet office supplémentaire.

De l'histoire intime de la communauté de Bavière pendant cette deuxième moitié du XVIIIe siècle il faut encore retenir ici le nombre et la condition des candidates qui s'y présentent. Il y en eut dix du temps de la Mère Fraiteur, neuf sous la Mère Delcommune, huit à l'époque de la Mère Libar; un total de vingt-sept en trente-sept ans. Le chiffre des décès s'élevant pendant ces années à vingt-cinq, il y eut donc statu quo pour le personnel.

Marie Helene Libar

Le recrutement se fait dans les milieux les plus divers. A côté d'une vingtaine de Liégeoises et d'assez nombreuses postulantes venues des environs (Seraing, Chenée, Villers, Tignée, Sprimont) nous en trouvons aussi venues du Limbourg, du Namurois et du Hainaut. Quant au rang social le mélange est encore plus frappant. Le nouveau registre des professions, qui a partir de 1739 devient moins laconique et note les noms des parents, fournit à ce sujet des renseignements suggestifs. Un bon nombre des novices sont filles de cultivateurs, d'autres sont filles d'artisans. À côté de ces enfants de la petite bourgeoise, les familles patriciennes continuent à être bien représentées dans la communauté. Parmi les belles argenteries données à l'église au XVIIIe siècle plusieurs portent le blason des soeurs qui firent cette largesse pour le sanctuaire. Rappelons les deux superbes bustes reliquaires de S. Augustin et de S. Lambert où, avec la dlate de 1760, se trouvent le nom et les armes de la Soeur Isabelle Maréchal, un ornement d'argent pour le tabernacle avec l'écu de la Soeur Béatrice Closon, un grand crucifix avec reliquaire d'argent où, sous des armoiries écartelées, se lit l'inscription « Sr. Anne Joseph Delcommune choisie Mère à la maison de Miséricorde l'an 1761. » Plusieurs autres noms aristocratiques reviennent dans les listes du personnel à cette époque: Catherine Fançoise Woot de Trixhe, Catherine de Gain et surtout Marie Ode de Grady.

Cette dernière, fille de Georges de Grady, procureur à Liège, et Marguerite Marie Lamborelle, appartenait à une famille qui donna plusieurs magistrats à la cité et de nombreux dignitaires au chapitre de S. Lambert. (105) Elle fut la première à émettre les voeux sous l'administration de la Mère Marie-Thérèse Lahaye élue comme Mater le 16 novembre 1783.

Neuf postulantes suivirent Marie Ode de Grady entre 1784 et 1790 ce qui marque un progrès notable dans le recrutement comparativement aux années précédentes.

Hélas ce fut la seule consolation de la Mère Marie-Thérèse et cette joie se trouva gâtée par bien des amertumes. Peu de temps après son entrée en charge, l'horizon politique s'assombrit d'une manière inquiétante.

Le vent de la révolution souffle de France; en 1788, Liège est en pleine révolution et l'évêque Constantin de Hoensbroech doit se réfugier à Trèves. Pendant son absence la démagogie a chaque jour des audaces nouvelles et usurpe les droits du prince absent. Le 9 novembre 1790, le magistrat de la cité revendique le titre de « Mambourg primaire des hôpitaux. » Quand on sait combien parmi ceux qui détenaient l'autorité municipale étaient hostiles au clergé et aux religieuses, on comprend ce que ces prétentions inspiraient d'inquiétude aux Augustines.

Cependant le 12 février 1791 le prince évêque rentra dans sa cité et y ramena un peu de calme. On en profita à la Maison de Miséricorde pour recevoir, le 9 septembre 1792, la profession de la Soeur Françoise Lambertine Delsart, une courageuse jeune fille qui était entrée l'année précédente en pleine effervescence révolutionnaire. Ce fut la dernière profession perpétuelle qui se ferait à l'hôpital de Bavière sous l'ancien régime. Deux mois après le nouvel évêque, François de Méan était obligé de s'enfuir de sa cité épiscopale, cette fois devant l'armée victorieuse des Républicains Français qui venaient conquérir la Belgique.


CHAPITRE VII

SOUS LA DOMINATION FRANCAISE


Le 27 octobre 1792 la bataille de Jemappens ouvrait les portes de la Belgique devant les armées de la République Française et le 28 novembre Dumouriez entrait victorieusement à Liège. Une partie de la population, gagnée depuis longtemps aux idées de la Révolution, accueillit les envahisseurs avec enthousiasme, comme de précieux auxiliaires pour réaliser des plans médités depuis des années. Cinq jours après l'entrée des Français, les jacobins liégeois décrétaient la démolition de la cathédrale Saint-Lambert pour sanctionner le triomphe de la liberté

On devine les anxiétés des pauvres hospitalières de la Maison de Bavière en ces jours tourmentés. Tout était à craindre de la part de sectaires qui, à la faveur des événements politiques et militaires, s'étaient acquis des influences redoutables. Ils avaient cependant trop tôt chanté victoire; le 5 mars les troupes françaises évacuaient Liège devant une armée autrichienne qui, le 18 du même mois, les défit à Neerwinden. Le prince-évêque rentra dans sa ville épiscopale et le calme se rétablit. Ce ne fut que pour un an. Dès le mois de juin 1794 la bataille de Fleurus livrait de nouveau pour de longues années, la principauté avec les autres provinces belges à la France. Cette fois la République, nous traita impitoyablement en pays conquis, accumulant réquisitions sur réquisitions et imposant une écrasante contribution de guerre de soixante millions au clergé et à la noblesse.

Le 1 octobre 1795 la Convention vota la réunion définitive de la Belgique à la France avec cette conséquence fâcheuse de donner force de loi dans notre pays à toutes les mesures persécutrices votées à Paris depuis les débuts de la Révolution.

La constitution de l'an III qui en abolissant les voeux de religion avait entraîné la suppression en masse des couvents français, devint dès le 1 septembre 1796 applicable en Belgique. Grâce à la clause qui exemptait de la proscription les communautés vouées à l'éducation ou au soulagement des malades, les hospitalières de la maison de Bavière pourraient continuer à vivre en communauté. Elles se virent toutefois placées sous la tutelle d'une administration entièrement séculière au sein de laquelle pourraient se rencontrer les éléments les plus hostiles à la religion.

En effet la loi du 16 Vendémiaire de l'an V (7 octobre 1796) confiait la bienfaisance publique à l'autorité municipale qui devait l'organiser par les soins d'une Commission des Hospices. Celle-ci devait gérer l'antique patrimoine de tous les établissements charitables et elle avait des droits étendus pour réglementer, réformer, prescrire et prohiber.

A l'avenir tout dépendrait (les dispositions personnelles, bienveillantes ou hostiles, de cet organisme dont les fonctionnaires, président, secrétaire, receveur, membres, étaient désignés arbitrairement par les administrations locales.

Malgré les tendances franchement antireligieuses des édiles liégeois de l'époque il ne semble pas que la Commission des Hospices ait adopté à l'égard des religieuses une attitude tracassière; généralement elle se révèle plutôt bienveillante ou, en tout cas, correcte dans ses procédés. Elle semble avoir apprécié à sa juste valeur la collaboration précieuse des soeurs à l'oeuvre humanitaire dont elle avait à répondre devant l'autorité centrale et le public.

Si de ce côté les Augustines ne sentirent pas trop l'épreuve, elles eurent néanmoins à subir bien d'autres peines.

Telle fut, la promulgation de la loi défendant de « paraître en publie avec les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses ou à un ministre du culte ». A partir du 6 décembre cet odieux décret entrait en vigueur dans les départements belges et la police liégeoise le signifiait aux supérieurs des établissements hospitaliers; le 12 janvier 1797, la Commission des Hospices à son tour donnait l'ordre de s'y conformer. (106)

Cependant les Augustines mie se hâtèrent pas d'obéir à cette injonction elles savaient, par ce qui s'était passé ailleurs, que les autorités locales fermaient souvent les yeux sur l'application des innombrables lois et décrets promulgués chaque jour et elles répugnaient fort à ce nouveau sacrifice exigé par le sectarisme révolutionnaire. Pendant plusieurs mois encore elles parurent revêtues de l'habit religieux au milieu de leurs malades sans être inquiétées.

Le 26 septembre un nouvel arrêté vint réitérer la défense de porter « ce costume bizarre qui ne tend qu'à ranimer les étincelles d'une dangereuse superstition. (107) La Commission n'osa plus passer outre, et le 28 octobre, elle avise les hospitalières qu'elle « les pourvoira du linge nécessaire, des coiffures et de mouchoirs de couleur pour le cou afin de leur permettre le changement de costume exigé par le gouvernement ». Le 3 novembre, d'après la chronique de la maison de Bavière, une députation de la commission administrative vint obliger les soeurs à s'exécuter et il ne fut plus possible d'éluder ces odieuses prescriptions. Elles se bornèrent néanmoins aux concessions strictement nécessaires, ne revêtant le costume séculier que pour aller soigner leurs malades dans les salles ou pour sortir en ville lorsque les circonstances l'exigeaient. En communauté, du moins quand elles se réunissaient an choeur pour l'office et la prière, elles continuaient à porter l'habit régulier.

La peine de renoncer aux livrées de la religion fut épargnée à la bonne Mère Marie-Thérèse La Haye qui mourut le 16 septembre 1797 après avoir dirigé la communauté pendant quatorze années remplies de lourdes épreuves. Elle avait pu, il est vrai, au début de son administration se réjouir d'une affluence extraordinaire de postulantes, mais les évènements politiques avaient soudainement tari cette abondance. Depuis le 10 juillet 1791 les portes du noviciat restaient closes et à mesure que la Mater approchait du terme de sa vie elle avait vu l'horizon s'assombrir toujours davantage.

Aussi fut-ce avec de vives appréhensions que, peu de jours après la mort de Mère Marie-Thérèse, la Soeur Marie-Catherine Fivé se vit confier la charge de supérieure; elle comptait déjà quarante-huit années de vie religieuse. Sentir déposer sur ses vieilles épaules un si lourd fardeau devait paraître particulièrement pénible en un temps où chaque jour amenait de nouvelles complications.

Coup sur coup s'étaient suivis les décrets pour interdire tout acte extérieur du culte, exiger du clergé le serment de haine à la royauté, défendre la sonnerie des cloches, faire enlever des tours et des façades toutes les croix et images des saints. Le 25 novembre un nouvel arrêté supprimait de nombreux couvents, voués à l'instruction et à la bienfaisance, épargnés pal le décret du 1 septembre 1796. (108)

Des jacobins liégeois essayèrent d'exploiter cette recrudescence d'hostilité envers l'Eglise pour laïciser l'hôpital de Bavière et ils s'adressèrent à l'administration centrale pour demander le renvoi des soeurs.

Ils se heurtèrent à l'opposition la plus énergique de la Commission des Hospices qui refusa de se rallier à cette machination sectaire. Dans un mémoire adressé au gouvernement les membres de la Commission démontrèrent péremptoirement que les religieuses de l'hôpital de Bavière bénéficiaient de plein droit des immunités accordées aux communautés vouées à la bienfaisance publique puisqu'elles s'employaient uniquement au soin des infirmes. Cette démarche eut plein effet; l'administration centrale fit cesser toute instruction sur cette affaire. (109)

Depuis lors les Augustines ne furent plus inquiétées. A la seule condition de subir quelques chicanes de la part de la Commission (110) et de renoncer à leur habit régulier, elles purent continuer à se prodiguer auprès de leurs nombreux malades en attendant des jours meilleurs.

Elles purent en saluer l'aurore dans le Coup-d'Etat du 18 Brumaire (10 novembre 1799) qui orientait la politique du premier consul vers un rapprochement avec le Saint-Siège. Le Concordat suivit bientôt et quand la nouvelle de sa conclusion parvint aux soeurs leur confiance dans le retour de la paix religieuse fut si grande qu'elles n'attendirent même pas la promulgation des accords entre Rome et Napoléon pour admettre une postulante. Le 19 mars 1802 le livre des professions annote l'entrée de Anne Christine Trommeleers de Cortessem.

Cette admission était un acte osé et le fruit d'un espoir prématuré. Les lois de la République relatives à la suppression des couvents n'étaient pas révoquées par le Concordat; l'article 11 des lois organiques les maintenait formellement. Dès essais imprudents analogues à celui que nous venons de mentionner ici avaient provoqué le décret du 3 Messidor an XII (22 juin 1804) qui renouvelait les sévères dispositions de la constitution de l'an III. Huit années se passeront encore avant la restauration officielle de la vie conventuelle. La postulante de Cortessem restera sans compagnes à Bavière jusqu'en 1809.

Entre-temps les tendances de Napoléon vers la pacification religieuse disposaient les administrations publiques à une bienveillance croissante à l'égard des hospitalières.

On le voit assez clairement dans le Règlement pour l'hôpital de Bavière promulgué par la Commission des Hospices le 31 janvier 1806.

La part d'autorité concédée à la supérieure, qui reçoit le nom de Directrice-Econome, est faite aussi large que le permettent les lois et décrets; on y maintient, à peu près intacts, pour la discipline intérieure de la communauté, les règles et statuts donnés par les princes-évêques entre 1602 et 1707. Dans le chapitre consacré aux étudiants en médecine, qui suivent des cours pratiques à l'hôpital, le règlement exige que « les élèves auront pour les hospitalières le respect et les égards qui leur sont dus. La moindre plainte sera prise en considération par la Commission qui prononcera s'il y a lieu l'exclusion du délinquant ». (111)

Un chapitre spécial se préoccupe aussi des secours spirituels à procurer aux soeurs et à leurs malades. Il stipule qu'un prêtre sera attaché à l'hôpital « pour célébrer la messe tous les jours dans la chapelle de l'hospice, administrer les sacrements aux malades en temps opportun, ramener aux principes de la morale chrétienne ceux d'entre eux qui sont ignorants ou corrompus, entretenir l'ordre et l'union entre les hospitalières tant par ses conseils que par la pratique sociale ».

Ce règlement fut approuvé le 10 septembre 1806 par le préfet du département de l'Ourthe, Micoud d'Umons.

Peu de mois après, une nouvelle intervention de l'administration vint seconder les efforts des soeurs pour rétablir leur vie commune d'autrefois.

On se rappelle que, en 1797, elles avaient été obligées de quitter le costume religieux et que depuis lors elles paraissaient en public et devant leurs malades avec des habits séculiers. Elles avaient adopté des costumes différents les uns des autres pour éviter l'accusation d'avoir éludé la loi en modifiant simplement la forme de l'habit régulier. Le 1 avril 1807 la Commission des Hospices prescrit administrativement un costume uniforme avec des « considérants » qui s'harmonisent parfaitement avec les voeux des Soeurs.

« La commission », dit ce décret, « voulant statuer d'une manière invariable le genre et la couleur des vêtements que devront porter dans l'intérieur de leur hospice les hospitalières de Bavière et des Incurables et régler pour l'avenir les dépenses qui pourront être faites à cet effet.

Considérant que dans une communauté où il y a concours de charité et de bienfaisance, l'uniformité des habillements est une règle nécessaire, arrête ce qui suit: Les hospitalières de Bavière seront toujours vêtues en étoffe laine brune, bas de laine de fil ou de coton de même couleur, tablier de toile bleue ou grise, bonnet blanc uniforme, mouchoir de cou mousseline ou en coton violet.

Une indemnité annuelle de 60 francs est accordée à chaque religieuse pour effet d'habillement (112) ».

A cet arrêté, approuvé par le Préfet le 10 juillet 1807, les soeurs se soumirent sans peine; la robe de laine brune qui y était prescrite se rapprochait singulièrement de leur habit régulier d'autrefois. La ressemblance était même si grande que l'on peut se demander si elles-mêmes ne furent pas les inspiratrices de cette mesure en apparence, imposée par la Commission, d'autant plus que dans les autres hospices le même décret prescrit une robe noire.

Ce retour partiel au passé fut comme un heureux prélude d'une restauration plus complète.

Un décret de Napoléon I en date du 18 juillet 1809 autorisait le rétablissement des communautés religieuses et hospitalières, qui soumettraient leurs statuts à l'approbation impériale avant le 1 janvier 1810.

Faut-il dire avec quelle joie cette nouvelle fut accueillie par nos Augustines et l'empressement qu'elles mirent à bénéficier de cette mesure ?

De nombreux documents étaient à rédiger et à rassembler, des formalités de tout genre devaient être accomplies, les demandes affluaient innombrables au ministère des cultes, il fallut donc patienter de longs mois pour obtenir la faveur impériale, mais le 15 novembre 1810 on l'obtint. En ce jour Napoléon signa au palais de Fontainebleau cette pièce importante qui ressuscitait officiellement l'ancienne communauté des Augustines:

« NAPOLEON, Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin et Médiateur de la Confédération Suisse.

Sur le Rapport de Notre Ministre des Cultes, Notre Conseil d'Etat entendu, Nous avons décrété et décrétons ce qui suit

Article 1

Les Statuts des hospitalières attachées à l'hospice de Bavière de la ville de Liège, Lesquels demeureront annexés an présent Décret sont approuvés et reconnus.

Article 2°

Les Membres de cette Congrégation continueront de porter le Costume actuel et jouiront de tous les privilèges par NOUS accordés aux Congrégations hospitalières, en se conformant aux règlements généraux concernant ces Congrégations.

Article 3e

Le présent Brevet d'institution publique et les Statuts y annexés seront insérés dans le Bulletin des Lois.

Article 4e

Notre Ministre des Cultes est chargé de l'Exécution du présent Décret.

Signé: NAPOLEON.

La confiance dans l'issue favorable des démarches entreprises pour obtenir l'approbation avait été si grande que les soeurs n'avaient point attendu la signature impériale pour admettre trois postulantes qui vinrent se présenter en novembre 1809 et février 1810.

La joie fut complète lorsque le 7 mars 1811 la Commission des Hospices, en informant officiellement la supérieure de l'octroi du brevet impérial, concédait en même temps la permission de reprendre l'ancien habit régulier de jadis. Ceci se fit le 24 du même mois, le dimanche de Laetare.

Une nouvelle postulante s'étant encore présentée en 1811, le personnel s'élevait à partir de cette date à vingt-et-une hospitalières.

C'était peu pour faire face aux nombreux services de la Maison de Miséricorde qui depuis le temps de l'Empire s'appelle le Grand Hôpital et où en 1812 furent soignés 1094 malades. Toutefois on s'y mettait avec un entrain qui conquérait l'estime des pouvoirs publics aussi bien que la gratitude de la population.

Thomassin dans son Mémoire statistique du département de l'Ourthe pour l'année 1812 fournit un intéressant aperçu de l'activité charitable des soeurs à cette époque.

Il apprend que le Grand Hôpital contenait cent cinquante lits répartis entre quatre salles. Outre les religieuses, le personnel comprenait le directeur spirituel, un employé chargé de tenir les écritures, et cinq domestiques. La brasserie occupait trois ouvriers et fournissait de la bière à tous les autres hospices de la ville, à l'exception de celui des Frères Cellites. La pharmacie devait fournir des médicaments à tous les hospices de Liège. Le rapport de Thomassin se termine par cet hommage significatif « On ne saurait donner trop d'éloges à la vertu courageuse avec laquelle les Hospitalières de Bavière et des incurables remplissent les pénibles obligations qui leur sont imposées. Ces filles intéressantes rivalisent entre elles de zèles; elles se dévouent, sans réserve, jour et nuit à porter aux malades les secours les plus assidus et les plus douces consolations. »

CHAPITRE VIII

SOUS LE REGIME HOLLANDAIS

Salle de Garde de l'Ancien Hopital de Bavière à Liège

En 1815 le Congrès de Vienne réunit l'ancienne Principauté de Liege en même temps que les anciens Pays-Bas autrichiens à la Hollande.

Cette décision arbitraire de la diplomatie européenne valut à la Belgique catholique une longue série de tracasseries dont nous retrouvons de nombreux échos dans la chronique des hospitalières de la Maison de Miséricorde.

Au moment où débute ce nouveau régime politique les soeurs, autorisées depuis cinq ans à reprendre leur vie de communauté, pouvaient se réjouir d'un vrai regain de vitalité. Sept postulantes avaient été admises entre novembre 1809 et avril 1815; sans être surabondant ce recrutement suffisait pour maintenir les cadres du personnel, d'autant plus qu'il n'y avait eu que trois décès pendant cette même période.

Sous le régime français l'hôpital avait pris des développements assez considérables. En 1804 on avait modifié notablement les services par la création de quartiers spéciaux pour les blessés et ceux qui devaient subir des opérations chirurgicales; à partir de 1812 des cours de clinique se donnaient à Bavière et la centralisation des offices de bienfaisance y avait établi la brasserie et la pharmacie commune à tous les hospices de la ville. Ces mesures et réformes apportaient un surcroît d'occupations pour les hospitalières, comme nous l'a déjà appris le préfet Thomassin. Son rapport élogieux laisse deviner aussi d'excellents rapports entre la communauté et les administrations locales. (113)

Pendant les premières années du régime hollandais ces dispositions bienveillantes persistent chez les membres de la Commission des hospices que le roi Guillaume avait maintenu en fonctions par un arrêté du 18 février 1817. Cette mesure avait suscité du mécontentement dans les milieux catholiques (114) mais les soeurs de la Maison de Miséricorde n'eurent pas à s'en plaindre. L'attitude de cet organisme officiel resta généralement correcte et courtoise. C'est ainsi que, en 1818, quand la Régence municipale avait décidé d'établir à l'hôpital une salle spéciale pour les galeux (115) la commission ne voulut se prononcer qu'après avoir demandé l'avis de la Supérieure. En 1820, lors du décès de l'abbé Dechesne qui disait quotidiennement la deuxième messe à la chapelle de Bavière, la commission insista auprès de la régence municipale pour obtenir la nomination d'un autre ecclésiastique à cet effet. Parmi les neuf considérants qui appuient sa requête, le troisième témoigne plus particulièrement d'un réel souci des intérêts supérieurs des soeurs. Il fait observer que les hospitalières ne peuvent toutes, à cause de leur forte besogne, assister à la même messe et qu'en les privant de la deuxième ce serait contribuer « à diminuer la dévotion et aller contre les devoirs de leur état » (116).

Tout autre était l'attitude du pouvoir central. Le calviniste intransigeant que fut Guillaume I était incapable de comprendre le catholicisme avec sa hiérarchie indépendante de l'autorité civile; il ne pouvait concevoir sa souveraineté sans le droit de régenter l'exercice de la religion catholique puisque les églises protestantes subissaient sans rechigner cette tutelle. Ses conseillers et ministres, imbus des mêmes préjugés, animés des mêmes tendances, forgèrent loi sur loi, décret sur décret, pour soumettre au plus odieux contrôle policier tout ce qui concernait le culte, le ministère sacré, l'enseignement chrétien et les corporations religieuses.

Les soeurs de Bavière l'expérimentèrent en 1816, lors de l'élection d'une nouvelle supérieure. Le 3 mai de cette année expirait le premier triennat de l'administration de la Mère Marie Picard (117). Les suffrages des soeurs se réunirent sur la Soeur Marie-Elisabeth Braibant, professe depuis 1773.

Marie Elisabeth Braibant âgée de 53 ans
" Marie Elisabeth Braibuin ( Braibant )

Religieuse à l'Hospice de Bavière Portaitisée le 10 juillet 1803 à l'âge de 53 ans
Décédée le 15 mai 1820 à l'âge de Soixante dix ans. "

On remarquera sa coiffe à une époque ou l'habit de moniale était interdit

Cette élection s'était faite devant l'abbé Neujean, curé de S. Nicolas et le chanoine Martens, délégués du vicaire-capitulaire Barrett qui détenait l'autorité de l'Ordinaire pendant la vacance du siège épiscopal de Liège.

Ce procédé était en tout point conforme à la législation introduite par Napoléon dans sa loi du 18 février 1809 au sujet des communautés hospitalières. Il y est clairement statué que les maisons sont soumises à l'évêque pour le spirituel; personne ne songeait à ne pas ranger sous cette rubrique l'élection et l'institution de la supérieure à qui est confiée la garde et le perfectionnement de la discipline régulière.

Cependant cette conception ne s'adaptait pas à la mentalité chicanière du gouvernement toujours en quête de prétextes pour rogner les droits de l'autorité ecclésiastique.

Le gouverneur de la province de Liège, le comte de Liedekerke, contesta la légitimité de cette élection. Elle devait, prétendait-il « être sanctionnée par l'administration civile, attendu qu'il s'agit principalement d'un service temporel, de l'ordre et du régime intérieur d'un établissement de charité publique » (118). En conséquence il ordonna une enquête pour laquelle il réclamait, outre le procès­verbal de l'élection, les anciens statuts de l'hôpital et les règlements arrêtés par la Commission des hospices (119).

Celle-ci, le 31 mai, expédia ces documents avec une lettre où elle prend sans ambages le parti de la communauté. « Ce précieux établissement », écrit-elle, « fut sauvé de la destruction générale prononcée sur les maisons religieuses, par suite de la conviction que les hospitalières, dévouées sans intérêt par les seules vues d'humanité et de religion au service si dégoûtant et si pénible des pauvres de tout genre, ne pouvaient jamais être remplacées par des personnes mercenaires et intéressées dans ces tristes fonctions qui n'offrent aux yeux qu'un spectacle continuel des misères et des faiblesses humaines. »

Après cet exorde insinuant, la Commission établit péremptoirement que l'élection de la supérieure est un acte d'ordre spirituel puisque « le régime de la supérieure n'est relatif qu'au spirituel, au maintien de la règle et à l'obéissance personnelle des membres à leur chef pour le service des mnalades » et elle conclut: « que l'administration civile n'a aucun intérêt de s'immiscer dans l'élection ni de la confirmer puisque les fonctions propres de la supérieure n'ont trait qu'au spirituel » (120).

Ces arguments n'ont pas raison des préjugés du comte de Liedekerke qui découvre dans les anciens statuts et règlements un double motif pour ne pas accepter ces observations.

« La législation actuelle, » dit-il, « ne reconnaît pas les hospitalières comme membres d'une communauté religieuse muais seulement comme des agents dépendant de l'administration civile et non du pouvoir ecclésiastique... ou tous les agents de l'administration civile doivent dépendre immédiatement d'elle, s'il en était autrement, l'unité d'action mise entre ses mains serait compromise, ce qui donnerait lieu à une source intarissable de désordre, de confusion et d'abus. »

A ce raisonnement, en pleine contradiction avec la loi du 18 février 1809 (121), il ajoute un motif d'ordre particulier qu'il est allé chercher dans les vieilles règles données par les princes-évêques. Il y était statué que l'élection de la supérieure devait se faire devant les « maîtres ». La Commission des hospices, ainsi prétend le gouverneur, était investie de tous les pouvoirs de ces anciens fonctionnaires, c'était donc elle qui devait présider au scrutin et ensuite le soumettre à l'approbation du pouvoir central.

Voulant toutefois jouer à la magnanimité et à la tolérance, de Liedekerke termina solennellement sa missive en déclarant « J'ai néanmoins approuvé pour cette fois l'acte de l'élection, mais avec la réserve convenable pour l'avenir. »

Les membres de la Commission n'insistèrent pas; l'essentiel était obtenu. Ils eurent la délicatesse de transmettre confidentiellement (122) au vicaire-capitulaire les documents relatifs à cet incident, afin d'éviter à l'avenir de nouvelles difficultés en ménageant par quelque expédient les susceptibilités bureaucratiques du gouvernement.

De fait quand, le 25 mai 1820, il y eut une nouvelle élection, après le décès de Mère Marie-Elisabeth Braibant (123), les deux délégués du vicaire­capitulaire, le chanoine Lainé et le curé Neujean, étaient assistés par MM. Batta de Nomérange, Frankinet, Henrotte et Dubois, président et membres de la Commission.

La majorité des suffrages se réunit sur Marie­Oda de Grady, professe depuis le 15 juin 1784 sous le nom de Soeur Marie-Hélène.

Nous avons dit ailleurs à quel milieu distingué cette religieuse appartenait par sa naissance. (124) Entrée à seize ans à l'hôpital de Bavière, elle s'y dépensait depuis trente-huit ans au service des pauvres malades à travers les vicissitudes de l'époque la plus agitée et la plus troublante que connut la communauté. Elle s'était rapidement signalée à l'attention de tous par ses qualités administratives. Dès 1812 la Commission l'avait fait nommer assistante de la supérieure pour la tenue des livres et le contrôle à exercer sur les ouvriers et sur les dépenses.(125) Au moment où elle fut appelée à diriger la maison elle avait cinquante-quatre ans; elle affrontait sa charge, mûrie par une expérience déjà longue et surtout douloureuse. A l'estime que lui témoignaient ses soeurs s'ajoutait celle du dehors. Le vicaire-capitulaire Barrett, à la réélection du 1823, qui se fit Via Spiritus Sancti càd par acclamation, n'hésita pas à faire en public l'éloge de la Mère et la Commission des Hospices en envoyant officiellement le procès-verbal du scrutin à la nouvelle élue lui écrivait: « Le choix que vos consoeurs ont fait nous est d'autant plus agréable qu'il se trouve conforme à nos désirs... »

Mère Marie-Hélène laissa voir sans tarder son esprit d'initiative et sa volonté décidée à promouvoir les intérêts de sa maison et à en défendre les droits. Un de ses premiers soucis fut de régulariser la situation canonique de plusieurs de ses subordonnées.

Depuis que Napoléon avait accordé le brevet de reconstitution, dix postulantes étaient venues rejoindre la soeur Anne-Françoise (Christine Trommeleers) admise prématurément en 1802. (126)

Au règlement impérial de 1809 qui permettait des novices étaient jointes bien des restrictions. Il interdisait entièrement le voeu de pauvreté et tout engagement perpétuel. Avant d'avoir atteint vingt­et-un ans les candidates ne pouvaient faire profession que pour un an; à partir de cet âge étaient autorisées des voeux pour cinq ans mais ce maximum ne pouvait être dépassé. La plupart de ces stipulations avaient été maintenues sous le régime hollandais.

On n'usa pas à l'hôpital de Bavière du rescrit de Pie VII qui, en date du 18 novembre 1809, permettait ces voeux temporaires en se conformant aux exigences du décret impérial. On recula peut-être devant les nombreuses incertitudes qui résultaient de ces engagements troqués et passagers ou bien encore devant les interminables formalités exigées à cette occasion par la bureaucratie ministérielle.

En 1820 le nombre de professes ne s'élevait qu'à douze: neuf soeurs (127) n'avaient contracté aucun engagement, même temporaire. Une nouvelle postulante de Verviers étant entrée en novembre 1820, la Mater ne voulut pas plus longtemps laisser subsister cette situation anormale d'une communauté dont à peu près la moitié des membres n'avaient pas de voeux. Elle entreprit courageusement, tant auprès de l'autorité civile qu'auprès du vicariat, les démarches nécessaires pour procéder à la profession de ces dix soeurs. Cette cérémonie eut lieu le 9 mai 1822 en la chapelle de l'hôpital de Bavière pendant une messe solennelle, célébrée par le curé de S. Nicolas assisté par le chanoine Dehesselle, le futur évêque de Namur, et le curé de Othée, parent d'une des nouvelles professes. On avait invité la Commission des Hospices qui assista au grand complet avec le médecin-en-chef de l'établissement.

Depuis trente ans pareille solennité n'avait plus eu lieu, aussi la petite église fut comble et l'on dût prendre la précaution de poster des policiers aux portes pour empêcher le désordre, tant cet évènement extraordinaire avait excité la curiosité de la population.

A l'offertoire les dix hospitalières, dont plusieurs se dévouaient depuis des années à l'hôpital, prononcèrent leurs voeux pour trois ans. A l'issue de la cérémonie les néo-professes parcoururent les salles pour aller, selon une coutume de l'ancien régime, baiser la main à chacun des malades et associer ainsi leurs chers infirmes aux joies de ce grand jour.

Ce fut sans doute par crainte de nouvelles chicanes de la part des autorités civiles et pour l'unifornnté des formalités à accomplir que l'on se contenta de voeu pour trois ans, alors que le règlement impérial admettait un tenue plus long. Les susceptibilités et les minuties administratives des pouvoirs publics étaient si grandes que le bourgmestre Rouvroy, invité lui aussi à la cérémonie, n'osa pas répondre à cet appel parce que quelques pièces, nécessaires au procès-verbal à dresser en cette circonstance devant l'officier de l'Etat-civil, n'étaient pas encore prêtes. Il ne vint à l'hôpital que le 18 juillet suivant, avec le secrétaire Bustin, pour dresser, en présence du vicaire-capitulaire Barrett, un rapport détaillé qui devait être transmis au pouvoir central. Ceci indépendamment de toute une farde de certificats de naissance, extraits de décès des parents, actes notariels de leur consentement, etc... (128).

Encore n'était-ce pas aux infinies complications de ce formalisme officiel que se bornaient les tracasseries du gouvernement.

En juin 1822 un nouvel arrêté royal déterminait dans les communautés tolérées par la loi, le nombre des religieuses qui pouvaient y être admises; les directives de l'arrêté étaient telles que presque partout ce nombre se trouvait inférieur aux besoins des maisons. (129)

Le 16 décembre suivant le directeur général des affaires du culte catholique pria le vicaire-capitulaire de vouloir s'entendre avec les Etats-Députés pour fixer le chiffre quant aux communautés du diocèse de Liège. Il semble probable que M. Barrett communiqua la lettre du ministère à la Mère pour qu'elle se hâtat de demander l'autorisation d'accepter des postulantes qui se présentaient en ce moment avant que le chiffre officiel ne fut fixé (130). Dès le 23 janvier la Mère de Grady adressa à la Commission des Hospices une requête pour admettre deux novices. La Commission répondit le 27 que d'après les instructions ministérielles de l'ancien gouvernement français, il ne peut y avoir dans un hospice qu'un préposé sur huit malades et qu'en conséquence, elle ne pouvait autoriser la Mère à accepter ces postulantes à moins qu'elle ne renvoyât les deux servantes. »

C'était une alternative inacceptable; aussi la supérieure s'empressa-t-elle de répondre par une longue lettre dont l'argumentation serrée et le ton décidé mettent en pleine lumière ses précieuses qualités d'intelligence et de volonté. « Lorsque je vous demandai, » écrit-elle, « d'être autorisée à recevoir deux novices pour subvenir aux besoins les plus pressants des malades, qui se font tous les jours sentir d'une manière d'autant plus vive que nombre d'anciennes hospitalières, âgées de plus de 60 ans, ne peuvent plus braver ces ouvrages qui demandent et des forces et de la constance que la décrépitude n'accorde plus, j'étais loin de révoquer en doute si vous me l'accorderiez, d'autant plus que vous connaissez l'étendue de nos besoins et que je vous croyais, comme je vous crois encore, entièrement compétents dans cette affaire ». Après cette déclaration nette et courageuse, elle attaque les raisons alléguées pour ce refus. Elle fait remarquer que « ces instructions ministérielles de l'ancien gouvernement français n'ont jamais été mises en exécution même sous le régime français, même sous les yeux du préfet qui n'eût sans doute pas manqué de les assujettir puisqu'il en fit observer tant d'autres infiniment plus odieuses encore ». Elle rappelle ensuite que le nouveau règlement, donné par la Commission elle-même en 1806, maintient en vigueur les anciens statuts qui accordent un nombre bien plus grand d'hospitalières et que en ce moment, ce nombre n'est pas encore fixé par le gouvernement du Roi puisque le vicaire-capitulaire vient seulement d'être interrogé à ce sujet par le directeur général des affaires du culte catholique.

Devant cette réponse énergique la Commission s'inclina; le 30 janvier 1823, le jour même où elle reçut la lettre de Mère de Grady, elle accorde la faveur demandée. Mais l'administration centrale ne s'en tint pas là; de la part du gouvernement, la Régence municipale fit demander le 12 février la liste des hospitalières devenues inaptes au service. La Mère envoya aussitôt ce document. On y apprend qu'une des soeurs est âgée de quatre-vingt et un ans, une autre de soixante-sept, et tellement percluse qu'elle ne peut plus rendre aucun service; deux religieuses qui ont atteint soixante-cinq ans ne peuvent plus faire autre chose que la surveillance; deux autres encore sont incapables de se charger des veillées la nuit. En outre les deux soeurs occupées à la pharmacie ne peuvent rendre aucun service dans les salles étant complètement absorbées pat cette besogne, car l'on doit à Bavière préparer les médicaments pour tous les hôpitaux de la ville.

On tint compte de ces remarques; les deux novices purent être admises, mais le 18 avril la Régence fixa définitivement le nombre du personnel de l'hôpital. Il ne pouvait dépasser trente, y compris la supérieure, les deux novices et quatre domestiques.

Comme il y avait en ce moment douze professes à voeux perpétuels de l'ancien régime, neuf professes à voeux temporaires et cinq novices le nombre fixé correspondait exactement à l'état du personnel actuellement présent dans la communauté. Il excluait par conséquent tout espoir d'accroissement. Le 12 juin 1824, un arrêté royal, signé par Guillaume I à Loo, vint encore aggraver cette décision de la Régence; il rabaissait à vingt-quatre le maximum du personnel (131).

Un coup mortel était porté au recrutement de la communauté. En 1825 de nouvelles instances pour admettre une novice se heurtèrent à un non possumus inflexible, basé sur l'arrêté royal de 1824. On eut beau insister, faire valoir de nombreux arguments pour provoquer un recours au roi dans le but d'obtenir un adoucissement de l'arrêté, tout fut inutile. Il ne resta d'autre ressource pour admettre des postulantes que d'attendre le décès des vieilles soeurs ou leur déclaration d'invalidité. De 1825 à 1830 il n'y eut plus que quatre entrées.

Les pourparlers au sujet des admissions entre la Mère et la Commission prirent à certains moments de part et d'autre un ton d'aigreur qui jeta un froid sur les rapports, jusque là faciles, avec cet organisme. Un de ses membres, nettement hostile, suscita à partir de 1826 (132) une série ininterrompue de tracasseries à l'endroit des religieuses.

Ce fonctionnaire, malgré les protestations de la supérieure et par esprit de contradiction, ne voulait pas respecter la clôture des soeurs. Il s'était même permis d'entrer dans les cellules et aussi en plein réfectoire à l'heure du diner de la communauté en déclarant qu'il prétendait aller où il trouverait bon quand cela lui ferait plaisir. La Mère de Grady s'en plaignit dans une lettre indignée où elle relevait aussi des manques d'égards en présence des malades, de manière à diminuer auprès de ceux-ci leur considération envers des hospitalières (133). La Commission répondit qu'il n'y avait pas lieu de délibérer « attendu qu'aucun membre n'a jamais entendu ni voulu s'immiscer dans ce qui concerne le spirituel » (134).

On ne s'en tint pas à cette réponse laconique et dédaigneuse. L'influence pernicieuse du sectaire qui avait provoqué cet incident fit élaborer, en décembre 1826, un nouveau règlement oublieux des droits acquis par le décret impérial de 1810 et inacceptable pour les religieuses.

Le chanoine Remy, en ce moment Pater de l'hôpital, envoya protestation sur protestation à la Régence et à la Commission; il en appela à l'autorité diocésaine, mais en vain. Les nouveaux statuts furent approuvés par le collège échevinal le 29 décembre et envoyés au début de l'année 1827 à la communauté avec ordre de s'y conformer.

Le Mère de Grady se contenta d'accuser réception. Elle ne se départit en rien des résolutions exprimées quelques jours auparavant dans une lettre au vicaire-général « Notre servilité ne consacrera pas les funestes antécédents qui se trouvent consignés dans ce fâcheux règlement. Ayant protesté inutilement par nos courses et nos réclamations, nous le ferons efficacement en ne prenant pour règle que nos devoirs suffisamment exprimés dans les règles et statuts de la maison à l'observance desquels les soeurs se sont toutes engagées » (135)

Les adversaires des soeurs devinaient suffisamment ces sentiments. Ils savaient que la vaillante supérieure serait l'âme de cette résistance passive et, après plusieurs tentatives inutiles pour la discréditer par des calomnies, ils résolurent de l'éloigner de l'administration.

Le 15 octobre 1827 la Commission écrit au vicaire-général le priant de vouloir, s'il le juge nécessaire, « assister ou déléguer quelqu'un de sa part, au jour qu'il indiquera pour, de concert avec la Commission, être procédé au remplacement de Soeur Marie-Hélène de Grady comme Directrice­Econome conformément aux statuts et règlements approuvés par le gouvernement » (136). L'abus de pouvoir était évident. Le vicaire-général se hâta de répondre que si la Directrice-Econome ne pouvait plus remplir ses fonctions, la Commission, était libre de désigner une nouvelle titulaire, mais que la charge de supérieure de la communauté, relevait uniquement de l'autorité ecclésiastique.

On recula devant cette déclaration péremptoire et, tout en protestant qu'elle se « refusait à reconnaître fondées les prétentions de l'autorité ecclésiastique », la Commission se contenta de nommer une nouvelle économe en remplacement de la Mater, qui s'était d'ailleurs empressée, pour déjouer ces intrigues, de renoncer spontanément à ces fonctions officielles.

Pour accentuer l'odieux de leur décision, ces messieurs vinrent le 23 novembre installer la nouvelle économe, exigeant qu'elle s'établisse dans le quartier occupé de temps immémorial par les supérieures. La communauté se contenta d'une platonique protestation devant cette nouvelle vexation. La pauvre soeur, investie malgré elle de l'économat, prit possession pendant quelques heures du local que lui assignait l'administration et le lendemain se hâta de le laisser à l'entière disposition de sa vénérée Mère qui continua à y demeurer.

Les ennemis des soeurs durent une fois de plus se contenter d'une bien mesquine victoire. Leur joie restait surtout incomplète du fait qu'aux statuts de 1826 manquait toujours l'approbation royale. Une volumineuse correspondance s'échangea sur cet objet entre la Commission, le gouverneur et le ministère de l'intérieur d'un côté, l'évêché et les soeurs d'autre part. Pendant ces pourparlers les religieuses expérimentèrent souvent le mauvais vouloir des pouvoirs publics, qui renouvelèrent même l'interdiction de recevoir encore des professions à Bavière, mais à partir de 1829 les négociations prirent une tournure franchement favorable pour la communauté. Mgr. van Bommel, nommé à l'évéché de Liège, le 12 janvier de cette année, prit la cause en mains et mit à profit ses relations personnelles avec le nouveau Directeur du culte catholique, M. de Pélichy pour l'intéresser au sort des hospitalières.

Ce fonctionnaire, bien disposé à l'égard des religieuses, protesta de son désir sincère d'en finir avec les tracasseries dont les Augustines avaient été l'objet et « de les placer au rang que leurs vertus, leurs mérites, leurs travaux assidus et leur utilité doivent leur assurer » (137). Pendant plusieurs mois des lettres nombreuses s'échangèrent entre Liège et La Haye aux fins de solutionner ce pénible conflit. La dernière est datée du 20 septembre 1830. En ce moment la révolution belge battait déjà son plein; elle rendit inutile des démarches ultérieures et mit un terme à l'énervante intolérance du gouvernement hollandais.


CHAPITRE IX

SOUS L'EGIDE DE LA LIBERTE


La révolution de 1830, en secouant le joug de la domination étrangère, libéra aussi l'Eglise de Belgique des odieuses entraves de la politique sectaire de Guillaume I. Dès que les derniers régiments hollandais avaient évacué notre pays, un renouveau de vitalité religieuse se manifesta partout.

Les Augustines de l'Hôpital de Bavière ne furent pas les dernières à en bénéficier.

On se rappelle que depuis 1792 il n'y eut plus chez elles de profession perpétuelle et qu'elles durent se contenter d'émettre des voeux pour trois ou cinq ans. Aussitôt que le calme s'était rétabli, elles demandèrent à l'évêché l'autorisation de reprendre les engagements définitifs d'autrefois.

Le 28 septembre 1831, une lettre du vicaire‑général permit « d'admettre aux voeux perpétuels celles des chères Soeurs qui, depuis sept ans au moins, ont fait preuve de fidélité à Dieu par l'accomplissement de leurs voeux temporaires et par leur dévouement aux règles » (138). Le 3 octobre suivant, treize soeurs faisaient leur profession.

Cette cérémonie se fit encore portes closes, mais ce serait la dernière fois. Le 5 janvier 1832 la commission informait les soeurs que le ministre de l'Intérieur, venait d'apprendre au gouverneur (139) que plus rien ne s'opposait à la réouverture des chapelles des hospices et que l'évêché à son tour permettait aux soeurs de Bavière d'admettre le public aux offices de leur église (140). On profita des prières des XL heures pour rouvrir les portes fermées depuis huit ans (141).

Malgré l'amélioration notable de la situation religieuse des Augustines, les postulantes s'amenèrent lentement. Une seule se présenta en 1831, deux en 1832 et autant en 1834.

Le Journal Historique et Littéraire qui, au mois de juillet 1834 consacre une notice à l'hôpital de Bavière, se plaint de cette pénurie de vocations chez les hospitalières: « Avant la révolution française, elles se sont vues au nombre de trente‑huit, aujourd'hui elles ne sont plus que vingt‑sept, y compris trois infirmes. Cependant la besogne n'est pas diminuée, car elles ont eu, pendant l'année 1833, 1315 malades à soigner, de ce nombre il en est mort 258. Cette année elles ont déjà reçu 678 malades dont 118 sont morts. Cet hospice contient, dans deux salles séparées 95 lits pour les fiévreux et les fiévreuses, pour la médecine, et dans deux autres il y en a 52 pour les blessés et blessées, pour la chirurgie... La religion peut seule inspirer le courage et le dévouement dont elles (les religieuses) ne cessent de donner la preuve la nuit comme le jour. Aussi leur vie n'est qu'une longue chaine de sacrifices... Cent cinquante trois soeurs y sont déjà mortes depuis la fondation de l'établissement » (142).

Cette notice prenait les allures d'un appel, elle fixait sur l'ancienne Maison de Miséricorde l'attention des catholiques et du clergé et l'on en vit bientôt les heureux effets. En 1836 quatre jeunes filles se présentèrent au noviciat, cinq autres en 1838.

Il était temps de recevoir ce renfort car l'hôpital en ces années prenait des extensions considérables. En 1838 on avait ouvert une nouvelle salle pour les blessés. En 1845 on commença des travaux, dont les frais s'élevèrent à 140.000 francs, somme considérable pour l'époque. Il s'agissait de construire une pharmacie, un bureau de consultation, le quartier de l'aumonier et plusieurs nouvelles salles pour les malades qui arrivaient toujours plus nombreux: 1186 en 1832, 1474 en 1837, 1614 en 1839, 1735 en 1840. Pendant les cinq années qui précèdent 1843 il y eut un total de 8161 infirmes à Bavière ce qui constitue une moyenne de 1632 par an (143).

On comprend qu'en de telles circonstances la vie des hospitalières devait être particulièrement dure. De 1834 à 1840 dix d'entre elles moururent dans la fleur de l'âge, entre vingt‑quatre et trente‑trois ans, épuisées par le travail excessif.

Cette situation était d'autant plus grave qu'à partir de 1838, le mouvement des entrées subit un ralentissement considérable; alors que neuf postulantes s'étaient présentées en trois ans, de 1836 à 1838, il n'en vint que quatorze pendant les douze années suivantes. Les décès à partir de 1840 se firent heureusement plus rares; entre 1830 à 1850 il n'y eut que dix‑huit décès. Comme il y avait eu vingt‑huit entrées pendant le même laps de temps il restait un boni de dix.

Quand le 16 janvier 1851 la Mère de Grady mourut on pût imprimer sur son souvenir mortuaire que, après avoir gouté toutes les amertures des années de persécutions, « son coeur avait été amplement soulagé lorsqu'elle s'était vue entourée de nombreuses compagnes venues pour partager ses travaux et consoler sa vieillesse... »

Ce décès était une grande perte pour la communauté.

La Mère Marie‑Hélène était une personnalité des plus marquantes. Ses origines aristocratiques et toute liégeoises, les premières années de sa vie religieuse passées dans la tourmente de la fin du XVIIIe siècle, faisaient d'elles la gardienne et l'interprète la plus autorisée des traditions familiales de son institut et comme un lien vivant entre la communauté actuelle et celle de l'ancien régime. A ce passé glorieux et déjà éloigné elle avait voué un culte profond comme le fait remarquer son éloge funèbre « Profondément attachée aux pieuses institutions de son pays, elle ne put assister sans une douleur inexprimable à la destruction de tous les établissements religieux qui formaient l'ornement de l'ancienne principauté » (144). Aussi s'employa‑t‑elle de toute son âme, dès que les jours meilleurs parurent, à ressaisir de ce passé tout ce qui n'était pas irrémédiablement perdu. Devenue supérieure elle n'eut de repos tant qu'elle ne pût derechef procurer à ses soeurs le bonheur de la profession perpétuelle, elle ne recula pas devant les inextricables formalités que le gouvernement hollandais exigeait à cet effet et c'est, armée des anciens statuts ou en appelant aux privilèges d'autrefois, qu'elle entrera, visière levée, en lutte avec les organismes officiels qui affectent d'ignorer les droits acquis pendant deux siècles consacrés au service des malheureux. Les adversaires des religieuses ne le lui pardonnèrent point et elle devint le point de mire de leurs calomnies et de leurs persécutions, mais leurs efforts vinrent se briser contre son énergie et son opiniâtre fidélité aux devoirs de sa charge. La communauté de Bavière lui doit le renouveau de sa vie régulière, la réorganisation de ses services amplifiés selon les nécessités des temps nouveaux, l'estime des autorités civiles. Des centaines de pauvres de Liège lui sont redevables des soins dévoués reçus dans cet hôpital où elle fut toujours l'animatrice du zèle et de la charité, car à travers toutes les vicissitudes de sa vie et de ses occupations administratives elle resta toujours avant tout « hospitalière ». Le besoin de secourir l'humanité souffrante resta le levier le plus puissant de son inlassable activité.

Son éloge funèbre a fait observer que « la compassion était née avec elle et qu'elle porta constamment gravées dans son coeur ces paroles mémorables de son divin Epoux: « Tout ce que vous avez fait au plus petit de vos frères c'est à moi que vous l'avez fait ». Cette maxime bien méditée suffit pour lui inspirer ce dévouement personnel, ces soins tendres et patients qui sont assurément aux yeux de Dieu comme à ceux des malheureux la plus sainte et la plus précieuse aumône. Nous achèverons d'un seul trait l'éloge de la Mère de Grady en disant qu'elle aima sincèrement les pauvres et sa longue vie a été consacrée toute entière à soulager leurs infirmités et leurs misères. Tous les malheureux dont cette pieuse et charitable Mère a environné le lit de douleur, qu'elle a fortifié par des pieuses exhortations dans le moment suprême et auxquels elle a pour ainsi dire ouvert la porte du ciel, se sont sans doute empressés dans leur reconnaissance de venir en cortège à sa rencontre et de la présenter au souverain Rénumérateur ! »

La supérieure de Bavière fut sincèrement pleurée par ses filles et ses protégés; la population liégeoise s'associa au deuil de la conmunauté et le Journal Historique et Littéraire lui consacra, dans son numéro de février 1851, une élogieuse notice nécrologique.

Le fléau du choléra s'était abattu en ces années sur la Cité ardente. Dans l'hôpital, qui bientôt regorgea de malades atteints par la terrible épidémie, les soeurs se prodiguèrent sans souci des périls qu'engendrait cette charité héroïque. L'une d'elles, Soeur Marie‑Rose, (isabelle van Overstraeten), (145) tomba, victime de son dévouement, atteinte par le mal implacable au moment où le matin elle cessait sa veille de nuit auprès des cholériques. Le gouvernement envoya à la communauté un diplôme de reconnaissance et le conseil communal, rendit à son tour, hommage à la superbe abnégation des Augustines et les remercia au nom de tous les habitants.

La vaillance des hospitalières en cette occasion paraît avec d'autant plus de relief que la crainte de l'épidémie affolait réellement le peuple.

On ne le constatait que trop par une nouvelle crise de recrutement. Pendant les quatre années qui suivirent le choléra pas une jeune fille n'eut le courage de venir affronter les redoutables besognes de l'hôpital; de 1855 à 1865 il n'y eut que neuf entrées.

Lourde fut la tâche de la Mère Elisabeth Hamers qui avait été appelée à succéder à la Mère de Grady. Avec un personnel très restreint elle avait à organiser des services toujours plus multiples et plus compliqués. On se rappellera que les statuts primitifs interdisaient l'admission des enfants à l'hôpital. En 1851, le docteur Fraukinet, alors professeur à l'Université et médecin à Bavière, de concert avec sa cousine, Mademoiselle M. C. Frankinet, offrit à la Commission des Hospices les fonds nécessaires pour la création d'une salle pour les petits infirmes. La proposition fut acceptée et dès 1853 huit lits étaient prêts à recevoir des enfants; trois ans après on doubla leur nombre.

Ce dût être pour les soeurs une tâche aimée se se prodiguer auprès de ces tout‑petits que le Divin Maître aima avec prédilection, mais ce n'en était pas moins, en ces dures années où manqaient les bras, un surcroît de besogne. Le nombre des malades adultes restait toujours très élevé. En 1849 on avait repris des travaux de construction de nouveaux locaux, et de 1852 à 1861 on dût acheter cinq maisons dans l'impasse du Ponçay et sur le pont Saint‑Nicolas pour agrandir encore l'hôpital de ce côté. A partir de 1862 le nombres de lits monte jusque 217 (146).

Pour la supérieure s'ajoutaient aux soucis du laborieux partage du travail celui de tracas administratifs.

En 1854 le ministre de la Justice exigea une nouvelle approbation des statuts. Quand on lui fit remarquer que déjà ces règlements avaient été approuvés par Napoléon I en 1810, il répondit que pour avoir force légale, ils devaient être insérés dans le Moniteur et sanctionnés par un arrêté royal.

Une correspondance suivie s'échangea à ce sujet entre le ministre et le gouverneur, la Commission des Hospices et la supérieure. Elle aboutit à la rédaction d'un projet de statuts en six articles, « extraits quant à la substance, ... des statuts révisés par le Prince Clément le 20 juin 1707, complétés présentement et soumis à l'approbation du Roi, en excécution du décret du 18 février 1809 ». Les soeurs signèrent ce projet, le 17 octobre 1854, mais « en faisant des réserves pour les dispositions qui ne sont pas d'accord avec les anciens statuts qui ont seuls force de loi vis à vis de la commnunauté » (147).

L'approbation officielle fut accordée et la Mère Marie‑Elisabeth gouverna encore pendant plusieurs années paisiblement sa communauté.

En 1863 on lui choisit une remplaçante dans la personne de Mère Anne‑Joseph Charron.

La haine anticléricale des libres‑penseurs liégeois guettait à cette époque les religieuses et mettait tout en oeuvre pour préparer la laïcisation des hôpitaux.

On commença par prétendre en 1863 que « les soins hygiéniques dans l'hospice de Bavière étaient abandonnés à des mains inexpérimentées. »

L'accusation était grave, mais si évidemment calomnieuse que le Bourgmestre Piercot crut devoir y répondre en rendant, en pleine séance du conseil communal, un hommage public aux hospitalières « Le service intérieur de l'hospice, » dit­il, « quant aux soins matériels est confié, comme vous le savez, à une association de soeurs hospitalières qui remplissent leur mission de charité avec cet esprit de dévouement que le sentiment du devoir et du zèle inspirent à ces dignes auxiliaires de l'autorité civile. » Et il souligna en même temps l'excellente entente qui existait entre les religieuses et la Commission (148).

On le vit bien quand peu de temps après, les laïcisateurs ne se contentèrent plus de formuler des griefs au sujet de l'incapacité des soeurs mais demandèrent formellement leur expulsion.

La Commission des Hospices, qui déjà avait pris la défense des religieuses, renouvela vigoureusement ses protestations contre ce projet « Elle continue, » déclare‑t‑elle, « à rencontrer chez les personnes dévouées qui composent les communautés hospitalières le même zèle, la même abnégation dans l'accomplissement de leur pénible mission. Elle constate aussi avec bonheur qu'elle trouve en elles le plus louable empressement à la seconder dans toutes les améliorations réclamées par le bien­être des hospitalisés; toutes ses décisions sont accueillies avec le respect qui leur est dû et exécutées avec la plus grande ponctualité. Grâce au dévouement des soeurs hospitalières, nos maisons resplendissent de propreté, et les soins matériels et corporels à donner aux hospitalisés de tout sexe et de tout âge ne laissent rien à désirer. Nous mentionnons aussi avec respect les consolations morales et religieuses qui sont prodiguées à ceux qui les réclament. »

« En présence des bons résultats que nous devons aux soeurs hospitalières, nous aurions honte si ce n'était leur rendre un hommage, de toucher à une question d'argent. Il y a cinq directrices, leur traitement est de fr. 175; les communautés comptent 70 soeurs hospitalières, qui reçoivent annuellement, les unes fr. 175, les autres fr. 150, et à l'aide de ces sommes modiques, elles doivent pourvoir à leur habillement! Nous n'avons donc pas été surpris que le conseil communal nous ait fortifiés de son appui, par son vote du 17 juin 1864, lorsqu'à cette époque, et par le sentiment d'un devoir impérieux, nous avons pris la défense des communautés religieuses qui nous secondent avec un dévouement inaltérable. Nous sommes dans le vrai en affirmant que cette décision a pour elle l'opinion publique de la cité liégeoise. Nos concitoyens de toutes les classes entourent les Soeurs des hospices de Liège de leur estime et de leur vénération... Telle est la situation de nos hospices. Elle est exceptionnelle peut‑être et nous comprenons qu'elle peut surprendre ceux qui ne la connaissent pas. Mais elle appartient au vieux Pays de Liège et, en la défendant, nous croyons faire acte de vrais et de sincères libéraux » (149).

Les religieuses de Bavière de leur côté montrèrent qu'elles méritaient ces éloges.

On le vit surtout quand, en 1864, la direction générale de la maison fut enlevée à la supérieure pour être confiée à un directeur laïque. Cette nomination était motivée par la complexité des services, particulièrement en raison des cours qui se donnaient à l'hôpital par les professeurs de l'Université (150).

Les soeurs acquiescèrent à cette décision avec un désintéressement qui leur attira un surcroît d'estime. « Cette grave mesure, » dit le rapport de M. Ziane, « ne souleva pas la moindre opposition de la part des soeurs de Saint‑Augustin; elles savaient que la Commission n'avait en vue que le bon ordre de l'hospice et l'intérêt des malheureux. Il n'y eut ni conflit, ni froissement, les religieuses acceptèrent sans murmure et sans récrimination la nouvelle position qui leur était faite » (151),

Les hospitalières purent donc se livrer, avec une âme dilatée à leurs nobles tâches.

Celles‑ci se faisaient quelquefois bien lourdes et angoissante comme en l'année 1866, lors de la réapparition du choléra. Pour prévenir la contamination des autres malades on érigea un lazaret dans une maison de la rue Puits‑en‑Sock, appelée maison Ste‑Julienne, et l'on y plaça 82 lits pour les victimes de l'épidémie. Avec les Soeurs de Saint­Charles, les Augustines se dépensèrent sans compter au service de ces malheureux. En ces heures douloureuses, où les malades voyaient fuir devant eux, même leurs proches, les religieuses faisaient honneur à ceux qui avaient défendu leur cause devant l'opinion publique.

Elles étaient d'ailleurs entraînées vers le sacrifice par les exemples de leur courageuse supérieure. Quand le 18 août 1869, elle célébra le cinquantenaire de sa profession, Mère Anne‑Joseph, reçut une longue lettre de félicitations de la Commission des Hospices. Ces Messieurs y faisaient remarquer avec admiration que la jubilaire, malgré ses nombreuses occupations administratives et son grand âge, partageait encore les veilles de nuits avec ses soeurs (152).

En 1872 la vénérée jubilaire atteignait sa quatre-vingt et unième année. Elle n'était plus capable de porter dorénavant le poids de sa charge; elle fut remplacée par Soeur Marie‑Elisabeth Ballings, de Hamont, qui était entrée à l'hôpital en 1838. Sous cette nouvelle supérieure la communauté allait entrer dans une phase nouvelle de son existence, en devenant Maison‑Mère, d'une congrégation.

(152) A C B, Correspondance de la Commission des Hospices, 1867.


CHAPITRE X

LA CONGREGATION DES AUGUSTINES DE BAVIERE


Déjà depuis 1857 la population liégeoise et surtout le corps médical estimaient que l'hôpital de Bavière ne répondait plus aux exigences de hygiéniques d'une grande ville.

Son espace, 1300 mètres carrés dont la moitié était occupée par les batiments, était trop restreint. Sa situation était insalubre, car il était élevé sur un terrain bas, un sol d'alluvion, au centre d'un quartier populeux dont l'air était contaminé par de grandes usines. La mauvaise disposition des salles, construites sans plan d'ensemble, contrariait ou ralentissait les services et les malades toujours plus nombreux s'y trouvaient à l'étroit. 

Des projets se succédèrent pendant quarante ans. Tantôt on parlait d'agrandir l'ancien hôpital, tantôt de déverser le trop plein de sa clientèle dans un établissement auxiliaire, tantôt encore de le supprimer et de le remplacer par un grande maison centrale.

Ce dernier plan sembla près de se réaliser en 1875. En cette année la Commission des Hospices acquit pour 185.000 francs la vaste propriété connue sous le nom de « Collège des Anglais », située au pied de la Montagne de Sainte‑Walburge. En 1613 des jésuites, chassés d'Angleterre par la persécution, y avaient construit un magnifique couvent qu'ils occupèrent jusqu'à leur retour en Lancashire en 1793. Depuis lors on y établit successivement une salle de concert, un atelier pour l'élevage des vers à soie, une caserne, une école de pyrotechnie et un arsenal (152).

Comme l'Assistance publique possédait déjà des terrains attenant à cette propriété, elle disposait d'un espace de dix hectares pour exécuter dans toute son ampleur le projet d'un hôpital de 600 lits qui remplacerait l'antique Maison de Miséricorde et pourrait recevoir tous les malades indigents de Liege (153)

En juin 1876 cette construction fut décidée (154) mais elle ne se réalisa point.

On fit valoir les droits acquis du quartier d'Outre‑Meuse avec ses usines où se produisaient fréquemment des accidents réclamant de prompts secours; on souleva des objections d'ordre économique et, détail curieux pour l'historien, on rappela aussi « l'existence séculaire de l'hôpital de Bavière et les traditions qui s'y rattachent » en faisant remarquer que des considérations analogues firent décréter à Paris le maintien de l'Hôtel‑Dieu sur son ancien emplacement (155). Les partisans de la centralisation des services eurent beau s'indigner devant « ces raisons sentimentales » en déclarant que le seul sentiment à respecter était « celui qui s'inspire d'assurer le bien être des malades, » Ce fut inutile; Bavière resta debout et on se contenta d'aménager ce qui restait du couvent des jésuites comme hôpital auxiliaire.

L'administration communale pria la supérieure de lui céder quelques‑unes de ses religieuses pour le nouvel établissement et le 11 novembre 1880 cinq soeurs, conduites par la Mère Marie‑Barbe Jungschlaeger, vinrent s'y établir avec une partie des malades emmenés de la maison de Bavière. L'hôpital des Anglais se développa rapidement; après quelques années ses quinze salles contenaient 205 lits; il fallut bientôt quinze et plus tard vingt soeurs pour le desservir.

Au point de vue régulier cette fondation marque une véritable étape dans l'histoire de nos Augustines. La communauté des « Anglais » est une affiliation de celle de Bavière qui devient maison‑mère et cette expansion se trouve ratifiée providentiellement: il y eut quatorze entrées pendant les quatre premières années de l'existence du nouvel hôpital, autant que durant les dix années précédentes (1869‑79).

Etait‑ce l'effet de la violente réaction catholique qui se fit jour à l'époque de la lutte scolaire et qui poussait les jeunes chrétiennes à se sacrifier et à se dévouer pour Dieu et les âmes en péril ? Quoiqu'il en soit, le mouvement déclenché en ces jours de tourmente se maintint: il y eut quatre postulantes en 1887, cinq en 1892, douze en 1896.

Dans l'entre‑temps on avait fini par céder devant les réclamations des médecins qui soutenaient que la situation antihygiénique de l'ancien hôpital en avait fait « un séjour redoutable, où la misère elle‑même hésitait à chercher un refuge » (156). De grandes constructions avaient été érigées dans les Près‑de‑Saint‑Denis entre le Boulevard de la Constitution et la Rue des Bonnes Villes. En 1895 elles étaient achevées et les soeurs quittèrent avec leurs malades l'antique demeure où depuis près de trois siècles leurs devancières avaient servi les pauvres du Christ.

Seuls les intérêts de leurs infirmes, mieux installés dans le nouvel établissement, les dédommageaient de la peine de quitter ces murs où chaque pierre redisait quelque chose du glorieux passé et où tout allait tomber sous le pioche des démolisseurs (157). Un souvenir fut sauvé; on fit revivre la petite église de l'ancien Bavière, reconstruite exactement d'après le plan primitif de 1604, avec une partie des anciens matériaux, et ornée du mobilier précieux que la générosité des bienfaiteurs y avait accumulé (158).

Ce transfert devint l'occasion d'une décision importante au point de vue régulier: l'établissement noviciat dans une maison indépendante à la formation des novices se ferait dans une atmosphère plus recueillie que celle d'un hôpital, encombré de malades et troublé par le va‑et‑vient d'innombrables fonctionnaires et visiteurs.

Les moyens de mettre ce projet à exécution vinrent s'offrir à point nommé en 1896.

Liège possédait depuis 1867 une oeuvre nouvelle, fruit du zèle d'une humble servante, Elise Thonart de Eupen, qui réalisa des merveilles parce qu'en son coeur brûlait, toute pure et vive, la flamme de la charité.

Entrée en 1858 en service dans la famille Frésart, cette bonne fille s'associa vers 1867 quelques compagnes, comme elle congréganistes chez les Soeurs de Notre‑Dame, pour visiter des infirmes qui en raison de leur âge ou de leur condition sociale ne pouvaient être admises à l'hôpital.

Ne pouvant pas les soigner convenablement à domicile, elle parvint à les installer successivement, en 1875 dans un appartement de la rue de la Syrène, l'année suivante dans une habitation spacieuse de la rue Volière et enfin en 1884 au Quai Coronmeuse dans d'anciens ateliers, mis à sa disposition par la veuve du fondeur liégeois Buckens. Dans cette demeure, baptisée « Maison de S. Joseph », Elise s'établit avec deux de ses collaboratrices de la première heure, y formant une sorte de communauté laïque qui se dévouait à soigner une vingtaine de pauvres malades (159).

Parmi celles‑ci se trouvaient quelques anciennes clientes de Bavière qui recevaient par intervalles la visite des soeurs de l'hôpital. Ainsi s'établirent, aux environs de 1895, entre les Augustines et les charitables infirmières de la Maison S. Joseph, des relations d'amitié qui parurent bientôt providentielles.

Elise et ses compagnes prenaient de l'âge, s'inquiétaient au sujet de l'avenir de leur oeuvre, et rêvaient depuis longtemps goûter un jour, elles aussi, le bonheur de la religieuse. D'un autre côté, les Augustines, nous l'avons dit, désiraient profiter du prochain transfert de l'hôpital pour créer une maison de noviciat et une école d'infirmières (160). La fusion de l'oeuvrette du Quai Coronmeuse avec l'ancienne communauté des hospitalières pourrait d'un coup solutionner tous ces problèmes. Des pourparlers pleins de cordialité eurent vite fait de tout régler et au début de 1896 les trois fondatrices confiaient sans réserve la direction de leur maison aux soeurs de Bavière, sollicitant en même temps la faveur d'être admises dans cette famille religieuse.

L'autorité diocésaine approuva le projet; le 11 mars quelques hospitalières vinrent avec leurs novices s'installer à la Maison de St. Joseph et à la fête du saint Patriarche on y vit le spectacle touchant d'une sexagénaire qui, avec deux compagnes presqu'aussi âgées qu'elle, sollicita humblement l'habit des moniales de Saint Augustin.

Pendant neuf ans encore Elise, devenue Soeur Anne‑Joseph, radieuse sous la coiffe des Augustines, continua sa noble mission de charité parmi ces soixante‑quatorze infirmes qui l'aimaient comme une mère (161).

Quelques travaux d'aménagement de locaux, et tout particulièrement la construction d'une jolie chapelle ogivale, en 1902, donnèrent rapidement au nouveau noviciat une physionomie toute conventuelle.

Cette deuxième expansion de la famille religieuse de Bavière inaugura en même temps une période extraordinairement abondante an point de vue du recrutement; de 1896 à 1906 il y eut quarante­cinq entrées; le chiffre le plus élevé atteint jusqu'alors. Il permit d'entreprendre dans l'espace de sept ans trois nouvelles fondations.

La première se fit à Visé en 1902. La Commission des Hospices de cette localité sollicita et obtint l'envoi de trois soeurs pour desservir l'asile qui y était fondé depuis 1878 pour vingt‑quatre vieillards et vieilles femmes à charge de l'Assistance publique (162).

En 1906 la Commission de l'Hôpital intercommunal du canton de Louveigné s'adressait à son tour à la maison‑mère aux fins dobtenir des religieuses pour cet établissement situé à Esneux. On put encore faire bon accueil à cette demande, et quatre soeurs prirent possession de cette nouvelle maison le 12 novembre 1906. En 1909 une belle chapelle, due à la munificence d'un des grands bienfaiteurs de la communauté M. Dallemagne, fut élevée.

Les années 1907-1909 ayant été derechef exceptionnellement fécondes pour le noviciat, vingt-trois postulantes s'étaient présentées, on put encore acéder à la demande de la Commission de l'Hospice intercommunal de Dolhain-Limbourg et là aussi accorder trois soeurs pour desservir l'asile des vieillards. Cet établissement fut ouvert en avril 1909 et les religieuses s'y prodiguèrent depuis auprès d'une vingtaine d'infirmes et d'impotents.

L'antique petite communauté de Bavière avait donc définitivement évolué en une congrégation religieuse qui voyait cinq affiliations se grouper autour de la maison‑mère et possédait une maison de probation organisée d'après toutes les exigences des lois canoniques.

Elle reçut aussi dans l'entretemps une précieuse consolidation intérieure par la nouvelle règle que lui donna en 1905 Mgr. Rutten. Les temps nouveaux, la multiplication des oeuvres, le développement de l'institut, les récents décrets du Saint‑Siège, réclamaient une révision et une adaptation des statuts de 1707 qui n'avaient en vue que la seule Maison de Miséricorde et dont une partie seulement concernait la vie régulière des soeurs. Plusieurs de ces prescriptions étaient tombées en désuétude, d'autres demandaient des modifications complètes et des précisions s'imposaient pour plusieurs points de la discipline. Le 23 janvier 1905 Mgr. Rutten signait la nouvelle règle qui remplit un petit volume de 96 pages, édité chez Cormnaux à Liège.

Le prélat terminait son avant‑propos en implorant sur la congrégation des hospitalières les bénédictions les plus abondantes du ciel « afin que tous ses membres par la pratique constante et généreuse de la charité envers les malades et les infirmes se sanctifient et s'acquièrent de nombreux mérites pour la vie future... »

Ce voeu du pieux évêque se trouvait exaucé en ces années; nous avons dit combien elles furent prospères au point de vue du recrutement et de l'expansion; elles furent aussi toute remplies par le bienfaisant labeur des religieuses au chevet des malades.

Il y eut des moments où ce dévouement exigeait une magnanimité plus qu'ordinaire, comme en 1894, lors d'une réapparition inquiétante du choléra à Liège. Les soeurs durent alors se retirer avec les victimes de l'épidémie dans un baraquement construit à la hâte dans les jardins de l'asile des aliénés desservi par les Frères Cellites. Pendant trois mois elles eurent à y soigner 300 malades dont 150 moururent entre leurs mains.

Cette fois le fléau épargne les charitables hospitalières, mais combien d'entre elles, en dehors de ces époques angoissantes, succombèrenf aux maladies contagieuses auxquelles elles disputaient leurs infirmes. Telle cette jeune soeur Germaine Feldmann qui, le 5 novembre 1900, à vingt deux ans, est terrassée par la fièvre typhoïde. « S'étant consacrée à l'exercice de la charité, notre chère défunte après avoir rendu service jour et nuit aux pauvres malades, est tombée victime de son dévouement ». Il y a toute une oraison funèbre dans le laconisme de ces trois lignes de l'annonce de décès.

Si à travers les trois siècles de son existence, la communauté de Bavière eut songé à rédiger le martyrologe de ses héroïnes du devoir et de l'amour envers le prochain, que de noms y paraîtraient !

Mais la pensée de dresser ces listes glorieuses n'effleura jamais l'esprit des hospitalières; elles trouvent tout simple que quand « on s'est consacré à l'exercice de la charité » on tombe « après avoir rendu service jour et nuit aux pauvres malades ».

Leur belle activité charitable se trouva soudain arrêtée, bouleversée et même partiellement anéantie quand en 1914 la guerre vint s'acharner sur la Belgique.

L'hôpital de Bavière devint caserne et les soeurs durent se disperser. Quelques‑unes furent établies à l'asile de vieillesse de la rue Basse‑Wez, d'autres dans le couvent des Pères Oblats, où se trouvaient déjà de nombreux réfugiés français, d'autres encore retrouvèrent à l'orphelinat Sainte‑Barbe, leurs consoeurs de l'hôpital des Anglais qui y avaient évacué leurs malades pour faire place aux blessés allemands installés dans leur maison.

Les soeurs de Visé vécurent des heures plus tragiques. Dès les débuts des hostilités la petite localité fut presqu'entièrement détruite: après peu de jours la vie y devint intenable (163). Le 19 août les religieuses résolurent de passer en Hollande et, comme il n'y avait plus de prêtre dans l'endroit, la supérieure se décida courageusement à prendre dans le tabernacle le Très Saint Sacrement et, avec ce trésor sacré, suivi du triste cortège de ses infirmes, elle franchit la frontière à Eysden pour aller y déposer son précieux fardeau dans la chapelle des Ursulines.

Accueillies avec grande compassion par les habitants, les hospitalières furent hébergées charitablement avec leurs pensionnaires dans un château pendant le reste de la guerre. Leur hospice ayant été complètement détruit, elles furent attachées, après la fin des hostilités, à la Maison de S. Joseph à Liège et elles ne revirent plus Visé.

La multiplication des services dans les deux grands hôpitaux et une diminution notable du recrutement durant la guerre obligea les supérieures à renoncer aussi à l'hospice de Dolhain qui en 1921 fut confié aux Soeurs Franciscaines.

Cette perte de deux maison se trouvait cependant quelque peu compensée par la fondation, en pleine guerre, de la communauté de Peer. Les Filles de la Croix, qui à cette époque desservaient cet établissement, le remirent entre les mains des Augustines de Bavière qui à quatre en prirent possession le 17 juin 1917. On a dû depuis doubler le nombre des religieuses dans cet hospice habité à présent par huit religieuses qui y soignent une soixantaine de pensionnaires hommes et femmes. Une jolie chapelle due pour la plus grande partie à la générosité des amis et bienfaiteurs des soeurs, y fut bénite le 6 juillet 1932 par Son Excellence Mgr. Kerkhofs, évêque de Liège.

Le 6 avril 1928, en la fête de Pâques, le vénéré prélat avait accordé aux Augustines une faveur plus signalée en approuvant leurs constitutions adaptées au nouveau Code de droit ecclésiastique.

Dans une préface, tout empreinte de bonté paternelle, l'évêque de Liège, après avoir souligné le but « noble et magnifique » de la vocation des hospitalières, les remercie publiquement de tout le bien qu'elles ont fait dans sa ville épiscopale et son diocèse.

Hommage significatif, et combien apprécié, au dévouement toujours vivace de ces fidèles servantes du Christ et de ses membres souffrants !


EPILOGUE


Au moment où nous terminons cette étude la Congrégation des Augustines de l'hôpital de Bavière est entrée dans la 332e année de son existence.

A ses débuts simple groupement de pieuses gardes‑malades, elle évolue, vingt ans après en une communauté religieuse régie par la règle de saint Augustin. Depuis lors son organisation régulière alla se perfectionnant sans cesse. Ses lois se précisent, son activité se développe, sa vitalité intime se fortifie et finalement ses cadres s'élargissent. Depuis un demi‑siècle le petit couvent d'hospitalières est devenu maison mère d'une congrégation estimée et fervente.

Pendant les trois siècles écoulés depuis la fondation de la Maison de Miséricorde, 455 jeunes chrétiennes vinrent y trouver les grâces de la vie religieuse, les mérites de la charité, les joies de l'immolation. A présent les Augustines de Bavière sont au nombre de 109, réparties dans leur cinq résidences où elles se dévouent auprès de 900 malades et vieillards.

Quand elles mettent ces chiffres en regard de la première page de leur chronique, nous montrant trois humbles filles sans formation, sans règle, sans soutien, se débattant contre les innombrables difficultés de la fondation, un cri de reconnaissance doit jaillir de leur âme, « A Domino factum est istud et est mirabile in oculis nostris, » c'est le Tout‑Puissant qui a réalisé ces choses merveilleuses ! »

Oui, c'est bien à Lui que cette congrégation doit sa vie, ses accroissements, sa fécondité; c'est Lui qui la fit sortir triomphante de cette angoissante crise de vocations qui s'obstina pendant près d'un siècle; c'est Lui qui renversa un à un les obstacles suscités par les hommes et les évènements et amena à point nommé les âmes de choix, des supérieures énergiques et sages, des protecteurs puissants, des guides éclairés.

Ces pages ont été écrites spécialement pour rappeler aux dévouées hospitalières ces prédilections de la Providence, pour élever leurs âmes à l'action de grâces, pour les ouvrir toutes larges à la confiance, car ces prodigalités divines contiennent de précieux gages de futures bénédictions.

D'autres lecteurs vont peut‑être feuilleter ce li­vre. Les fervents d'histoire locale iront y chercher quelques détails sur le passé si curieux et si mouvementé de la Cité ardente. Si nous avons pu leur apporter quelques précisions au sujet d'une des institutions les plus populaires du Vieux‑Liége, évocatrice du prestige de ses princes‑évêques et témoin éloquent de la charité de ses habitants, nous nous sentirons dédommagés des minutieuses recherches que réclama cette étude. En retour nous osons leur demander de ne pas passer à côté de ces moniales, dont les destinées sont dépeintes ici, sans rendre hommage à leur abnégation magnifiquement bienfaisante. Combien de milliers d'infirmes se sont succédé dans ces salles d'hôpital, où elles circulent nuit et jour pour « aller à tous les souffrants de la part du Christ, leur portant les soins de ses mains, le sourire de ses lèvres, la tendre pitié de son regard! » (Mgr. Gay). Ceux qui ne partagent pas leurs convictions religieuses et ne comprennent pas leur idéal surnaturel ne voudront néanmoins pas fermer les yeux sur la somme immense de soulagement qu'elles apportèrent à l'infortune humaine. Quiconque sait voir grand, devant ces femmes admirables, se découvre et s'incline.

Que si ce travail tombe entre les mains d'une jeune fille chrétienne, encore indécise sur son avenir, nous osons lui demander de réfléchir quelques instants sur la beauté d'une vocation d'hospitalière.

N'est ce pas une des formes les plus nobles de la charité chrétienne! n'est ce pas une vie idéalement belle d'union au Christ, servi dans ceux qui souffrent ! Où, mieux que là, peut‑on mériter cent fois le jour la récompense promise au verre d'eau donné au moindre de nos frères ?


APPENDICES

I. PIECES JUSTIFICATIVES (non transcrites)


lI. EPITAPHES.


I

Monument funéraire, au fond de la chapelle, en marbre blanc et noir. Wauthier de Longdoz y est représenté à genoux, devant un prie-Dieu sur lequel se trouvent un crucifix et un livre.

Wauthier de Longdoz

EN MEMOIRE DE HONBLE. M. VAULTIEU DE LONGDOS I DECEDE LE 23° DE JUIN 1627. LEQUEL A LEGATE A CESTE | MAISON 103 Fl; 15 PAT. BBT. DE RENTE A CHARGE D'UNE MESSE ANNUELLE PR LUY ET SES PARENTS, LA VEILLE DE ST-JEAN BAPTTE I AVEC DIACRE ET SOUBDIACRE ET VIGILLE5: LES MIRES DICELLE I JOUXTE SA VOLONTE ONT FAICT ERIGER CE PNT. EPITAPHE. I 1628.


II

Epitaphe en cuivre ciselé dans un cartouche tenu par deux anges, placé au fond de la chapelle, du côté de l'Evangile. Au dessus de l'inscription se trouvent deux blasons. A gauche: d'argent à trois chevrons de sable accompagnés en pointe d'une trèfle d'or; à droite écartelé aux 1° et 4° d'or à la bande d'azur aux 2° et 3° d'azur.

Arnoldo Corswareme

DEO - OP - MAX I ET I HONORABILIORO I D.'ARNOLDO CORSWAREME I DOMUS HUJUS AN PARENTI? I PATRONO CERTE ET ADIVTORI I LONGE PRIMO QUAM INFORMARE, I STABILIRE, AMPLIFICARE, I RE, OPERA, INDUSTRIA, I NON ANTE DESTITIT, QUAM ILLUM I PRO DOLOR! VITA DESTITVIT: CAUSA I EA EST, QUAMOBREM HANC ANIMI. I GRATI TABELLAM GRATIARUM MANIBUS I SODALI SUO, I PUDICISSMAEQ. EJUS CONIUGI I D. MECHTILDI LIVERLOZ,I SODALES MISERICORDIAE I ADPINGEBANT I OBIIT I ILLE: 30 SEPT: 1640: ILLA: 13 MART.: 1663.

Dans l'ancien hôpital de Bavière on conservait un portrait de cette bienfaitrice dans un cadre ovale, soutenu par deux anges, avec cette inscription: « Mathilde de Liverlo, bourgeoise de cette cité, décédée l'an 1663, 7 mars, âgée de 87 ans ». Renier, Inventaire du mobilier des établissements civils et religieux de la ville de Liège, Liège 1893.


III

Marbre blanc, fond de la chapelle, du côté de l'Epître, avec deux blasons: d'argent à bande de gueules chargée de trois roses d'or et d'azur à trois moutons d'argent.

Ian Paul Marchand & Catherine aux Brebis

CI GIST I IAN PAUL I MARCHAND DECEDE LE 29 7BRE 1656 I ET DAMOISELLE I CATERYNE D'AUX BREBIS SA COMPAIGNE I DECEDEE LE 10 DE I JUlN 1661 PRIE DIEU POUR I LEURS AMES.


IV

Marbre blanc encadré de noir au dessus de la porte de la sacristie. Il porte un écu: d'or au sautoir de gueules.

Gilles François Surlet

EN MEMOIRE DE NOBLE ILLUSTRE ET GENEREUX SEIGNEUR MESSIRE GILLE I FRANCOIS BARON DE SURLET ET DU ST EMPIRE, CHANOINE DE LA I CHATHEDRALE ARCHIDIACRE D'ARDENNE, PREVOT DE St-BARTHELEMY &... I LEQUEL A LAISSE AUX PAUVRES MALADES DE CETTE MAISON DEUX I MILLE ESCUS APPLIQUES EN REDEMPTION DE 400 FL.BRAB. DE RENTE. I IL MOURUT LE 2 OCTOBRE 1681 A L'AGE DE 67 ANS ENSEVELY I DANS L'EGLISE DES R. P. CAPUCINS AU FAUBOURG DE STE-MARGARITE I DE LAQUELLE IL EST FONDATEUR. PRIEZ DIEU POUR SON AME.


V

Marbre blanc et noir avec deux écus ovales: D'argent à trois arbre de sinople et d'argent à trois branches d'oeillet au naturel.

SEPULCHRE DU Sr JEAN MATHIEU I FOSSEZ ET DE De CATHERINE SERVAIS, SON EPOUSE I ET DE LEUR FILLE CATHERINE, RELICTE DU SR MATHIEU LAIRESSE, LAQUELLE AYANT INSTITUE LA MAISON I DE MISERICORDE SON HERITIERE UNIVERSELLE EST DECEDEE I LE 27 MARS 1663 I REQUIESCANT IN PACE.


VI

EN MEMOIRE D'HONBLE ARNOLD LYON I DE THEUX DECEDE LE 12-9BRE 1670. DE DAMLE I JENNE BRANTSCHAT DECEDEE LE 23 I JANVIER 1665. SES PERE ET MERE. I ET DE DAMLE AlLY VANHALLE SON ESPOUSE I DECEDEE LE 24 FEV-1682 ICY GISANTS I HONBLE ARNOLD LYON DE THEUX AT FAIT METTRE LA PRESENTE, LEQUEL EST DECEDE LE 27° D'AVRIL 1696. I PRIEZ DIEU POUR LEURS AMES.


VII

Marbre blanc avec blason ovale; parti à dextre d'argent à un boeuf de gueules coupé d'azur à un poisson de gueules; à senestre d'argent à un arbre arraché de sinople.

ICI REPOSENT HONORABLE JEAN I DESTORDEUR, MARCHAND BOURGEOIS DE LIEGE DECEDE LE 27 MARS 1719 ET I DEMOISELLE CLEMENCE DESTORDEUR, SA I SOEUR DECEDEE LE 5 XBRE 1733 AGEE I DE 83 ANS AYANT FATT LEUR HERITIERE I CETTE MAISON DE MISERICORDE ET SOEURE I MARIE DESTORDEUR, LEUR SOEURE DECEDEE LE 20 JUIN 1713 DANS SON ANNEE DE JUBILE. REQUIESCANT I IN PACE.


VIII

Pierre tombale en marbre noir de Theux avec un blason, soutenu par deux lions, entouré de feuillages, portant un lion rampant.

SUB HOC TUMULATUR FIDELIS I AC PIUS HUJUS DOMUS BENEFACTOR I REVERENDUS JACOBUS DALPENE LEODIUS I QUONDAM VERO CANONICUS IN HOUGAR I CHRISTUS MISERICORS IPSI RETRIBUERE DIGNETUR.

Chaque ligne de cette épitaphe forme le chronogramme 1722.


III.

LISTE CHRONOLOGIQUE DES SUPERIEURES DE L’HOPITAL DE BAVIERE


Marie Bassenge, 1604-1607 † 19 novembre 1607.

Catherine d'Avroy, 1607-1611 † 11 décembre 1618.

Elisabeth Henrard, 1611-1629

Marie Pirard, 1629-1632 † 23 août 1635.

Elisabeth Henrard, (2), 1632-1635 † 5 mars 1636.

Catherine Delvaulx, 1635-1641 † 19 octobre 1641.

Jeanne Houbart, 1641-1651 † 13 mai 1667.

Véronne Borret,1651-1689 † 27 février 1689.

Marie-Agnès d'Esne, 1689-1727 † 4 septembre 1727.

Marie-Jeanne Pondant, 1727-1745 † 9 mars 1745.

Marie-Marguerite Fraiteur, 1745-1761 † 30 septembre 1761.

Anne Delcommune, (Sr Anne-Joseph), 1761-1777 † 24 juin 1777.

Marie-Françoise Libar, (Sr Marie-Hélène), 1777-1783 † 11 septembre 1783.

Marie-Marguerite Lahaye, (Sr Marie-Thérèse), 1783-1797 † 16 septembre 1797.

Marie-Catherine Fivé, 1797-1813, † 30 avril 1813.

Jeanne Picard, (Sr Angélique), 1813-1816, † 31 juillet 1824.

Ida Braibant, (Sr Marie-Elisabeth), 1816-1820 † 15 mai 1820.

Marie Oda de Grady, (Sr Marie-Hélène), 1820-1851 † 16 janvier 1851.

Marie-Elisabeth Hamers, 1851-1863, † 25 avril 1887.

Marie-Joseph Charron, (Sr Anne-Joseph), 1863-1872 † 30 septembre 1878.

Marie-Elisabeth Ballings, (Sr Marie-Marguerite), 1872-1897 † 21 novembre 1901.

Marguerite Gloesener, (Sr Marie-Monique), 1897-1902 † 2 décembre 1910.

Gertrude Vanmarsenille, (Sr Marie-Elisabeth), 1902-1905.

Jeanne Jacobs, (Sr Marie-Louise), 1905-1914.

Joséphine Verlinden, (Sr Marie-Cécile), 1914-1919.

Marie Noirfalise, (Sr Grégorine), 1919-1925.

Hertha Blaze, (Sr Gabrielle), 1925.


IV

LES « PATERS » DE L’HOPITAL DE BAVIERE.


Robert Hubart (1604‑1607).

Originaire de Lantremange, admis comme confesseur ordinaire de la maison au commencement de juillet 1604. il se démit de sa charge en 1607 pour entrer chez les Capucins « mais luy estant survenue quelque infirmité a esté constrainct de quitter et par l'evesque d'Anvers Myreus faict pasteur du grand hospital d'Anvers ». (A C B, Reg. 1, p. 14‑15).

L'Elenchus RR. DD. Pastorum Nosocomii S. Elisabeth Antverpiae f. 387), enregistre son entrée en fonctions dans cet établissement le 16 novembre 1607. Il mourut le jour des Trépassés de l'année 1621 après avoir fondé un anniversaire noté comme suit dans l'obituarium de l'hôpital anversois. 2 Nov., Commemoratio animarum… het Jaergetijde van heer Robertus Hubar pastor van dese gasthyse salmen doen den derde november den pastor sal hebben 10 stuy, ende de kerke 10 stuy.

Robert Hubart fut enseveli dans l'église de l'hôpital sous cette pierre tumulaire:

SEPULTURE I HEER ROBERTI HUBAR I DESEN HUYSE EN DE ARME I ALS PASTOOR I GHEDIENT HEBBENDE I IN LTEFDE I EN BERMHERTICHEYT I SEVENTIEN IAEREN I STERF DEN 2. NOVEM. I 1624 I BIDT VOOR DE SIELE. 

On fit exécuter son portrait par Martin Pepyn qui le représenta étendu sur son lit de mort, entouré par une soeur hospitalière et trois autres personnes, devant le Divin Sauveur apparaissant dans un nuage, ayant à ses côtés la T. S. Vierge et S. Elisabeth. Sous le portrait cette inscription:

D. O. M. I HEER ROBERTUS HUBAR DIE DESEN I HUYSE ENDE DEN ARMEN ALS PASTOOR 17, IAEREN HEEFT GETROU I GEDIENT STERFT DEN 2, NOV. 1624. I BIDT VOOR DE ZIELE.

(Vertameling der Graf- en Gedenkschrif ten van de Provincie Antwerpen, Anvers 1884, t. 4, p. 352, 353, 356; - Administration des Hospices civils d'Anvers. Compte Moral administratif de 1885, Anvers, 1886, p. 14; id. 1903, Anvers 1904, p. 30).

 

Grégoire Gant (1607‑1637).

Nommé confesseur de la maison le 1 mai 1607. Dans une liste des bienfaiteurs de la fin du XVIIIe siècle il est mentionné avec le titre de « chanoine de céans» sans détermination de la collégiale à laquelle il était attaché, † 27 juillet 1637. (A C B, Reg. 1, p. 15, 41).

 

Thomas Fabri (1637‑1665).

Au moment de sa nomination « pasteur de Soyron au duché de Lymbourgh, réfugié pour lors dans la ville de Liège à cause des rétorsions que les Hollandays avayent esmeu contre les ecclésiastiques et officiers des pays du Roy » (A C B, Reg. 1, p. 41). Le prince‑évêque Maximilien‑Henri le confirma dans sa charge par son induit du 19 janvier 1652 (cfr. p. 56). Fabri était bénéficier de la collégiale de Saint‑Barthélemy. † 11 novembre 1665.

Sa pierre tombale se trouve devant le petit autel du côté de l'épître dans l'église de l'hôpital. En voici l'inscription:

HIC lACET I V. D. AC M. THOMAS FABRI I ECCLIAE COLLEG. S. BARTOLOMEAE I BENEFICIATUS I QUI POST ADMINISTRATUM PER I PLUS QUAM - XXVIII - ANNOS I IN HAC DOMO MISERICORDIAE CONFESSARII ET RECEPTORIS I MUNUS I POST TOT VIGILES CURAS SUDORES I CONTIUOS LABORES I INDEFESSOS I OMNIUM PATER BENEFICUS I OBIIT I XI NOVEMBRIS MDCLXVI I REQUIESCAT IN PACE. I IPSI. FIDELIORES. AMICI POSUERUNT.


 

Mathias ab Angelo (1665‑1681).

Désigné comme Pater en novembre 1665. Le registre des professions de Bavière l'appelle « séminariste au séminaire de son Altesse Sérénissime en Liège » (p. 45). C'est lui qui, en 1666, demande et obtient à l'évêché l'usage quotidien de la viande pour les malades quand les médecins le jugent nécessaire. (A C B, Reg. 2, p. 144).

Sa pierre sépulchrale, que nous recopions ici, se trouve dans l'église de l'hôpital à côté de celle de Thomas Fabri. † 18 août 1681.

HIC TVMVLATVS EST I VENERABILIS I D.MATHIAS. AB. ANGELO I DVM VIXIT HVIVS I XENODOCHII RECEPTOR ET I CONFESSARIVS. VERBI DEl I ASSIDVVS ET FIDELIS I DISPENSATOR I NEC NON ZELOSIOSSIMVS I ANIMARVM SALVTIS I OPERARIVS. PRO CVIVS QUIETE I (:SI QUID IPSI EXPIANDVM I RESTAT:) PRECES VESTRAS. I ET SVFFRAGIA IN DOMINO I POSTVLAMVS I OBIIT 18 AUGUSTI 1681 I REQUIESCAT IN PACE AMEN.


Henri Gathi (1681-1709).

Nommé en 1681; apparaît également dans la liste des bienfaiteurs avec le titre de « chanoine de céans ». Dans les listes du personnel on trouve une Marie‑Anne Gathi d'Hamoir, « nièce du Pater ». Henri Gathi mourut le 21 avril 1709. Son épitaphe loue le zèle déployé pendant vingt‑huit ans à la Maison de Miséricorde:

HIC IACET REV. D. HENRICUS GATHI I HUIUS DOMUS CONFESSARIUS I VERE PACIS AMATOR I ET FRATERNAE UNIONIS I ZELATOR STUDIOSISSIMVS. I QUI POSTQUAM PER 28 CIRCITER ANNOS I OPERA MISERLCORDIAE I IN DOMO MISERICORDIAE I INDEFESSE EXERCUIT I IN PACE DOMINI QUIESCAT.

 

Gérard Jamar de Maillen (1709‑1755).

Issu d'une famille noble du pays de Liège (voir description de ses armes p. 71); il était « séminariste du séminaire de Son Altesse » quand, le 27 avril 1709, il fut « choisy et dénomé par les maîtres et directeurs de la maison » (A C B, Reg. 1, p. 47). Parmi les religieuses on rencontre une Jéniton Jamar de Maillen, professe en 1715, qui est probablement une de ses parentes. Maître Gérard était chanoine d'une des collégiales de Liège (liste des bienfaiteurs, 29 nov.) En 1715 il obtint la faculté de donner aux religieuses et aux malades les absolutions générales de la confrérie de la T. S. Trinité (Reg. 2, p. 3). II fit don à l'église de l'hôpital de la chaire de vérité et du banc de communion, encore conservés à présent. Sa pierre tombale, dont l'inscription et en partie effacée, apprend qu'il mourut à l'âge de quatre­vingts ans. Il a, de sa main, noté dans le registre des professions (p. 52) que le 18 octobre 1751 il célébra à Bavière son jubilé de prêtrise, † 21 novembre 1755.


 

Maître Jamsin (1755‑1778).

Les archives des Augustines ne révèlent même pas le prénom de ce Pater. Elles apprennent seulement qu'il dût renoncer à sa charge pour cause de maladie en 1778 et qu'il mourut dans sa famille à Tignée le 11 novembre de cette même année. La Mère Jeanne Picard, supérieure de 1813 à 1816, fille de Lambert et d'Elisabeth Jamsin de Tignee, était probablement une de ses nièces.


 

Jean Jonrdan Waltrin (1778‑1795).

Attaché depuis le 18 décembre 1769 à l'hôpital de Bavière comme « assistant » ou « vice‑pater » (cfr. p. 82). Succéda à Maître Jamsin en 1778. La liste des bienfaiteurs apprend qu'il mourut à l'âge de 63 ans. † 2 décembre 1795.


 

Henri Delaide (1795‑1803).

Il fut assistant de Jean Waltrin et lui succéda en 1795. En 1803 il se démit de la charge de Pater peur redevenir assistant, plus tard économe de l'hôpital. Il remplit cette dernière charge jusqu'en 1811. Avant de mourir il fonda une messe quotidienne à l'église de Bavière. (ACE, Reg. 3, p. 22). † 6 juin 1818, à l'âge de 56 ans.


 

Jacques Demeuse (1803‑1812).

Né en 1763, prêtre depuis 1788, succéda en 1803 à l'abbé Henri Delaide comme aumônier de Bavière. En juillet 1812 il se démit de cette charge et devint curé de Sainte‑Croix à Liège. Il administra cette paroisse pendant vingt‑deux ans et mourut le 4 novembre 1835. Le Memorandum de l'église Sainte‑Croix lui décerne cet éloge « Erat vir doctus et prudens, erga omnes benignus, erga pauperes liberalis quos etiam partim haeredes instituit. »


 

M. Walthour (1812‑1814).

Ancien supérieur d'une commanderie de l'ordre de Malte, fut obligé de résigner sa charge après deux ans pour motifs de santé. Il mourut à Rome vers 1828.


 

M. Demoulin (1814‑1815).

Ne resta en fonctions que pendant six mois, contraint de quitter l'aumônerie de Bavière en raison de ses infirmités.


 

Emmanuel Monceau (1815‑1821).

Le Père Emmanuel de S. Thérèse, religieux du couvent supprimé des Carmes déchaussés de Liège, fut nommé Directeur spirituel de l'hôpital en 1815. Il obtint en 1819, du supérieur général de son ordre, pour lui et ses successeurs, la faculté d'imposer le scapulaire à l'hôpital et de donner in articulo mortis la bénédiction avec indulgence plénière concédée aux membres de la confrérie du Mont‑Carmel (A C B, Reg. 2, p. 8).

 

Gaspar Remy (1821‑1844).

Né à Lierneux en 1794. Après avoir été économe du séminaire de Tournai (1817) et curé à Hucorgne (1819), il devint Pater en 1821 et garda cette charge jusqu'à sa mort. En 1834 il fut nommé chanoine titulaire de la cathédrale de Liège et en 1842 chanoine-pénitencier. Le chanoine Remy rendit d'immenses services aux Augustines tout particulièrement sous le régime hollandais; il réunit aussi les principaux documents des archives dans un grand registre largement utilisé pour cette étude. Grâce au chanoine Remy l'hôpital de Bavière possède une curieuse pièce de sculpture de Henri Joseph Rutschiel, un des meilleurs artistes de son époque, décédé à Paris en 1837, membre de l'Institut de France. C'est un Couronnement d'épines que Rutschiel sculpta lorsqu'il était encore simple berger à Lierneux. Ses parents en firent don à l'hôpital par égard pour leur concitoyen le chanoine Remy. (Catalogue de l'Exposition de Liège 1811. I. S., p. 771. n° 258; - Annales de l'Union des Artistes, Liège 1875, f. 4, p. 228-242). Gaspar Remy mourut le 30 novembre 1844. (Journal Historique et Littéraire, Liège 1844-45, t. XI, p. 507).


 

Nicolas Henrotte (1844‑1897).

Né à Andrimont, le 13 janvier 1811, il devint, en 1834, professeur de liturgie et directeur au grand séminaire de Liège. Le 30 novembre 1844 il fut nommé aumônier de l'hôpital, charge qu'il remplit pendant plus de cinquante ans. A sa mort, la Semaine religieuse du diocèse de Liège lui rendit cet hommage:

« Il s'est constamment dévoué aux malades; sa charité envers eux était sans bornes; il savait les consoler et leur inspirer des sentiments religieux par sa douceur et sa parole persuasive. Les religieuses augustines qui soignent les malades, étaient heureuses sous sa direction spirituelle. Il soutenait leur courage et leur dévouement en même temps, qu'il les dirigeait dans les voies de la perfection religieuse. M. Henrotte a toujours entretenu des relations de bonne entente avec la Commission des hospices et plus d'une fois il a mérité des éloges. » En 1846 il devint chanoine honoraire de la cathédrale de Saint‑Paul.

Nicolas Henrotte était un érudit qui professait un vrai culte pour l'histoire du pays de Liege; il possédait des collections remarquables de gravures, d'inscriptions funéraires et de sceaux qu'il mettait volontiers à la disposition des amateurs et qu'il légua après sa mort à l'abbaye de Val‑Dieu. Il publia un Tableau ecclésiastique de la ville et du diocèse de Liège et une Notice sur le séminaire de Liège, dans le Journal historique et littéraire, t. V, VI et VIII; deux études sur les Tombes liégeoises à Charleville et Le Tombeau de Régénard, évêque de Liège, dans le Bulletin de l'Institut archéologique; plusieurs travaux sur la musique religieuse et la liturgie et, ce qui nous intéresse ici spécialement, un Manuel des religieuses hospitalières. Ce livre, composé avant tout pour les Augustines dont il était le directeur spirituel, parut la première fois à Liège en 1849 et y fut réédité en 1894. Le gouvernement rendit hommage à son dévouement et à son érudition en le nommant Chevalier de l'Ordre de Léopold et membre correspondant de la Commission royale des Monuments. † Liège, le 22 avril 1897, âgé de 87 ans.


 

Auguste Hallewijck (1897‑1902).

Né à Ghistelles (Flandre Occidentale), le 29 juillet 1856, reçut l'ordination sacerdotale à Bruges, le 19 mai 1883 et fut, la même année, cédé temporairement au diocèse de Liège comme vicaire à Tongres. Le 7 octobre 1897 il devint aumônier de l'Hôpital de Bavière. En 1902 il rentra dans son diocèse d'origine et fut nommé directeur du pensionnat des Soeurs de Charité à Courtrai. Il fut par suite de maladie contraint de démissionner et mourut dans sa famille à Mistelles, le 29 novembre 1904.


 

Gérard Fryns (1902‑1909).

Né è Fouron‑Saint‑Martin, le 24 janvier 1863; prêtre depuis le 24 décembre 1893. Après avoir été vicaire à Bressoux il devint en 1902 aumônier à Bavière. En 1909 il fut nommé curé de Bois‑de‑Breux où il mourut le 5 janvier 1922.


 

Pierre Aussems (1909‑1912).

Actuellement curé à Moulland.


 

Corneille Brepoels (1912‑1923).

Actuellement chanoine honoraire et visiteur des communautés religieuses.

 

Alphonse Smeets (1923).

Titulaire actuel de l'aumônerie de l'Hôpital de Bavière.

 

SIGLES.


A C B. Archives du Couvent des Augustines de l'hôpital de Bavière.

A E L. Archives de l'Etat à Lièqe.

B I A L. Bulletin de l'Institut Archéologique Liégeois.



(1) histoire de Belgique, Bruxelles, 1911, t. IV, p. 301‑302.

(2) Recueil Héraldique des Bourguemestres de la noble cité de Liège, Liège, 1720, p. 352.

(3) Annuarium provinciae Belgicae FF. MM. Capuc., Fasc. V, Bruges 1884, p. 27‑28.

(4) Archives des capucins de Belgique, (Anvers), III, 1006, p. 49.

(5) De Provinciis Belgicis Fratrum Capucinorum. ms. conservé à l'Archivio di Statu à Milan, Busta 24.2.

(6) Cfr. le texte de Philippe de Cambrai dans l'appendice I.

(7) Fisen S. J., Sancta Legia Romanae Ecclesiae Filia, Liège, 1696, t. II, p. 406; Bouille, O. Carm., Histoire de la Ville et du Pays de Liège, Liége, 1732, t. III, p. 81; Les Délices du Pays de Liège, Liège, 1738, t. I, p. 238; Foullon, Historia Leodiensis, Liège, 1736, t. II, p. 373.

(8) Les statuts furent imprimés à Liège chez de Coerswarem en 1602 sous le titre Confraternitas Misericordiae per Reveriendiss. et Sereniss. Episcopum et Principem Leodiensem, Leodii anno 1602 erecta. Cfr. de Theux, Bibliographie Liégeoise, Bruges, 1885, col. 43.

(9) Le texte de cette donation se trouve sur une grande pierre en marbre noir conservée encore à présent dans la chapelle de l'hôpital, (cfr. Appendices).

(10) Gobert, Les Rues de Liège, Liège 1925, p. 175.

(11) Pirenne, op. cit., p. 313.

(12) Voir ce que nous dirons dans ce chapitre au sujet de l'arrivée des religieuses dès le mois de décembre 1602.

(13) Ces nouvelles bâtisses, conçues dans le même caractère architectural que l'hôtel Porquin, s'en distinguaient cependant nettement par l'emploi de matériaux moins riches. Tandis que l'ancienne construction était tout entière en pierre de taille, la nouvelle n'avait que les seuls soubassements en pierre, le reste était en briques. Gobert, op. cit., t. II, p. 153. La maison Porquin fut démolie en 1904 malgré les protestations énergiques des archéologues liégeois. BIAL, t. XXVIII. On n'en a conservé autre chose que quelques vitraux, datant de 1553. Ils représentent la parabole de l'enfant prodigue et sont ornés du blason de cette famille d'argent à la fasce d'azur chargée de trois étoiles d'or, coupé d'or à un sanglier de sable. Ils se trouvent dans les deux fenêtres de la travée rectangulaire du choeur de la chapelle de l'hôpital de Bavière.

(14) ACB, Reg. 1, p. 13: De l'institution et établissement des Soeurs pour le service des pauvres malades en la Maison de Miséricorde.

(15) Laurent de Brindes, supérieur général des capucins en 1602, fut béatifié en 1783. Les religieuses de l'hôpital possèdent l'original de ces lettres d'affiliation signées par le bienheureux à Arras, le 3 octobre 1602.

(16) Statuts ou Constitutions de Monseigneur de Bryas, Archevêque et Duc de Cambray, pour les Religieuses hospitalières du couvent et hôpital de Ste Marie Madeleine en la ville de Ath, Ath, 1899, p. 3-5, Historique de l'hôpital.

(17) Archives de l'hôpital de Ath. Reg. Enregistrement des titres ou annales véritables.

(18) Annuarium provinciae Belgicae, FF. MM. Capuc., op. cit, p. 27‑28.

(19) La chronique manuscrite de l'hôpital de Ath intitulée: Recueil des choses les plus mémorables qui concernent l'hôpital de la Madeleine contient au sujet de ce départ une erreur considérable, reproduite dans la notice imprimée placée en tête des Statuts ou Constitutions de Monseigneur Bryas. Elle dit que, à la demande du prince‑évêque Ernest de Bavière, plusieurs soeure furent envoyées pour organiser la maison de Bavière à Liège, en 1610. Il y a ici une erreur formelle tous les documents cités dans cette étude le prouvent à suffisance.

(20) Le registre de la Maison de Bavière écrit Breuket; ceux de Ath Breucquez.

(21) Au lieu du titre de Mater on donne habituellement à Bavière à la supérieure le nom assez singulier de Nomère, contraction de « Notre Mère. » Cette appellation n'était pas seulement usitée dans le langage courant des soeurs mais elle paraît aussi dans les documents écrits. Jusqu'au milieu du XIXe siècle la Commission des Hospices en fait usage dans sa correspondance officielle.

(22) La notice préliminaire des Statuts et Constitutions de l'hôpital de Ath affirme (p. 4) que ce fut « sous les règles adoptées à Ath » que l'on organisa la communauté de Liège. La grave erreur de date qui accompagne cette affirmation ne permet pas de lui faire crédit.

(23) Règles et Statuts de la Maison de Miséricorde, Liège, Streel, 1707, p. 3‑4.

(24) Cfr. Chap. IV.

(25) Archives de l'hôpital de Ath, Recueil des choses les plus mémorables, p. 28. Le narrateur, en décrivant ce nouveau costume, ajoute « comme il paraît par le portrait de Soeur Catherine Le Vaitte. » Ce portrait, conservé encore aujourd'hui, représente une religieuse vêtue d'un costume presque identique à celui que portent à présent les soeurs de l'hôpital de Bavière.

(26) A C B, Reg. 1, p. 13.

(27) AC B, Reg. 1, p. 13.

(28) Ibid., p. 14.

(29) La règle de 1626 réserve à ce haut fonctionnaire, qui devait toujours être quelque prélat de religion, le droit de recevoir les voeux avec la Mater. Ce statut existait‑il déjà dès les débuts ou bien ne fut‑il que consécration de l'usage introduit en 1604 par Diddens?

(30) Le décès de S. Barbe Breucquez est noté dans le registre Des noms et surnoms des Soeurs de l'hôpital S. Madeleine à Ath, le 3 mars 1626 (p. 138). - Celui de la Soeur Vincienne de Bois ne s'y trouve pas, mais il ne reste pas moins probable qu'elle finit ses jours dans cette communauté puisque l'obitaire (sic) de l'hôpital, écrit en 1755, note à la page 33: « Une messe le jour de S. Bonaventure pour Vincienne de Bois qui a laissé 12, 10 de rente sur une maison et héritage contenant six journels, rente dûe à présent par J. F. Olivier. » Le même registre rappelle aussi quatre messes en l'honneur de la Passion, pendant le mois de Juin, fondées par Barbe Breucquez.

(31) A C B, Reg. 1, p. 14. Ils habitaient à Liège le couvent de Jérusalem. On les appelait piédechaux ou piéchaux (déchaussés) pour les distinguer des conventuels qui occupaient le couvent de Hors‑Château.

(32) De la Compagnie de Jésus.

(33) Douai, chez Balthazar Bellere. Foppens, Bibliotheca Belgica, Bruxelles, 1739, t. II, p. 910; Sehoutens, O. F. M., Martyrologium Minoritico‑Belgicum, Hoogstraeten, 1901; Dirks , O. F. M, Histoire littéraire et bibliographique des Frères Mineurs en Belgique, Anvers, 1885, p. 129 ; Darras, Histoire du diocèse et de la principauté de Liège pendant le XVIe siècle, Liège, 1884, p. 651. Les sermons de Gazet à la Maison de Miséricorde furent traduits en allemand et publiés à Cologne en 1625.

(34) Règles et Statuts de la Maison de Miséricorde. Liège, 1707, p. 8.

(35) Ibid., p. 19.

(36) Gobert, op. cit. La première pierre, posée sans doute par le doyen Diddens, car elle porte ses armes et l'inscription Martin‑Diddens Decan. S.‑Petri Leodien, 1605, fut encastrée dans le mur extérieur du sanctuaire en dessous d'une niche contenant une statuette en bois de la Vierge avec l'Enfant Jé sus. Inventaire du mobilier des établissements civils et religieux de la ville de Liège, Liège, 1893, p. 220; Gobert, op. cit., p. 154. Lors du transfert de l'hôpital cette pierre a été replacée dans le mur extérieur de l'église qui donne sur la cour intérieure de l'établissement.

(37) On écrit aussi Saut, dans certains documents.

(38) Règles et Statuts, Ch. VI, § II.

(39) A C B, Reg. 1, p. 16.

(40) A C B, Reg. 1, p. 17.

(41) Préface des règles de la Visitation (1918), Oeuvres de Saint François de Sales. Edition complète, Annecy, 1931, t. 25, p. 10.

(42) P. Harsin, Dictionnaire d'Histoire et de Géographie ecclésiastiques, Paris, 1933, t. VII, col. 5.

(43) Gallia Christiana, Paris, 1876, t. 3, col. 995.

(44) D. U. Berlière, Monasticon belge, t. II, p. 53.

(45) Le Grand‑Vicaire de Chokier, étant également maître de la Compagnie, le conseil était au grand complet.

(46) Préface des nouvelles règles. (A C B, Reg. 1, p. 20).

(47) A C B, Reg. 1, p. 40.

(48) « Omnes qui de praesento illic existant ad vota religionis emitenda magno fervore ducuntur ». (Indult de Ferdinand de Ferdinand de Bavière).

(49) Il existe entre autres un nombre considérable de congrégations de « Soeurs Noires » vivant sous la règle de saint Augustin.

(50) T. II, p. 406.

(51) P. 352.

(52) T. III, p. 81.

(53) T. I, p. 238.

(54) Règles et Statuts de 1607, p. 32.

(55) op. cit., t. III, p. 323.

(56) J. de Theux, Le chapitre de Saint‑Lambert à Liège, Bruxelles, 1872, t. IV.

(57) A E L, Hôpital de Bavière, n. 128.

(58) Ibid., 9 novembre.

(59) Ibid., n. 129, Registre des Messes et anniversaires, 25

(60) Deux de ces statues portent les armes des donateurs.

(61) A C B, Reg. 1, p. 42.

(62) Règles et statuts, chap. VI, art. I.

(63) Cfr. Appendices; texte de l'induit.

(64) Pirenne, op. cit., t. V, p. 134.

(65) A C B, Reg., p. 43.

(66) In vere religiosarum tria Religionis vota sub Divi Augustini Regula profitentium... gratia.

(67) A partir de cette date Léonard Stockis parait dans les documents avec le titre de surintendant de l'hôpital. De 1618 à 1648 cet ecclésiastique éminent était curé de St. Servais; il devint plus tard chanoine et écolâtre de St. Pierre. Gobert, op. cit., t. V, p. 313.

(68) A C B, Reg., I, p. 43.

(69) Pirenne, op. cit., p. 135.

(70) A l'hôpital de Bavière.

(71) A C B, Règles et Statuts de 1626, p. 35, n° 37.

(72) A C B, Induit de Maximilien de Bavière, signé à Bruhl, le 26 avril 1670. Copie du XVIIIe siècle.

(73) A E L, Hôpital de Bavière, n. 129, Registre des Messes et anniversaires, 10 février. Au même registre à la date du 29 mars est notée une fondition analogue en 1681 par Catherine Fossé qui laisse 24 florins a donner « en boisson et viande » aux soeurs au jour de son anniversaire.

(74) Cfr. Appendices: Epitaphes.

(75) H. Lippens, O. F. M., Necrologium conventus Leodiensis dicti de Jerusalem Fratrum Miroruns, Quaracchi, 1912, p. 38.

(76) Cette belle pièce d'argenterie porte deux blasons ovales. Le premier taillé d'azur sous or au lion rampant couronné d'argent coupé de même à une fasce de sable chargée de trois étoiles d'or; le second coupé au chef, parti de... à trois roses d'argent à trois fuseaux de gueules mis en fasce, en pointe vairé.

(77) A C B, Reg., I, p. 45.

(78) Gobert, op. cit., Liège, 1894, t. I, p. 119.

(79) Pirenne, op. cit., Bruxelles, 1921, t. V, p. 157 ; Gobert, Histoire des Rues de Liège, Liège, 1894, t. I, p. 240.

(80) Manuscrit de Gossuart à la bibliothèque de l'Université de Liège (n. 1152).

(81) A E L. Hôpital de Bavière, 3. Registre des ordonnances et arrêts faits aux assemblées des maîtres, 3 octobre, 1691.

(82) Journal historique et Littéraire, Liège, 1834, t. I, p. 326. L'hospice des Incurables à Liège. P. Clerx, Notices sur les anciennes corporations religieuses de la cité de Liege, BIAL, 1865, t. VII, p. 300.

(83) En 1702 la famille de Surlet fit don à la chapelle de l'hôpital des six vitraux du choeur des moniales qui outre les armoiries de cette noble maison portaient ces inscriptions:

EN MEMOIRE D'ILLUSTRE ET GENEREUX SEIGNEUR MESSIRE CHARLE ANTHOINE COMTE DE LIE DEKERCKE, VICOMTE DE BAILLEUL, BARON DIACRE, SEIGNEUR DE HARLEN ET AUTRES LIEUX. ANNO 1702.

EN MEMOIRE D'ILLUSTRE ET GENEREUX SEIGNEUR MESSIRE ERASME GASPAR BARON DE SURLET ET DU SAINT EMPIRE, SEIGNEUR DE BERGINLERS, PAIR HEREDITAIRE DU COMTE DE NAMUR. ANNO 1702.

ILLUSTRE ET GENEREUX SEIGNEUR MESSIRE JEAN ERNEST BARON DE SURLET ET DU SAINT EMPIRE. CHANOINE DE L'EGLISE CATHEDRALE DE LIEGE. ANNO 1702.

EN MEMOIRE D'ILLUSTRE GENEREUX SEIGNEUR MESSIRE ERASME BARON DE SURLET ET DU SAINT EMPIRE. CHANOINE DE L'EGLISE CATHEDRALE DE LIEGE, SEIGNEUR DE VELROUX‑LEXHY, ETC... PRO­TECTEUR DES PERES ET PAUVRES DE CETTE VILLE. ANNO 1702.

EN MEMOIRE D'ILLUSTRE ET GENEREUX SEIGNEUR MESSIRE GILLE FRANCOIS BARON DE SURLET ET DU SAINT EMPIRE, CHANOINE ET ARCHID. D'ARDENNE EN L'EGLISE CATHEDR. DE LIEGE, PREVOST DE SAINT BARTHOLOME, FONDATEUR DES PERES CAPUCINS AU FAUBOURG DE SAINTE MARGUERITTE. ANNO 1702.

ILLUSTRE ET GENEREUX SEIGNEUR MESSIRE JACQUE IGNACE BARON DE SURLET ET DU SAINT EMPIRE. CHEVALIER VICOMTE DE MONTENAEK SEIGNEUR DU PAYS DE ROSSELAER, TRAISNEAUX, ODEUR, VELROUX, LEXHY, ET AUTRES LIEUX. ANNO 1702.

(84) Les soeurs gardent aussi un cérémonial qui semble être l'oeuvre du même copiste. Il porte comme titre: Livre contenant les cérémonies des vestitions, professions et jubilés à l'usage de la maison de Bavière à Liège, Outre‑Meuse escrittes par F. B. D. Religieux à Beaurepart, 1710.

(85) Le décret émana‑t‑il réellement de Joseph‑Clément de Bavière. Il semble assez probable qu'il n'en vit même pas le texte et que le vicaire‑général, usant des larges pouvoirs que lui concédaient les circonstances, approuva de sa propre autorité ces nouveaux statuts.

(86) Ch. XIV, p. 25.

(87) Liège, 1720.

(88) Ibid., n 3 Assemblée du 28 août 1715.

(89) Le chronogramme qui se trouve dans la banderole, tenue par l'Archange Je VoUs saLUe Marie pLeine De GraCe (1718) prouve suffisamment que cette attribution à Latour est inexacte puisque ce peintre naquit seulement en 1719.

(90) A C B, Reg., I, p. 48.

(91) Gérard Jamar de Maillen fut Pater de 1609 (erreur d’impression) à 1755. Les de Maillen portaient « coups en chef, parti de gueules au lion d'or et de sinople à la quintefeuille de gueules, en points d'or à trois peignes de gueules. »

(92) Cfr. p. 16.

(93) A E L, Hôpital de Bavière, 3, Assemblée du 22 novembre 1720.

(94) Ibid., f. 221.

(95) Ibid., avril 1723.

(96) A C B, Reg. 1, p. 50.

(97) A E L, Hôpital de Bavière, n. 129.

(98) Ibid., n. 4, f. 102.

(99) Ibid., f. 102.

(100) Ibid., n. 5, 1723.

(101) On garde à l'hôpital de Bavière le portrait de la Mère Hélène Libar signé Jaspar avec cette inscription: « Soeur Marie Hélène Libar, Jubilaire, âgée de 73 ans, professe de 53, laquelle pendant six ans qu'elle a été supérieure a gouverné cette maison avec une humilité, une douceur qui la font justement regretter de toute sa communauté. Le 11bre 1783 est décédée. » Dans la maison du noviciat se trouvent les portraits des Mères Fraiteur, Lahaye et Delcommune. Seul ce dernier est signé M. Aubé 1761.

(102) II faut mentionner ici spécialement les deux grands reliquaires avec buste de St. Augustin et de St. Lambert donné en 1760 de magnifiques garnitures d'autel en argent doré.

(103) A C B, Lettres d'authenticité copiées dans le registre 2, p. 1 et 2.

(104) A E L, Hôpital de Bavière, n. 5, f. 67 et 110.

(105) De Theux, Le Chapitre de S. Lambert, Bruxelles, 1871, t IV. p. 68, 70, 105; B I A L, t. VII, p. 220; t. XXVIII, p. 64.

(106) Journal Historique et Littéraire, Liège, 1834, t. I, p. 327.

(107) Pirenne, Histoire de Belgique, Bruxelles, 1926, t. VI, p. 105.

(108) Verhaegen, La Belgique sous la domination française, Bruxelles, 1926, t. 2, p. 216 ‑ 220.

(109) Gobert, op. cit., p. 156.

(110) Le 7 septembre 1799 défense est faite à la supérieure de vendre encore des médicaments à l'exception de l'emplâtre dite de Bavière; le 10 octobre 1800 on promulgua un nouveau règlement pour la brasserie dont l'administration avait été jusqu'a cette date laissée aux soeurs.

(111) Ces dispositions ne restent pas lettre‑morte. Le 1 mai 1812 une missive de la Commission des Hospices informe la supérieure que les soeurs qui ont à se plaindre des étudiants doivent rendre compte sur le champ à la Directrice qui fera rapport au Médecin en chef » et le 16 juillet de la même année, à la suite d'une plainte, on écrit à la supérieure que « des mesures sont prises pour défendre aux étudiants l'entrée de tous les locaux autres que ceux affectés aux cours ». On prie l'économe de faire connaître si ces dispositions sont rigoureusement observées. Les mêmes préoccupations se manifestent aussi dans un arrêté du 10 septembre 1806 où il est dit que les officiers de santé doivent avoir pour les hospitalières « tous les égards que mérite leur dévouement », A C B, Reg. 3, Analyse de la correspondance avec la Commission, p. 18.

(112) A C B, Reg. 3, p. 8.

(113) Pendant les opérations militaires de nombreux soldats blessés avaient été amenés à Bavière. Le 17 mars 1814 la Commission félicita officiellement les Augustines pour le dévouement qu'elles avaient montré en cette circonstance. A C B, Reg. 3, p. 19.

(114) Journal historique et littéraire, Liège, 1854, t. I, p. 132, 327.

(115) En 1806 on les avait installés dans la « place aux archives »! Quand on les en évacua les officiers de santé se haterent d'accaparer cette salle pour les dissections (A C R. Reg. 3, p. 20). Faut‑il s'étonner après cela de la perte de nombreux documents conservés dans un local à tout usage.

(116) A C B, Documents du Régime Hollandais. Procès‑Verbal de la Séance du 27 mars 1827.

(117) Elle avait été élue le 3 mai 1813 pour succéder à la Mère Marie Catherine Fivé, décédée le 30 avril de cette année à l'âge de 83 ans après avoir gouverné la communauté pendant quinze ans et sept mois.

(118) Lettre du 10 mai 1816.

(119) A C B, Reg., 3, p. 19.

(120) A C B, Reg. 2, p. 86.

(121) Cette loi déclare formellement que les soeurs dépendront pour le spirituel de l'autorité diocésaine; elle ne considère donc pas les hospitalières uniquement comme des agents dépendant de l'administration civile.

(122) A C B, Reg. 2, Lettre du 14 juin M. Barrett, p. 85.

(123) Elle était décédée à Dison le 15 mai 1820.

(124) Cf. p. 83.

(125) ACB, Reg. 3, p. 13.

(126) Cfr. p. 92.

(127) Les deux soeurs, Joséphine Pirson et Marie Joins, entrées en 1809 et 1810, étaient décédées en 1819 à quelques jours d'intervalle.

(128) ACB, Reg. 3, p. 23.

(129) Terlinden, Guillaume I et l'Eglise catholique en Belgique, Bruxelles, 1906, t. I, p. 475.

(130) Une copie de la lettre se trouve avec la correspondance relative à la demande d'admission de novices en 1823.

(131) A C B, Reg. 2, p. 72. Cette mesure était d'autant plus inique que le chiffre des malades était toujours très élevé. On eut à en soigner 1420 en 1817 et 1291 en 1822.

(132) Un nouveau décret était venu augmenter les peines de la communauté. Le 27 décembre 1825 la régence expédiait une dépêche officielle pour ordonner la fermeture de l'église pour le public et défendre d'y faire à l'avenir la prière des XL heures « les chapelles des hospices ne pouvant être considérées que comme chapelles domestiques à l'usage du personnel des dits établissements. » A C B, Reg. 2, p. 28.

(133) A C B, Reg. 3, p. 26‑30.

(134) Extrait du procès‑verbal du 17 mai 1826.

(135) A C B, Reg. 3, p. 37.

(136) Ibid., p. 44.

(137) Ibid., p. 59.

(138) A C B, Reg., 2, p. 31.

(139) Dépêche du 22 décembre 1831.

(140) A C B, Reg., 2, p. 31.

(141) U. Capitaine, Le dernier des chroniqueurs liégeois, Recueil de particularités, BIAL, 1853, t. II, p. 165.

(142) Journal Historique et Littéraire, Liège, 1833, t. I, pp. 145‑148.

(143) Rapport de la Commission des hospices, 1844.

(144) Liège, Lardinois, 1851, in plano.

(145) Elle était fille de Jean François van Overstraeten, juge de paix de Léau. Née en 1807, elle était entrée à vingt‑deux ans à Bavière et comptait lors de son trépas à peu près quinze ans de profession.

(146) Rapport de la Commission des hospices, 1863.

(147) A C B, Lettres du 9 juillet - 14 octobre 1854.

(148) Rapport du collège des Bourgmestre et Echevins sur le régime intérieur des hospices, Liège, 1863, p. 6.

(149) Rapport présenté par la Commission administrative au Collège des Bourgmestre et Echevins de la Ville de Liège, Liège, 1866, p. 34‑36.

(150) La Commission des hospices avait rejeté énergiquement la proposition d'enlever aux supérieures des autres hospices la direction de ces maisons, les motifs, qui l'avaient guidé à Bavière n'existant pas pour ces établissements. Les Augustines n'avaient donc aucun motif pour résister à une mesure qui n'avait aucune tendance vexatoire.

(151) E. Ziane, Rapport présenté au nom de la commis­sion spéciale chargée d'examiner les règlements intérieurs des hospices civils, p. 20‑23.

(152) A. Dejardin, Notice sur le Collège des Jésuites Anglais à Liège, Liège, 1865; P. Clerx, Notices sur les anciennes corporations religieuses de la cité de Liège, BIAL, 1865, t. VII, p. 229; Gobert, op. cit., (1925), p. 56-57; J. Darras, Notices historiques sur les églises du diocèse de Liège, Liège, 1885, t. XII, p. 171; Laumont, Manuel du Visiteur des Pauvres, La Charité à Liège, Liège, 1897, p. 78.

(153) Construction d'un hôpital dans la propriété dite des Anglais, Liège, Vaillant, 1878.

(154) Délibération de la Commission administrative en date du 21 juin 1876, Liège, 1876.

(155) Rapport de la Commission spéciale instituée pour l'agrandissement et l'amélioration de l'hôpital de Bavière, Liège, 1867, p. 15.

(156) Construction d'un hôpital, op. cit., p. 6‑7.

(157) F. Putzeys, Les projets de reconstruction de l'hôpital de Bavière, Liège, Vaillant, 1888; A. Swaen, et F. Putzeys, Id., Réponse à l'échevin Stévart et le Docteur Petithait, ibid., 1888; Le nouvel hôpital universitaire, Liège, Impr. Liégeoise, 1888; L. P. Que fera-t‑on à Bavière, Liège, Desoer, 1868.

(158) On enchassa dans le mur extérieur la pierre avec les armoiries du doyen Diddens dont nous avons parlé, p. 32. La nouvelle église de Bavière fut consacrée le 11 novembre 1899 par Mgr. Doutreloux, évêque de Liège.

(159) La Gazette de Liège consacra trois articles fort intéressants, le 24 novembre 1878, le 12 juin 1887 et le 1 novembre 1905, à l'oeuvre d'Elise Thonart. Les Augustines possèdent aussi une relation manuscrite détaillée au sujet de cette entreprise si édifiante et de sa fusion avec leur institut; c'est un récit attachant et pittoresque dû à la plume d'un de leurs anciens aumôniers.

(160) La Maison S. Joseph s'y prêtait d'autant plus que depuis 1895 elle s'était accrue du magnifique hôtel de Madame Buckens qui venait de mourir.

(161) Elle mourut le 29 octobre 1905. On lui consacra une notice nécrologique, parue à Liège, sans firme, sous le titre Elise Thonart, Anne Joseph des Soeurs de S. Augustin.

(162) Vicomtesse de Spoelbergh, La Belgique charitable, Bruxelles, 1904, p. 545.

(163) J. Cuvelier, La Belgique et la Guerre, t. II, Bruxelles, 1921, p. 82‑86.

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