I - Le style roman rhénan
Le style roman est né après l'effondrement du grand empire carolingien, au moment où la féodalité triomphante s'était établie dans une multiplicité de petits états presque continuellement en guerre les uns contre les autres. Les moines seuls jouissaient d'une organisation sociale au milieu de toute cette instabilité. C'est dans leurs couvents, que les savants et les artistes avaient trouvé un asile inviolable et que l'on conservait les précieux ouvrages anciens.
L'architecture était alors la science sacrée. Tout abbé était architecte; tout doyen ou prévôt d'une communauté devait être capable de tracer un plan, de diriger la construction d'une église, le monument par excellence de cette époque. L'évêque même devait présider à l'édification de sa cathédrale.
L'architecture romane est sortie de ces paisibles retraites; c'est pourquoi on l'appelle encore l'architecture monastique. Elle embrasse les XIe et XIIe siècles tout entiers et se prolonge, dans certaines régions, notamment en Allemagne, jusqu'au milieu du XIIIe siècle. Elle comprend trois grandes écoles: la Lombarde, la Rhénane et la Française, qui correspondent assez bien, sous le rapport géographique, aux trois divisions que comportait, vers l'an mille, l'ancien empire de Charlemagne: le nord de l'Italie, le Saint-Empire romain germanique et le royaume de France.
Chacune de ces écoles comprend plusieurs foyers artistiques qui s'appliquent tous, à résoudre le problème de la substitution de la voûte de pierre, au plafond en bois de la basilique latine qui, lors des incendies, si fréquents à cette époque d'incursions des Normands, est rapidement gagné par les flammes et provoque l'écroulement d'une grande partie de l'édifice.
La plupart l'ont résolu par des méthodes différentes les unes des autres, découlant des ressources locales, des difficultés techniques et du degré d'habileté des exécutants, ce qui a amené une grande variété dans ses manifestations, contrairement à une opinion mal fondée, qui est encore très répandue aujourd'hui.
La voûte est donc l'élément caractéristique de l'architecture romane, non seulement à cause de son emploi, pour elle-même, mais surtout pour les dispositions constructives spéciales qu'elle exige. Elle exerce en effet sur ses masses portantes, une poussée latérale continue, que l'on parvient à neutraliser par la construction de murs très épais flanqués de contreforts, et par l'application d'arcs doubleaux reposant sur de gros piliers. Ces nécessités techniques donnent un caractère grave, austère, aux églises, qui ressemblent presque à des forteresses, surtout celles de chez nous, qui sont précédées d'un puissant narthex en forme de donjon. Ce n'est pas encore l'église triomphante, mais c'est l'église militante, symbole d'un temps où se constituent des ordres monastiques militaires et où Liège ne tardera pas à posséder deux communautés de moines-soldats: les Croisiers et les chevaliers Teutoniques.
Le voûtement de la nef principale exige l'emploi, dans les bas-côtés, soit d'un demi-berceau continu, soit d'une série de berceaux ayant leur axe longitudinal perpendiculaire à celui des collatéraux. Ces deux systèmes de contrebutements présentent l'inconvénient d'empêcher le percement de fenêtres dans les murailles hautes; il en résulte que la partie principale de l'église ne reçoit de jour, que par les fenêtres des nefs basses et se trouve ainsi dans une obscurité relative.
Le système de la voûte fut appliqué d'abord à la crypte (voûte en berceau ou voûte d'arêtes) puis à l'abside (voûte en cul-de-four) et au choeur, ensuite aux bas-côtés et enfin, chez nous, à la nef principale, mais après trois siècles de tâtonnements et de recherches, dès le milieu du XIIe siècle, l'art roman avait atteint presque partout son apogée.
D'une façon générale, les églises romanes sont construites sur un plan ayant la forme d'une croix latine; celles qui le sont sur plan en forme de croix grecque ou en forme polygonale, sont couvertes d'une voûte en coupole avec trompes ou pendentifs. Elles sont toujours orientées le choeur, à l'est, et la tour, à l'ouest.
Les églises de Liège, qui furent autrefois collégiales (Saint-Jean-l'Evangéliste, Sainte-Croix, Saint-Denis, SaintBarthélemy, Saint-Paul et Saint-Martin), abbatiales (SaintJacques et Saint-Gilles), priorale (Cornillon) ou paroissiale (Saint-Servais) ont conservé des vestiges plus ou moins importants de leur origine lointaine, ainsi que l'antique cathédrale Saint-Lambert. Elles laissent voir, dans leurs nefs, leurs fenêtres, leurs portes et leurs arcatures, l'arc en plein cintre, qui peut être considéré comme le meilleur critérium pour distinguer les édifices de style roman. Mais, certaines d'entre elles révèlent quelques caractères particuliers qui les rattachent à l'école rhénane, dont l'église des SaintsApôtres de Cologne constitue un beau spécimen: narthex ou avant-corps, double choeur, tour-lanterne occidentale, abside avec galeries ajourées, pilastres de faible saillie appelés bandes lombardes, chapiteau cubique, entrée latérale au nord ou au sud ou bien aux deux côtés à la fois. Ce fait s'explique parce que, après le traité de Verdun de 843, la Lotharingie, dont l'évêché de Liège faisait partie, était dans la mouvance politique de l'Allemagne et elle était orientée économiquement, vers le Rhin et vers Cologne, laquelle fut, jusqu'aux premières années du XIIIe siècle, la grande et l'unique métropole commerciale de la vallée rhénane.
1. - L'EGLISE SAINT-JEAN-L'EVANGELISTE.
La collégiale de Saint-Jean-l'Evangéliste fut bâtie sur le modèle du dôme d'Aix-la-Chapelle, par le prince-évêque Notger, qui régna de 972 à 1008; elle fut achevée en 997.
L'église actuelle constitue un ensemble assez hétéroclite formé de trois corps de bâtiments bien distincts: la tour, la nef et le choeur; les deux derniers ont été construits en 1754, par l'architecte liégeois Jacques Barthélemy Renoz. Le dôme, à huit pans, est célèbre dans le panorama liégeois. Il est le couronnement naturel de la nef, qui est de forme octogonale.
La construction notgérienne se bornait à cette nef. Renoz en a respecté le plan terrier; elle a encore maintenant les dimensions de la chapelle palatine de Charlemagne: 15 mètres entre les piliers, et 28 mètres entre les murs extérieurs. Mais, dans l'élévation, il a appliqué l'art tout nouveau du XVIIIe siècle, en supprimant la tribune de l'étage.
L'intérieur est orné de marbre blanc et noir. Des ordonnances corinthiennes et composites sont superposées et donnent une grande hauteur au dôme. Autour de l'octogone du rez-de-chaussée, règne une nef basse circulaire, sur laquelle sont greffées des chapelles peu saillantes.
La tour est postérieure à la construction primitive. Son appareil en moellons de grès houiller est beaucoup moins fruste que celui de Saint-Denis. Elle a subi de nombreuses restaurations. Ses angles sont renforcés par des bandes lombardes. Elle présente deux parties qui sont d'âge différent: La partie inférieure daterait du XIe siècle; le rez-de-chaussée a dû servir de choeur occidental. Dans la chapelle de l'étage, l'archevêque de Cologne, Annon, a fait une dédicace en 1071.
La partie supérieure semble avoir été bâtie vers l'an 1200: les arcatures qui courent sous la corniche, les bandes lombardes qui la consolident, tout en l'ornant, et les fenêtres géminées sont bien de cette époque.
Trois faces de la tour sont percées de fenêtres géminées, qui sont disposées sous un arc brisé en forme de tore et surmonté d'un arc de décharge. Le tympan de gauche est ajouré d'un oculus circulaire, et celui de droite, d'un trilobe. Les extrémités des petits pleins-cintres retombent, au milieu, sur une colonnette à chapiteau cubique et, aux angles, sur une colonnette, qui est une colonne en miniature; on y distingue le fût, le chapiteau à crochets et la base, ornée d'un tore, qui repose sur un socle carré.
Les faces méridionale et septentrionale de la tour sont flanquées de tourelles engagées, qui sont percées d'ouvertures servant à l'éclairage de la cage d'escalier intérieure. Ces tourelles sont coiffées d'un toit octogonal en poivrière et elles sont ornées d'arcatures courant sous leurs corniches. Des baies jumelées les éclairent. Leurs cintres reposent sur le large tailloir d'une colonnette centrale en calcaire et, aux angles, sur l'abaque d'une colonnette plus mince, ornée d'un chapiteau à crochets. Les tympans sont aveugles.
2. - L'ABSIDE OCCIDENTALE DE L'EGLISE SAINTE-CROIX.
La collégiale de Sainte-Croix fut fondée par Notger et consacrée le 23 octobre 986.
Vue du bas de la ville, l'église apparaît comme un ancien burg, dont elle a d'ailleurs pris l'emplacement.
A côté du choeur, sur le croisillon sud, est greffée une petite chapelle dont le chevet semble appartenir à la construction primitive.
Une seconde abside, narthex ou westbau, fut ajoutée au début du XIIIe siècle; elle est de forme semi-circulaire et elle est semblable à celle de l'église des Saints-Apôtres de Cologne.
Sainte-Croix est la seule église de Belgique qui présente une abside à chaque extrémité de la grande nef. L'abside occidentale est ornée, à l'extérieur, de grands arcs qui encadrent les fenêtres ou alternent avec elles; les retombées se font sur des pilastres qui s'appuient sur un soubassement ou stylobate. Elle est couronnée d'une galerie de circulation ouverte, dont les petites arcades à plein cintre retombent sur des colonnettes. Elle repose sur une voûte en cul-de-four (demi-coupole). A la croisée, s'élève une tour-clocher octogonale, qui donne à l'édifice un aspect imposant. Chacun de ses huit pans et le gâble triangulaire qui le surmonte, sont percés de deux fenêtres-ouïes géminées et d'un oculus. Une flèche octogonale couverte d'ardoises domine toute la construction. Les quatre pans opposés de la tour sont flanqués, jusqu'à mi-hauteur, de tourelles rondes garnies de petites arcades ouvertes.
3. - L'EGLISE SAINT-DENIS.
La collégiale de Saint-Denis fut fondée en 987 par Nitard, trésorier du prince-évêque Notger, et ses frères jean et Godescale; elle fut consacrée par Notger, le 12 mars 990. Détruite complètement par un incendie, le prince la releva sur un autre plan en 1003, et son successeur Baldéric II (1008.1018) en fit la dédicace en 1011.
C'est la plus ancienne église de Liège qui soit restée debout. Les imposants vestiges qui en subsistent sont faits d'un appareil très grossier et très irrégulier (moellons non équarris « opus incertum », arcs mal bandés); ce sont: 1° les hauts murs gouttereaux de la grande nef, avec les arcades qui les portent; ils sont percés de hautes fenêtres cintrées surmontées d'arcs de décharge; 2° les quatre piliers des extrémités de la grande nef; 3° le bas du croisillon nord.
La tour fait penser, par sa forme et par sa situation, un immense pigeonnier. Elle a été construite peu de temps après l'église. C'est un massif quadrangulaire fruste et sans proportions, qui semble n'avoir jamais été terminé. Son appareil est fait de gros moellons de grès bien équarris, placés par assises horizontales et formant un parement uni. Elle est cantonnée de deux tourelles polygonales; celle du sud est percée d'une fenêtre géminée, ornée d'une colonnette centrale avec base pattée et chapiteau cubique, et surmontée d'un arc de décharge. Cette colonnette est entièrement neuve; elle a remplacé une ancienne, qui ne fut dégagée qu'en 1907, et qui était en trop mauvais état pour être conservée. Le bas de la tour est percé de deux fenêtres largement ébrasées, qui reposent sur des piédroits dont les claveaux présentent des angles en retrait les uns sur les autres.
Depuis l'heureuse restauration entreprise en 1885 par l'architecte gantois Auguste Van Assche, le rez-de-chaussée est redevenu le prolongement naturel de la grande nef et constitue une charmante chapelle romane affectée au service d'un baptistère. La colonne centrale, à chapiteau cubique et à base lombarde, fut posée aux jours mêmes du grand Notger. Le mur méridional est percé de deux portes à linteau triangulaire. Le pavement est en mosaïque et il reproduit un modèle du Xe siècle.
4. - LE NARTHEX DE L'EGLISE SAINT-JACQUES.
L'évêque Baldéric Il fonda une abbaye de moines bénédictins dans le quartier encore désert de l'lle pour expier la part personnelle qu'il avait prise, le 10 octobre 1013, à la sanglante bataille de Hougaerde, contre le comte de Louvain, Lambert Ier.
La première pierre fut posée le 26 août 1016, mais la dédicace ne put être faite que le 20 août 1030, par Réginard (1025-1037).
Le narthex comprenait autrefois un choeur, deux chapelles avec étage et il était surmonté de trois tours de grandes dimensions. On y distingue, à la façade occidentale, trois parties: 1° une base massive en pierres de grès houiller, qui doit remonter à la seconde moitié du XIe siècle; 2°, un exhaussement en briques, de forme triangulaire, qui fut placé peu après l'année 1651, à la suite de la destruction, par la foudre, d'une des tours, et de la démolition de l'autre, par les religieux; la tour octogonale, qui rappelle celle de Sainte-Croix et qui fut construite vers 1170, par l'abbé Drogon de Tinlot.
La façade occidentale est divisée en sept compartiments au moyen de huit bandes lombardes, et chacune des façades latérales, en trois. Ces contreforts-pilastres sont réunis à leur partie supérieure, par des arceaux géminés, qui forment une frise autour de l'édifice. La face méridionale a été percée en 1892, d'un porche très banal avec tympan et colonnettes.
La tour octogonale est un des plus beaux joyaux de l'architecture mosane. Chacune de ses faces est percée d'une fenêtre géminée, avec un oculus, dans le tympan, sous un arc de décharge; le fronton qui le couronne, est également percé d'un oculus circulaire. Les arcs reposent sur une colonnette centrale et sur deux colonnettes d'angles, dont les bases sont munies de griffes et les chapiteaux sont ornés de grandes feuilles charnues. Des colonnettes plus grandes sont placées aux angles extérieurs de la tour et soutiennent une frise d'arcatures entourant la construction. Les corniches sont ornées d'une ceinture de billettes semi-circulaires et semi-hexagonales.
A l'intérieur, le narthex est divisé en deux étages. Le rez-de-chaussée a des voûtes d'arêtes qui sont séparées par des arcs doubleaux massifs. Les trois travées ainsi formées correspondent probablement aux trois nefs de l'église primitive. La vaste salle du premier étage, à laquelle on accède, au moyen d'un escalier tournant, construit dans l'épaisseur du mur, est divisée également en trois travées, par des arcades massives. Aux quatre angles de la travée centrale, sont construites des trompes, qui permettent l'établissement de la tour octogonale sur une base carrée.
5. - L'EGLISE SAINT-BARTHELEMY.
La collégiale de Saint-Barthélemy fut fondée peu de temps après la mort de Notger, sous le règne de Baldéric II par Godescale de Morialmé, grand prévôt de Saint-Lambert. Elle fut consacrée le 30 octobre 1015 en présence d'Héribert, archevêque de Cologne. Cette construction, élevée extra muros, dans un endroit encore désert, devait être fort modeste.
L'église actuelle fut bâtie dans la seconde moitié du XIIe, siècle, ainsi que le prouvent les détails suivants:
1° à l'extérieur a) la construction des murs, par assises régulières de moellons de grès houiller, qui marque un progrès sensible sur la technique de Saint-Denis; b) la décoration des corniches, en arcatures fines et délicates, contrastant avec celles de Saint-Jacques;
2° à l'intérieur, l'harmonieuse alternance des supports qui se succèdent dans l'ordre suivant un énorme pilier cantonné de pilastres recevant les retombées des grands arcs du transept, ceux des bas-côtés et de la nef principale; puis, une colonne cylindrique; ensuite, un pilier rectangulaire suivi de deux colonnes cylindriques; enfin, un pilier rectangulaire, une colonne cylindrique et un pilastre engagé.
Tous ces supports ont été pourvus au XVIIIe siècle, de bases classiques et de chapiteaux ioniques.
Cette église, d'imposante structure et de vastes proportions, est le spécimen le meilleur et le plus complet de l'art roman du XIIe siècle à Liège.
L'avant-corps se compose d'un puissant narthex et de deux tours jumelles, qui émergent du westbau, dans l'axe des nefs latérales; le tout est bâti en grès houiller, tiré probablement du coteau voisin.
Le narthex a trois étages à l'extérieur, délimités par des cordons, et chaque côté est divisé en trois travées, séparées de bas en haut, par des bandes lombardes et au milieu, par des colonnes en calcaire. La face occidentale a été percée d'un portail en calcaire, à l'époque Louis XV, par l'architecte liégeois J. B. Renoz. Le fronton de ce portail est surmonté d'un oculus circulaire, qui servait à éclairer la chambre haute. La face méridionale présente deux baies qui sont placées d'une manière asymétrique, dans des arcades.
Les deux clochers caractérisent en quelque sorte, le panorama de la ville; ils rappellent ceux de Maria-Laach, en Allemagne. Ils ont deux étages et des gâbles ou frontons, que des cordons et des bandes lombardes divisent en panneaux percés de fenêtres géminées. Les gâbles portent sur leurs arrêtiers, les quatre faces losangiques d'une flèche pyramidale couverte d'ardoises.
Le narthex a servi à l'origine, de choeur occidental. Il comprenait une nef centrale, changée depuis, en porche et en jubé, et deux nefs latérales situées sous les tours. La voûte du choeur, en cul-de-four, existe encore et montre que le chevet du choeur occidental était une abside semi-circulaire, malgré que le mur fût plat à l'extérieur. On arrive, par un escalier en colimaçon, à l'étage des tribunes ou galeries, qui sont composées de trois arcades en plein cintre reposant sur de jolies colonnettes galbées dont les bases sont ornées de griffes ou pattes feuillées, et les chapiteaux, de volutes à palmettes surmontées d'un énorme tailloir. Ces colonnettes sont remarquables par la pureté de leurs moulures et par l'élégante sobriété de leurs sculptures végétales.
Le mur extérieur du choeur conserve des souvenirs d'une construction qui a existé en cet endroit. Le haut est percé de trois fenêtres romanes murées; le bas est divisé en trois arcades aveugles, en plein cintre, reposant sur des colonnes engagées, à chapiteau cubique, et aux angles du chevet, sur des pilastres. Ces arcades portent à leur sommet, des vestiges de voûtes et, à leur point d'appui, des traces d'arcs doubleaux. Ce bâtiment était une crypte; il communiquait par un escalier, avec un souterrain situé sous le choeur, qui était probablement une confession.
6. - L'EGLISE SAINT-GILLES.
L'ancienne abbatiale de Saint-Gilles fut bâtie en 1083, sur les terrains et sous les auspices de l'abbaye de SaintLaurent. Elle fut consacrée en 1126, par le prince-évêque Albéron Ier de Louvain (1121-1128).
Elle subit de nombreux remaniements au cours des siècles. En 1892, elle présentait trois étroites nefs romanes à piliers carrés et une grosse tour que l'on aperçoit de tous les points de la ville et qui est le lieu géodésique où passe la longitude orientale de Liège: 8° 14' 19" du méridien de Paris.
L'architecte gantois Auguste Van Assche fut alors chargé de la restaurer complètement. Il s'acquitta de sa difficile tâche, avec une grande habileté, en s'inspirant des églises romanes qui existent encore dans le pays. Il imagina de l'allonger en construisant à l'est, en prolongement de l'ancienne nef centrale, une jolie abside qui reproduit celle, aujourd'hui disparue, du prieuré de Saint-Nicolas-en-Glain, qui avait été consacrée le 22 juillet 1151, par l'évêque Henri de Leyen (1145-1164) et en édifiant à l'ouest, une seconde nef centrale avec deux bas-côtés. La tour fut contrebutée, au nord et au sud, par des croisillons placés en manière de transept. L'édifice, agrandi à peu près des deux tiers, forme un ensemble monumental qui a été reconsacré le 28 mai 1894, par l'évêque de Liège Victor Joseph Doutreloux.
Le deuxième étage de la tour reçoit la lumière par deux fenêtres dont la disposition en éventail est unique dans notre pays. La baie de chacune d'elles est partagée en trois sections, au moyen d'un linteau de faible épaisseur reposant sur une jolie colonnette romane en pierre, à base pattée, à fût cylindrique et à chapiteau orné de feuilles d'eau. La section cintrée est elle-même divisée en trois quartiers par deux rayons en pierre de même profil, partant du milieu du linteau et allant rejoindre obliquement la voussure.
Sous des séries de petites arcatures, chacune des quatre faces du troisième étage, qui est celui des cloches, est percée de deux grandes baies géminées avec colonnettes romanes et garnies d'abat-son. Des bandes lombardes consolident cet étage, aux angles, ainsi qu'entre les fenêtres.
La tour est coiffée d'une flèche pyramidale à quatre pans couverts d'ardoises.
Le rez-de-chaussée de la tour était autrefois entouré d'un grand espace quadrangulaire libre, qui était le narthex ou choeur occidental, réservé spécialement au culte dulique de Saint-Gilles, tandis que le choeur oriental servait à la célébration des offices canoniaux.
L'abside semi-circulaire présente extérieurement à sa partie supérieure, une belle galerie formée de colonnettes cylindriques, à bases attiques et à chapiteaux ornés de palmettes, sur lesquels s'appuient des arceaux en plein cintre dont les archivoltes sont faits de deux rangs de claveaux en retraite. Cette galerie est surmontée, à la naissance du toit de l'abside, d'un rang de corbeaux d'une forte saillie. La partie inférieure de l'abside est décorée de sept arcades dont trois sont percées de fenêtres.
7. - LA TOUR DE L'EGLISE DE CORNILLON.
L'église de Cornillon fut construite au début du XIIIe siècle, probablement par sainte julienne, qui fut prieure de la léproserie du lieu, de l'année 1200 à 1248.
Le choeur et la tour sont des vestiges très bien conservés de cet antique sanctuaire. Ils sont construits en moellons de grès de moyen appareil, placés par assises régulières.
La tour quadrangulaire est percée à l'étage, de meurtrières de la hauteur d'un homme et, sous le toit, de fenêtres géminées surmontées d'un oculus, le tout encadré par un arc commun. Les colonnes centrales ont un chapiteau orné de feuilles et de volutes.
La flèche pyramidale à quatre pans est supportée par des modillons en pierre dont la taille accuse le XIIIe siècle.
L'abside semi-circulaire du choeur a son chevet renforcé par des bandes lombardes reliées à une frise d'arcatures sous un cordon en forme de tore. Elle est percée de grandes fenêtres modernes. Le toit, à huit pans, est soutenu par des corbeaux semblables à ceux de la tour.
Le 30 septembre 1860, neuf moniales du couvent des Carmélites déchaussées du Potay furent installées dans l'antique retraite de sainte julienne, avec toute la pompe rituelle, par l'évêque de Liège, de Montpellier, accompagné de ses vicaires généraux et de plusieurs membres du chapitre de la cathédrale. Ce petit événement est rappelé dans un vitrail du transept nord de la cathédrale Saint-Paul.
8. - LA TOUR DE L'ÉGLISE SAINT-SERVAIS.
D'après Godefroid Kurth, l'église Saint-Servais aurait été construite en 933 par l'évêque Richaire (920-943). Elle est la seule des anciennes églises paroissiales de Liège qui soit restée debout.
La tour a subi de nombreux remaniements dans ses étages. Les murs de ses substructions, qui ont deux mètres d'épaisseur, pourraient bien être de cette époque. Elle a l'appareil grossier en grès houiller de nos édifices romans. Elle présente, dans sa face septentrionale, un grand arc en plein cintre, qui retombe maintenant sur le sol extérieur, lequel aura, sans doute, été exhaussé. Ses énormes claveaux sont grossièrement taillés et mal appareillés leurs joints ne se dirigent pas régulièrement vers le centre de l'axe.
La tour offre deux anomalies de construction elle est bâtie en hors-d'oeuvre au lieu de faire corps avec l'édifice, et elle est blottie derrière la partie oblique du choeur, à l'extrémité du bas-côté nord, au lieu d'être orientée à l'ouest, suivant une tradition toujours observée à cette époque.
9. - LES SUBSTRUCTIONS DE L'ANCIENNE CATHEDRALE SAINT-LAMBERT.
À la suite de fouilles sensationnelles qui furent pratiquées en 1907 dans le sous-sol de la place Saint-Lambert, sous la direction de l'Institut archéologique liégeois, on a dégagé des substructions de l'antique cathédrale Saint-Lambert, qui fut commencée par Notger et consacrée le 28 octobre 1015. Ravagée par un incendie en 1185, elle fut reconstruite en 1189, sur les mêmes fondements, qui ont survécu à la ruine de l'édifice, décrétée le 17 février 1793 et accomplie peu de temps après.
Le Conseil communal a fait aménager un caveau couvert d'un plafond en béton armé reposant sur les fondements de l'ancienne cathédrale et abritant une partie du pavement de l'église notgérienne, en même temps que les vestiges de diverses époques, qui furent découverts en cet endroit.
10. - VESTIGES DE L'EGLISE PRIMITIVE DE SAINT-PAUL
L'église primitive de Saint-Paul fut construite par l'évêque Eracle (959-971). Il en reste une cave sous les sacristies actuelles et un pan de muraille en grès houiller, dressé contre la face sud de la tour.
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