En 1688, l'Allemagne s'unit à la Hollande, à l'Espagne et à l'Angleterre pour lutter contre Louis XIV, qui lui avait lancé une déclaration de guerre.
La principauté de Liège avait voulu conserver la neutralité dans ce conflit, mais aucun des pays belligérants n'entendit lui réserver cet avantage. Bien plus, afin de l'obliger à se déclarer hostile à la France, les Etats généraux de Hollande lui envoyèrent en 1689, quatre régiments, qui s'emparèrent de la Chartreuse et menacèrent la cité d'un bombardement, si elle ne cédait pas à leurs exigences. Pour éviter ce péril, force lui fut de se prononcer contre la France. Louis XIV envoya alors, en 1691, sur notre territoire, 60 escadrons et 20 bataillons, qui s'installèrent dès le 1er juin, sur les hauteurs de la Chartreuse, avec 12 mortiers et des canons, sous le commandement du maréchal de Boufflers. Pendant toute la journée du 4 juin, jusqu'à minuit, les bombes et les projectiles incendiaires plurent sur la ville. Ils ravagèrent, non seulement les quartiers de la rive droite Amercœur, Outremeuse, Longdoz, la Boverie, mais aussi l'importante partie de la ville comprise entre la place Paul Janson et la place du Vingt-Août. L'hôtel de ville, l'église Sainte-Catherine, les quartiers de la Madeleine et du Marché furent transformés en un monceau de ruines. La plupart des localités suburbaines furent aussi dévastées.
Quand la tourmente fut passée, les Liégeois réédifièrent leurs habitations. Il ne leur fut plus permis de faire avancer les étages au-dessus de la voie publique, parce que cet usage présentait maints inconvénients dont le principal était de constituer une entrave pour la circulation des véhicules. Les bâtiments furent reconstruits plus beaux et plus élevés qu'auparavant. Quelques-uns furent déjà achevés à la fin de l'année 1691, notamment ceux du quai de la Goffe. On proscrivit également les maisons en colombage, à cause des grands dangers qu'elles présentent pour la propagation des incendies, fréquemment allumés lors des troubles politiques.
Au cours du XVIIIe siècle, Liège vit appliquer dans la construction de ses édifices, les cinq formules d'art suivantes: le style Louis XIV, le style Régence, le style Louis XV, le style Louis XVI et le style pseudo-byzantin.
A. L'époque Louis XIV
Mais en faisant peau neuve, la ville de Liège répudia le mode de construction qui fut employé dans toute la principauté au siècle précédent, l'un des plus agités de son histoire, tandis que le XVIIIe siècle fut, pour le Pays de Liège, comme pour les Pays-Bas, une époque de repos bienfaisant et de restauration économique. Elle ne voulut plus de fenêtres à meneaux comportant des vitrages aux petits éléments sertis de plomb; il lui fallut des fenêtres « à la française », c'est-àdire deux ouvrants à petits bois. Elle adopta ainsi le style à la mode, le style Louis XIV, qu'elle plia à ses goûts, et que certains auteurs ont appelé le style Del Cour, à cause de l'influence que cet artiste de génie exerça sur tous les arts à Liège à cette époque.
A. - L'HOTEL DE VILLE
Froid, solennel, mais de proportions réellement heureuses, l'Hotel de Ville est bien caractéristique du temps de sa construction (1714-1718).
Il comporte un soubassement occupé par des bureaux et une geôle, un rez-de-chaussée, un étage et des combles. Sa façade principale présente un avant-corps central et deux ailes. Elle est précédée d'un large perron à deux volées d'escaliers conduisant au rez-de-chaussée, qui est très élevé. Ce perron est bordé d'une rampe à balustres dont les points de départ et d'arrivée sont surmontés d'une pomme de pin. Le perron a été emprunté par nos ancêtres, aux châteaux du moyen âge, où il constituait un signe de puissance et de juridiction. C'est de cette plate-forme architecturale, que les magistrats de la cité proclamaient les volontés du gouvernement populaire. Aussi, quand une commune avait perdu ses droits, à la suite d'une rébellion ouverte, on lui enlevait cette tribune.
Les fenêtres du rez-de-chaussée ont un linteau droit formant larmier; la clé est traitée comme une console. Celles de l'étage ont le même encadrement, mais elles sont surmontées d'un linteau courbe ou triangulaire. La grande porte d'entrée, en style Louis XIV, s'abrite sous un balcon à ferronnerie.
Le fronton qui couronne l'avant-corps central est orné des armoiries du prince régnant joseph Clément de Bavière (R. 1694 - 1723) et des bourgmestres régents en exercice: Michel Nicolas de Lohier et Louis Lambert de Liverlo. Ces écus sont accompagnés du millésime 1718.
Les angles de l'édifice sont renforcés par des pierres de taille à refends.
A la façade postérieure, les bâtiments entourent une cour qui est clôturée par une grille en fer forgé.
La vaste salle des pas perdus est de caractère sévère; elle est ornée de huit grandes colonnes doriques monolithes avec pilastres correspondants et chambranles ornés, le tout en marbre noir de Theux. Les trois portes qui s'ouvrent sur chaque côté, sont surmontées d'une coquille en marbre noir contenant un buste de femme en marbre blanc, que l'on dit représenter six Vertus.
La galerie avec balustrade en fer forgé qui occupe le fond de la salle, est supportée par quatre Termes en chêne, de stature colossale.
Maintes salles du monument possèdent d'imposantes cheminées et leurs plafonds sont artistement décorés.
B. - LA FONTAINE DU PERRON.
Située sur la place du Marché, la fontaine du perron a été exécutée en 1698 sur les dessins de jean Del Cour. C'est une construction heptagonale posée sur un corps d'architecture et supportée par sept colonnes d'ordre toscan, formant portiques. La corniche est surmontée d'une galerie couronnée par une colonne posée sur cinq consoles et quatre lions; trois déesses en marbre blanc adossées, soutiennent une pomme de pin garnie d'une croix au sommet.
Voici la description rimée qu'en a donnée le poète liégeois Jean Polit né en 1554:
Liégeois! c'est le blason de ton pays hautain,
Tel que lui ordonna Saint Hubert Aquitain:
Tu vois, haute élevée, une ronde colonne,
Signe de liberté, municipe de Rome;
Tu vois aussi la croix sur la cime honorée,
Signe que la province en Dieu prend sa durée.
Et puis la pomme ronde au sommet, pour signal
Que tout l'estat se tient par droit impérial.
Mais qu'est-ce des Lions au bas de l'écusson
Soustenans ce pin droit, d'une brave façon?
Ce monstre que les tiens pour la foy et patrie
Hardis comme lions, hasarderont leur vie.
La galerie placée au-dessus des arcades était primitivement décorée de six bustes en marbre blanc qui ornent aujourd'hui la salle des pas perdus de l'hôtel de ville.
En 1720, l'édifice fut entièrement rétabli en marbre de Saint-Remy. Il porta jusqu'à la Révolution française, sur la face du piédestal regardant vers l'hôtel de ville, les armoiries du prince joseph Clément de Bavière et celles des bourgmestres Melchior de Bounameaux et Antoine Théodore de Hislaire.
En 1848, les bassins, la galerie supérieure et les colonnes en forme de balustres soutenant cette galerie, furent remplacée par d'autres pièces analogues, soit en fonte, soit en pierre de taille.
Le Perron est l'enseigne de la cité de Liège depuis de nombreux siècles. Sous l'ancien régime, la promulgation des actes dits « les Cris du Perron » (élection des bourgmestres et des jurés, mercuriales, prix officiels de vente, exploits par coutumace, sentences de bannissement, amnisties générales, etc.) avaient lieu au pied du Perron. A son de trompe ou de trompette, et devant le peuple assemblé, on publiait les règlements de la cité ou l'on promulguait les mandements et les édits princiers. C'est ainsi qu'il devint le symbole des franchises communales et que la Violette le choisit pour emblème politique.
Le style Louis XI V appliqué à la construction des églises a pour principale caractéristique, l'emploi dans les façades, d'un ordre colossal de pilastres. Les sanctuaires qui en relèvent sont ceux de Sainte-Catherine, de Saint-Nicolas, des Carmélites déchaussées et de Saint-Georges L'église des Ursulines (démolie en décembre 1937) et celle de SaintRemacle ont été bâties à cette époque.
1. - L'EGLISE SAINTE-CATHERINE
L'église sainte-Catherine, rue Neuvice, a été rebâtie immédiatement après le désastre de 1691. Elle a été longtemps desservie par les Pères de la Compagnie de jésus. Elle est couronnée d'une coupole à pendentifs.
2. - L'EGLISE SAINT-NICOLAS
L'église saint-Nicolas qui datait de la fin du XVIe siècle, souffrit beaucoup du bombardement de 1691. Elle fut complètement rasée et, de 1710 à 1725, on reconstruisit le temple actuel, qui fut consacré en 1729.
C'est une des églises les plus vastes de la ville. Sa façade est creusée de niches qui abritent les statues de saint François, de saint Antoine de Padoue et de sainte Claire. Elle est dominée par un clocheton moderne (1843) qui a remplacé le petit campanile s'élevant jadis sur la croisée du transept. Elle se compose d'un vaste choeur et d'un vaisseau à trois nefs et à quatre travées séparées par d'énormes colonnes â chapiteaux doriques en pierres bleues appareillées. La voûte de briques repose sur des arcs doubleaux et des nervures diagonales qui s'appuient, non pas sur les chapiteaux des colonnes mais sur des consoles en pierre représentant des têtes de saints franciscains.
3. - L'EGLISE DES CARMELITES DECHAUSSEES
L'église de Carmélite de la rue du Potay fut construite en 1720. C'est un vaste édifice bâti sur plan rectangulaire et mesurant intérieurement 26,65 m. de long sur 11,80 m. de large. La façade principale est ornée de quatre grands pilastres à refends qui soutiennent un fronton triangulaire orné du monogramme: IHS sculpté et encadré d'une couronne ovale de laurier. Au centre de cette façade, une grande niche à fronton abrite une statue colossale de N. D. du Mont Carmel portant l'Enfant, couronnée, le sceptre et le scapulaire en mains. La porte d'entrée, à laquelle on accède par cinq marches, est ornée d'un chambranle fortement profilé en pierre avec clé sculptée et fronton triangulaire. L'intérieur ne présente qu'une nef très bien éclairée par de grandes fenêtres; les murs sont décorés de pilastres à chapiteaux moulurés supportant les retombées des arcs doubleaux et des nervures croisées de la voûte cintrée faite en briques.
4. - L'ANCIENNE EGLISE SAINT-GEORGES
L'ancienne église saint Georges, en Féronstrée, sert aujourd'hui de salle de vente et de salle de danse.
Au milieu de la voûte du choeur, un vaste cartouche porte l'inscription suivante OCTINGENARIA RVEBAM SVB PONTHIER PAROCHO FVNDITVS EXSVRGO (Huit fois centenaire, je tombais en ruines; sous le curé Ponthier, je me relève de fond en comble).
Ce chronogramme, qui donne l'année 1739, est fautif, car l'église primitive fut construite en 1141 et détruite entièrement en 1468.
La façade est restée telle qu'elle se présentait au XVIIIe siècle, du moins dans ses grandes lignes. Les ailerons qui contrebutaient le gâble terminal, ont été supprimés au début du XXe siècle.
L'ordonnance générale est formée d'un ordre colossal de quatre pilastres ioniques, au milieu desquels se place la vaste porte d'entrée, qui est précédée de quelques marches.
Cette façade présente donc le caractère hybride d'un édifice de transition.
5. - L'EGLISE SAINT-REMACLE
L'église Saint Remacle fut construite en 1715 et consacrée seulement le 1er mai 1730. Elle occupe l'emplacement d'un antique sanctuaire qui fut édifié en 1071. Le frontispice et l'intérieur du temple sont d'ordre toscan, qui diffère de l'ordre dorique, par l'emploi d'un piédestal et par un entablement simplifié où ne figurent ni triglyphes, ni métopes, ni guttules.
6. - LA CHAPELLE ANNEXEE À L'ORPHELINAT DES GARÇONS,
La chapelle, rue du Vertbois, a sa façade ornée d'un grand médaillon présentant une longue inscription avec la date 1703.
*
* *
Le style Louis XIV a été peu employé dans la construction totale des maisons liégeoises du XVIIIe siècle. C'est plutôt dans les portes et dans les linteaux des fenêtres qu'on l'y rencontre. Il subsiste cinq spécimens intéressants des premières dans les constructions suivantes: église SaintDenis (du côté de la place), hôtel de Sélys, rue Mont-SaintMartin, 9-11, entrée principale de l'hôtel de ville, hôpital de Bavière (remploi encastré dans le nouveau bâtiment du côté du boulevard de la Constitution) et rue Chéravoie n° 11. Dans cette dernière porte, on constate une admirable mouluration: piédroits, imposte, ouverture en arc plein cintre et larmier horizontal, clés et écoinçons de l'arc finement sculptés.
Le linteau des fenêtres est l'un des éléments les plus caractéristiques de l'architecture liégeoise. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, il est rectiligne et il se raccorde aux piédroits par des accolades.
A la fin du règne de Louis XIV, on commence à abandonner les fenêtres à meneaux. Le linteau, dépourvu de son soutien central, réclame une pierre résistante et de grande dimension, que ne peuvent lui fournir nos carrières, parce que le calcaire de Meuse est friable et renferme des fossiles, parfois en très grande abondance. D'où la nécessité pour les architectes, d'appareiller les linteaux, au moyen de blocs formant claveaux; on dit alors qu'ils sont clavés à bossages, à rustiques ou à refends. Les linteaux adoptent la forme ondulée tout en maintenant un petit larmier à leur partie supérieure ou seulement au-dessus de la clé.
Celle-ci est le complément obligé du linteau. Aussi estelle l'objet d'une décoration spéciale qui met en évidence son rôle constructif. L'ornementation de cet organe, qui n'a souvent qu'un caractère d'applique consiste dans la palmette, l'élément le plus caractéristique du style, mais avec cette double particularité que les lobes, au lieu de se détacher et de rappeler ainsi les rayons du soleil, restent groupés et se terminent par une perle.
La coquille sert d'agrafe aux linteaux. Ses bords sont retroussés à l'envers; elle n'est pas creuse, mais en relief. Elle occupe le plus souvent le centre d'un motif.
Voici, dans les rues suivantes, quelques-unes des maisons où l'on peut observer ces particularités: Féronstrée: 16, 20, 166, 133, 137. Cette dernière est entièrement sculptée en léger bas-relief composé de feuilles d'acanthes, de palmes, de coquilles, de rinceaux, de guirlandes avec noeuds de rubans, de branches feuillues. L'entrée du côté de la place des Déportés présente les deux inscriptions suivantes, accompagnées des armoiries des deux époux: « 1684. Jean de Bicken, marchand bourgeois de Liège, Maitre de Céans, et Gertruidt de Fremondt, son espeuse ». Warche: 2 (1692). Pont: 6, 9 (1760), 19. Neuvice: 11, 25 (1732). Place du Marché: 31, 41, 43, 47 (1724), 45 (1725), 17, 39. Mineurs: 2, 23. Quai de la Batte: 9, 31. Place Foch: 4. Saint-Séverin: 22. Mont-Saint-Martin: 45 (façade méridionale). Bégards (maison Chaudoir). Place Xaxier Neujean: 19. Célestines: 14 (1717) ancien hôtel des barons de Crassier, aujourd'hui école Froebel. Place des Carmes (hôtel des Ardennes). Vinâve d'Ile 18. Puitsen-Sock : 29, 22, 24, 56 (1707). Hors-Château 13, 65, 56 (1703), 22 (1719), 39 (1729). Chaussée-des-Prés: 11, 35 (1693), 47. Saint-Thomas: 28, R. Saint-Paul: 42 (1738). Saint-Gilles: 61 (Au Soleil d'Or 1712).
B. Le style Régence
Le style Régence s'applique surtout aux demeures des gens de qualité. La « columnaison », si chère au style précédent, ne s'emploie que dans les avant-corps centraux des habitations très nobles, comme le Palais. Le pilastre luimême, si discret, si léger, disparaît. Les supports se maintiennent cependant dans les intérieurs. Les hôtels des particuliers ou des riches négociants affichent « un air de supériorité » dans le fronton qui couronne l'avant-corps, souvent orné d'un bas-relief allégorique, et dans le balcon, qui s'avance « au bel étage », porté sur des consoles chantournées et garni d'élégantes ferronneries.
La façade est faite en briques très rouges, de petit formal, et en pierres de Meuse. Des refends au rez-de-chaussée et aux montants angulaires, une corniche à grande gorge bien profilée donnent un cadre élégant à l'ensemble des pleins et des vides répartis dans des proportions harmonieuses.
Le cintre de la porte et l'arc léger des grandes baies sont ornés à la clé, de fines agrafes où sont sculptées des coquilles de formes extrêmement variées, des acanthes, des feuillages, des fleurs, des figures humaines. L'imposte est enrichie de motifs découpés avec fantaisie dans le bois ou forgés dans le fer. La menuiserie des fenêtres est à petits bois. Le vitrage miroite de petits carreaux irisés, bleus ou roses alternés.
Les pièces du rez-de-chaussée sont réservées pour l'apparat et celles de l'étage, pour « la commodité ». Elles ne se commandent pas: elles ont chacune leur issue. L'escalier monumental a tendance se rapetisser, mais il conserve encore de belles dimensions. Il s'accompagne de rampes légères en fer forgé avec départs gracieux.
Nos habiles artisans couvrent de délicates sculptures, les portes, les lambris, les volets des fenêtres. Les cheminées, faites en marbre, sont surmontées de glaces, qui grandissent, égaient et animent les appartements.
Bref, le solennel, le grandiose sont bien passés de mode; l'art s'humanise et marque l'influence de plus en plus prépondérante que la femme exerce dans la société.
A Liège, le style Régence a une durée d'une trentaine d'années; il se place entre les dates de construction de l'hôtel d'Ansembourg (1735) et la maison Breuer (1765) à Coronmeuse.
1. - L'HOTEL D'ANSEMBOURG.
L'hôtel d'Ansembourg fut construit entre les années 1735 et 1740 sur un terrain faisant autrefois partie des cloîtres de la collégiale Saint-Barthélemy, pour le compte de Michel Willems ou de Willems, époux de Marguerite de Hayme. A cette époque, le jardin s'étendait derrière la maison jusqu'à la Meuse.
Michel de Willems eut deux enfants l'aîné Nicolas mourut sans postérité; la cadette Marie-Anne épousa JeanBaptiste de Hayme de Bomal et eut deux filles; l'aînée épousa le comte d'Ansembourg et hérita de la propriété de son oncle.
En 1849, l'hôtel, qui aurait dû porter le nom de celui qui l'avait fait construire, fut acquis par M. Jongen. En 1902, sur le point d'être vendu et transformé, il fut acheté par la Ville de Liège, qui le sauva ainsi de la destruction ou de la transformation toujours à craindre. Elle y installa alors un musée d'arts décoratifs et un cabinet de dessins et d'estampes qui furent inaugurés le 10 septembre 1905. Par lettre du 30 avril 1923, elle en confia la gestion à l'Institut archéologique liégeois. La véritable destination de ce magnifique hôtel devrait être cependant de présenter la reconstitution exacte d'une demeure de riche bourgeois du XVIIIe siècle.
L'hôtel d'Ansembourg est l'un des plus beaux spécimens de notre pays de l'habitation patricienne de style Régence, tant sous le rapport de ses grandes lignes architecturales que sous celui de sa magnifique décoration intérieure. La Commission royale des Monuments l'a rangé dans la deuxième classe des édifices civils les plus remarquables de la Belgique. Pour plusieurs historiens de l'art, il constitue le type des demeures aristocratiques mosanes du XVIIIe siècle.
La façade principale a 27 mètres de longueur. Elle est d'une grande simplicité et est très harmonieuse, avec une juste répartition des pleins et des vides. Elle est en briques de petit format avec encadrements en pierres bleues aux portes et aux fenêtres, lesquelles ont leurs linteaux courbes ornés d'agrafes sculptées. Une porte cintrée à deux vantaux, que flanquent cinq fenêtres de chaque côté, s'ouvre au milieu du rez-de-chaussée. Sa clé d'arc réunit des guirlandes ornant les écoinçons. L'étage est éclairé par onze fenêtres dont la centrale, porte-fenêtre, donne accès à un balcon garni d'une grille en fer forgé et portant le chiffre du premier propriétaire (M. W.). Un fronton triangulaire orné d'un bas-relief symbolisant le Printemps et rappelant la composition d'un stuc du hall, couronne le centre de la construction, à hauteur de la corniche.
L'hôtel d'Ansembourg tire à juste titre sa réputation de ses décors intérieurs. Il n'est pas une reconstitution intégrale d'une maison patricienne du XVIIIe siècle. On a cherché à y grouper avec intelligence, des meubles, des tapisseries, des tableaux et des objets appartenant au XVIIIe siècle et qui caractérisent parfaitement la plus belle des périodes artistiques de notre passé.
Le hall occupe le centre de la construction; il donne sur la rue, mène aux divers appartements du rez-de-chaussée et conduit à l'étage par un escalier d'honneur de grandes dimensions et orné d'une très gracieuse rampe en fer forgé. Le plafond est décoré de somptueux motifs en stuc, des « gypseries », qui ont été préservées de la destruction par leur fragilité même, qui ne les rendait pas monnayables. On voit des entrelacs, des palmettes retroussées de feuillages enroulés, des vases de fleurs, un amour tenant une torche. Aux quatre coins, des motifs symbolisant les saisons, qui ont probablement été exécutés par des stucateurs italiens spécialisés dans ce genre de décoration.
A remarquer les merveilleuses boiseries des portes en chêne, sculptées sur les deux faces en plein bois, les délicates sculptures des volets et celles des lambris recouvrant les parements des murs.
Le somptueux salon aux tapisseries possède de magnifiques boiseries et un remarquable plafond en stuc où une multitude de putti se servent d'instruments de musique et font cortège à des muses et à Apollon. La cheminée en marbre de Saint-Remy est ornée sur la hotte, de rocailles, au foyer, de briques moulées et, au pavement, d'ardoises posées sur champ.
Les murs de la cuisine et de l'office sont recouverts de carreaux de faïence dite de Delft, mais qui ont peut-être été fabriquées à Liège. Ils présentent une quantité de détails charmants.
La cage d'escalier, conçue pour les réceptions d'apparat, est d'une ampleur remarquable. Elle possède une rampe en fer forgé dont le mérite égale celui du Val-Notre-Dame. Elle est divisée en panneaux qui présentent un motif dont la partie centrale est inspirée de la palmette. Son plafond est orné de stucs tumultueux.
La salle de droite a un plafond qui fut peint en 1741 par J.-B. Coclers. C'est une vaste composition traitée avec maîtrise dans une belle gamme de couleurs, de perspectives aériennes et de sujets allégoriques.
2. - LA MAISON SKLIN.
La maison Sklin (rue Hors-Château, 5) est un des principaux hôtels patriciens liégeois du XVIII siècle. Sa façade est ornée d'un fronton où s'inscrit la date de la construction de l'édifice 1765 et dans lequel est figurée en bas-relief, une allégorie qui pourrait s'intituler: « La justice écoutant les conseils que lui donne la Loi » et qui fait allusion aux fonctions de conseiller privé du prince-évêque NicolasCharles d'Oultremont de son constructeur, le jurisconsulte Nicolas-Joseph de Spirlet. La Ville de Liège l'a acheté pour la somme de un million quatre cent mille francs, dans le courant de l'année 1929, au dernier occupant, M. Sklin.
La façade de ce magnifique hôtel se compose:
1° d'un léger avant-corps central surmonté d'un fronton et mesurant à peu près le tiers de la longueur de l'édifice, ensuite, de deux ailes, de structure identique, terminées par des avant-corps de faible avancée;
2° d'un haut soubassement en pierres de taille à refends; d'un rez-de-chaussée avec huit hautes fenêtres en arc surbaissé et une porte cochère cintrée dont l'imposte est ornée d'une belle ferronnerie; d'un étage éclairé par sept fenêtres semblables à celles du rez-de-chaussée et par deux portes-fenêtres dans les avant-corps latéraux; ces dernières s'ouvrent sur un balcon supporté par des consoles artistement sculptées et garni d'une ferronnerie d'un dessin élégant; d'un haut toit en batière avec trois barbacanes de chaque côté du fronton, les deux extrêmes couronnant les avant-corps sont contrebutées par d'énormes volutes. Le linteau des fenêtres et de la porte cochère est orné d'une belie agrafe montrant une coquille aristement sculptée.
Le hall est pavé de marbre blanc et noir; il est orné de larges pilastres peints en imitation parfaite de marbre, à base de marbre et à chapiteaux ioniques en plâtre sculpté. Entre ces pilastres, sont creusées des niches en plein cintre abritant des statues de grandeur nature qui représentent l'une, un guerrier, l'autre, une Minerve casquée portant lance et bouclier. Les murs sont ornés de bas-reliefs en plâtre. Trois portes à deux vantaux en chêne sculpté donnent accès dans différentes pièces la salle à manger, le petit salon et le grand salon. La décoration de ces pièces comporte principalement une cheminée en marbre de Saint-Remy, un parquet, ou en chêne ou en marbre blanc et noir, des lambris et des volets sculptés et dorés, des toiles peintes, des glaces. Le salon chinois est ainsi dénommé parce que ses murailles sont garnies de peintures représentant des fils du Céleste Empire évoluant dans des décors familiers.
Dans le vestibule, est logé l'escalier d'honneur, qui est en chêne. Sa rampe, qui est d'une ligne élégante, est en fer forgé. Jusqu'à la hauteur du premier étage, les murs sont garnis de pilastres ioniques polychromés encadrant des panneaux décorés à fresques.
3. - AUTRES CONSTRUCTIONS.
Hors-Château: 110 (1748, 28, 30, 40, 54, 61 (Louis XIVRégence): les baies sont surmontées d'une tête de femme couronnée de guirlandes de fleurs; à la porte cochère, tête d'homme entourée de draperies; 39 (1750), 72, 41, 92, 128. Féronstrée: 64, 66, 76, 159 (1759 et 1833; cette dernière date est celle d'une restauration), 146 (1752). Quai de la Batte: 1, 26, 31. Quai de la Goffe: 11 (1755), 15, 17, 19. SaintSéverin: 102. Agimont: 8. Saint-Laurent: 9. Haute-Sauvenière 17. Saint-Paul: 31 (1767). Place Saint-Paul: 5. Augustins: 44 (façade qui a appartenu à l'hôtel de Laminne démoli en 1854 lors des travaux de percement de la rue Cathédrale). Entre-deux-Ponts: 13. Place du Marché: 14 (1750), 5, 7, 9, 11 (1760), 13 (1740), 33. Quai Saint-Léonard: 35. Large : 5. Tanneurs: 2 (1752), 35 (1764), 11, 13. Donceel: 10 (1754). Neuvice: 11, 13. Puits-en-Sock: 38, 59. Saint-Gilles: 18. Place Coronmeuse 26 (AN - MDCCLXV - NO): apogée du style Régence. Saint-Hubert: 13. Velbruck: 2.
La façade méridionale du Palais date de l'année 1737. Elle fut construite en pierres de Meuse, sur les plans de l'architecte bruxellois Anneessens, après l'incendie de 1734 qui dévora toute cette partie de l'imposant édifice.
Elle comprend un avant-corps central et deux ailes percées de sept ouvertures à chacune de ses quatre divisions: soubassement (portes et fenêtres), rez-de-chaussée et premier étage (fenêtres), deuxième étage (mezzanines). Dans la partie de gauche, sont les appartements du gouverneur de la province; dans celle de droite, les locaux des Institutions judiciaires.
Le linteau des baies est légèrement arqué et mouluré. L'agrafe centrale évoque, par son dessin, le souvenir de la feuille d'acanthe, et elle porte, en son milieu, une mâcle de rappel du blason princier.
Le portique est orné de six belles colonnes monolithes en calcaire de Seilles et de quatre pilastres d'ordre ionique. Il supporte deux autres colonnes et huit pilastres d'ordre corinthien encadrant une large porte-fenêtre cintrée qui s'ouvre sur un balconnet.
Les armoiries du prince Georges-Louis de Berghes, avec ses ornements et ses attributs, figuraient dans le fronton de 1737. Elles furent hachées sous la Révolution et rétablies en 1894 ainsi que l'inscription suivante, qui rappelle, avec l'incendie de 1734, les largesses des Etats, du clergé et de la cité, qui permirent de réparer les dégâts
GIORGIVS LVDOVICVS EPISCOPVS ET PRINCEPS - LEODIENSIS PALATIVM PER INCENDIVM - EX PARTE DESTRVCTVM - RESTAVRAVIT EX MVNIFICENTIA - STATVVM CLERI ET CIVITATIS - ANNO 1737.
L'avant-corps central est couronné par une calotte que domine un campanile pourvu d'un cadran horaire.
La façade méridionale de la caserne Saint-Laurent (ancienne abbaye du même nom) fut construite en 1758 par Barthélemy Digneffe sous l'abbatiat de Grégoire Lembor (1718-1760). Elle a 102 mètres de longueur. Elle comprend deux grands étages qui s'élèvent sur un soubassement en pierres de taille, rachetant en grande partie la différence de niveau qui existe entre la cour et le jardin. Elle présente trois avant-corps qui sont amortis par des frontons curvilignes dont les tympans sont ornés de sculptures; celui du milieu a plus d'ampleur que les deux autres et il est couronné par un dôme à base carrée supportant un vase de grande dimension.
La façade latérale a une longueur de 72 m. Elle est ornée, comme la façade principale, de trois avant-corps surmontés de frontons historiés. Les frontons centraux sont ornés des armoiries de l'abbé Grégoire Lembor tandis que les frontons latéraux présentent le gril, emblème du martyre du patron de l'ancien monastère.
C. Le style Louis XV
Le style Louis XV est loin d'embrasser la totalité du règne de ce roi. On admet généralement qu'il commence au jour de la majorité de ce monarque, c'est-à-dire en 1723 et qu'il finit vers 1750. Il ne paraît à Liège que vers 1760.
A ce moment, le Liégeois Jacques- Barthélemy Reno (1729-1786) suivait les cours de l'Académie royale d'architecture de France, à Paris. Les constructions du grand règne et les premières manifestations du style serein et délicat qu'est le Louis XVI exercèrent sur son esprit, la plus heureuse influence qui l'éloigna des conceptions maniérées du style Louis XV. De retour dans sa patrie, il sacrifia sans doute à la mode qu'il avait vu appliquer dans la Ville-Lumière. Il construisit notamment dans ce style, le portail de l'église SaintBarthélemy et intervint probablement dans la décoration de cette ancienne collégiale, une des mieux réussies du XVIIIe siècle. Mais il adopta résolument le style Louis XVI, dans lequel il excella.
Son compatriote Barthélemy Digneffe (1724-1784) a montré pendant assez longtemps, une préférence pour le style rocaille et ce n'est qu'en 1780 qu'il parvint à s'en affranchir complètement en construisant à Liège, en style Louis XVI, l'ancien hôtel de Hayme de Bornal, aujourd'hui Musée d'Armes.
La rocaille constitue l'élément le plus important de la décoration Louis XV. Elle consiste dans des imitations de rochers naturels, des coquilles, des coquillages de toutes sortes et pétrifications mêlées à des palmes et à des rinceaux, des reproductions synthétiques de l'eau qui coule en cascade, des stalactites et des agréments botaniques.
Les artistes ont su tirer, de l'imitation des coquillages, une décoration extrêmement jolie, mais ils se sont plus encore à contrarier davantage ces formes auxquelles la nature avait cependant prodigué toutes ses fantaisies. Ils ont créé de charmants motifs qui furent appliqués aussi bien au mobilier qu'à la construction. La coquille Louis XV est quelquefois la coquille naturelle, mais elle est aussi et plus souvent encore, une coquille formée de feuilles tridentées, recreusées et ajourées, ou percées de trous concentriques.
La symétrie, qui était de règle sous le grand règne, s'emploie toujours dans les grandes lignes et dans les motifs principaux; mais elle est souvent abandonnée dans les ornements qui se roulent et se retournent en sens inverses de la manière la plus capricieuse, sans pourtant faire disparaître les axes qui, de réguliers, deviennent obliques.
La rocaille n'a fait, à Liège, qu'une timide apparition, au couronnement de quelques baies, où elle se montre très sobre. Cependant, elle s'est étalée largement dans de nombreux intérieurs, notamment, comme nous l'avons dit plus haut, à Saint-Barthélemy, puis à Saint-Denis et à Saint-Antoine, ensuite, au Palais, dans la Salle du jury de la Cour d'assises, la Salle du Trône, la Bibliothèque du barreau et le Greffe du tribunal. (Le Bureau du président de la Cour d'appel et celui du procureur général sont des reconstructions.)
Les maisons suivantes sont construites en style Louis XV: Hors-Château: 5. Place du Marché: 23, 25. Fond-SaintServais: 12, 16 (arrière-bâtiment). Saint-Hubert: 33, 35, 37, 39, 41, 43 (vaste hôtel de maître dont les arrière-bâtiments sont aujourd'hui divisés en plusieurs maisons). Quai des Tanneurs: 11 (1759). Entre-deux-Ponts: 41. Ecoliers : 20 (1763. A la Pomme d'or).
D. Le style Louis XVI
Le style Louis XVI marque le retour de l'art français à l'art antique dont seul le style Louis XV s'était affranchi. Il puisa dans l'éternelle source d'inspiration des artistes, non pas une formule majestueuse, grandiose, un peu lourde, comme le style Louis XIV, mais un art léger, gracieux, d'une élégante sobriété, où triomphent la ligne droite et la symétrie. L'aspect parfois sévère de ses compositions est tempéré par une ornementation pleine de mesure et exécutée avec un soin extrême.
Le style Louis XVI emprunte à l'art antique: les perles, les oves, les rais-de-coeurs, les grecques, les olives. Il doit à l'influence de Diderot, l'apôtre de la simplicité des moeurs et le partisan de la suprématie de la sensibilité sur l'intelligence, en matière artistique, les attributs sentimentaux: coeurs percés d'une flèche, carquois, torches enflammées, oiseaux se becquetant, etc.; il doit au prestige de J.-J. Rousseau, qui prône également le retour à la vie simple en même temps que l'amour de la nature, les attributs champêtres: instruments aratoires, guirlandes de feuillages ou de fleurettes, ruches d'abeilles, paniers d'osier, etc.
Il convient d'ajouter à ces éléments décoratifs, les instruments de musique, les attributs des sciences et des arts, le noeud de rubans, les enfilages de disques, de fleurs ou de figures curvilignes posés obliquement, etc.
Il résulte de l'emploi de tous ces ornements, un savoureux mélange d'archaïsme et de naturalisme, qui est une des caractéristiques et une des séductions du style Louis XVI.
Ce style commence en France vers l'année 1750. II comprend environ une moitié du règne de Louis XV et le règne tout entier de Louis XVI. Il y a un décalage d'une trentaine d'années pour Liège.
J.-B. Renoz a construit à Liège, dans ce style, quelques immeubles importants parmi lesquels nous citerons ceux qui sont situés dans les endroits suivants: rue Joffre (Banque Générale), place de la République Française (local de la Société littéraire), place des Carmes 10. Son chef-d'oeuvre est l'hôtel de ville de Verviers.
Le premier stade de l'évolution du style Louis XVI est marqué, dans les constructions liégeoises, par un linteau courbe à clé couronnée de guirlandes. Dans le second stade, l'agrafe devient plus rare, parce que la plate-bande remplace souvent l'arc.
1. - LE MUSEE D'ARMES.
L'immeuble affecté aujourd'hui au MUSEE D'ARMES, au quai de Maestricht, fut construit en 1780, comme nous l'avons dit au chapitre précédent, par l'architecte liégeois Barhélemy Digneffe, pour Jean-Baptiste de Hayme de Bornal, qui fut trois fois bourgmestre de Liège (en 1762, en 1767 et en 1778). C'est une vaste construction qui s'étend sur une superficie de 800 mètres carrés, y compris les 280 mètres carrés de cour, du quai de Maestricht à la rue Féronstrée, où elle montre une façade en briques avec encadrements de pierres aux portes, aux fenêtres et aux montants angulaires.
La façade principale est construite en pierres de Meuse. Elle comprend quatre divisions horizontales: un rez-dechaussée, deux étages et des combles et cinq divisions verticales séparées par six pilastres. Ces derniers sont à bossages au rez-de-chaussée et à refends aux étages; ils montent de fond et se terminent par un chapiteau qui fait office de console pour la corniche; la console est ornée d'une fleurette et d'une guirlande qui tombe sur sa partie inférieure creusée de triglyphes et s'achevant en guttules.
Toutes les fenêtres sont pourvues de grands carreaux. Au rez-de-chaussée et au comble mansardé, les linteaux sont en arc surbaissé; aux étages, ils sont droits et décorés, au premier étage, d'un enfilage de piastres et au second, d'une légère guirlande avec noeuds. La corniche est soulignée par une moulure tirée entre les chapiteaux. Les combles sont à deux égouts, mais à rampants brisés: le vrai est percé de lucarnes à la Mansard.
La composition est un peu lourde et sévère, mais elle est d'inspiration bien française et ce n'est pas un effet du hasard que cette habitation ait été adoptée, en 1800, par le représentant de la République Française Desmousseaux, pour y installer les bureaux de la Préfecture du département de l'Ourthe.
Le « bel étage » du Musée d'Armes offre une suite de quatre pièces qui se commandent; elles ont conservé une décoration en stucs et en peintures, des dorures et des cheminées qui s'harmonisent très bien avec leurs belles proportions.
On y accède par un escalier garni d'une rampe en fer forgé qui se trouve au fond d'un large porche. Le palier qui les précède, est éclairé par une haute fenêtre prenant jour sur la cour. Des grisailles ornent les dessus de portes.
La première pièce est la salle d'apparat. De vastes dimensions, elle est éclairée par trois grandes fenêtres et elle offre une ordonnance de pilastres cannelés et rudentés de baguettes enrubannées. Les chapiteaux sont garnis de guirlandes de fleurs. Des médaillons de forme ovale ornent les trumeaux et les entre-pilastres. Ils présentent des amours symbolisant les arts et les sciences. Le plafond est dû au peintre liégeois Lovinfosse; il montre des putti folâtrant dans les nuages d'un ciel orageux.
Les deux ouvrants de la porte donnent sur le salon des glaces; ils sont ornés de sculptures représentant des instruments de musique et ils sont surmontés d'un motif en stuc où sont figurés cinq bambins jouant avec un bouc. Le salon des glaces tire son nom des glaces qui couvrent ses quatre parois et qui sont ornées de sculptures dues à De Tombay rappelant des végétaux exotiques et indigènes: palmiers, vignes, ajoncs.
La troisième pièce est une rotonde divisée en huit sections occupées par des portes et des fenêtres. Dans les trumeaux: des rubans, des chutes de feuilles et de fleurs, des guirlandes, des branches croisées. Au-dessus des portes des stucs représentant des déesses.
La quatrième pièce est terminée par l'alcôve de l'empereur Napoléon, qui y logea, comme Premier Consul, le 1 et le 2 août 1803, avec sa première femme Joséphine de Beauharnais, et comme empereur avec sa seconde femme, MarieLouise, le 7 novembre 1811.
2. - AUTRES CONSTRUCTIONS.
Hors-Château: 9, 49. Potay: 31. Féronstrée: 15, 95, 129, 160. Saint-Martin: 36. Agimont: 9. Place de la République Française: 7 (local de la Société littéraire): les pierres de sable proviennent de l'ancienne église Saint-Mathieu, sur l'emplacement de laquelle l'immeuble fut construit par J.-B. Renoz et achevé par son fils en 1787. Joffre (Banque Générale). Quai de la Batte: 30. Quai Saint-Léonard: 39. Place Coronmeuse: 21 (la coupole de la rotonde est supportée par des colonnes où s'enroulent des anguilles, en souvenir d'un ancien bassin qui se trouvait en cet endroit). Place du Marché (porte d'entrée de l'ancienne église Saint-André): 1772. Morinval: 77 (1770). Place des Carmes: 10 (belle habitation française construite par Renoz). Sainte-Marguerite: 110 (1771). Place Saint-Jacques: 8. Surla-Fontaine: 114. Saint-Séverin: 10. Puits-en-Sock: 29. Entre-deux-Ponts: 27, 29. Place Saint-Pholien: 11 (grande maison du XVIe siècle modernisée à l'époque Louis XVI). Quai des Tanneurs: 10 et 37. Chaussée-des-Prés: 2.
E. Le style pseudo-byzantin
Le dôme devint un élément architectural religieux à Liège, vers la fin du XVIIe siècle et le resta pendant tout le XVIIIe. Toutes les églises élevées à cette époque sont surmontées d'une coupole: Sainte-Catherine (fin du XVIIIe siècle), les Minimes (1690 - 1715), les Dominicains (17001710, démolie en 1827), les Chartreux, à Cornillon (1708, démolie en 1797) l'avant-corps central de l'ancienne abbaye de Saint-Laurent (1758) et l'église du Séminaire (1762), deux oeuvres de B. Digneffe, Saint-Jean-l'Evangéliste (1754), les Augustins (1766) et Saint-André (1772), trois oeuvres de J.-B. Renoz.
La première grande coupole construite en Belgique fut celle de Notre-Dame d'Hanswyck (1663 - 1678) ; en France, celle de l'église de la Sorbonne, à Paris, sous le règne de Louis XIII; en Italie, celle de Sainte-Marie-des-Fleurs, à Florence, en 1434.
Ce fut Brunellesco, le constructeur de cette dernière église, qui retrouva la tradition perdue depuis plusieurs siècles.
La coupole est le signe le plus caractéristique du style byzantin; elle n'est cependant pas une invention des architectes byzantins, car les Romains, bien avant eux, l'avaient connue et pratiquée: le Panthéon aussi bien que les Thermes d'Antonin Caracalla en offraient d'admirables modèles.
Sainte-Sophie de Constantinople, construite au VIe siècle sur plan carré, est le prototype de cette architecture. La basilique de Saint-Vital de Ravenne fut bâtie à la même époque sur plan octogonal avec coupole centrale. Charlemagne fit construire à Aix-la-Chapelle, une église sur le modèle de Saint-Vital de Ravenne, et une chapelle non moins remarquable, dans son château de Nimègue.
Etant donnés le prestige et l'influence que Byzance exerçait sur le monde occidental, il n'y a rien d'étonnant qu'on ait essayé d'acclimater ce nouveau style, en Italie d'abord, puis dans la Gaule. Empruntant soit le plan carré de SainteSophie, soit la forme en rotonde ou la forme octogonale de l'église des Saints-Serge-et-Bacchus, l'église à coupole passa d'Orient en Occident, à des époques différentes, assez éloignées même, en prenant des routes mal connues et insuffisamment expliquées (Saint-Vital de Ravenne, les chapelles palatines de Charlemagne, à Aix-la-Chapelle et à Nimègue, Saint-Front de Périgueux, la cathédrale d'Angoulème, SaintJean-l'Evangéliste, de Liège).
1. - SAINT-JEAN-L'EVANGELISTE
L'ancienne collégiale avait la forme d'une rotonde couronnée par un dôme octogonal que recouvrait un toit obtus. La rotonde et le dôme avaient pour tout ornement extérieur, les fenêtres en plein cintre dont ils étaient percés et les bandes lombardes reliées, sous la corniche, par des arcatures. L'intérieur de l'église présentait deux rangs d'arcades superposés.
Vers le milieu du XVIIIe siècle, cette église était très délabrée: les voûtes de la rotonde et des nefs présentaient de grandes crevasses, le dôme menaçait de s'écrouler en entraînant avec lui, le choeur et les bâtiments voisins; des débris de charpente, des pierres, des fragments de plâtras jonchaient le pavé.
Le chapitre collégial décida de faire reconstruire l'édifice; il désirait conserver les dispositions générales de l'ancien monument ainsi que les fondations de l'oeuvre de Notger. Il reçut les projets de deux Italiens Pizzoni, qui avait conçu les plans de l'église Saint-Aubin à Namur, et Fagni, ainsi qu'un avis très motivé de Barthélemy Digneffe. Il soumit les deux premiers à l'appréciation de l'Académie royale d'architecture de France, qui arrêta son choix sur les plans de Pizzoni. Ceux-ci furent confiés à J.-B. Renoz avec mission de bâtir le nouveau temple.
Mais les fondements primitifs n'avaient pas assez de consistance et le mortier se désagrégeait. Il fallait tout renouveler. Renoz apporta quelques changements au plan de son collègue et se mit à l'oeuvre sans tarder. Le 14 juin 1754, on procéda à la pose solennelle de la première pierre, mais l'église ne put être consacrée qu'au mois de mai 1760, à cause de la pénurie des ressources. Le dôme était alors surmonté dun globe supportant un aigle doublement symbolique, comme blason de l'Empire et comme attribut de l'apôtre dont l'église porte le vocable.
La rotonde est de forme octogonale; elle a 32 m. de diamètre intérieur; le choeur s'ouvre dans l'un des côtés, tandis que le porche se trouve à l'opposite.
Des piliers superposés d'ordres corinthien et composite supportent le dôme, dont le diamètre entre les colonnes est de 16 mètres, la hauteur à l'intérieur, 34 m. et à l'extérieur, 40 m. Autour des colonnes, règne une galerie dont les six côtés sont formés de riches chapelles fermées par des balustrades de cuivre.
La décoration est en marbre ou en imitation de marbre blanc et noir.
2. - EGLISE SAINT-ANDRE
L'ancienne église saint André, aujourd'hui local de la Bourse du Commerce place du Marché, fut construite en 950. Le désastre de 1468 la réduisit en cendres.
J.-B. Renoz la rebâtit en 1772, ainsi que l'indique le chronogramme suivant inscrit au-dessus du balcon qui surmonte l'élégant portail: DEl PARAE AC ANDREAE COELO PROVIDENTE EXTRVOR.
L'église est bâtie sur plan circulaire avec six chapelles hémisphériques rayonnantes dont l'une, servant d'entrée au temple, est coupée à mi-hauteur, par le plafond de la tribune du jubé et l'autre, située en face, constitue le choeur.
Les quatre autres chapelles sont voûtées en cul-de-four et décorées de pilastres d'ordre corinthien parfaitement classique: la corniche de l'entablement comporte des modillons avec feuilles d'acanthe, de petits caissons entre ces modillons et des courants d'ornements avec oves et perles.
La rotonde est couronnée d'une coupole de 36 m. de hauteur, qui présente à l'extérieur, 12 pans couverts d'ardoises et surmontés d'un petit bulbe. Elle fait partie du panorama familier de la ville.
Le tambour qui soutient cette coupole est orné de pilastres composites et de médaillons entourés de guirlandes, de feuilles, de fruits et de rubans, qui ne paraissent pas avoir été conçus par Renoz, pas plus que les fenêtres en anses de panier qui, extérieurement, sont en plein cintre et encadrés de chaînages de pierres de taille.
Le contour de la tribune offre une ligne gracieuse.
Un espace carré précède le choeur; il est éclairé par des fenêtres surmontées de fenêtres-attiques en plein cintre et couvert par une petite coupole sur pendentifs.
Les pilastres, d'ordre dorique, reposent directement sur la plinthe.
3. - L'EGLISE DES AUGUSTINS
L'église des Augustins, au boulevard d'Avroy, a remplacé l'ancienne église du couvent des Augustins chaussés, qui fut consacrée en 1527.
Des pilastres accouplés d'ordre composite à fût lisse, reposant sur une plinthe, occupent toute la hauteur de la façade. Ils encadrent la porte d'entrée et supportent un entablement que couronne un fronton triangulaire orné des armoiries du prince-évêque Charles d'Oultremont.
Au-dessus du portail, un trait de la légende de saint Augustin, exécuté en bas-relief, est finement sculpté dans six grandes pierres de taille. Plus bas, un autre bas-relief représente saint jean l'Evangéliste. Ces deux bas-reliefs sont dus au Liégeois A.-P. Franck (1723-1796).
L'édifice est surmonté d'un dôme à pans inégaux recouverts d'ardoises.
Une tour carrée en briques, également couverte d'ardoises, s'élève derrière le choeur.
La nef est construite sur plan octogonal. Les quatre petits pans de l'octogone forment piliers et reçoivent les retombées des quatre pendentifs trapézoïdaux qui supportent la coupole hémisphérique.
Les quatre grands côtés sont évidés et forment des baies en plein cintre qui sont prolongées par des espaces couverts de voûtes en berceau dont deux sont occupés par des chapelles latérales, et le troisième, par la porte d'entrée.
Les voûtes vont buter contre un tympan percé d'une baie semi-circulaire.
Le quatrième espace comprend le choeur; il se compose de deux travées avec fenêtres précédant un hémicycle couvert par une voûte en cul-de-four.
Les grands pilastres décorant les murs et les piliers sont de l'ordre composite.
L'ornementation se ressent de l'influence du style Louis XVI.
4. - L'EGLISE DU SEMINAIRE
L'église du séminaire est la construction religieuse la plus remarquable de Barthélemy Digneffe. Elle fut commencée sous l'abbé L. Buisman en 1762, comme l'indiquent les chronogrammes et le millésime suivants gravés dans son frontispice: ADORAMIBVs TE IN LOCO SANCTO TVO - DEO OPTIMO PIISQVE PATR0NIS CORNELIO ET CIPRIANO - PONIT ET CONSECRAT LEONARDVS BVISMAN. MDCCLXII.
Elle fut consacrée le 25 janvier 1770.
La disposition intérieure est nettement indiquée par les façades extérieures, dont la principale, composée d'un ordre dorique en pilastres, se présente sur un large parvis au-dessus d'un perron de plusieurs marches.
Le plan affecte la forme d'une croix latine figurée en sens inverse.
L'ornementation fondamentale est une ordonnance corinthienne en pilastres.
Le transept est couronné d'une calotte sphérique reposant sur pendentifs, le choeur, d'une voûte en berceau, et chacun des hémicycles, d'un cul-de-four.
Une tour carrée en briques surmontée d'un bulbe avec flèche s'élève derrière le choeur.
|